— Par Philippe Pierre-Charles —
Le travail de Sabrina Cajoly, juriste antillaise (et hexagonale, précise-t-elle), spécialiste des droits humains à l’échelle internationale, sur le sujet évoqué dans le titre, mérite toute l’attention du mouvement social, des politiques, des citoyennes et citoyens des dernières colonies et de leurs soutiens en général.
Bien qu’elle se cantonne à la dimension juridique des choses, son travail méticuleux incite, en fait, à convoquer les profondeurs du passé colonial. Il expose, avec perspicacité et sang-froid, les turpitudes d’un présent fait de discriminations. Et il pose enfin, objectivement, des questions stratégiques sur le futur du combat pour l’égalité et l’émancipation.
Le passé dont il s’agit nous renvoie au moins à la révolution de 1789, à la grande contradiction de sa signification réelle chez nous. Alors que les cris de liberté et d’égalité des droits secouaient l’Europe des princes et l’Amérique des tyrans esclavagistes, les héros de « la grande révolution « , dans leur majorité, refusaient de voir la faille béante de l’universalisme dont ils se revendiquaient. Ils pratiquaient en effet une triple exclusion : exclusion de la nature humaine des masses africaines, chosifiées dans le code noir, victimes des gigantesques crimes du rapt, de la traite et de l’esclavage, crimes perpétrés sur deux continents et un océan, exclusion des femmes (et pas seulement dans le vocabulaire), exclusion enfin du bas peuple français de tous les droits humains allant au-delà des seuls droits civils.