Catégorie : Sociologie

L’esprit du terrorisme, par Jean Baudrillard

 

Des événement mondiaux, nous en avions eu, de la mort de Diana au Mondial de football – ou des événements violents et réels, de guerres en génocides. Mais d’événement symbolique d’envergure mondiale, c’est-à-dire non seulement de diffusion mondiale, mais qui mette en échec la mondialisation elle-même, aucun. Tout au long de cette stagnation des années 1990, c’était la  » grève des événements «  (selon le mot de l’écrivain argentin Macedonio Fernandez). Eh bien, la grève est terminée. Les événements ont cessé de faire grève. Nous avons même affaire, avec les attentats de New York et du World Trade Center, à l’événement absolu, la  » mère «  des événements, à l’événement pur qui concentre en lui tous les événements qui n’ont jamais eu lieu.

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Quelle mémoire de l’esclavage ?

esprit

(Table ronde)

MAXIMIN Daniel, POCRAIN Stéphane et TAUBIRA Christiane

Pourquoi faire une loi instituant une commémoration de l’esclavage re­connu comme crime contre l’humanité ? En revenant sur l’origine de ce projet de loi, cette discussion contradictoire permet de comprendre les tenants et les aboutissants des demandes adressées au législateur.

ESPRIT – La loi Taubira, qui définit l’esclavage comme crime contre l’humanité, a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2001. Cinq ans après, quel bilan dressez-vous de l’adoption de cette loi ?

Christiane TAUBIRA – La loi est le fruit d’un travail laborieux mené pendant deux années et demie. Le projet de loi fut déposé en 1998 et la première lecture à l’Assemblée eut lieu en février 1999. Le projet a d’abord soulevé l’enthousiasme, surtout chez les responsables socialistes. Mais très vite, la perspective des conséquences possibles de la loi a gelé cet enthousiasme. Certains faiseurs d’opinion au sein du parti socialiste ont souhaité que le texte proposé soit réduit à un article déclaratoire, dans la lignée de ce qui fut fait pour le génocide arménien. L’article sur la réparation, qui visait à faire évaluer le préjudice et proposer des politiques publiques de réparation, a notamment posé problème.

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« Tête haute » de Memona Hinterman

— par Carole Condat —

À l’occasion de la sortie en librairie de Tête haute (Jean-Claude Lattès, 280 pages, 17 euros) qui retrace son parcours professionnel et personnel, nous avons rencontré Memona Hintermann. Journaliste singulière, femme spontanée, elle a accepté de s’exprimer sur des sujets de société comme l’école, l’intégration, la discrimination positive et de revenir sur son métier de journaliste.

Memona Hintermann est née à l’île de la Réunion d’un père indien musulman et d’une mère créole catholique. Issue d’un milieu très modeste, elle est la première bachelière de sa famille. Alors qu’elle poursuit des études de droit, elle remporte un concours organisé par l’ORTF de Saint-Denis de la Réunion et s’engage dans la voie du journa- lisme.

En 1974, âgée de 24 ans, elle arrive pour la première fois en France et travaille comme journaliste à FR3 Orléans. Depuis 25 ans, elle est grand reporter à France 3. De la chute du mur de Berlin en passant par les Bal- kans, l’Irak et l’Afghanistan, elle a couvert tous les temps forts de l’histoire immédiate. Aujour- d’hui, elle couvre principalement le Moyen-Orient.

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Pour faire de l’Un, il faut de l’autre

— par Roland Sabra —

« la prescription première du politique doit être la reconnaissance du particulier de l’altérité comme moment de l’universel de la citoyenneté. »

François Wahl

La Martinique importerait elle outre des marchandises, des conflits européens? Comment se fait-il que le conflit du Proche-Orient structure aujourd’hui la vie politique non seulement en France mais aussi en Martinique? L’émotion soulevée par la guerre du Liban en juillet 2006 débordait largement le cadre habituel de la sphère politique dans laquelle se déploient les protestations convenues de l’Association France-Palestine. N’a-ton pas vu des lycéennes que rien ne prédisposait à l’action militante s’émouvoir au point de demander dans leur établissement l’organisation de débats sur le conflit?

La réponse la plus communément acceptée est celle de la montée du communautarisme comme l’analyse avec brio Michel Feher dans un article de l’ouvrage passionnant écrit sous la direction de Didier et Eric Fassin, publié à la Découverte et qui s’intitule : « De la question sociale à la question raciale ».

Dans un monde marqué par la mondialisation et le risque d’uniformisation des modes de vie qui l’accompagne, on assisterait à un repli identitaire sur des communautés de proximité seuls vecteurs d’une construction identitaire autonome.

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Michel Onfray ou les contradictions d’un hédoniste

 

par Michel Herland

La réédition récente en Poche « Biblio essais » de deux ouvrages de Michel Onfray qui traitent directement de morale – en schématisant, d’abord le rapport à soi (La sculpture de soi – la morale esthétique, Grasset 1993 et Le Livre de Poche 2005, ci-après SS), puis le rapport aux autres (Politique du rebelle – traité de résistance et d’insoumission, Grasset 1997 et Le Livre de Poche 2006, PR) – est l’occasion de s’interroger sur la portée d’une œuvre plébiscitée par ce qu’il est convenu d’appeler le grand public cultivé mais souvent décriée par les philosophes patentés (1). De livres en livres, Michel Onfray se consacre à détruire les préjugés de toute sorte qui nous empêchent, selon lui, de vivre bien, et à proposer à la place une éthique hédoniste. Nul ne contestera l’intérêt de l’entreprise, d’autant qu’elle passe par la mise en évidence d’auteurs souvent injustement méconnus de l’histoire de la philosophie, tous ces marginaux en lesquels M.O. se retrouve davantage que dans les grands auteurs du programme. Il récuse en effet tout autant l’idéalisme de Platon ou de Hegel que le matérialisme de Marx et l’existentialisme sartrien.

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Une tête qui ne revient pas

Un entretien de A. Jacquard et J-B Pontalis

 

Albert Jacquard – Pour moi c’était évident, au moment où nous préparions le premier numéro du Genre humain, il fallait le consacrer à La science face au racisme. On y admettait, a priori, que le racisme est une tare. A l’époque, il me semblait clair que, pour lutter contre le racisme, comme contre n’importe quoi, contre le diable en général, la meilleure arme, c’est la science. Pourquoi? Parce que la science est ce merveilleux effort de l’homme pour se mettre en accord avec l’univers, pour voir clair en lui, pour être cohérent, rigoureux, lucide… Et puis, grâce à la biologie, on apportait avec le constat de l’impossibilité d’une définition de races humaines, un argument décisif. C’était sans doute prétentieux. En fait, grâce à la biologie, moi le généticien, je croyais permettre aux gens de voir plus clair en leur disant: «Une race, vous en parlez, mais de quoi s’agit-il?» Et je leur montrais qu’on ne peut pas la définir sans arbitraire ni sans ambiguïté. Cette démarche s’apparente aux théorèmes les plus fondamentaux, ceux qui démontrent qu’une question est mal posée, que telle affirmation est indécidable.

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L’Éthique selon Edgar Morin

 

Edgar Morin, La Méthode 6 – Éthique, Paris : Seuil, 2004.

 par Michel Herland

 

On ne présente pas Edgar Morin, personnalité éminente de l’intelligentsia française, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages parmi lesquels quelques essais sociologiques qui ont fait date (Les Stars, 1957, La Rumeur d’Orléans, 1969) et surtout une somme, La Méthode (1981-2004) dont le projet, fort ambitieux, ne vise pas moins qu’à changer notre regard sur le monde, sans rien dissimuler de sa complexité, grâce à une démarche systémique. En passant, malgré tout, peut-être un peu vite sur l’objection d’ordre épistémologique qui se présente d’emblée : Comment une telle méthode considère-t-elle la distinction qui existe inévitablement entre l’objet réel, éminemment complexe en effet, et l’objet de la connaissance, le « modèle », nécessairement simplificateur (1) ?  La reconnaissance de « la différence entre la réalité empirique et la forme théorique » (2) étant le point de départ de la démarche scientifique, toute tentative pour la tirer du côté du concret comporte donc un risque du point de vue de sa pertinence.

 Dans le 6ème et dernier volume de la Méthode (3), Edgar Morin (E.M.)

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« Entre assimilation et émancipation – L’Outre-Mer français dans l’impasse ? », de Thierry Michalon

une lecture de Selim Lander

Lire aussi la recension du Monde

 Quelques réflexions à propos d’un livre dirigé par Thierry Michalon

L’Outre-Mer français dans le piège.

une lecture de Selim Lander

La problématique de l’Outre-Mer français est probablement unique dans le monde. Ne serait-ce que parce que le processus de décolonisation a laissé dans la République française un certain nombre de territoires, généralement insulaires (mais la Guyane fait exception), qui se trouvent aujourd’hui enfermés dans une dépendance d’autant plus traumatisante qu’elle apparaît à tous comme une fatalité. Il faut donc saluer comme ils le méritent les efforts des vingt-six auteurs réunis par Thierry Michalon pour décrypter cette réalité éminemment complexe et qui résiste souvent à l’analyse (1).

 La dépendance « massive » à l’égard de la « Métropole » demeure la caractéristique commune à tous les territoires considérés qu’il faut étudier. On peut à cet égard regretter que les études transversales (qui couvrent l’ensemble du champ de l’Outre-Mer) restent minoritaires dans le recueil (8 sur 26), à égalité avec celles qui concernent la Martinique. Pour le reste, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Saint-Bartélémy-Saint-Martin ont droit chacune à deux contributions, tandis que la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte se voient consacrer chacune un article.

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Le satanisme, simple rébellion ou dérive sectaire ?

Livre. Un guide de la mission contre les sectes explique les codes et les rites du phénomène et met en garde sur les possibles endoctrinements.

 

 Par Bruno ICHER

 

QUOTIDIEN : Vendredi 20 octobre 2006 – 06:00

 

Faire, en un peu plus de 100 pages petit format, un tri cohérent dans le bazar référentiel qui hante satanisme, gothisme ou heavy metal, relevait de la mission suicide. Entre Nietzsche, J.-K. Huysmans, Anton LaVey, le créateur de l’Eglise satanique, des groupes comme Cradle of Filth ou les Rolling Stones, la confusion est à peu près totale dans le grand public. C’est pourtant le tour de force accompli par un ouvrage intitulé Satanisme, un risque de dérive sectaire (1).

Le livre effectue un résumé historique plus qu’honorable sur les origines des divers mouvements et s’attache systématiquement à discerner ce qui relève du folklore de l’authentique dérive sectaire. «Il n’y a rien de pire que de laisser un vide face à des peurs nées de fantasmes», résume Jean-Michel Roulet, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), qui a chapeauté cet ouvrage.

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Le créole et le monde

  — Par Pierre PINALIE —


C’est vrai que le créole est une langue, une langue qui appartient à la grande famille des langues du monde, une langue parlée par des millions de locuteurs et un outil qui véhicule une culture profonde et multiple. Effectivement, de la Guyane à la Réunion, ce mode d’expression à base lexicale française traduit l’esprit de lieux fort divers, de la même manière que les autres créoles qui peuvent avoir d’autres origines telles que l’anglais, le portugais ou l’espagnol. Bien sûr, comment pourrait-on omettre qu’en amont, c’est toujours le colonialisme européen qui a présidé à la naissance de ces codes ? Mais est-il indispensable de le rappeler en permanence ?

Le beau créole des Anciens

 En effet, les langues latines ne sont-elles pas les filles colonisées du latin, les descendantes du parler des maîtres romains ? Et c’est un fait historique, descriptible, admis, mais surtout digéré par les peuples latins. Et si l’on parle un baragouin sur un divan au pied d’un vasistas, est-on conscient de faire des emprunts à l’allemand, au turc, au persan, à l’arabe et au breton ?

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« Le commerce des pissotières » de Laud Humphreys

—Par Didier Eribon —

Un pionnier des études gays

Le sexe des pissotières

 

Dans l’Amérique des années 1960, Laud Humphreys a enquêté sur les rencontres homosexuelles dans les urinoirs

 

Dans « Querelle de Brest » aussi bien que dans son « Journal du voleur », Jean Genet a chanté la légende des toilettes publiques comme foyers de la drague homosexuelle. Plus récemment, avec le développement des recherches universitaires sur ces questions, des historiens ont reconstitué l’importance de ces lieux de rencontre dans la culture gay. Des théoriciens ont même exalté cette tradition du « sexe impersonnel » dans l’espace public pour l’opposer au retrait sur le « privé » que symbolise à leurs yeux la revendication du droit au mariage.

Mais l’on est en train de redécouvrir que, dès les années 1960, des sociologues américains s’étaient intéressés de très près à ces phénomènes et à ces pratiques. Dans le sillage des travaux fondateurs d’Erving Goffman et de Howard Becker, de nombreuses études furent menées sur différents aspects de ce qu’on désignait alors sous le terme général de « déviance ».

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« Lettres sur la Justice sociale à un ami de l’humanité » de Michel Herland

 

justice_sociale— Par Jacques Brasseul —

(Paris, Ed. Le Manuscrit, 2006, 334 p).

 

Le dernier ouvrage de Michel Herland, professeur à l’Université des Antilles-Guyane en Martinique, se présente comme une suite de onze lettres. Les dix premières présentent les principales théories concurrentes en matière de justice sociale. Sur la base de cette analyse comparée, la dernière lettre présente un certain nombre de propositions concrètes.

 

La méthode retenue par M.H. consiste à focaliser sur les quelques auteurs qui ont développé explicitement une théorie de la justice, à faire ressortir les logiques internes de chacune et le type de politiques qui en résulte. Il multiplie les citations, ce qui offre le double avantage de nous permettre de contrôler ses interprétations et de nous mettre en contact direct avec des manières d’écrire très diverses, suivant l’époque et le tempérament des auteurs considérés. Pour qui n’a jamais rien lu de l’« inventeur d’idées » génial que fut Charles Fourier, par exemple, la découverte de son style farfelu sera toute une expérience !

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Père la pudeur martiniquais

— Par Roland Sabra —

C’est l’histoire, inventée d’un type directeur d’un centre de formation qui prend des photos de sa femme en train de s’envoyer en l’air. Les photos numériques sont stockées sur une clé USB, un format très en vogue chez les utilisateurs d’informatique. Il regarde dans l’oeil de l’appareil et se met donc doublement en position de voyeur. Il lui faut ça pour bander et des cassettes pornographiques. Rien de très reluisant : un pervers au petit pied comme il en existe des centaines de millions. On l’a compris le type n’est pas un saint, on peut même dire qu’il a une odeur de fagot qui lui colle à la peau ou des casseroles au cul, comme on préfère. Jusque là pas de quoi fouetter un chat. Imaginons la suite , le type perd sa clé USB ou se la fait voler et/ou elle tombe entre les mains de petits salopards qui diffusent les photos sur Internet. Plaintes, perspectives de procès pour atteintes à la vie privée. Normal même les bandits ont droit à une vie sexuelle.

Mais les charognards veillent et vont transformer les victimes idéales, puisqu’un peu sulfureuses, en bouc émissaire de leur propre turpitude, en coupables désignées avec la complicité d’un élu qui s’auto-instituant Père la Pudeur de la nation martiniquaise va exiger le limogeage du couple au nom de la moralité, lui qui a femmes et enfants.

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La violence à l’égard des femmes : un symptôme de la misère sexuelle masculine.

— Par Roland Sabra —

Notre monde est sexué et nous n’en sommes pas encore revenus! La sexuation est sans doute la régularité la plus constante qu’ait pu observer notre espèce depuis les débuts de l’hominisation. Cette reproduction sexuée, l’existence d’un principe mâle et d’un principe femelle, concerne l’essentiel des espèces animales. Pour autant cette différence n’induit pas d’elle-même une inégalité, pour cela il faut passer par une symbolisation, par un marquage langagier, pour qu’elle se traduise en rapport de domination. La symbolisation est une mise à distance du réel, une transformation sur laquelle va s’étayer un rapport de pouvoir. La nomination permet d’évoquer la chose sans avoir à la convoquer. Le nom tue la chose, comme l’écrivent les linguistes. Il va s’agir de montrer comment à partir d’une position vécue comme inférieure vis à vis des femmes, les hommes vont produire un agencement social et politique qui va masquer ce réel pour asseoir une tentative plus ou moins réussie de maîtrise du corps des femmes. Mais le réel est impossible à symboliser totalement, totalitairement. Il échappe, il fait retour, avec violence, et ce d’autant plus que les sujets de la langue éprouvent des difficultés dans leur rapports avec le registre du symbolique, ce qui semble être un fait de structure pour les hommes martiniquais.

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