Catégorie : Sociologie

Nous dilatoires

— Par Dominique DOMIQUIN—

dilatoires
Dilatoire Huile sur papier. (Détail)

 

Persistent décidément chez nous des habitudes (sinon des vices) que je ne comprendrai jamais. Je viens de lire sur le blog du « Scrutateur » un plaidoyer de M Edouard Boulogne tentant de minimiser la gravité des propos tenus par Alain Huygues Despointes dans le reportage « Les derniers maîtres de la Martinique », diffusé durant la grosse crise de 2009. Propos qui lui valent aujourd’hui de comparaître devant la justice pour incitation à la haine raciale et apologie de crimes contre l’humanité. Il n’y a pourtant pas à tergiverser. Les propos de monsieur Huygues Despointes sont racistes et sans la moindre ambiguïté.

Que dans nos familles de noirs, de blancs, d’indiens, d’asiatiques et de syro-libanais des discours et injures racistes soient régulièrement tenus sur le ton le plus badin ne fait aucun doute pour votre serviteur. Ils n’en sont pas moins, en droit positif français, condamnables lorsqu’ils sont prononcés dans la sphère publique. Faut-il donc systématiquement que la justice nous le rappelle ? Notre Histoire locale et plus largement celle de l’humanité ne nous auraient donc rien enseigné ?

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La crise dans les DOM : d’abord une crise de la relation

— par Pierre Pastel —

antilles-2009 On peut comparer la vague de protestation qu’ont connu, dans le premier trimestre de 2009, les départements français de la Caraïbe (la Martinique et la Guadeloupe) à un cyclone qui, en un rien de temps, met tout à nu et nous oblige tous à la réflexion et à la réaction. Ici, c’est l’ensemble de la conscience collective française qui reçoit en pleine face la poussée du vent… de la contestation. Nous savons que, face à ce type de tourmente climatique, nul ne peut prétendre ne pas être affecté par ce qui se passe. De manière tout azimut, tous, et surtout les « spécialistes », de quelque niche qu’ils se réclament ou s’auto-proclament, cherchent, non sans une certaine frénésie, l’explication, la solution.


Le déni séculaire

Là où est contestée une pratique séculaire de la « profitation/exploitation », de la discrimination à l’embauche, là où est pointé du doigt un chômage endémique, un mal développement économique systémique, là où est fustigé un mode, presque congénital, de partage inégal des richesses, on veut encore y voir une crise économique et financière conjoncturelle.

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Un coup de gueule qui coûte cher!

 

Par Roland Sabra

Edito du 17/12/2009

La situation n’était pas brillante mais d’un étiage de 19% d’intention de votes en septembre 2009 on arrivait fin novembre à 32% d’intention de votes en faveur du oui. Dans le même temps le Non s’étiolait doucement en passant de 53% à 49%. La progression du oui était lente mais continue. C’est cet élan qui semble aujourd’hui brisé. Le dernier sondage LH2 dom enregistre un score de 28 % pour le Oui soit une  baisse  en valeur absolue de 4 points de % ou de 12.5% en valeur relative.  Cette baisse ne profite pas au camp du non qui stagne à 49%, incapable qu’il est lui aussi de faire campagne sur un projet, mais profite intégralement, si l’on peut dire aux indécis.. comme le suggère Rudy Rabathaly dans France-Antilles du 15-12-09 c’est très certainement le coup de gueule de M. Alfred Marie-Jeanne contre un professeur qui lui posait sereinement la question : « Pourquoi ne pouvez-vous pas rencontrer M; Letchimy pour trouver une solution à la reconstruction du lycée Schoelcher » qui a brisé ( momentanément?)

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« Le Paradoxe amoureux », de Pascal Bruckner

par Jean Sévillia

Il n’existe pas d’amour libre

 

–__-

«Le Paradoxe amoureux» de Pascal Bruckner, Grasset, 276 p, 19,80 €.

 

Dans «Le Paradoxe amoureux», le philosophe Pascal Bruckner, en ex de Mai 68, explore le nouveau visage du sentiment amoureux, pendant qu’un groupe d’historiens se penche sur l’institution du mariage.

De Roman Polanski à Frédéric Mitterrand, de récentes affaires ont illustré combien, en dépit du bouleversement des mœurs, il est impossible de cantonner la vie amoureuse au strict plan privé. Rien d’étonnant à cela : l’amour, étant un lien entre individus, possède par nature une dimension sociale. Et cette dimension appelle des règles, des codes et des lois, fût-ce pour les transgresser.

C’est donc avec raison que Pascal Bruckner, dans son dernier essai (1), relève un paradoxe : «Les années 60-70 auront accouché de cette étrangeté conceptuelle, l’amour libre.» L’amour libre, précise-t-il, c’est un oxymore : l’amour attache, alors que la liberté sépare. Comment résoudre cette contradiction ? L’auteur s’emploie à répondre à la question, reprenant à frais nouveaux un sujet exploré en 1977, dans un ouvrage coécrit avec Alain Finkielkraut (Le Nouveau Désordre amoureux).

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Le désir, la jeune fille et la mère

 Par DOMINIQUE SELS écrivaine

Encore les seventies. J’étais adolescente. Je voudrais dire mon amitié à Roman Polanski,

j’espère qu’il va vite se tirer de là. Les mères n’osaient profiter de la liberté qui nous était naturelle, elles s’y hasardaient, alternant hardiesse et revirements vertueux. Je sais des histoires où la fille fut importunée par le désir de sa mère, sur elle projeté ; la mère la mène vers un homme mûr ; favorise un rapprochement ; son fantasme accompli par procuration, elle crie, soit chasse sa fille, soit s’indigne contre le monstre qui en aura abusé, et qui est en fait tombé dans le panneau. C’est pas la faute à Voltaire, toujours la faute à la fille ou à l’homme : pourvu qu’on n’attaque pas la moralité de la mère.

Protégeons les filles de leur mère plutôt que de Polanski. J’espère qu’aujourd’hui, les filles rencontrent des cinéastes pour une leçon de scénario ou de mise en scène, non pour des photos. Mesdames, n’en avez-vous pas assez de jouer les niaises depuis des millénaires ? Depuis quand un peintre ne couche-t-il pas avec son modèle ?

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Est-il, ici, légal d’être nègre ?

— Par Philippe YERRO, Stéphane TEROSIER, Pascal DELYON, Clarisse LAPART —

 

 

Les voies du Seigneur sont impénétrables. Il aura fallu l’humiliation d’un petit ange par un fonctionnaire trop zélé devant les caméras de RFO, pour que nous puissions mesurer l’ampleur de l’esclavage mental dans ce pays. Les réactions suscitées par ce regrettable incident nous mènent à tirer le double constat d’une société travaillée en profondeur par le déni de l’Afrique et de la négritude fondamentale du peuple martiniquais, mais qui a nourri l’émergence de générations actives, fière de leur histoire nègre, déterminées à dénoncer l’iniquité et la profitasyon. Et à faire en sorte que les choses changent, ici et maintenant.
Si reproches nous adressons au Proviseur du Lycée J. Gaillard, ce n’est pas de vouloir faire régner l’ordre dans son établissement. C’est d’avoir associé, par nature, le désordre à la coiffure africaine. Si, de son point de vue, à la Pointe des Nègres la négritude n’a pas sa place, c’est qu’il s’est cru autorisé d’une décision du Conseil d’Administration de l’établissement, en dépit de l’illégalité manifeste qu’elle pouvait revêtir. Passons sur les faits que les propos télévisés (« Ni locks, ni tresses, ni nattes ») semblent ne s’appuyer sur aucune des résolutions du CA invoquées par le Proviseur (lire les propos de M.

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Est-il, ici, légal d’être nègre ?

— Par Philippe YERRO,Stéphane TEROSIER,Pascal DELYON,Clarisse LAPART,—

 

 

Les voies du Seigneur sont impénétrables. Il aura fallu l’humiliation d’un petit ange par un fonctionnaire trop zélé devant les caméras de RFO, pour que nous puissions mesurer l’ampleur de l’esclavage mental dans ce pays. Les réactions suscitées par ce regrettable incident nous mènent à tirer le double constat d’une société travaillée en profondeur par le déni de l’Afrique et de la négritude fondamentale du peuple martiniquais, mais qui a nourri l’émergence de générations actives, fière de leur histoire nègre, déterminées à dénoncer l’iniquité et la profitasyon. Et à faire en sorte que les choses changent, ici et maintenant.
Si reproches nous adressons au Proviseur du Lycée J. Gaillard, ce n’est pas de vouloir faire régner l’ordre dans son établissement. C’est d’avoir associé, par nature, le désordre à la coiffure africaine. Si, de son point de vue, à la Pointe des Nègres la négritude n’a pas sa place, c’est qu’il s’est cru autorisé d’une décision du Conseil d’Administration de l’établissement, en dépit de l’illégalité manifeste qu’elle pouvait revêtir. Passons sur les faits que les propos télévisés (« Ni locks, ni tresses, ni nattes ») semblent ne s’appuyer sur aucune des résolutions du CA invoquées par le Proviseur (lire les propos de M.

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« Bintou » : tragédie urbaine et émergence d’une metteuse en scène

 — Par Alvina Ruprecht —

Création 2009 Prix de la Presse au Festival Off d’Avignon 2009


Nous connaissons déjà l’œuvre de Koffi Kwahulé, à mon avis un des meilleurs auteurs dramatiques de langue française de sa génération. Souvent jouées à Avignon, ses pièces construisent un monde symbolique qui décortique les soubassements du pouvoir où les anges exterminateurs mènent leurs victimes à leur perte. Un monde terrifiant qui cerne la psyché ébranlée de ces êtres pris dans un monde en transformation qu’ils essaient de cerner mais que souvent, ils ne comprennent pas.Bintou nous place devant une de ces expériences limites. Ce texte très puissant, issu du monde de la culture populaire urbaine est d’une actualité brulante, il est structuré comme une tragédie grecque. Un chœur syncopé nous accueille dès le départ dans cette descente vers les enfers. Bintou, une jeune révoltée genre Antigone, défie les dieux, refuse la tradition de ses parents et ensorcelle les membre de sa bande qui se laissent mener vers leur propre destruction. Un réquisitoire contre l’excision, une mise en évidence des conflits profonds qui déchirent les jeunes de l’immigration, un texte lyrique, féroce, réaliste et mythique à en couper le souffle.

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« La part de l’autre », de MarlèneParize

— Par Elodie Quidal, professeur de philosophie au lycée Frantz Fanon, Martinique.

Ce livre, où se mêlent histoire et mythologie, est écrit du coeur de notre présent – présent des Antilles, de la France, de ce monde ouvert à de multiples transversalités qui est le nôtre. Marlène Parize y défend une proposition radicale contre tous les nationalismes et communautarismes, contre tous les mépris de soi: il est temps, il est grand temps de reconnaître, au sein même de notre modernité, de notre république, de nos valeurs, la trace de ces « lieux creusets » où est née, et naît encore, l’énergie qui nous porte à présent.

Jean Bourgault, professeur de philosophie au lycée Jeanne d’Arc, Rouen.

Plus que des héritiers de l’esclavage et de la colonisation, les Antillais sont le réceptacle des cultures et des philosophies de tous les continents. Parce qu’ils ont connu toutes les douleurs, ils se doivent de porter l’humanité à un autre niveau de conscience : continuer à se chercher et à se trouver sur le mode de l’ouverture « en abandonnant nos croyances d’avant la veille » (F.

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Traite des blancs, traites des noirs, par Rosa Amelia Plumelle-Uribe,

 

l’Harmattan, octobre 2008, 230 p.

par Maria Poumier

Sur l’origine de l’humanité, faute de la moindre science, on ne doit s’appuyer que sur la phylogenèse de nos mythes fondateurs. Ainsi, au lieu d’en rester à l’histoire médusante de la pomme et du serpent, qui fait que l’on soupçonne Dieu de malveillance imméritée en nous interdisant les fruits de l’arbre de la science, on devrait plutôt écouter sa conscience, et reconnaître que c’est le crime de cannibalisme contre nos semblables qui nous rassemble tous dans l’humanité pécheresse et à juste titre chassée du paradis. Comme les rats, comme les cochons, mais de façon bien plus systématique qu’eux, ce qui nous a rendus plus forts que d’autres espèces animales c’est que nous ne reculons pas devant le crime contre nos frères, et que c’est même notre nourriture hallucinogène, notre drogue vitale.

Les préhistoriens africains vont plus loin dans le dévoilement de notre inconscient coupable : ils affirment que du tronc noir, dans les contrées paradisiaques où l’on peut vivre nu et se nourrir simplement des fruits qui pendent aux branches, se sont détachés de pauvres types, des erreurs de la nature, blanchâtres et mauvais, probablement le fruit de quelque péché de leurs parents.

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« L’invention de la culture hétérosexuelle » par Louis-Georges Tin

(Ed. Autrement) 

Introduction

Pour éclaircir le propos, on pourrait établir une comparaison avec la nourriture. Dans toutes les sociétés humaines, il y a bien sûr des pratiques alimentaires, et elles sont indispensables à la survie des individus. Pour autant, toutes les sociétés ne construisent pas nécessairement une culture gastronomique, comme c’est le cas en France. L’art de la table, du vin et des fromages, les rituels, le service, la convivialité, les livres de recettes, les guides, les classements et les étoiles pour les bons restaurants, les émissions culinaires à la télé, sont autant d’éléments qui définissent la gastronomie à la française. D’autres sociétés développent des pratiques alimentaires moins diverses et moins ritualisées, elles se fondent sur les ressources matérielles nécessaires pour vivre. Certes, ces pratiques s’organisent selon des principes et des codes, et  elles s’inscrivent parfois dans des célébrations où l’alimentation occupe une place particulière. Pour autant, elles ne produisent pas ce que l’on pourrait appeler véritablement une culture de la gastronomie. Dans ces contextes nombreux, et pas seulement dans les sociétés anciennes ou éloignées, en Amazonie ou en Nouvelle Guinée, l’alimentation est à la fois nécessaire et secondaire, et on ne se croit pas obligé d’en faire un objet d’euphorie, un rite permanent, une exaltation collective.

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« La judéophobie des Modernes », de Pierre-André Taguieff

p_a_t-1 Métamorphoses de la haine

Comment les discours  » anti-occidentaux  » recyclent de vieux clichés judéophobes

Depuis de longues années Pierre-André Taguieff construit une œuvre imposante, au carrefour de l’histoire des idées, de la sociologie et de l’intervention politique. Directeur de recherches au CNRS, enseignant à Sciences-Po, il a contribué, en une trentaine de livres, à renouveler l’analyse du racisme dans la société contemporaine. Il a notamment souligné les insuffisances de l’antiracisme, montrant qu’on se trompe d’adversaire et de combat, si l’on croit vivre dans les années 1930 et n’avoir affaire qu’à des répétitions du nazisme.

Travaillant sur des sujets conflictuels, porteurs de querelles passionnées, ne répugnant pas à la polémique, Taguieff suscite critiques et controverses. La somme tout à fait remarquable qu’il publie aujourd’hui, La judéophobie des modernes, ne fera pas exception. Car le politologue s’y emploie à démontrer comment fonctionne le changement majeur intervenu au cours des dernières décennies : la haine envers les juifs passe désormais par la détestation de l’Occident. Autrefois, les racistes européens haïssaient dans le juif celui qu’ils jugeaient extérieur (non chrétien, oriental, sémite…). Aujourd’hui, c’est au contraire en détestant l’Occident qu’on va haïr le peuple juif, car il symbolise désormais ce qu’on veut détruire (judéo-christianisme, capitalisme, libéralisme, impérialisme).

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Le populisme aujourd’hui, de Maryse Souchard, Jean-Claude Pinson, Jean-Michel Vienne, Joël Gaubert,

Éditions M-Editer, 2007, 110 pages, 10 € ISBN : 978-2-915725-07-0

 

 

 

Après les ouvrages fondamentaux parus ces dernières années, Par le peuple, pour le peuple. Le Populisme et les démocraties (Fayard, 2000), de Yves Mény et Yves Surel, et L’Illusion populiste (Berg, 2002), de Pierre-André Taguieff, voici un petit volume d’intérêt public qui, regroupant quatre textes issus des conférences organisées à l’Université Populaire de Nantes par l’Association Philosophia, devrait être dans toutes les mains en cette période d’élections – présidentielles puis législatives.

 

Héritier de la Révolution, du bonapartisme et du boulangisme au Régime de Vichy, comme au poujadisme et au Front National, le populisme, que Maryse Souchard définit comme l’appel lancé par un chef à un peuple survalorisé (vox populi, vox dei), s’est accompagné en France de paternalisme, d’anti-élitisme et d’un nationalisme plus ou moins xénophobe et antisémite. Aussi, par populisme, faut-il entendre “tout mouvement, doctrine ou idéologie qui prétend exprimer, à la place d’un peuple muet et paralysé, les désirs de ce “peuple” en agissant à sa place, incarnant dans un chef la volonté du peuple ainsi directement représenté” (p.

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L’exploitation des esclaves noirs : un système économique intégré

— Par CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH, Professeure émérite à l’Université Paris-Diderot Paris-VII —

Instaurant déjà une « mondialisation » de la force de travail, systématiquement utilisée dans la croissance du capitalisme, la traite transatlantique diffère des autres pratiques esclavagistes.

L’esclavage a existé depuis des temps très anciens. Il est attesté en Europe jusqu’à la fin du Moyen Age. Pendant longtemps, l’esclave n’a pas été défini par sa couleur. Chez les Grecs anciens, pouvait être mis en esclavage tout « barbare » non grec, synonyme de non civilisé. Les Romains eurent des esclaves grecs, mais plus souvent venus des confins de Germanie, de Thrace ou du Proche-Orient. La plupart des esclaves étaient blancs (esclave vient de la région de Slavonie). Au Ve siècle av. JC, Aristote, inspiré par Platon qui avait fait des barbares les ennemis naturels des Grecs, préférait les non-Grecs comme esclaves, « car que certains aient à gouverner et d’autres à être gouvernés n’est pas seulement nécessaire, mais juste -, de naissance, certains sont destinés à la sujétion, d’autres non ».

Chez les Arabo-Musulmans, tout païen, non musulman (équivalent du barbare des Grecs), pouvait être mis en esclavage: à noter que la solution inverse fut adoptée en Occident, puisque le Code noir édicté aux Antilles par Louis XIV (1685) stipule que tous les esclaves doivent être « baptisés et instruits dans la religion catholique ».

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Édouard Glissant : Un État-nation martiniquais? Non merci, mais que vive la Nation-relation martiniquaise!

Edito du 15/01/2008

— Par Roland Sabra —

 « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » écrivait Rimbaud et c’est tant mieux! Ils étaient sept de cet âge là, du plus noir qu’hier soir à la plus blanche que blanc à s’être lancés le défi de dire, de mettre en voix, un texte difficile, un texte dont ils n’ont pas tout compris lors de sa première écoute, mais un texte qui leur parlait d’identités anciennes et d’identité en devenir, à eux déjà plus loin que leurs parents. Ils se sont engueulés, jamais méchamment, ils ont eu des fous rires, de ces rires que l’on a quand on a dix-sept ans et que l’on n’a plus jamais plus tard. Ils étaient sept élèves du Lycée Schoelcher.  Ils ont joué avec les mots et les mots se sont joués d’eux quand ils leurs donnaient à penser plus loin qu’eux-mêmes. Glissant était là, Chamoiseau était là, leurs profs étaient là, leurs copains étaient là, les caméras filmaient, les journalistes enregistraient, mais eux ils s’en foutaient un peu car ils avaient à dire. 

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Identité : Madiana et les musées coloniaux

— par Roland Sabra —

Edito du 10-01-08


Deux lignes de forces dans ce numéro de rentrée.

Dans la solitude d’un champ de navets

La première ligne de force de ce numéro aborde la  thématique   de l’identité à partir des effets d’acculturation et même de « déculturation » de la programmation cinématographique en Martinique.

Parmi la vingtaine de films que la critique estime être les meilleurs de l’année 2007 ( cf; ci-après) Madiana en a programmé deux! On ne peut que saluer l’abnégation de Sarah Netter, la critique d’Antilla qui chaque semaine est contrainte non seulement de voir mais, et c’est le pire, de commenter les « nanards » de la programmation éliséenne.  Trouver un bon film en Martinique relève de l’expérience de la solitude dans un champ de navets. Madiana est entrain de tuer doucement mais sûrement le cinéma en Martinique. Mais le plus inquiétant est la mise en œuvre d’une acculturation aux mœurs étasuniennes en matière de relations sociales et, c’est surtout là que le bât blesse de violences sociales.

Premier effet de la présence de ce multiplexe : la disparition des salles de quartier et même de communes au profit d’une  centralisation des projections aux portes de Fort-de-France .

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Dérive et dérapages

Poster-Tabou
 Éditorial

— par Roland Sabra —

Edito du 20/12/2007

 L’anthropologue Kenja,  dans son commentaire hebdomadaire de l’actualité qu’il livre à « Antilla » l’annonce comme le premier fait qui a retenu son attention la semaine dernière : le 08 décembre à la rencontre LaKouzémi, Raphaël Confiant aurait rendu publique son adhésion à Al Quaïda, tout en renonçant à la créolité. Un an après ses propos sur les juifs qualifiés d’ « innommables » cette adhésion serait dans la droite ligne d’une dérive identitaire déjà relevée dans ces pages. Il faut suggérer que l’abandon de la créolité s’accompagne d’un passage à « l’arabïté », élargissement assuré d’un lectorat bien plus conséquent. On voudrait juste savoir quand Raphaël Confiant prendra l’avion de façon à éviter de voyager ces jours-là.

Plus affligeant, le dérapage de Daniel Boukman, lors de la lecture de « Quand les murs tombent » de Chamoiseau et Glissant à l’Atrium. On sait que la vente de la brochure qui porte ce titre est destinée à l’aide aux sans-papier et aux associations qui viennent en aide aux immigrés. Mais voilà tous les immigrés n’ont pas le même statut.

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Langue, identité et pensée unique

Poster-Tabou

Par Roland Sabra

Edito du 13-XII-07 

Tout est affaire de langage. Certes! Mais ce qui nous intéresse ici c’est la façon concrète dont cette faculté humaine est mise en œuvre dans une langue. Une langue commune est un facteur de construction de l’identité nationale,  et l’on a vu de par l’histoire des opérations  d’« assistance identitaire » à l’égard des nations qui présentaient, de par leur situation politique, un déficit initial d’intellectuels autochtones : les lettrés allemands, français, anglais ou russes ont prêté leur concours à la fondation des identités nationales en Europe. Mais si la langue est à la base de l’identité nationale celle-ci ne s’y résume pas. La possession du sol est elle aussi indispensable. Si celle-ci vient à manquer les rêves d’unités qu’ils soient africains avec le panafricanisme, arabe avec le panarabisme connaîtront le même sort que les langues dites construites par opposition aux langues naturelles. De belles utopies. Dès lors la pan-créolité dont Rodolf Etienne fait l’éloge, se trouve confrontée à des difficultés autrement plus ardues que celles qu’ont tentées d’affronter Africains et Arabes. Ce que possédaient les uns et les autres, à savoir l’unité linguistique et où territoriale, force est de constater que les créoles en sont dépourvus.

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Une mystification, et puis des chiffres et des lettres pour débattre

Poster-Tabou

— Par Roland Sabra —

Edito du 20/11/2007

 Il y a longtemps que le psychanalyste Guillaume Suréna n’était pas intervenu avec autant de force dans le débat politique en Martinique. Il le fait non pas de cette place singulière qui est la sienne – ils sont, semble-t-il,  très peu en Martinique à pouvoir tenir cette place –  il le fait comme membre de la Cité. Mais l’un ne va pas aisément sans l’autre. Et c’est précisément de cela dont il est question de la place de l’Un et de celle de l’Autre. Les mots d’ordre « Tous créole« , « Tous ensemble » sont issus de la même veine : celle du désir fusionnel, celle de la négation de l’altérité, celle de haine de la différence, celle qui excluant toute référence au discours les pose  comme nécessairement équivalents. Le discours du Maître et le discours de l’Esclave dans ce méli-mélo unisexe tant à la mode, dans une version tropicalisée du metro-sexuel, cet urbain qui marchandise sa part de féminité chez Garnier et l’Oréal. Que cette différence, ou distinction, selon Irène Théry ( cf.

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Un universitaire antillais à l’honneur

 — par Roland Sabra —

EDITORIAL du 15-XI-07

 

Frédéric Régent

Frédéric Régent

Ce n’est pas si fréquent. Le Monde des livres du 09 XI-07  qui consacre sa double page intérieure à l’esclavage et à la colonisation fait  sa  « Une »   avec le ivre de Frédéric Régent qui vient de paraître chez Grasset. On trouvera sur internet de nombreuses recensions, toutes aussi élogieuses les unes que les autres, de ce travail qui s’annonce donc comme remarquable. Mais Frédéric Régent n’en n’est pas à son coup d’essai. Né en 1969,  Il se définit comme «  Etant à la fois descendant d’esclaves et de colons. ». Il est docteur en histoire de l’Université Paris I -Panthéon-Sorbonne. Auteur de différents articles sur l’expédition d’Egypte, l’esclavage et la Guadeloupe pendant la Révolution, co-auteur avec Jacques Adélaïde-Merlande et René Bélénus de La rébellion de la Guadeloupe 1801-1802 (Archives départementales de la Guadeloupe, 2002), il enseigne aujourd’hui l’histoire à l’Université des Antilles et de la Guyane après avoir été professeur au collège de Trois-Rivières. Heureux élèves! Il est l’auteur, chez Grasset en 2004, de Esclavage, métissage, liberté (La révolution française en Guadeloupe, 1789-1802), aujourd’hui reconnu comme un livre de référence.

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La France et ses esclaves. De la colonisation aux abolitions, 1620-1848 de Frédéric Régent

Esclavage, colonisation.  Blessures françaises

Qualifié par le Parlement de  » crime contre l’humanité « , l’esclavage devient un sujet de société – sans cesser d’être un objet d’histoire. Frédéric Régent publie une synthèse magistrale de ce douloureux passé. Parallèlement, un dictionnaire passe en revue tous les aspects de la vie quotidienne dans la France coloniale. Longtemps occultée, la question de la servitude en terre d’islam commence à intéresser des chercheurs. Qualifié par le Parlement de  » crime contre l’humanité « , l’esclavage devient un sujet de société – sans cesser d’être un objet d’histoire. Frédéric Régent publie une synthèse magistrale de ce douloureux passé. Parallèlement, un dictionnaire passe en revue tous les aspects de la vie quotidienne dans la France coloniale. Longtemps occultée, la question de la servitude en terre d’islam commence à intéresser des chercheurs.

Lire :  Vers une histoire générale de l’esclavage français ? — Par Silyane Larcher —

C’est une très vieille histoire, dont subsistent peu de vestiges : à partir du début du XVIIe siècle, 4 millions d’êtres humains ont connu l’esclavage sur des terres françaises. La moitié d’entre eux avaient été capturés en Afrique puis envoyés à fond de cale sur des navires négriers, en direction des colonies.

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« Le bêtisier du sociologue », de Nathalie Heinich

La sociologie s’amuse


[samedi 07 novembre 2009 – 14:00] Sociologie

Le bêtisier du sociologue
Nathalie Heinich

Éditeur : Klincksieck

160 pages / 14,25 € sur
Résumé : Les sociologues ne sont pas exempts de bêtises comme le souligne cet ouvrage qui ne manquera pas de faire polémique.

Peut-on s’amuser en lisant un(e) sociologue parlant de son quotidien professionnel ? Assurément avec ce recueil portant sur des erreurs de raisonnement pris dans le domaine de la sociologie. Voilà une occasion de se détendre en savourant le dernier ouvrage de Nathalie Heinich, ou l’offrir, à l’approche de Noël, à un collègue sociologue familier des sorties de route professionnelles dans l’espoir d’un pilotage plus sûr après sa lecture.

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« Lettre sur la justice sociale » de Michel Herland

par J. Brasseul


Michel Herland, Lettres sur la justice sociale à un ami de l’humanité. Paris : Le Manuscrit, 338 p., 2006.

 

La France est le pays de la justice sociale, dans les mots sinon dans les faits. Nul thème n’est aussi porteur, aussi déclamé, nulle opposition à la notion autant vilipendée. Dans les faits, il en va tout autrement, bien sûr, puisque le taux de chômage est le double de la plupart des pays développés comparables, puisque les détenteurs d’emplois font tout pour les protéger, même si c’est au détriment de ceux qui n’en ont pas, même s’il faut bloquer pour cela l’accès aux plus démunis, aux plus défavorisés, aux plus récents arrivés. Dans les faits également, les inégalités sont criantes, la richesse étalée côtoie la misère sordide, les écarts de revenus sont bien plus importants que dans l’Europe nordique, alpine ou germanique. En France, il y a une alliance de fait, comme le notait Michel Crozier (pourtant après l’éruption de 1968), entre l’individualisme anarchisant et la bureaucratie centralisatrice. C’est en tout cas la légende de couverture de son maître livre, La Société bloquée (1) : « Pourquoi la France est-elle un pays conservateur ?

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L’esprit du terrorisme, par Jean Baudrillard

 

Des événement mondiaux, nous en avions eu, de la mort de Diana au Mondial de football – ou des événements violents et réels, de guerres en génocides. Mais d’événement symbolique d’envergure mondiale, c’est-à-dire non seulement de diffusion mondiale, mais qui mette en échec la mondialisation elle-même, aucun. Tout au long de cette stagnation des années 1990, c’était la  » grève des événements «  (selon le mot de l’écrivain argentin Macedonio Fernandez). Eh bien, la grève est terminée. Les événements ont cessé de faire grève. Nous avons même affaire, avec les attentats de New York et du World Trade Center, à l’événement absolu, la  » mère «  des événements, à l’événement pur qui concentre en lui tous les événements qui n’ont jamais eu lieu.

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Quelle mémoire de l’esclavage ?

esprit

(Table ronde)

MAXIMIN Daniel, POCRAIN Stéphane et TAUBIRA Christiane

Pourquoi faire une loi instituant une commémoration de l’esclavage re­connu comme crime contre l’humanité ? En revenant sur l’origine de ce projet de loi, cette discussion contradictoire permet de comprendre les tenants et les aboutissants des demandes adressées au législateur.

ESPRIT – La loi Taubira, qui définit l’esclavage comme crime contre l’humanité, a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2001. Cinq ans après, quel bilan dressez-vous de l’adoption de cette loi ?

Christiane TAUBIRA – La loi est le fruit d’un travail laborieux mené pendant deux années et demie. Le projet de loi fut déposé en 1998 et la première lecture à l’Assemblée eut lieu en février 1999. Le projet a d’abord soulevé l’enthousiasme, surtout chez les responsables socialistes. Mais très vite, la perspective des conséquences possibles de la loi a gelé cet enthousiasme. Certains faiseurs d’opinion au sein du parti socialiste ont souhaité que le texte proposé soit réduit à un article déclaratoire, dans la lignée de ce qui fut fait pour le génocide arménien. L’article sur la réparation, qui visait à faire évaluer le préjudice et proposer des politiques publiques de réparation, a notamment posé problème.

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