— Par Roland Tell —
Pour tout Martiniquais, qu’il soit noir, béké, indien, au-dessus du temps actuel, qu’on le veuille ou non, reste toujours l’esclavage des débuts historiques. Paraphrasant Nietzsche, on peut dire que c’est ce qui nous « meut et qui nous met en chaleur » dans la société d’aujourd’hui, en tous cycles d’évolution, comme en tous cycles de culture. Est-ce à dire qu’il est vain d’espérer un humanisme martiniquais, regroupant les races concernées, dans une dynamique historique d’émancipation politique ? Est-ce à dire qu’il est vain de vouloir faire peuple pour la liberté politique, et pour « l’ultime ivresse » de l’émancipation ?
Y aura-t-il un jour un humanisme martiniquais, un humanisme héroïque, transcendantal, se situant au-delà des intérêts sociaux et économiques, plus précisément dits de race et de domination ? Ici en Martinique, là où sont partout les amas d’ossements, à défaut d’ossuaires bien constitués dans nos villes principales, pour davantage fixer les martyrs dans la mémoire collective, et permettre ainsi bien des résurrections, par le témoignage et par le souvenir ! Par exemple, c’est en ignorante et en aveugle que la jeunesse martiniquaise, va, vient, quitte enfin l’île aux ossements dispersés – une île qui agonise aux yeux de tous, sans possibilités de travail, parce que l’économie du plus haut mal, celui de l’esclavage d’antan, des terres, des usines, des entreprises, attache désormais plus de prix à l’économie d’abondance dans sa production et l’exportation, qu’aux besoins et aux tendances de nos jeunes au chômage.