Catégorie : Sociologie

«Le terme “privilège blanc” désigne un fait social »

— Par Cloé Korman, Écrivaine —

Dans une tribune au « Monde », la romancière Cloé Korman estime qu’il est difficile d’attaquer cette expression dans la mesure elle reflète des préjudices qui existent déjà.

Tribune. Il existe des lieux aveugles, où on ne saura jamais exactement ce qui se passe. Les coups qui s’abattent, les préjugés qui ne se disent pas, les insultes qui s’échangent – la connaissance de ces choses-là, ensuite, ce sera parole contre parole. Ainsi de certains commissariats et gendarmeries d’où certaines personnes interpellées ne sortent pas vivantes. Ainsi de certains lieux à ciel ouvert où des contrôles d’identité infondés tournent mal et font également des victimes. Mais aussi de certains immeubles où l’on visite des appartements à vendre ou à louer, des bureaux où on passe des entretiens d’embauche, sans suite – tant de lieux où se jouent des moments cruciaux et où l’arbitraire peut régner sans contrôle. S’il y a des victimes, il faudra accepter que la preuve soit la parole, car sinon on oppose une violence supplémentaire aux victimes, celle de l’incrédulité. Etre capable de confiance dans un témoignage où il est question de vulnérabilités, de peurs et d’humiliations est une qualité au cœur de la démocratie.

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« L’expression de “privilège blanc” n’est pas dénuée de pertinence pour penser le contexte français »

— Pat Claire Cosquer, Sociologue —

La sociologue Claire Cosquer pense que le « privilège blanc », est inséparable du racisme, aux États-Unis comme en France.

Tribune. Le racisme peut-il exister sans faire de « privilégiés » ? Le racisme est un système de hiérarchies sociales entre les personnes, positionnées selon la façon dont elles sont perçues et rattachées à une supposée hérédité. Il se traduit concrètement par un système d’avantages et de désavantages, formant un immense iceberg dont les discriminations, la violence physique et verbale à caractère racial ne sont que la partie émergée.

L’expression « privilège blanc », propulsée de nouveau sur le devant de la scène médiatique par les manifestations récentes contre le racisme et les violences policières, désigne l’ensemble des avantages sociaux dont bénéficient les personnes qui ne sont pas les cibles du racisme. Elle souligne que le racisme relève d’un rapport social, c’est-à-dire d’une relation entre groupes sociaux : là où certains sont désavantagés, d’autres sont au contraire avantagés par les hiérarchies sociales. L’existence d’inégalités suppose donc, en toute logique, l’existence de privilèges. Dès lors, dire que le « privilège blanc » n’existe pas en France revient de façon rigoureusement identique à affirmer que le racisme n’existe pas en France.

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Raoul Peck : Il existe un racisme «brutal, laid, malveillant» en France

Le réalisateur, césarisé en 2018 pour son documentaire, Je ne suis pas votre nègre, estime dans l’hebdomadaire Le 1, que la patrie des droits de l’homme est «à la fin d’un bien trop lourd héritage d’injustice, de déni et de profits, construit sur la misère des autres».

Auteur du documentaire Je ne suis pas votre nègre où il dénonçait le déni de l’Amérique blanche face au racisme, le cinéaste haïtien Raoul Peck dénonce aujourd’hui l’attitude de la France face à ce même poison.

«La France est dans le déni et ses enfants n’ont plus le temps. Ses enfants  »adultérins » ne veulent plus attendre. Ses enfants noirs, blancs, jaunes, arc-en-ciel s’agitent», affirme le cinéaste dans un texte intitulé «J’étouffe» à paraître ce mercredi 17 juin dans l’hebdomadaire Le 1.

«La concentration de colère accumulée tous les jours dans le cœur de ceux qui  »ne vous ressemblent pas », de ceux qui vous regardent du dehors à travers la vitre embuée, est incommensurable», écrit celui qui fut juré du Festival de Cannes en 2012.

Avec une colère contenue, le cinéaste dont le film avait été sélectionné aux Oscars et qui fut récompensé par le César du meilleur documentaire en 2018, explique que le racisme «brutal, laid, malveillant» qu’il constate en France est le fruit d’une longue histoire liée à l’essor du capitalisme et des inégalités sociales.

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Et si la France rompait enfin avec son passé colonial ?

Une Lettre Ouverte de  Maéva Lubin, publiée dans France Antilles, le lundi 15 juin 2020

« À l’instar des historiens Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire dans l’ouvrage “Fracture Coloniale”, je constate qu’il y a encore des traces de la pensée coloniale dans l’espace politique et médiatique français. Ces traces prennent place dès notre enfance, dans nos livres d’histoire-géographie qui construisent une histoire de France qui met en avant la blanchité¹ de ses figures nationales.

C’est comme cela qu’année après année, les enfants français apprennent une histoire de France qui ne correspond pas au métissage et à la mixité de la population. Une histoire de France où les noir·e·s n’apparaissent que lors des leçons sur « l’esclavage » et sur les « pays du Tiers-Monde ».

Ces traces de pensées coloniales s’installent dans nos lois comme celle du 23 février 2005 qui demande à ce que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ».

C’est comme cela qu’en Martinique, on peut penser qu’il est normal d’avoir des statues de Victor Schœlcher (récemment déboulonnées par des militants « anti-héritage colonial »), de Joséphine de Beauharnais (qui a participé au rétablissement de l’esclavage aux Antilles et en Guyane) et Pierre Belain d’Esnambuc (qui a établi la première colonie française en Martinique et massacré les autochtones qui s’y trouvaient et importé des esclaves africains), et pas de statues de héros locaux.

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 Pour mieux connaître la Caraïbe, sa géographie, son histoire…

À la Martinique, l’association « Oliwon Lakarayib » crée une plateforme numérique instructive, pour les petits et pour les grands

Présentation du projet «Oliwon Lakarayib» (« Autour de la Caraïbe»)

Elsa JUSTON, professeur agrégée d’histoire, enseignante au lycée de Bellevue à Fort-de-France, et présidente de l’association « Oliwon Lakarayib », était l’invitée du JT du mardi 6 Mai 2020 sur ViàATV, pour parler de la création d’une plateforme numérique dédiée à la Caraïbe. Une plateforme qui fera connaître le pays par l’histoire, la géographie, les sciences humaines, sociales et politiques. (Voir la vidéo ci-dessous)

L’association « Oliwon Lakarayib » rassemble des professeur.es qui souhaitent faire connaître l’histoire et la géographie de la Caraïbe par leur plateforme numérique grand public. « Oliwon Lakarayib » a été créée pour comprendre les questions historiques et environnementales, ainsi que les enjeux de société dans l’espace caribéen. Chaque mois, des vidéos et des podcasts avec des spécialistes en histoire, géographie, sciences humaines et sociales sont mis en ligne.

Cette plateforme propose donc des podcasts (fichiers audios, courtes émissions…) et des capsules-vidéo qui abordent des thèmes précis et actuels, racontant des événements peu ou mal connus, présentant des biographies et abordant des thématiques diverses, au regard de la recherche scientifique.

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Systémique

Contribution au débat sur l’histoire martiniquaise

— Par Ali Babar Kenjah —

La controverse qui accompagne salutairement le déchoukaj organisé le 22 mé dernier par les résistants radicaux RVN, a pour mérite d’ouvrir spectaculairement un nouveau champ de confrontation où chacun est sommé d’argumenter sa position, révélant ainsi les divergences d’approches et les perspectives opposées des uns et des autres. Par un réflexe corporatiste, de nombreux spécialistes des questions historiques ont préféré ignorer la légitimité de ces analyses alternatives pour porter la critique sur ce qu’il considère comme un anachronisme, tout à la défense de la pensée académique qui a soutenu le culte du Libérateur. Culte de la personnalité au service d’une entreprise d’aliénation. Cette posture défensive, le plus souvent arc-boutée à une pratique datée et obsolète de l’histoire, pose de nombreuses questions quant à la bulle de confort intellectuel qui provincialise et ringardise la connaissance du passé de nos sociétés. A mes yeux les tenants de l’historiographie académique martiniquaise pâtissent de quatre tares invalidantes, toutes liées à une approche formatée de leur discipline. Approche que je qualifie d’historicisme et qui privilégie une suite séquentielle de conjonctures au détriment d’une compréhension globale de l’histoire longue.

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Le passé hante le présent

— Par Max Pierre-Fanfan, Journaliste à la revue « Esprit » (revue littéraire et philosophique) Écrivain —

Le passé passe mal…Le passé mal passé, mal vécu devient la condition de notre cécité quant au présent…Le passé s’il est mal dit offre la meilleure façon de se tenir dans un état de cécité quant au futur…

Le passé n’est jamais un moment de coupure claire et définitif ; il revient et re-mord. Ainsi les divergences apparurent au 19ème siècle concernant la figure complexe de Victor Schœlcher rencontre derechef un écho aujourd’hui ; au point de relancer la bataille des symboles.

Lors du 22 mai 2020, jour de commémoration du soulèvement des esclavagisé-es et qui a abouti à la proclamation anticipée de l’abolition de l’esclavage en 1848 à la Martinique, deux statues de Victor Schœlcher ont été jetées à bas et brisées par des militants qui se disent « contre l’héritage colonial » dans ce pays. « Nous assumons pleinement notre acte parce que nous en avons assez, nous jeunes martiniquais d’être entourés de symboles qui nous insultent(…) Victor Schœlcher était complètement favorable à l’indemnisation des colons » a déclaré Jay Assani, jeune activiste, dans une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux.

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Le chagrin et les larmes sont les mêmes de chaque côté de l’Atlantique

Ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui fut elle-même victime d’attaques racistes, livre dans le Journal Du Dimanche du 6 juin, son analyse sur le mouvement contre les violences policières et le racisme.

JDD : 20.000 personnes ont manifesté mardi devant le Palais de Justice, à Paris, pour demander « Justice pour Adama », quelles différences et quelles similitudes repérez-vous entre les situations américaine et française?

Quand Adama Traoré ou George Floyd meurent, c’est pareil : ce sont des hommes noirs qui meurent de leur rencontre avec des policiers. Le chagrin et les larmes sont les mêmes de chaque côté de l’Atlantique. Les différences résident dans l’organisation de nos systèmes : République fédérale contre État central jacobin. La consanguinité qui existe dans certains corps de police aux États-Unis n’a pas lieu chez nous. En France, il y a une institution judiciaire compétente sur l’ensemble du territoire et des enquêtes systématiques sur ces cas. Chez nous, des personnes meurent d’avoir rencontré des policiers, pas d’avoir rencontré la police.

JDD : En tant qu’ancienne garde des Sceaux, comment jugez-vous la façon dont la justice française traite ces affaires?

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Et si le noir était un blanc comme un autre….

— Par Emmanuel Argo —

France, le 12 juin 2020, par Emmanuel Argo, afro-caraïbéen né à la Martinique, auteur du concept de la NégroÉvolution, agressé et blessé 2 fois par des racistes en 2000 et 2015 sur la voie publique, en France continentale. Il est actuellement Conseiller municipal d’un petit village du centre de la France.

Á cause de l’assassinat de Georges FLOYD, afro-américain, par un policier blanc : une protestation mondiale et sans précédent contre la banalisation du racisme et de la négrophobie.

Il y a deux nuances de « noir » : celle de ceux qui réussissent et qu’on croise à l’université, à la banque, à l’hôpital, dans un centre de recherches… et celle de ceux qui galèrent, concentrés dans le métro, dans le quartier et à la ceinture des métropoles pour ne pas s’éloigner des poubelles à vider, tard dans la nuit ou très tôt le matin. C’est surtout la couleur de ces derniers qui détonne par rapport au blanc caucasien, la couleur de l’authenticité.

Depuis des siècles, l’idéologie occidentale conquérante a établi que la couleur universelle de référence était le blanc : quiconque est blanc, du haut de cette supériorité de façade, peut juger, représenter l’ordre, l’intelligence, l’autorité, le pouvoir, au nom d’une évolution d’un degré supérieur.

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Mettre fin au racisme, de toute urgence !

À Fort-de-France, deux âges, deux formes d’expression

 Aimé Césaire : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouches. Ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. »

Des jeunes Martiniquais se mobilisent contre le racisme

À Fort de France, le mercredi 10 juin, à midi sur la place de l’Enregistrement, devant le centre commercial Perrinon, on a pu applaudir une trentaine de jeunes étendus par terre, les mains dans le dos. Ils étaient accompagné de tanbouyés. La mise en scène était organisée mercredi par des collégiens, lycéens et étudiants, de Rivière-Salée et de Sainte-Luce. 

Ils dénonçaient les violences policières perpétrées contre les Noirs. Un flashmob de 8 minutes et 46 secondes — le temps où le policier a maintenu son genou sur le cou de sa victime, le temps pendant lequel sa victime a suffoqué avant de mourir… Un flashmob pour faire écho à la mort de George Floyd, aux États-Unis, pour lui rendre hommage, mais aussi pour interpeller le public : « C’est un autre moyen d’occuper l’espace public : on a choisi d’occuper la rue car George Floyd est mort dans la rue.

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« Mémoires et Partages », pour que nos villes changent

Karfa Diallo : « La France a débaptisé des rues qui portaient des noms de collabos, pourquoi pas celles qui portent des noms de négriers ? » 

En marge des manifestations contre le racisme, après la mort de Georges Floyd, des statues de négriers sont déboulonnées aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Belgique etc. Et en France, qu’en est–il du passé négrier de certains grands ports de la façade atlantique ? Pourquoi certaines rues n’ont-elles jamais été débaptisées ? France Inter a demandé à Karfa Sira Diallo son avis sur la question. Karfa Sira Diallo est essayiste, éditorialiste, et consultant franco-sénégalais, né à Thiaroye en 1971. Engagé depuis de nombreuses années sur les questions de la diversité culturelle et du travail de mémoire, en particulier autour de l’esclavage et de la colonisation, il est actuellement directeur fondateur de l’association internationale « Mémoires et Partages », basée à Bordeaux et à Dakar.

Beaucoup de rues portent encore les noms des familles qui ont prospéré sur le commerce d’esclaves. Square Rasteau, square Giraudeau, rue Admirault en sont un exemple à la Rochelle, où six lieux portent le nom d’armateurs qui ont bâti fortune et renom sur la traite négrière au 18e siècle.

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Voir, revoir, ne jamais ou ne plus voir, lire ou ne pas lire la saga « Autant en emporte le vent »

Un livre, un film qui font aujourd’hui polémique

Participant à un stage de formation à l’analyse filmique, alors toute jeune enseignante, il me fut donné de travailler sur ce film… et de partager l’émerveillement purement cinématographique et esthétique, de ressentir l’émotion qui fut celle du formateur nous expliquant, outre le procédé technique, la force incomparable du dernier plan long, qui voit de dos, dans un superbe travelling arrière, Scarlett s’éloigner seule vers son domaine de Tara. Dans mon innocence, je regardais d’abord l’histoire de Scarlett et Rhett, Scarlett comme une de ces héroïnes à la recherche de sa liberté de femme, déterminée à s’imposer dans un monde d’hommes, où elle tracerait son chemin, fière et résolue. Il est certain que mon regard, nourri d’autres lectures et d’autres enseignements, sur l’ensemble du film ne saurait être tout à fait le même aujourd’hui. Cependant je ne voudrais me priver de certaines séquences culte à la sauvage beauté, ainsi de Scarlett et Retth traversant avec leur petite fille la ville d’Atlanta en feu…

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À Fort-de-France, deux manifestations pacifiques contre le racisme

— par Janine Bailly — 

Alors que le monde entier — ou presque — bougeait, porté par son indignation après la mort de George Floyd, que l’onde de choc gagnait de ville en ville, certains attendaient impatiemment une réaction massive des citoyens de la Martinique… Puisque, comme le disait Martin Luther King, « il vient un temps où le silence est trahison » ! Une affirmation reprise sur la page web de « Jodia » : on pouvait en effet y lire, légendant la photo de ce pasteur américain, militant non-violent pour la reconnaissance des Droits civiques des Noirs aux États-Unis, lui-même assassiné le 4 avril 1968, le commentaire suivant : « Cette citation devrait résonner dans les îles muettes ». C’est fait, au soir de ce samedi 6 juin, la vague est arrivée, qui a brisé le silence ! À Fort-de-France, deux actions ont été organisées, deux manifestations bienvenues pour protester contre l’assassinat de George Floyd par des agents de police, le 25 mai 2020 à Minneapolis. Deux manifestations qui entendaient dénoncer le racisme de façon plus générale. Une occasion aussi de manifester contre les violences policières, où qu’elle soient !

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« Travailler les imaginaires est une action politique » 

La phrase-titre est d’Abd Al Malik. Au micro d’Arnaud Laporte, sur France-Culture, le rappeur, écrivain et réalisateur évoque son enfance et ses études à Strasbourg, ses débuts dans la musique et sa passion pour la littérature. D’Abd Al Malik, venu à Tropiques-Atrium, le 9 novembre 2019, présenter « Le Jeune Noir à l’épée », un spectacle chanté et chorégraphié, créé à l’occasion de l’exposition « Le Modèle Noir » au Musée d’Orsay, nous savons l’authenticité des engagements, l’importance de l’ œuvre artistique, l’humanisme dont il se réclame. Nous savons aussi qu’Aimé Césaire fait partie de son panthéon littéraire : « Sénèque, Camus, Césaire sont devenus mes potes ». C’est pourquoi nous intéressent les prises de position qu’il revendique, après les manifestations contre la mort de George Floyd là-bas, la mort d’Adama Traoré, ici, où les atermoiements de la justice risqueraient bien de mettre le feu aux poudres.

« La mort de George Floyd ne doit pas masquer nos réalités franco-françaises »

Abd Al Malik, rappeur, slameur, écrivain et réalisateur participait mardi à la manifestation devant le tribunal de grande instance de Paris, organisée pour Adama Traoré.

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« Lettre adressée à mes amis blancs qui ne voient pas où est le problème… » – Virginie Despentes

En France nous ne sommes pas racistes mais je ne me souviens pas avoir jamais vu un homme noir ministre. Pourtant j’ai cinquante ans, j’en ai vu, des gouvernements. En France nous ne sommes pas racistes mais dans la population carcérale les noirs et les arabes sont surreprésentés. En France nous ne sommes pas racistes mais depuis vingt-cinq ans que je publie des livres j’ai répondu une seule fois aux questions d’un journaliste noir. J’ai été photographiée une seule fois par une femme d’origine algérienne. En France nous ne sommes pas racistes mais la dernière fois qu’on a refusé de me servir en terrasse, j’étais avec un arabe. La dernière fois qu’on m’a demandé mes papiers, j’étais avec un arabe. La dernière fois que la personne que j’attendais a failli rater le train parce qu’elle se faisait contrôler par la police dans la gare, elle était noire. En France on n’est pas raciste mais pendant le confinement les mères de famille qu’on a vues se faire taser au motif qu’elles n’avaient pas le petit papier par lequel on s’auto-autorisait à sortir étaient des femmes racisées, dans des quartiers populaires.

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Aux Etats-Unis, les Blancs sont renvoyés à leur «privilège»

— Par Alexis Buisson —

Dans la presse ou sur les réseaux sociaux, la communauté noire appelle les Blancs à utiliser leur position privilégiée dans la société pour l’aider à lutter contre le racisme systémique.

ew York (États-Unis), correspondance.– Sur les réseaux sociaux et les pancartes de manifestants, dans la presse locale et nationale… Depuis la mort de George Floyd, un homme noir tué par un policier blanc qui s’est agenouillé sur son cou à Minneapolis, lundi 25 mai, impossible d’échapper au terme « white privilege » (« privilège blanc »). C’est le fait que les Blancs, grâce à la couleur de leur peau, bénéficient d’avantages que les minorités raciales n’ont pas, aux États-Unis et ailleurs.

En ce moment, les manifestants noirs emploient l’expression pour exhorter leurs « alliés » blancs à utiliser leur position dans la société pour enrayer le racisme systémique qui sévit outre-Atlantique. « Dénoncez le racisme quand vous le voyez », « Écoutez les Noirs sans leur dire comment ils doivent mener leur combat ou faire leur deuil », « Ayez des conversations difficiles avec vos proches sur vos préjugés », peut-on lire pêle-mêle sur Instagram.

Les Blancs, eux, en parlent dans des vidéos et des messages sous les hashtags #whiteprivilege ou #whiteprivilegeisreal.

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Le Défenseur des droits reconnaît des discriminations «systémiques» dans un commissariat parisien

Des policiers du 12e arrondissement de Paris ont discriminé un groupe de jeunes de façon systémique, selon un document du Défenseur des droits, qui tient à mettre en garde contre une généralisation de ces conclusions à l’ensemble des forces de l’ordre.

Ces observations, publiées par Mediapart et dont l’AFP a eu copie, ont été remises à la justice par Jacques Toubon dans le cadre de la procédure intentée par plusieurs jeunes contre le ministre de l’Intérieur pour «fonctionnement défectueux du service public de la police». Ces 17 habitants du 12e arrondissement parisien dénoncent depuis 2015 des faits de harcèlement discriminatoires par des fonctionnaires de police. En 2018, trois policiers du 12ème arrondissement de Paris ont été condamnés au pénal dans cette affaire, condamnation dont ils ont fait appel.

C’est dans le cadre d’une autre procédure, civile, que le Défenseur des droits a été saisi. Les interventions policières visées, écrit-il, «mettent en évidence une succession de contrôles, de vérifications d’identité, de palpations, de fouilles et de conduites au commissariat, qui se sont produites en dehors du cadre légal et se sont accompagnées d’entorses fréquentes à la procédure qui visaient particulièrement les plaignants, tous des jeunes gens du quartier Erard-Rozanoff d’origine maghrébine et africaine».

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Ces statues qui font l’actu…

Victor Schœlcher en Martinique

— par Christiane Chaulet Achour —

« Il y a une trentaine d’années, un Noir du plus beau teint, en plein coït avec une blonde « incendiaire », au moment de l’orgasme s’écria : « Vive Schœlcher ! » Quand on saura que Schœlcher est celui qui a fait adopter par la IIIe République le décret d’abolition de l’esclavage, on comprendra qu’il faille s’appesantir quelque peu sur les relations possibles entre le Noir et la Blanche ».

Frantz Fanon, Peau noire masques blancs

Près de soixante dix années séparent cette citation de Fanon et la destruction de deux statues de Schœlcher en Martinique, le 22 mai 2020, jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage. Face à ces actes, faut-il se contenter de cris d’orfraies ou au contraire d’approbation ? Quel est l’impact d’une statue posée sans explication dans l’espace public et ainsi offerte au respect, sinon à l’admiration ? Les actes de ces jeunes femmes, intervenant intempestivement au vu et au su de tous, invitent à réfléchir à l’écriture de l’Histoire qui ne peut être scellée dans le marbre une bonne fois pour toutes et surtout à l’essaimage des symboles – statues et monuments, noms de rues et d’édifices publics -, qui ne peuvent être inamovibles dans le dynamisme des sociétés en devenir.

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Destruction de statues en Martinique

Chaque génération pose sa pierre pour la décolonisation

— Par Danielle Laport, Docteure HDR – Sociologue —

L’histoire de la Martinique est riche en évènements qui interrogent la société dans son rapport à la France et de ce fait dans son rapport avec elle-même.

La dépose violente de la statue de Victor Schœlcher dans deux communes s’inscrit dans la continuité des actions directes menées depuis quelques mois dans les centres commerciaux sur la question de la chlordécone. En lieu et place d’une dénonciation consternée de ces actes du 22 mai 2020, nous devons nous attacher à mieux décrypter l’action de ces jeunes activistes qui posent, à leur manière, la question d’une Martinique à décoloniser.

La Martinique a déjà connu ce type d’acte sur les symboles de la période coloniale ; période constituant une page de l’histoire de la Martinique. Mais ces actes étaient anonymes ou identifiés à des slogans que l’on peinait à rattacher à un groupe.

Ce 22 mai 2020, les actes sont filmés, postés sur les réseaux sociaux, revendiqués ; les jeunes activistes ne craignent pas d’être identifiés. La Martinique franchit une étape ; celle de jeunes Martiniquais.e.s

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Non, on ne peut pas dire qu’un enfant disparaît toutes les dix minutes en France

A l’occasion de la journée internationale des enfants disparus, lundi 25 mai, le ministère de l’Intérieur dévoile les derniers chiffres sur les disparitions de mineurs. Des chiffres qui sont parfois résumés un peu vite.

Lundi 25 mai, à l’occasion de la journée internationale des enfants disparus, le ministère de l’Intérieur a dévoilé ses derniers chiffres sur les disparitions de mineurs. « En France, un enfant disparaît toutes les dix minutes », ont résumé certains médias. La cellule Vrai du Faux vous explique pourquoi cette affirmation est fausse. 

Plusieurs signalements pour un même enfant 

Dire qu’un enfant disparaît toutes les dix minutes en France est un raccourci malheureux. Chaque année, le ministère de l’Intérieur communique bel et bien un bilan des disparitions de mineurs, toutefois, il n’évoque pas un nombre « d’enfants » disparus mais de « signalements ». Aussi, si les autorités rapportent avoir recensé 51 287 signalements de mineurs disparus en 2019, cela ne veut pas dire que 51 287 enfants ont disparu cette année-là. « Un enfant peut être signalé plusieurs fois », expliquent les équipes du 116 000, le numéro d’urgence gratuit mandaté par le ministère de l’Intérieur pour aider les familles d’enfants disparus.

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Sourire avec les yeux

Quelle gageure en effet !

— Par Marie-Andrée Ciprut, psychologue-écrivaine —

Assise dans un tram, j’aperçus une amie qui attendait le sien de l’autre côté de la rue, un masque sur le visage. « Mais c’est Unetelle ! » me suis-je dit en m’apprêtant à lui faire un signe amical. J’ai brusquement arrêté mon geste, en proie à un terrible doute :

La taille et la carrure, c’était elle,

Le style d’habillement, c’était elle,

Les couleurs pastel, c’était elle,

La coiffure, c’était peut-être elle,

Mais, derrière son masque, était-ce vraiment elle ?…

J’ai dû alors affronter cette brutale réalité : le coronavirus allait désormais s’immiscer dans nos vies pour les influencer, les contrôler, les diriger, les changer…

Quelle histoire, ces masques !

Dès les premiers signes de tarissement, les pharmacies sont prises d’assaut même avant le confinement : commande, coût, 10 CHF pièce. Pareil pour le gel hydroalcoolique, qui atteint également le prix exorbitant de 10 CHF le flacon de 100ml. Qu’à cela ne tienne, tout le monde en achète !…

A vrai dire, les pays européens se trouvant devant une pénurie de masques, en ont déconseillé l’usage, tout en faisant secrètement des commandes massives en Chine, ce qui alimenta un marché très lucratif, une économie parallèle florissante, un commerce officiel ou non, provoqua des vols de cargaisons dans les aéroports, des détours de destinations, des mensonges d’états.

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La révolte des esclaves à Ouidah le 14 mars 1724

— Jean-Pierre Bat —

Africa4 propose une série sur l’histoire de l’esclavage sur la côte du golfe de Guinée… du point de vue des hommes et femmes réduits en esclavage.
# Épisode 1 : la révolte des esclaves à Ouidah le 14 mars 1724.

Cette série est le résultat d’une campagne de recherche inédite dans les archives de la Compagnie des Indes par les étudiant.e.s du Master d’histoire transnationale de l’Ecole normale supérieure et de l’Ecole des chartes (PSL Université).

Questions à… Justine Soistier, étudiante en Master d’histoire transnationale (PSL Université).

Quelle géographie du navire esclavagiste Le Dauphin peut-on établir ?

Nous sommes à bord du Dauphin, un navire français parti de Lorient le 23 août 1723, il transporte à son bord 371 esclaves.

Le navire négrier présente quatre points cardinaux : le pont, l’entrepont, l’avant et l’arrière du navire. Ce sont des points repères pour les marins, qui les dénomment comme tels, ainsi que pour les esclaves qui possèdent leur propre perception de l’espace.

Le pont, tout d’abord, est l’endroit où se trouve l’équipage. A bord du Dauphin, il est composé de quatre-vingts personnes.

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En France, un enfant disparaît toutes les 10 minutes

Fugues, enlèvements parentaux, disparitions inquiétantes : la Journée internationale des enfants disparus met en lumière des chiffres vertigineux.

Le temps de lire cet article, un enfant aura disparu en France. Parce qu’il sera parti en fugue, parce qu’un de ses parents aura décidé de le soustraire à l’autre sur fond de séparation, ou, plus inquiétant encore, parce que cette disparition n’aura pas de motivation connue.

La comptabilité des services de police et de gendarmerie fait froid dans le dos : plus de 51 000 disparitions en 2019. Certes, la grande majorité de ces enfants et adolescents sont retrouvés ou reviennent sains et saufs. Mais des milliers restent introuvables, laissant autant de familles dans le désarroi total. Comme chaque 25 mai, la Journée internationale des enfants disparus est là pour sensibiliser le plus grand nombre et médiatiser le plus possible le 116 000, ce numéro gratuit et européen réservé aux familles et proches d’enfants disparus. Même si cette année, Covid-19 oblige, il n’y aura pas de rassemblement à Paris.

«Un mineur qui disparaît est toujours en danger»

L’an dernier, les équipes du 116 000 ont géré quelque 1 200 dossiers.

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Décès de l’écrivain et sociologue Albert Memmi, humaniste et penseur de la judéité

L’écrivain et sociologue Albert Memmi, grand auteur français d’origine juive tunisienne, connu notamment pour ses romans humanistes dont « La statue de sel » et ses ouvrages sur la « judéité », la colonisation ou le racisme, est décédé le 22 mai à Paris, à l’âge de 99 ans, a-t-on appris dimanche.

« Il est mort extrêmement sereinement, dans la nuit de jeudi à vendredi », a déclaré à l’AFP Guy Dugas, professeur émerite à l’université de Montpellier-3, qui collaborait avec cet « écrivain de la déchirure » depuis plusieurs décennies et avait publié plusieurs ouvrages sur sa vie et son oeuvre, dont des fragments de son journal intime.

Il était né en 1920 dans la Tunisie coloniale et une famille juive arabophone très modeste.

Son talent avait été reconnu très tôt par Albert Camus et Jean-Paul Sartre qui avaient préfacé ses premiers ouvrages, notamment son roman « La Statue de sel » (1953) où il s’émerveillait et souffrait à la fois d’avoir plusieurs identités, à l’image de son personnage principal, Alexandre Mordekhaï Benillouche.

Ecrivain et chercheur reconnu, Albert Memmi n’avait jamais cessé de chercher à bâtir des ponts entre l’Orient et l’Occident, l’Europe et le Maghreb, et il aura contribué par ses écrits à développer la pensée humaniste, notamment par ses essais autour de la « judéité » — un concept qu’il avait forgé dans les années 1970 –, du colonialisme (notamment avec son « Portrait du colonisateur », 1957) et du racisme.

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Le portrait du colonisé d’Albert Memmi

Après avoir publié le « Portrait du colonisateur de bonne volonté » dans Les Temps modernes en avril 1957, Albert Memmi faisait paraître le « Le portrait du colonisé » dans Esprit, en mai 1957. Les deux textes devaient être réunis et développés dans « Portrait du colonisé – Portrait du colonisateur » [1]. Nous reproduisons ci-dessous Le Portrait du colonisé tel qu’il est proposé sur le site de la revue Esprit à l’occasion de la parution de son numéro de décembre 2006 intitulé « Pour comprendre la pensée postcoloniale » [2].

Le mythe

Tout comme la bourgeoisie propose une image du prolétaire, l’existence du colonisateur appelle et impose une image du colonisé. Alibis sans lesquels la conduite du colonisateur et celle du bourgeois, leurs existences mêmes, sembleraient scandaleuses. Mais nous éventons la mystification, précisément parce qu’elle les arrange trop bien.

Lorsque le colonisateur affirme, dans son langage, que le colonisé est un débile, il suggère par là que cette déficience appelle la protection. D’où, sans rire – je l’ai entendu souvent – la notion de protectorat. Il est dans l’intérêt du colonisé qu’il soit exclu des fonctions de direction ; et que ces lourdes responsabilités soient réservées au colonisateur.

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