— par Michel Lercoulois — Quel beau titre pour un recueil mêlant images et poèmes, issu de la toute jeune maison d’édition, Ad Verba, bel objet de surcroît avec son élégante couverture à rabats, le papier et la typographie soignés. Ce petit mais beau livre est né du pari des deux fondateurs de la maison, deux plasticiens – l’une qui tisse, Christine Lumineau, l’autre, Xavier Ribot, qui crée des installations, en général de taille réduite – de proposer les photographies d’une centaine et plus de leurs œuvres à la libre inspiration des poètes. Seule contrainte : se maintenir entre dix et vingt lignes. On sait quelle soif d’écrire anime tant de nos contemporains. Alors que le lancement de ce concours fut discret, ils furent deux-cent-vingt poètes à répondre, proposant exactement trois-cent-quatre-vingt-neuf textes comme nous l’apprend la quatrième de couverture. On est en droit de parler de concours car ne furent finalement retenus que trente-huit poèmes (soit à peu près un sur dix) à raison d’un seul par auteur, soit trente-huit auteurs, poètes ou apprentis poètes plus ou moins aguerris mais, avec une sélection aussi drastique, le résultat ne pouvait qu’être bon, même si, évidemment, la sensibilité du lecteur s’accordera plus facilement avec celle de certains des auteurs plutôt que d’autres.
Catégorie : Poésies
Poésies
« Lannwèl tala tjè noutout lajol ! » & « En nous cette colère »
Lannwèl tala tjè noutout lajol !
Annou prédyé, manmay
Pou nou pé sa goumen
Goumen sé prédyé
Prédyé sé goumen
Mi an inosan ka domi lajòl !
Sé fwè nou, sé yich nou,
Sé san nou, sé defansè nou !
Ki mal i fè douvan létèwnèl ?
Lanmou sèlman épi sakrifis
Soufrans pèp nou i pran
Anlè zépol-li !
I obliyé lavi ki ta’i
Davwa sé ba pèp-la
Épi pèp, kon pèp-la
I chwézi lité !
Ki mal i fè douvan lajistis ? Ayen !
Poésies
Les enfants et les dérives
(aux enfants d’Haïti, de Palestine et à la mémoire d’Aylan le naufragé)
— Par Lenous Guillaume-Suprice —
Fais attention à l’amertume d’Océane
à ce barouf de feu
à ces vagues de détestation
dans son regard
contre toi dirigés.
Ta furie de tout projeter
même des enfants
contre des ruines devant elle
sur les plages du jour
la rend bien folle d’écumes.
Ça lui donne envie
à la vélocité d’un chant de cils
d’engloutir tous tes renégats
tes personnages de discordes et de ressacs
d’un même souffle de dissuasion.
Poésies
« À tous les enfants qui souffrent », Klang & « La cogida y la muerte », Lorca
—Par Gary Klang —
Il y a la main tendue
Qui ne sait pas comment gagner le cœur
Il y a les yeux hagards
De l’enfant qui n’a jamais souri
Il y a tous ceux
Pour qui la terre est un grand astre mort
Il y a la haine et la misère
la geôle et la maison de boue
Il y a tous ceux qui ont
Et tous ceux qui n’ont pas
Il y a enfin
Dans la mer Caraïbe
Une île sans arbre
Qui se perd dans la mer
Poésies
» La complainte du sapin de Noël » & » La rumeur »
— Par Patrick Mathelié-Guinlet —
La complainte du sapin de Noël
Dans la verdeur de ma jeunesse
on m’a coupé le pied sous l’herbe,
on m’a coupé de mes racines,
de ma vie j’ai perdu le fil
et puis de fil en aiguilles…
Je me suis fait enguirlander,
ce n’est pas vraiment cool
même si c’est en foule
qu’on vient pour m’admirer.
Maintenant ils m’ont mis les boules…
lorsque je songe à ma famille,
à la forêt où je suis né
et que jamais, au grand jamais,
je sais que je n’les reverrai !…
À cause de leur stupide coutume
à laquelle ils m’ont sacrifié
sans respect, remords ni regret,
je suis rempli d’amertume
et je ne peux me “résinier”.
Pour ne pas se casser le tronc
ils n’ont su que couper le mien
pour m’offrir un costume à la fin,
un très beau costume en sapin !…
La rumeur
Méfie-toi donc de la rumeur
car elle est comme une tumeur
qui s’enfle alors et qui prend corps…
Bientôt elle a réglé ton sort
et si tu ne la fais pas taire
tel un cancer que l’on opère
au plus vite, ça te dessert :
socialement, te voilà mort !
Littératures, Poésies
Élégie tropicale
Nota bene : Le poète n’analyse pas, n’explique rien. Ses poèmes sont des contes que chacun peut déchiffrer à sa guise. À l’instar du photographe ou du peintre, le poète prend des instantanés et s’efforce de décrire ce qu’il a observé avec son propre vocabulaire. Bien que le poète raconte ce qu’il voit, qu’il ne juge pas, son regard est sélectif et il ne cache pas ses états d’âme. S’il est « voyant », comme dit Rimbaud, il ne faut pas l’entendre au sens où il verrait plus clair que les autres, mais simplement qu’il faut le laisser libre de voir, parfois, autrement. Michel Herland.
Tes grands arbres à l’assaut des mornes jusqu’au ciel
Les lianes qui s’accrochent aux fromagers
Les fleurs sauvages de tes savanes
Tes gamins sourire-soleil
Les mamzels longues jambes
Les vieillards en ont vu d’autres
endimanchés de blanc
ils accompagnent l’un des leurs
à sa demeure dernière
Poésies
Mayot
— Par Daniel M. Berté —
Chido rivé
I violanté, I voltijé, I valdendjé Mayot
I krazé, I koulé, I kasé Mayot
I palantjé, I pijé, I piétiné Mayot
I ravajé, I ratibwazé, I razé Mayot
Chido danmé
I dékalbiché, I défonsé, I démonté Mayot
I dérayé, i dékalé, i débiélé Mayot
I dévasté, I dépotjolé, I démantibilé Mayot
I déchiktayé, I dékatjé, I déservélé Mayot
Mayot pa ni
I pa ni dlo, i pa ni kay, i pa ni manjé Mayot
I pa ni rimed, i pa ni limyè, i pa ni moské Mayot
I pa ni lajan, i pa ni enternet, i pa ni sékirité Mayot
I pa ni lékol, i pa ni téléfòn, i pa ni anmizé Mayot
Maorè o konba
Yo za ka débléyé Mayot
Yo za ka réparé Mayot
Yo za ka rimonté Mayot
Yo za ka rilévé Mayot
Matinitjé anmwé
An ti-lanmen jénérosité pou Mayot
An gran jes solidarité pou Mayot
An tjenbé-fò lanmourtjé pou Mayot
An mouvman-tjè fraternité pou Mayot
Daniel M. Berté 171224
Poésies
Man pa té mandé… Rèzdibonnè
– Par Daniel M. Berté | ||
Man pa té mandé né
|
Rèzdibonnè man né
|
Poésies
« La vie, c’est mortel ! » & « La vie, c’est mortel ! »
— Par Patrick Mathelié-Guinlet —
La vie, c’est mortel !
Parce qu’un premier homme
aurait croqué la pomme,
désireux de connaître
juste sa raison d’être…
La faute originelle !
Avec, il nous faut naître
à ce qu’ils disent en somme…
Depuis, la vie de l’homme
est un péché mortel !
Saturée, la mémoire,
par trop de souvenirs…
C’est la fin de l’histoire
et l’heure de mourir,
de nourrir les corbeaux…
Quand le corps n’est plus beau,
que s’est ridée la peau,
ça fait froid dans le dos :
surgit l’ange à la faux !
Poésies
Diogène
— Par Gary Klang —
On cherche l’éclaircie
La barque sur l’eau étale
Un monde sans heurt et sans obstacle
On s’agrippe aux fétus
Et l’on fait comme Diogène
Qui muni de sa torche
Cherchait un homme en plein soleil
On cherche
On cherche
Se disant que tout de même
Il faudra bien trouver un homme dans un monde d’hommes
Mais très vite
On perd la foi et l’espérance
Le fait est là
Têtu tel un enfant puni
L’homme est une denrée rare
Poésies
Noël 2024
— Par Robert X… —
Et puis si c’était vrai? Si ces tableaux anciens
Où l’on voit une femme découvrant son sein
Pour donner la tétée et allaiter son fils
Représentaient vraiment la Vierge avec le Christ?
Imaginez! Le Fils de Dieu! Imaginez! Le Roi des cieux!
Et pourquoi pas, s’il est à la fois homme et Dieu?
Dans ma crèche en bois, Marie, Joseph, immobiles,
Et Jésus au berceau sont en Playmobil .
Poésies
« Fort-de-France, la capitale grandiloquente » & « Allez jeunesse indomptée »
Fort-de-France, la capitale grandiloquente
Le long roucoulement de la Rivière-Pilote m’apaise
M’enveloppe le chuchotis de la verte frondaison autour
Je me suis enfui loin de la grande-ville délirante, criarde
Fort-de-France est une grande psychotique profonde
Avec ses occlusions intestines de voitures inutiles
Fort-de-France, cette capitale grandiloquente claudicante
Sur un monceau d’incertitude se dresse cette excroissance
Une tour prétentieuse, une érection de quelque chose
Un chancre moderniste sur la peau d’un pays cadavérique
Une tour bien mal nommée, Lumina, une jetée d’ombre
Ce lourd pied posé sur une terre aux milles cancers
Cet hippopotame de verre qui tient du centre hospitalier
Ce complexe hors sol qui se prétend centre d’affaire
Dans une île où ne poussent que les lotissements et les voitures,
Les hypermarchés où s’accumulent ce vampirique ailleurs
Je me défais de cette ville, je me défie de ses louangeurs
Qui ne projettent qu’eux-mêmes vers leurs propres avenirs
Oubliant le petit peuple, le pays minéral, et ses grands maux
Je me désole de ces faiseurs de rien, ces géreurs d’illusions
Tous ces docteurs Frankenstein occupés à tuer le pays mourant
Que voulez-vous vous enorgueillir d’une arche qui abrite les affairistes
Et laisse à la férocité des « narcotiqueurs » une jeunesse déroutée
Et nous voilà ânonnant des slogans âcres : La Martinique avance !
Poésies
« Ne m’appelle pas étranger »
— Par Gary Klang —
Ami
Ne m’appelle pas étranger
Ni d’une île
Ni de la mer
Ni des fleuves
Comme toi
Poussière d’étoiles
Et nos ancêtres
Venus des terres d’ébène
Tu t’enfermes
Et me parles de frontières
D’immigrés
D’immigrants
D’étrangers
De sans-papiers
Que sais-je
Qui t’a légué la terre
Je vais
Je viens
Je passe
Arrachés du néant
Nous allons au pays de nulle part
Sans contour et sans nom
Poésies
Man tonbé Man lévé Anlè chimen lavi
— Par Daniel M. Berté —
Man tonbé blo !
Kon soula an dalo
Man blésé bobo-mwen
An fil-bawblé pikant…
Man lévé flap !
A la-vol-kon-zozio
Man grifantè solid
An jaden tjenbé-tjè…
Man tonbé blogodo !
Kodjè dou an labou
Man pété bol-jounou
Dan la dézespérans…
Man lévé floup !
Ti kolibri vayan
Man koré ek drésé
Rasin-kas an bon tè…
Man tonbé bouf !
Mango koko-bef mi
Man kongné zotey-mwen
Anlè souch démonyak…
Man lévé fioup !
Zéklè an mwa daou
Man pwenté ek matjé
An tras ladivini
Poésies
« Rien qu’un rêve ! » & « Frustration »
— Par Patrick Mathelié-Guinlet —
Rien qu’un rêve !
Si ce monde est un rêve,
à qui appartient-il ?
Adam rêva-t-il Ève ?
Ai-je rêvé d’une île ?
Si ce monde est virtuel,
pouvons-nous le changer ?
Affrontant le danger,
je me rêve immortel !
Icare s’est rêvé
des ailes pour voler
et fuir de sa prison…
Était-ce une illusion ?
La vie n’est qu’un mensonge
et le bonheur un songe…
La souffrance une transe,
pas un mal qui vous ronge !
Faut-il pour échapper
aux sombres cauchemars
juste se réveiller
avant qu’il soit trop tard ?
Tellement de questions
demeurant sans réponse
tandis que l’on s’enfonce
plus loin dans l’illusion…
Poésies
Profilage
Pour Haïti, contre ses prédateurs de tous poils, pour que vivre soit enfin beau un jour…
— Par Lenous Guillaume-Suprice —
Ta fabuliste de correspondante est vite devenue une (autre) abrutie du système, un phare de plus pour des croisiéristes, bruit seulement de ses copains comploteurs, écho par-ci par-là de leurs méfaits.
Toi, tu fais maintenant le chien à tes plaies, essaies de te guérir du passé et d’aujourd’hui, de certaines ratures d’un manque et des lésions du fouet sur ta conscience.
Tu verseras toute ta déconfiture, de l’autre côté d’un ancrage, dans une douloureuse mer d’adieux, fuyant l’acidité d’un grand nombre de scélérats aux dents à la fois perfides et caressantes.
Tu trouveras, sait-on jamais, un peu plus de monnaie pour tes songes-lecteurs, au cours des instants à venir, pour leur relocalisation dans d’autres bibliothèques de vie, hors des quartiers d’avilissements qui les défigurent, depuis l’éternité et plus on dirait, depuis le rétrécissement de l’avenir au profit d’un groupuscule de péteurs de feux, depuis par eux les vols à répétition des habits d’un mieux-être sur ta nudité.
Poésies
Pléré fonmajé
— Par Daniel M. Berté —
Grenn tonbé
Man lévé
Pyé an tè rasiné
Branch anlè ansiélé
Jòdiya man ka di
Sa ka fè-mwen pléré
Chak kout fret an do neg
YO maré anlè-mwen
Té ka fè zépin-mwen
Antré adan kò-yo
Magré mwen magré mwen
Sa ka fè-mwen pléré
An branch-mwen
YO pann neg
Ki té za mawonné
Pou trapé Libèté
Ek chien-YO kaptiré
Sa ka fè-mwen pléré
Lé kapon ka fè won
Pou sa évité-mwen
An tet-yo yo ka di
Fo pa pasé anba’y
Sa ka pòté malè
Sa ka fè-mwen pléré
Poésies
« État du monde » & « Face au néant… »
État du monde
Ce n’est qu’une question de temps :
se meurt peu à peu l’Occident
car de plus en plus décadent,
toute sa culture étouffant,
en proie au culte de l’argent…
Hélas, l’Orient ne vaut pas mieux.
On y vit de moins en moins vieux,
le fanatisme religieux
faisant la guerre au nom d’un dieu
qu’aucun homme a vu de ses yeux…
Le Sud sombre dans la misère :
il a perdu tous ses repères
par la faute de trop de guerres,
colonisations meurtrières…
L’avenir est tellement noir
et le monde entier va si mal
que partout l’homme perd espoir :
extinctions d’espèces animales,
climatique réchauffement,
inondations et ouragans…
Lorsque l’équilibre est rompu,
la Terre crie : je n’en peux plus !
Lors, à bon entendeur, salut…
(ou sinon, ce monde est foutu !)
Poésies
E poutan
— Par Daniel M. Berté —
E poutan
Avan i té bien pòtan
I té ka chanté toulitan
Kouri an savann o chan
Dèyè tout poul a bel kanman
E poutan
Epi yo i té boug galan
Bel ganm épi pawol charman
Ka plen tet-yo tout-an riyan
Ka fè kous dèyè lé manman
E poutan
I té an kok vayan-vayan
Pa kokoriyè anlè ban
Men an tet lé pyé flanbwayan
Pou sa lévé lé zabitan
E poutan
I té majò a gran balan
Adan pitt i té atatjan
Prèmié a balansé kakan
A dérayé tout konbatan
E poutan
I pa té an tirè-o-flan
Lè’y té adan konba méchan
Sé té dé kout bek dékalan
Epi dé kout zépon sanglan
Poésies
« Parler… » & « Faire… »
— Par Patrick Mathelié-Guinlet —
Parler…
Parler pour ne rien dire ?
Parler quand on ne sait plus écrire…
Parler pour éviter le pire !
Parler car c’est le propre de l’homme
depuis qu’il a croqué la pomme…
Parler de ce qui compte, en somme :
parler d’amour, de la vie, de la mort
et, même si tout est dit, parler encore…
De vaincre sa timidité faire l’effort
et, pour se faire entendre, parler plus fort !
Parler jusqu’à ce qu’on tombe enfin d’accord…
Puis, quand on n’a plus rien à se dire,
qu’on ne sait vraiment plus quoi dire,
se souvenir que le silence est d’or
et se taire alors…
Faire…
Poésies
Lè mwen ka’y lévé
— Par Daniel M. Berté —
Man ka sòti an sann
Pou tonbé an difé
Man ka sòti an mang
Tonbé an ma labou
Lè mwen ka’y lévé
Sé pou man wè tiyanmay
Nwè ek blan ba’y lanmen
Kon Martin Luther King té révé an jou
Lè mwen ka’y lévé
Sé ki man admet man pa ka janmen ped
Swa man ka genyen, swa man ka aprann
Kon Nelson Mandéla té di an jou
Lè mwen ka’y lévé
Sé ki man dakò ki dan an révolision
Nou ni dwa genyen oben mò
Kon Ché Guevara té di an jou
Lè mwen ka’y lévé
Sé ki man sav ki vo mié glisé épi pyé
Pasé glisé épi lang
Kon Edouard Glissant té matjé an jou
Lè mwen ka’y lévé
Sé pou mwen doubout
Doubout ek lib
Kon Aimé Césaire té matjé an jou
Pou lenstan man atè
Grif planté pou fè fos
Ek man pa ka ped fwa
Man ka’y lévé an jou
Daniel M. Berté 31024
Poésies
Existe-t-il une « nouvelle politique haïtienne d’enseignement en kreyòl » ?
—Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —
Depuis plusieurs années, l’enseignement en langue maternelle créole est une préoccupation majeure chez un grand nombre d’enseignants, de directeurs d’écoles, de parents d’élèves, de rédacteurs et éditeurs de manuels scolaires, de cadres du ministère de l’Éducation nationale et de linguistes-didacticiens. Pour la première fois dans l’histoire du pays, une singulière association professionnelle d’enseignants a vu le jour le 28 août 2016, il s’agit de l’Asosyasyon pwofesè kreyòl ayisyen (APKA), et l’action de cette instance professionnelle pourrait aboutir un jour, grâce à son dynamisme, à une diplomation spécifique –à l’attribution d’un diplôme d’État–, résultant d’une formation spécialisée en didactique du créole. Il est attesté que l’enseignement en langue maternelle créole –qui n’est toujours pas sanctionné par un diplôme émis dans le cadre d’un programme spécifique de formation des enseignants à l’École normale supérieure de l’Université d’État d’Haïti–, a fait l’objet de plusieurs études élaborées à partir d’enquêtes de terrain, entre autres celles contenues dans un ouvrage collectif de premier plan, « L’aménagement linguistique en salle de classe – Rapport de recherche » (les Ateliers Grafopub, 2000).
Poésies
« Lorsque le monde prend goût de cendre », par Gary Klang
Lorsque le monde prend goût de cendre
Par Gary Klang
Lorsque le monde prend goût de cendre
Et que tout semble
Si lourd
Si vain
Lorsque le monde prend la couleur du gris
Malgré le soleil rouge et dur
On se demande
Pourquoi le pin auprès de la rivière
L’oiseau qui chante
Et à quelle fin le jour
Le sens se perd et l’on voudrait dormir à tout jamais du sommeil de l’enfant
Ne plus souffrir
Quitter un lieu de leurres et de mensonges
Où seul compte ce droit que l’on dit du plus fort
Masqué du beau nom d’hommes
Qui ne savent plus à quelle porte frapper
Dans un monde
Où la loi est mirage
Et la fausseté la loi
Un monde où les pièces du puzzle ne trouvent jamais leur place
Le sens s’est effondré sous les chars et les balles
Comme si tout cela n’était qu’un film et qu’on va ouvrir l’œil
Pour quitter un cauchemar qui n’a lieu qu’à l’écran
Mais le cauchemar traverse l’écran et prend pied dans les
cœurs
Y a-t-il quelque part une terre où habiter
GARY KLANG
Poésies
« Union libre », d’André Breton
Poésies
Analyse et réflexions sur le poème « Complaintes d’esclave » de Massillon Coicou
— Par Fortenel Thélusma, linguiste et didacticien du FLE —
I
Pourquoi donc suis-je nègre ?
Oh ! pourquoi suis-je noir ?
Lorsque Dieu m’eut jeté dans le sein de ma mère,
Pourquoi la mort jalouse et si prompte au devoir
N’accourut-elle pas l’enlever de la terre ?
Je n’aurais pas connu tous ces tourments affreux ;
Mon cœur n’aurait pas bu tant de fiel, goutte à goutte.
Au fond de mon néant, oh ! je serais, sans doute,
Moins plaintif, plus heureux.
Mais Dieu m’a condamné, le sort doit me poursuivre ;
De mon sang, de mes pleurs, il faut que tout s’enivre !…
II
Pourquoi donc suis-je nègre ?
Oh ! pourquoi suis-je noir ?
Lorsque Dieu m’eut jeté dans le sein de ma mère,
Pourquoi la mort jalouse et si prompte au devoir
N’accourut-elle pas l’enlever de la terre ?
Car libre l’oiseau vole et redit ses concerts ;
Car libre le vent souffre au gré de son caprice ;
Car libre, l’onde limpide, harmonieuse, glisse
Entre les gazons verts.
Esclave, il n’est pour moi nul bonheur, nulle fête,
Et je n’ai pas de place où reposer ma tête.