Ce livre a été publié il y a 13 ans à Berlin, ville où j’habite encore aujourd’hui. À cette époque, j’ai eu la chance – ou le destin – de bénéficier d’une des bourses de doctorat les plus prestigieuses du gouvernement allemand. Je venais de terminer mes études à Lisbonne où, pendant plusieurs années, dans un grand isolement, j’avais été la seule étudiante noire du département de psychologie clinique et de psychanalyse. Dans les hôpitaux où j’ai travaillé, pendant et après mes études, j’étais fréquemment prise pour la femme de ménage, parfois les patient·es ne voulaient pas que je les examine, ou refusaient même d’entrer dans la même salle et de rester seul·es avec moi. J’ai quitté Lisbonne, ville où je suis née et où j’ai grandi, avec un grand soulagement.
Je ressentais une immense urgence à partir, pour pouvoir apprendre une nouvelle langue. Un nouveau vocabulaire, dans lequel je pourrais finalement me trouver. Dans lequel je pourrais être moi.
Je suis arrivée à Berlin, où l’histoire coloniale allemande et la dictature impériale fasciste ont également laissé des marques inimaginables. Et, pourtant, il me semblait y avoir une petite différence : alors que je venais d’un lieu de négation, voire de glorification de l’histoire coloniale, j’habitais désormais un autre lieu où l’histoire provoquait la culpabilité, voire la honte.