Catégorie : Poésies

« Cantate pour des matins de rosée », de Fred Williams

— Péface  par Gary Klang —
Poète est celui-là qui rompt pour nous l’accoutumance, disait Saint-John Perse.
C’est l’effet ressenti en lisant Fred Williams. Quand j’ai pris connaissance de Cantate pour des matins de rosée – merveilleux titre ! – c’était par une journée où le ciel avait pris la couleur triste d’une robe de nonne. Fred m’a tiré de ma léthargie par la beauté de sa poésie, d’autant que j’ignorais qu’il écrivait. Je l’avais connu par La Voix de l’Amérique où il m’avait souvent interviewé. Je l’avais aussi vu à Montréal, mais jamais il ne m’avait parlé de ses écrits. À ce sujet, nous rions encore d’une histoire qui nous est arrivée dans un restaurant de l’avenue Côte-des-Neiges. Il y a de ces histoires légères, sans intérêt apparent, mais qui demeurent inoubliables, personne ne sait pourquoi. Ce soir-là donc le serveur, un peu distrait, mit deux couteaux pour Fred, mais pas de fourchette. Ça a provoqué chez nous un fou rire qui dure encore. On l’imaginait essayant de manger son steak avec ses deux couteaux et sans fourchette.
Mais revenons aux poèmes.

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Réveil

— Poème de Robert Lodimus —

Réveil

Depuis plus de deux siècles

Clopine mon pays

À la recherche

De cette île mystérieuse,

Où le printemps, dit-on, est éternel.

Les chemins du « Bien » et du « Mal »,

Où s’arrêtent-ils ?

L’incertitude et la peur

Ensablent notre conscience.

Les indigents du Sud,

Dans la saison

Des égarements,

Sans répit, lapent leurs malheurs.

Sur les vestiges des temps héroïques,

Épopées sublimes et glorieuses,

Toute une meute de misérables!

Des lambeaux ambulants !

Des loqueteux déboussolés!

Des restes d’humains crucifiés

Comme des insectes morts

Sur les branches

Des dionées impavides!

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Un hommage international, à plusieurs voix et de grande amplitude, a été rendu au poète Anthony Phelps le 22 mars 2025

— Par Robert Berrouët-Oriol(*) —

Organisé à Montréal avec l’appui du Cidihca et de la Maison d’Haïti par Robert Berrouët-Oriol, linguiste, essayiste et poète, et par Joël Des Rosiers, médecin psychiatre, essayiste et poète, un hommage international, à plusieurs voix et de grande amplitude, a été rendu au poète Anthony Phelps le 22 mars 2025. Décédé à Montréal dans la nuit du 11 au 12 mars 2025, Anthony Phelps avait reçu de son vivant les distinctions suivantes :

  • 1980     Prix Casa de las Américas, pour La Bélière caraïbe

  • 1987     Prix Casa de las Américas, pour Orchidée nègre

  • 2014     Prix de Poésie Gatien-Lapointe – Jaime-Sabines, pour Mujer América / Femme Amérique

  •   Chevalier de l’Ordre des Arts et des lettres (France). 

  • 2016     Prix Carbet et du Tout-Monde pour l’ensemble de son oeuvre

  • 2017     Grand Prix de poésie de l’Académie française pour l’ensemble de son oeuvre poétique

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« La grande question » & « Points d’interrogation »

 — Par Patrick Mathelié-Guinlet —

La grande question

Les portes ouvrir sur l’inconnu
qu’ensuite on ne referme plus
puis rapporter ce qu’on a vu
dans des poèmes qui soient lus,

c’est là le rôle d’un poète
aventurier de l’intérieur…
S’il risque d’y perdre la tête,
de la folie il n’a pas peur

car avec le cœur il écrit
et, sans hésitation, pénètre
là où jamais aucun autre être
n’a osé aller avant lui…

C’est dans le seul but de connaître
l’arcane secret de la Vie,
d’enfin trouver sa raison d’être :
quand on doit mourir, pourquoi naître ?

Points d’interrogation

J’ai cherché des raisons,
trouvé la déraison !
J’ai posé des questions,
personne n’y répond…

Qui suis-je et puis où vais-je ?
En ce monde qu’y fais-je ?
Pourquoi, comment et quand ?
La vie, la mort, le temps ?

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Ah! donnez-moi

— Par Gary Klang —

Ah! donnez-moi la bonté
Que j’y puise l’air du large
Donnez-moi la beauté
La saveur de l’aurore
Et la pâleur du soir
Lorsque derrière les nuages
La flamme à l’horizon disparaît lentement dans la mer

Je n’en peux plus vous dis-je
Je n’en peux mais
L’homme du pouvoir inquiète et tyrannise
L’homme du pouvoir a perdu la raison
Le goût du sang le hante
Il fuit l’odeur et la beauté des fleurs
L’ilang-ilang des nuits d’antan
Et le palmier la chevelure dansant au vent

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L’Apocalypse d’un poète. Hommage à Anthony Phelps (1928-2025)

— Par Joël Des Rosiers —

Le poète Anthony Phelps fut une voix supérieure à la manière du peintre québécois Jean-Paul Riopelle qualifié de « trappeur supérieur » par André Breton, le premier admirateur du premier Césaire. Céramiste, chimiste de formation, potier autant que poète, Phelps rencontra dans les contrées boréales des héritages artistiques et culturels autochtones qui ne purent que vivifier son œuvre. Le souffle phelpsien fut happé par les territoires nordiques, vastes espaces qui fournissaient une cohérence continentale américaine à l’insularité caraïbe. Écopoétique où le poète de l’exil manie « une langue de sel / sur des peaux de cartographe ».

Si Phelps prie désormais aux pieds des « Arbres de glace / Blanches morsures / têtes caraïbes sous le coupe-coupe du froid », il chante aussi les nouvelles réjouissances de l’épluchette de blé d’Inde, l’autre nom du maïs sucré au Québec. Ce sont des épis aux cheveux blonds dont les feuilles vertes font l’objet d’un effeuillage au cours d’un rassemblement traditionnel sous la lumière du mois d’août. Or cette céréale, originaire de l’Amérique du Sud, était cultivée depuis 3000 ans par les Autochtones, hommes et femmes de maïs de la Caraïbe :

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Te voici à l’ubac maintenant

— Par Lenous Guillaume-Suprice —

« J’ai bu du rhum et de l’eau fraîche/j’ai eu ma part du gâteau de l’espoir/Maintenant que j’ai dit l’essentiel je dois partir/Au point d’accouplement de la terre et du ciel/j’ai rendez-vous avec la rose/pour assister à la naissance de l’amour. »

(Anthony Phelps)

Elle était un fado bien longtemps joué
dans ta maison près du port
bien loin des ballades d’autrefois
pour étouffer les rots d’anciens marins
qui l’humiliaient
les voix de lointains geôliers
qui te poursuivaient
Toute seule, elle allait et venait, elle courait au secours de sa gueule d’iconoclaste
Te voici à l’ubac maintenant
conforme à ta manière de réagir
intense parfois
et elle toujours bien ferme à l’adret
dans ses convictions d’agir
sans plus
Fourmis dans l’âme
par le soir au fond d’un buisson
chagrine
une brise a défrisé sa chevelure
dans ton regard
à l’heure chantante des cigales

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Nous sommes tous d’une île

Par Yves Untel Pastel

Nous sommes tous d’une île !
Île poussière, Ou vaste continent !
Île, fragment disséminé en mer, Ou enclave en pleine terre.
Nous sommes peuples pluriels, en nos myriades d’archipels,
Dans tous les antipodes diasporiques.

Mais, En nous résonne, Un ADN COMMUN,
Une vibration singulière
Gouvernant notre empire intérieur,
C’est le battement millénaire
Du tambour matriciel originel.

Oui, c’est ainsi que nous savons, Qu’au-delà des frontières,
Nous sommes frères et sœurs, Enfants d’une même mère, l’Afrique.
Et c’est cette fraternité fondamentale que nous avons célébrée,
Que nous célébrons et célébrerons encore
Aujourd’hui, partout et toujours,
En évoquant, en honorant, En faisant vibrer, en faisant parler,
Ce cœur qui nous est commun : LE TAMBOUR

Voilà des millénaires Que le Tambour matriciel résonne,
A travers nos tambours singuliers, Chantant aux pieds des baobabs,
S’interpellant d’écho en écho,
De continent en continent.

Tambour mandingue, tambour zoulou,
Tambour kongo, Tambour bantou, en leurs pulsations originelles,
Mais aussi, survivant aux affres de toutes les déportations,
Dans la forge mortifère de tous les échanges triangulaires.

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« Impermanence » & « Éphémère »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Impermanence

Ainsi qu’un robinet qui fuit,
goutte à goutte coule la vie…
Même les souvenirs s’enfuient
quand se succèdent jours et nuits !

Comme cette poignée de sable
que ma main n’a pas su saisir,
passe le temps inexorable
et je ne peux le retenir…

Au tronc d’un arbre pour toujours
j’avais cru graver notre amour,
pensant ainsi défier le sort…
L’arbre est là mais l’amour est mort !

Même ces courbes de ton corps
que mes mains connaissaient par cœur
deviennent floues dans ma mémoire
et, des pages de notre histoire,
l’encre s’efface d’heure en heure…

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Printemps des poètes 2025 : « Volcanique » de Jacques-Olivier Ensfelder

Printemps des poètes 2025
« Volcanique » 8-22 Mars 2025

Poème de Jacques-Olivier Ensfelder
Artiste dramatique/Poète

Volcanique-ment

Au cratère de ma blessure gît le fumet de la reconnaissance.
Elle est ta main dans la mienne et ma paume sur ton cœur.
Comme un pacte pour cheminer ensemble dans l’enfer déguisé.
Sur la fusion des jours, nos geysers de fraîcheurs : artifices, feux-langues, mots, et ce seul poème personnifié aux airs boréals de tes doigts édifiés et qui me fut adressé:

Main Immobile
Sur ce corps inutile
Plaisirs et douleurs s’enlacent.

Ainsi la fable de nous-même dictait  l’humanité et celle du démiurge corrompu en cet hymne de lave froide : Il était une fois, une réalité a gerber la vérité sur les seins de l’amour.

In exquis Condiments :
L’épigone ressuscité se lavait de sa crasse primitive.
D’abord ce corps: l’inexact de l’étreinte.
Au point panique de l’orgasme, les râles en chorale scandaient la mort.
Pas la première, aveuglante
Mais l’autre
La seconde contée et démystifiée
La noire et ses cendres.

Ô Condiment : noir comme hier au soir.

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Ouvè zyé-w, pèp mwen !

Avec une transposition en français de l’écrivain guadeloupéen José Robelot

— Par Yves Untel Pastel —

Ouvè zyé-w, pèp mwen !
Ouvè zyé-w, pèp mwen
Ès ou pa wè yo ka kwazé-ou w jòdi
kon yè yo krazé papa-w maman-w?

Es ou pa wé sé sé menm-lan
ki mété pèp nou an tribilasyon yè
Sé yo menm ka malmennen w jodi ?

Nou anvi kwé ki sa chanjé
ki tjè bouwo vini méyè
ki sitiyasyon nou ké pli dous

Men eskè chyen ka tounen poul ?
Èskè sèpan ka fè vètè ?
Èskè agoulou sèléra pé fè dot yich
Ki agoula séléra ?

Manmay, tou patou moun èstintjé pèp blan
Pèp mounblan mandè é trapé répawasyon!

Gadé mannyè pèp nég
Ka trimen san trapé ayen !

Ès an zyé zéropéyen nou plis ki ayen ?
Ès nou pa chyen, ès nou pa kaka yenyen ?

É an zyé nou menm, ki sa nou yé ?

Mi nou ka fè bèbèl adan bèl lenj ki pa ta nou
Mi nou ka dansé adan gwan bal ki pa ta nou
Mi nou kwé nou sitwayen adan nasyon ki pa ta nou !

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Annou ba fanm plas lonné épi respé

— Par Yves Untel Pastel —

Manmay péyi-nou, manmay Matnik
Annou prantan fè fanm kay nou lonnè
Paskè fanm sé bénédiksyon bondyé pou nou
Fanm sé lanbéli adan lavi nou,
Dépi prémyé jik dényé jou nou

Fanm lanmen dous, fanm pou paré kou
Fanm tonbélévé, fanm lèstonmak laj
Fanm konba mélé, fanm kout tjòk
Fanm manniòk, fanm djòk,

Fanm « bay rum » pou kalmé mové blès,
Fanm rimèd pou pasé lanmen an tèt
Fanm zòrèy ouvè pou koutè doulè tout tjè
Fanm pawòl dousé pou tjwé difé lakolè

Sé toujou fanm ki la pou pòté soulajman
Adan an péyi fanntjou, an péyi tèlman méchan
Sé toujou fanm ki ka rikolé lapo tjé déchiré
Adan an péyi byen souvan mèl ka pwan plon

Péyi-a pani pasé lanmen, péyi-a sé an péyi kotjen
Péyi-a ka estentjé, i ka débiyélé, péyi-a ka tjwé anpil
Ek sé toujou an lé jounou fanm zenfan ka rifè fòs
Sé toujou anlè fal fanm dlo dézèspwa ka riklèsi.

Lè sé lè kouri vini, sé fanm prèmyé ki ka pòté lanmen
Lè sè lè san koulé, sé zyé fanm prèmyé kika jété dlopléré
Lè lavi ka pèd, sé fanm ka vlopé kò pou présèwvé souf lavi
Kèlkiswa laj sa ki pwan fè, sé yich an fanm ki couché atè

Fanm sé manman zanfan, gran kon piti zanfan
Fanm sé manman nonm, gran nonm kon tibolonm
Fanm sé manman fanm, fanm ki za fanm
Fanm ki poko fanm, fanm tiflè ké vini fanm

Fanm sé manman fanm ka vini manman
Fanm sé manman tousa ki ni an nanm
Fanm sé manman tousa ki pani manman
Fanm sé manman pèp nou, nasyon Matnik.

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« Trop parler rend sourd… » & « Traces »

Trop parler rend sourd…

Le silence quand on l’écoute
a beaucoup de choses à nous dire…
Tant de signaux sur notre route
que l’on ne sait, hélas, plus lire

dans tous ces bruits de la Nature
depuis qu’on parle trop sans doute…
Comme des oiseaux le murmure
ou ce que le vent nous susurre,

dans nos esprits ce tas d’images
que transmettent les arbres sages
lorsqu’on se promène en forêt,
attentif aux messages muets
de tous ces témoins d’un autre âge…

Et puisque trop parler rend sourd
à d’autres voix plus intérieures,
parfois se taire est la meilleure
façon de ressentir l’Amour…

Traces

Un crayon de graphite
d’un papier blanc profite
pour laisser une trace
avant qu’on ne l’efface…

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« TGV » & « Mise en scène »

TGV

À ce train-là je n’ai
pas vu le temps passer !
Au train où il allait,
c’était un TGV…

Pas le temps d’un regret
de n’avoir de l’été
pas su mieux profiter
que déjà vient l’automne
sur le chemin de l’homme !

Pas moyen de migrer
et de se mettre au vert,
d’échapper à l’hiver
comme font les oiseaux…

Les ailes sont rouillées
et s’est courbé le dos.
En souvenirs trop flous
se muent les rêves fous

et des feux du printemps
s’évanouit la fumée…
Plus le temps d’espérer,
juste un dernier regard
dans le vague s’égare

avant qu’arrive en gare
sans le moindre retard
ce TGV du temps…
Au terminus, c’est quand
tout le monde descend !

Mise en scène

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« Prise de conscience » & « Onde tropicale »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Prise de conscience

Huîtres, saumon, caviar, homard
et, sans l’oublier, le foie gras
tandis qu’ailleurs meurent de faim
des hommes qui ne le sont pas !

De l’inégalité j’ai marre
et pourtant n’en vois pas la fin…
Pourquoi ne peut-on partager
aujourd’hui entre tous les hommes

les ressources comme la joie
des fêtes autour d’un bon repas
puisqu’à ce qu’il paraît nous sommes
dans un monde globalisé ?

Si soi-disant fut créé l’homme,
comme prétend la religion,
à l’image et la ressemblance
d’un dieu idéalement bon,

comment croire à la vraisemblance
d’un tel mythe lorsqu’on contemple
un spectacle aussi affligeant
donné par les marchands du temple ?

Face à de telles incohérences,
on se pose alors des questions…
Et à partir de maintenant,
faudra combien de temps encore
pour qu’enfin la situation
dans ce bas monde s’améliore ?

Onde tropicale

Mornes tropiques sous la pluie
que déverse le ciel tout gris
par cette longue après-midi
sentant la tristesse et l’ennui…

Mais bientôt jaillit l’arc-en-ciel
sous les rayons d’un chaud soleil
comme un philtre attendu d’oubli
des moments de mélancolie…

Et quand enfin tombe la nuit,
des tas d’étoiles vous sourient,
dansant dans vos yeux réjouis…
Des tropiques, c’est la magie !

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Une table et des chaises en bois mahogany

— Poème de Philippe Charvein —

Plus que des objets de décoration que l’on remarquerait à peine, les yeux fatigués par l’habitude

Formes immobiles la plupart du temps épousant néanmoins le mouvement de la vie dans lequel s’inscrit la maisonnée En attente de quelque présence, vous vous prédisposez aux échanges, aux agapes, aux dialogues enflammés ou sereins à l’écriture solitaire, parfois.

Cette famille, oui, dont vous facilitez les échanges, les débats parfois houleux ces moments de bonheur loin des heurts du quotidien où le plus important est cette heure où la famille justement fait corps et cœur en dépit des malheurs qui heurtent

Point d’éclat, point de fulgurance, point de présence qui écrase plutôt une présence qui rassure, qui tranquillise, apaise, donne l’assurance d’une stabilité dans un monde où l’éphémère prend ses aises, ne dédaigne pas s’ériger en modèle

Nous devinons vous regardant la sérénité du bois dont vous êtes issus

Ce bois confident des secrets d’une terre première

Ce bois confident de ces voix humaines faisant monter leurs secrets et leurs désirs

Ce tronc qui s’élançait entre terre et ciel et duquel vous avez puisé l’énergie, de même que la force secrète des racines implantées dans la terre nourricière.

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L’île de Chido : L’espoir sous la tempête

— Par Ymane Alihamidi-Chanfi(*) —

Dans l’océan profond, un petit caillou seul,
Bijou vert et rubis dans l’écrin d’azur.
Cette île au grand cœur, sous des cieux si cruels,
Portait déjà le poids de ses sombres blessures.

Le volcan, rugissant, y forgea des douleurs,
Les séismes ont brisé son fragile équilibre.
Des bandes de jeunes fauves sèment aussi la peur,
Et l’abandon du loin rend son destin moins libre.

Quand Chido s’élança, un cyclone infernal,
Ses vents hurlaient si fort qu’ils fendaient l’horizon.
Les toits s’effondraient sous le ciel abyssal,
Emportant les écoles et brisant les maisons.

Femmes et enfants pleuraient leurs biens, leurs morts,
Les cœurs lourds de chagrin dans l’étreinte des cendres.
Les makis terrifiés fuyaient leurs arbres d’or,
Et les roussettes affamées cessaient de s’étendre.

Certains regardaient loin, avec un air hautain,
Méprisant ce caillou balayé par la mer.
Mais d’autres, valeureux, contre vents et destins,
Trouvaient dans leur courage une flamme sincère.

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« De feu, de fer et de sang! » & « L’espoir est un oiseau de feu »

De feu, de fer et de sang!

De sang, de feu et de fer…
On devrait ajouter : de sueur, de peur et de pleurs
et ça pourrait faire une assez bonne description de l’enfer…
Mais ce n’est, hélas, que celle
de notre ère industrielle
pour laquelle fut versé
le sang de tant d’ouvriers exploités !
Et même si, à l’ère chimique,
le fer a fait place au plastique,
les victimes sont encore et toujours les prolétaires,
tous ces damnés de la Terre
condamnés par la malbouffe et la pauvreté
à une usante vie de misère
pour la jouissance de quelques milliardaires…

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« L’homme qui voulait peindre des fresques » de Michel Herland

— Jean-Noël Chrisment (revue Esprit n° 517-518, janvier-février 2025) —

Il y a une élégante humilité dans ce titre, L’Homme qui voulait peindre des fresques, faisant d’emblée douter qu’il y soit parvenu. Au dernier tiers du recueil, un poème au ton très détendu, reprenant, à peine modifié, ce titre dans le sien, en émettra de nouveau le doute, plus explicitement encore, resserrant sa dérision d’un humoristique « peut-être ». C’est une position d’écriture à laquelle peut d’emblée répondre, ici, celle d’une lecture qui sera celle, en toute simplicité, d’un partage attentif d’intérêt avec Michel Herland pour ce qui insiste en l’homme, persiste en lui de ce « haut-langage » du poème, dont le rapport au merveilleux terrifiant du monde s’est sans doute instauré bien avant que la Grèce ne lui prête cette hauteur. Au fond, sans doute, dès que l’homme a su s’interroger sur ce qui le dépassait de ce monde incompréhensible où il se trouvait jeté, au mutisme « déraisonnable » en tout cas devant ses questionnements. Sur ce qu’il redoutait comme plus durable, plus éternel ou d’une menace plus opiniâtre, derrière les rugosités passagères de l’instant ou les atermoiements fragiles d’une époque.

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« Solstice d’hiver » & « Menu du jour : Carpe ! »

Solstice d’hiver
Après le solstice d’hiver,
peu à peu, rallongent les jours
et de plus en plus de lumière
ramène l’espoir et l’amour
quand tout autour redevient vert…

C’est un moment très important
pour la Nature : renaissance !
Son cycle repart pour un an,
donnant une nouvelle chance
à tout ce qui vit sur la Terre…

Nos anciens en étaient conscients
qui le fêtaient avec éclat.
De nos jours, dommage vraiment
que soient perdus ces rites-là !
Car le cœur des hommes ne bat

plus au rythme, depuis longtemps,
de la Nature et l’Univers…
Gardons-nous, si l’on ne veut pas
que tout puisse aller de travers,
de se mouvoir à contretemps !

Menu du jour : Carpe !

Parfois, de tout, on en a marre,
l’impression d’aller nulle part…
L’important n’est pas d’où l’on part
ni non plus, d’ailleurs, où l’on va

mais du voyage la jouissance
qui va de naissance à trépas !
C’est le vrai sens de l’existence
que profiter de chaque instant,

vivre pleinement le présent
sans se soucier du lendemain…
Nul ne sait quand viendra sa fin :
procrastiner ne sert à rien !

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Lé zéritié Matinik

— Par Daniel M. Berté —

Nou sé lé zéritié
di an tè volkannik

di an tè siklonik
di an tè tranmanntèik
di an tè radmaréik

Nou sé lé zéritié
dé kangan Lanmérik
dé kangan Lafrik
dé kangan Léwòpik
dé kangan Laziyatik

Nou sé lé zéritié
di ladjoukan kotonnik
di ladjoukan kakawoyik
di ladjoukan tabakik
di ladjoukan kannik

Nou sé lé zéritié
dé kakolè véyatik
dé kakolè gawouléik
dé kakolè mawonnik
dé kakolè fraternik

Nou sé lé zéritié
dé djoubakè énewjik
dé djoubakè rèvandikatik
dé djoubakè konbatik
dé djoubakè patriyotik

Nou sé lé zéritié
dé anmizè lanmizik
dé anmizè kawnavalik
dé anmizè danséik
dé anmizè piblik

Nou sé lé zéritié
dé matjè djidik
dé matjè flanboyik
dé matjè larèlik
dé matjè konsiantik

Nou sé dé zéritié
dé aktè sosialik
dé aktè sendikalik
dé aktè kiltirèlik
dé aktè politik

Nou sé lé zéritié
di lavi paséik
di lavi lafanmiyik
di lavi mondialik
di lavi Matinik

Daniel M. Berté 291124

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« Oliwon d’imaginaire créole », de Rudy Rabathly

— Par Jean-Marc Terrine —

Rudy Rabathaly ancien rédacteur en chef du quotidien France-Antilles, ne lâche pas la plume. Il continu à regarder le pays en laissant tomber l’information et la langue qui communique : le discontinu.

Avec ce pas de côté, depuis qu’il a quitté la presse, il est libre pour parler avec le langage du quotidien : aller à la rencontre des quatre-croisées des langues (français et créole), mais aussi des gestes-corps et des silences qui parlent.

Le continu.

Son livre c’est ça.

Avec ses fragments de deux mots quatre paroles il nous fait driver dans les oliwon du pays. Les alentours de la vie en Martinique, Avec une pensée du bricolage, cette pensée sauvage développée par Claude Levis Strauss.

Il nous fait entendre la beauté de la voix sauvage, primitive du peuple qui dit la vie dans une langue-langage, qui mofwaz. Paroles et gestes populaires qui parlent, chuchotent et gesticulent la vie, l’ordinaire, Les kriyé lavwa de tous les jours pour dire ses affaires de la vie : travai, amour, joie, souffrance, départ, non-dits.

Oliwon une écriture vagabonde, qui erre et qui puise dans notre imaginaire et non dans notre imagination.

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« Pour le nouvel an 2025″ & Pas si joyeux Noël »

Pas si joyeux Noël !
I
Le Père Noël, j’y crois pas :
un VRP Coca-Cola !
Depuis que je l’ai découvert,
tout ça me met fort en colère…
Sur commande vient pas la joie.

Du coup, Noël me fout les boules
comme à ces sapins qu’on abat…
Commerciale et publicitaire
et par trop inégalitaire,
la fête n’est pas vraiment cool…

Aux gosses riches, beaux cadeaux
mais aux enfants de la misère,
les privations de la vie chère…
Comment de ça se satisfaire,
conscient de ce qu’il y a derrière !?

II

Ce Noël, la chose m’atterre
en ce monde inégalitaire :
pendant que, partout sur la Terre
aux pays où coule le fric,

on boit du champagne à gogo,
Mayotte, ruinée par Chido,
et d’autres pays d’Afrique,
où sévissent grande misère

et réchauffement climatique,
souffrent d’un constant manque d’eau…
Père Noël n’y peut rien faire,
lui qui est plutôt gras et gros…

Poussant de joyeux “Ho, ho, ho !”,
bien qu’ayant du pouvoir les “rennes”,
las, pour distribuer ses cadeaux
en ces lieux, il reste à la traîne…

Tout ça nous fait beaucoup de peine !

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« Faire courir le monde »

— Par Michel Lercoulois —

Quel beau titre pour un recueil mêlant images et poèmes, issu de la toute jeune maison d’édition, Ad Verba, bel objet de surcroît avec son élégante couverture à rabats, le papier et la typographie soignés. Ce petit mais beau livre est né du pari des deux fondateurs de la maison, deux plasticiens – l’une qui tisse, Christine Lumineau, l’autre, Xavier Ribot, qui crée des installations, en général de taille réduite – de proposer les photographies d’une centaine et plus de leurs œuvres à la libre inspiration des poètes. Seule contrainte : se maintenir entre dix et vingt lignes. On sait quelle soif d’écrire anime tant de nos contemporains. Alors que le lancement de ce concours fut discret, ils furent deux-cent-vingt poètes à répondre, proposant exactement trois-cent-quatre-vingt-neuf textes comme nous l’apprend la quatrième de couverture. On est en droit de parler de concours car ne furent finalement retenus que trente-huit poèmes (soit à peu près un sur dix) à raison d’un seul par auteur, soit trente-huit auteurs, poètes ou apprentis poètes plus ou moins aguerris mais, avec une sélection aussi drastique, le résultat ne pouvait qu’être bon, même si, évidemment, la sensibilité du lecteur s’accordera plus facilement avec celle de certains des auteurs plutôt que d’autres.

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« Lannwèl tala tjè noutout lajol ! » & « En nous cette colère »

 Par Yves Untel Pastel —

Lannwèl tala tjè noutout lajol !

Annou prédyé, manmay
Pou nou pé sa goumen
Goumen sé prédyé
Prédyé sé goumen

Mi an inosan ka domi lajòl !
Sé fwè nou, sé yich nou,
Sé san nou, sé defansè nou !
Ki mal i fè douvan létèwnèl ?
Lanmou sèlman épi sakrifis
Soufrans pèp nou i pran
Anlè zépol-li !
I obliyé lavi ki ta’i
Davwa sé ba pèp-la
Épi pèp, kon pèp-la
I chwézi lité !
Ki mal i fè douvan lajistis ? Ayen !

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