— Par Christophe Dejours* —
L’intervention des psychanalystes écarte la mise en discussion de qui, dans l’organisation du travail elle-même, est en cause dans le déclenchement de la violence. Dans bien des cas, ce qui déclenche l’agression ne vient pas du tout des maladresses psychologiques des salariés victimes, mais des tâches qu’ils assument.
On assiste actuellement à un renouveau de la demande, adressée aux psychologues et aux médecins par des entreprises ou des administrations, liée aux problèmes psychologiques occasionnés aux salariés suite aux agressions qu’ils subissent dans l’exercice de leur profession. Salariés du secteur bancaire victimes de hold- up, agents des chemins de fer ou de la RATP, enseignants dans les collèges et les lycées, employés de La Poste, caissières de supermarchés, etc. Gestion du stress, groupes de parole connaissent ainsi un grand développement et recrutent, parmi d’autres, praticiens de la santé et psychanalystes.
Deux axes théoriques servent le plus souvent de référence à ces interventions. Le premier est connu sous le nom de » théorie du traumatisme « . Il concerne les troubles psychiques qui s’installent parfois à la suite d’une agression ou d’un accident : réminiscences inopinées de la scène traumatique, manifestations physiques d’angoisse (sudations, tremblements, palpitations, sensations d’étouffement, etc.),
Catégorie : Echos d’éco
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Le Medef et l’apologie du risque
— Par Christophe Dejours* —
Dans la plupart des situations ordinaires, partager le risque est un leurre : l’entrepreneur prend des risques dans le registre de l’avoir, sur son capital ; le salarié prend des risques dans le registre de l’être, sur son intégrité physique et parfois mentale
L entretien qu Ernest*Antoine Seillière a accordé aux Cahiers de l assurance laisse perplexe. Il place la prise de risque du côté du bien. Il en fait l une des deux caractéristiques du libéralisme (à côté de la responsabilité) et la qualité, par excellence, de l entrepreneur moderne. Il divise la société en » riscophiles « , qui portent l esprit d entreprise, et » riscophobes « , qui, accrochés à leurs privilèges, refusent le progrès.
Mais emporté par son enthousiasme, le président du Medef commet quelques erreurs. Comment soutenir, par exemple, que » le premier rempart contre le risque, c est le travail » ? Est-ce une invitation à oublier les milliers de morts et de mutilés que produisent le bâtiment et les travaux publics chaque année, les malades qui se meurent de cancer par l amiante ou les solvants chlorés ?
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Les médecins dans ou hors le travail ?
— Par Christophe Dejours* —
Le Medef propose des réformes qui permettraient de se passer de ces spécialistes, en confiant leurs visites périodiques aux salariés à des généralistes libéraux, et leur travail sur le terrain à des techniciens du risque
Les médecins-inspecteurs du travail se sont mis en grève le 8 juin pour protester contre l’insuffisance des moyens mis à leur disposition et la précarité de leur statut. A l’issue des Journées nationales de médecine du travail, qui se tenaient à Lille, un millier de congressistes ont défilé dans les rues de la ville pour défendre leur métier. Alors qu’il manque environ 1 000 médecins du travail en France, le Medef propose des réformes qui permettraient de se passer de ces spécialistes.
En matière de santé au travail, les problèmes se sont compliqués ces dernières années. On a enregistré, en France, une recrudescence des accidents qui semblent atteindre principalement les personnes en contrat précaire. On commence seulement à évaluer les désastres de l’amiante. Et l’on découvre maintenant de nouvelles pathologies professionnelles. Des pathologies de » surcharge « , d’abord, comme les troubles musculo- squelettiques (TMS), l’épuisement professionnel ( » burn out « ), le karôshi (mort subite par accident vasculaire chez des sujets jeunes sans antécédent, mais travaillant plus de soixante-dix heures par semaine).
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La guerre économique n’aura pas lieu
— Par Christophe Dejours* —
Comment de telles énormités peuvent-elles devenir la référence obligée de tous les discours ? Si c’est vraiment la guerre, alors la fin justifie les moyens. On peut décréter la mobilisation générale, et s’il y a des victimes, c’est qu’il ne peut en aller autrement. La guerre économique vaut pour une absolution des puissants
La guerre économique est un slogan annonçant une ère de catastrophes qui réalisera un partage sans pitié entre ceux qui seront sauvés et ceux qui seront broyés. Guerre étrange qui éclate sans bombe et sans char, sans soldat et sans armée ! Une guerre si différente de celle de Bosnie ou du Vietnam que ce n’est tout simplement pas une guerre. La guerre économique est seulement une métaphore. Faire passer la métaphore pour la chose même, c’est risquer le délire. Ainsi Jean-Pierre Chevènement a-t-il affirmé naguère devant une convention nationale du PS la nécessité d’apporter » une riposte politique » à la guerre économique qu’il a qualifiée de » troisième guerre mondiale « . De même, Edith Cresson, lorsqu’elle était ministre des affaires européennes, avait-elle préconisé la création en France d’un » haut commandement de la guerre économique « .
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Les vertus cachées du jeu au travail
— Par Christophe Dejours* —
Le paradoxe des activités ludiques, c’est qu’elles ont leur utilité : elles permettent, ici, de maîtriser l’angoisse ; là, de maintenir la vigilance, d’accroître la sensibilité et l’habileté professionnelle. Le plus surprenant, c’est que, souvent, les salariés en éprouvent de la gêne, de la culpabilité ou de la honte
Jouer sur les lieux de travail est illégal. » Tel est le jugement rendu en mars dernier par la Cour de cassation, concernant un intermédiaire financier surpris alors qu’il se livrait » à des jeux de hasard avec des tiers. En l’occurrence des paris sur l’élection présidentielle et sur les matches de football « . Ce salarié a été licencié sur-le-champ pour faute grave.
Il va de soi qu’activité ludique et activité de travail sont antinomiques. S’entendent déjà les gloussements d’indignation : » On ne paie tout de même pas les gens pour qu’ils jouent à la belote ou aux échecs, au lieu de travailler ! C’est inimaginable ! » Imagination ? Raisonnons plutôt et intéressons-nous aux réalités du terrain.
Prenons l’exemple des cambistes qui spéculent sur les taux de change.