— Par Suzanne Dracius —
Moi, mon culte, c’est Manman Dlo, la divinité marine caribéenne, et mon lieu de culte, c’est la mer. Pour accéder à mon lieu de culte, l’océan, je dois passer par la plage, mais je ne fais que passer. Quant aux gendarmes qui, comme ils l’ont fait le 20 mars, m’enjoindraient de sortir de l’eau alors que je nage au large, je leur rétorquerai que mon corps de Martiniquaise est sur mon lieu de culte.
Ay chaché’y !
Ils ont esclavé le corps de mes ancêtres africains – oui, esclavé, comme dit Ronsard au XVIe siècle, au siècle où tout a commencé, sous nos tropiques — toutes les tristesses de nos tropiques –, ils n’esclaveront pas mon corps créole. C’est trop tard ! J’ai les armes pour ne pas laisser « esclaver ma liberté ». Fi de Malherbe, qui estimait qu’ « esclaver » est un « mauvais mot ». Une mauvaise réalité, oui ! Un crime contre l’humanité.
C’est insensé. Tout va rouvrir tous azimuts, sauf les plages de Martinique. Les gens vont pouvoir aller se contaminer en chœur dans les églises, les mosquées, les synagogues et les temples, tous les lieux de culte, mais baigner son corps dans la mer, l’une des choses les plus saines du monde, c’est interdit.