— Par Martin Rueff Poète, philosophe —
«Poétique» est l’adjectif de la louange partagée. D’une exposition, d’une installation, d’une chanson, d’une silhouette on dira aujourd’hui qu’elles sont «poétiques». Le prédicat est ici moins descriptif qu’évaluatif. «Poétique» signifie tour à tour mystérieux, beau, profond, singulier, frappant.
Mais on assiste, aujourd’hui, en France, à un phénomène sémantique qui ne doit pas passer inaperçu : non seulement le nom «poésie» (descriptif en tant qu’il désigne une activité symbolique qu’on a pendant des siècles identifiée comme «art du langage») dont l’adjectif «poétique» (évaluatif) est tiré n’est plus considéré comme son porteur naturel, mais encore on va jusqu’à dénier aux poètes la poésie qu’on prête aux non-poètes. Ce n’est plus la poésie des poètes qui est poétique. On apporte ici un cas limite.