— Par Kora Véron —
Annoncée depuis plusieurs années, l’édition des Écrits politiques d’Aimé Césaire était attendue avec curiosité. Désinvolte, dépourvu de l’apparat critique indispensable à l’appréhension d’écrits politiques, ce travail se signale surtout par ses lacunes manipulatrices.
Aimé Césaire, Écrits politiques (1935-1956). Édition établie et présentée par Édouard de Lépine⋅ Nouvelles Éditions Jean-Michel Place, 428 p⋅, 23 €
Le lecteur gourmand se précipite sur la table des matières⋅ Qu’y a-t-il au menu ? Impossible de le savoir avec précision. Il y reconnaît les titres de textes bien connus, comme « Nègreries : jeunesse noire et assimilation », ou Discours sur le colonialisme⋅ Mais à ces titres authentiques sont mêlés des titres inventés par l’éditeur⋅ Ainsi, « Hommage au cri de l’invincible espérance. Cinquième anniversaire du 18 juin 1940 » devient « Ve anniversaire de l’appel du général de Gaulle prononcé le 18 juin par Aimé Césaire, maire de Fort-de-France » dans la version retenue par Édouard de Lépine⋅ Plus étonnant encore, les interventions de Césaire à l’Assemblée nationale se voient attribuer un titre, plus ou moins romancé (par définition, un discours parlementaire n’a pas de titre)⋅ La table des matières ne mentionnant pas l’origine des textes, le lecteur alléché doit tourner les pages pour savoir, par exemple, à quoi renvoie : « Les troupes coloniales ne méritent pas le déshonneur d’être traitées en troupes prétoriennes »⋅ Aura-t-il le plaisir de découvrir un texte qu’il ignorait ?