Catégorie : Poésies

L’île de Chido : L’espoir sous la tempête

— Par Ymane Alihamidi-Chanfi(*) —

Dans l’océan profond, un petit caillou seul,
Bijou vert et rubis dans l’écrin d’azur.
Cette île au grand cœur, sous des cieux si cruels,
Portait déjà le poids de ses sombres blessures.

Le volcan, rugissant, y forgea des douleurs,
Les séismes ont brisé son fragile équilibre.
Des bandes de jeunes fauves sèment aussi la peur,
Et l’abandon du loin rend son destin moins libre.

Quand Chido s’élança, un cyclone infernal,
Ses vents hurlaient si fort qu’ils fendaient l’horizon.
Les toits s’effondraient sous le ciel abyssal,
Emportant les écoles et brisant les maisons.

Femmes et enfants pleuraient leurs biens, leurs morts,
Les cœurs lourds de chagrin dans l’étreinte des cendres.
Les makis terrifiés fuyaient leurs arbres d’or,
Et les roussettes affamées cessaient de s’étendre.

Certains regardaient loin, avec un air hautain,
Méprisant ce caillou balayé par la mer.
Mais d’autres, valeureux, contre vents et destins,
Trouvaient dans leur courage une flamme sincère.

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« L’homme qui voulait peindre des fresques » de Michel Herland

— Jean-Noël Chrisment (revue Esprit n° 517-518, janvier-février 2025) —

Il y a une élégante humilité dans ce titre, L’Homme qui voulait peindre des fresques, faisant d’emblée douter qu’il y soit parvenu. Au dernier tiers du recueil, un poème au ton très détendu, reprenant, à peine modifié, ce titre dans le sien, en émettra de nouveau le doute, plus explicitement encore, resserrant sa dérision d’un humoristique « peut-être ». C’est une position d’écriture à laquelle peut d’emblée répondre, ici, celle d’une lecture qui sera celle, en toute simplicité, d’un partage attentif d’intérêt avec Michel Herland pour ce qui insiste en l’homme, persiste en lui de ce « haut-langage » du poème, dont le rapport au merveilleux terrifiant du monde s’est sans doute instauré bien avant que la Grèce ne lui prête cette hauteur. Au fond, sans doute, dès que l’homme a su s’interroger sur ce qui le dépassait de ce monde incompréhensible où il se trouvait jeté, au mutisme « déraisonnable » en tout cas devant ses questionnements. Sur ce qu’il redoutait comme plus durable, plus éternel ou d’une menace plus opiniâtre, derrière les rugosités passagères de l’instant ou les atermoiements fragiles d’une époque.

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« Solstice d’hiver » & « Menu du jour : Carpe ! »

Solstice d’hiver
Après le solstice d’hiver,
peu à peu, rallongent les jours
et de plus en plus de lumière
ramène l’espoir et l’amour
quand tout autour redevient vert…

C’est un moment très important
pour la Nature : renaissance !
Son cycle repart pour un an,
donnant une nouvelle chance
à tout ce qui vit sur la Terre…

Nos anciens en étaient conscients
qui le fêtaient avec éclat.
De nos jours, dommage vraiment
que soient perdus ces rites-là !
Car le cœur des hommes ne bat

plus au rythme, depuis longtemps,
de la Nature et l’Univers…
Gardons-nous, si l’on ne veut pas
que tout puisse aller de travers,
de se mouvoir à contretemps !

Menu du jour : Carpe !

Parfois, de tout, on en a marre,
l’impression d’aller nulle part…
L’important n’est pas d’où l’on part
ni non plus, d’ailleurs, où l’on va

mais du voyage la jouissance
qui va de naissance à trépas !
C’est le vrai sens de l’existence
que profiter de chaque instant,

vivre pleinement le présent
sans se soucier du lendemain…
Nul ne sait quand viendra sa fin :
procrastiner ne sert à rien !

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Lé zéritié Matinik

— Par Daniel M. Berté —

Nou sé lé zéritié
di an tè volkannik

di an tè siklonik
di an tè tranmanntèik
di an tè radmaréik

Nou sé lé zéritié
dé kangan Lanmérik
dé kangan Lafrik
dé kangan Léwòpik
dé kangan Laziyatik

Nou sé lé zéritié
di ladjoukan kotonnik
di ladjoukan kakawoyik
di ladjoukan tabakik
di ladjoukan kannik

Nou sé lé zéritié
dé kakolè véyatik
dé kakolè gawouléik
dé kakolè mawonnik
dé kakolè fraternik

Nou sé lé zéritié
dé djoubakè énewjik
dé djoubakè rèvandikatik
dé djoubakè konbatik
dé djoubakè patriyotik

Nou sé lé zéritié
dé anmizè lanmizik
dé anmizè kawnavalik
dé anmizè danséik
dé anmizè piblik

Nou sé lé zéritié
dé matjè djidik
dé matjè flanboyik
dé matjè larèlik
dé matjè konsiantik

Nou sé dé zéritié
dé aktè sosialik
dé aktè sendikalik
dé aktè kiltirèlik
dé aktè politik

Nou sé lé zéritié
di lavi paséik
di lavi lafanmiyik
di lavi mondialik
di lavi Matinik

Daniel M. Berté 291124

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« Oliwon d’imaginaire créole », de Rudy Rabathly

— Par Jean-Marc Terrine —

Rudy Rabathaly ancien rédacteur en chef du quotidien France-Antilles, ne lâche pas la plume. Il continu à regarder le pays en laissant tomber l’information et la langue qui communique : le discontinu.

Avec ce pas de côté, depuis qu’il a quitté la presse, il est libre pour parler avec le langage du quotidien : aller à la rencontre des quatre-croisées des langues (français et créole), mais aussi des gestes-corps et des silences qui parlent.

Le continu.

Son livre c’est ça.

Avec ses fragments de deux mots quatre paroles il nous fait driver dans les oliwon du pays. Les alentours de la vie en Martinique, Avec une pensée du bricolage, cette pensée sauvage développée par Claude Levis Strauss.

Il nous fait entendre la beauté de la voix sauvage, primitive du peuple qui dit la vie dans une langue-langage, qui mofwaz. Paroles et gestes populaires qui parlent, chuchotent et gesticulent la vie, l’ordinaire, Les kriyé lavwa de tous les jours pour dire ses affaires de la vie : travai, amour, joie, souffrance, départ, non-dits.

Oliwon une écriture vagabonde, qui erre et qui puise dans notre imaginaire et non dans notre imagination.

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« Pour le nouvel an 2025″ & Pas si joyeux Noël »

Pas si joyeux Noël !
I
Le Père Noël, j’y crois pas :
un VRP Coca-Cola !
Depuis que je l’ai découvert,
tout ça me met fort en colère…
Sur commande vient pas la joie.

Du coup, Noël me fout les boules
comme à ces sapins qu’on abat…
Commerciale et publicitaire
et par trop inégalitaire,
la fête n’est pas vraiment cool…

Aux gosses riches, beaux cadeaux
mais aux enfants de la misère,
les privations de la vie chère…
Comment de ça se satisfaire,
conscient de ce qu’il y a derrière !?

II

Ce Noël, la chose m’atterre
en ce monde inégalitaire :
pendant que, partout sur la Terre
aux pays où coule le fric,

on boit du champagne à gogo,
Mayotte, ruinée par Chido,
et d’autres pays d’Afrique,
où sévissent grande misère

et réchauffement climatique,
souffrent d’un constant manque d’eau…
Père Noël n’y peut rien faire,
lui qui est plutôt gras et gros…

Poussant de joyeux “Ho, ho, ho !”,
bien qu’ayant du pouvoir les “rennes”,
las, pour distribuer ses cadeaux
en ces lieux, il reste à la traîne…

Tout ça nous fait beaucoup de peine !

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« Faire courir le monde »

— Par Michel Lercoulois —

Quel beau titre pour un recueil mêlant images et poèmes, issu de la toute jeune maison d’édition, Ad Verba, bel objet de surcroît avec son élégante couverture à rabats, le papier et la typographie soignés. Ce petit mais beau livre est né du pari des deux fondateurs de la maison, deux plasticiens – l’une qui tisse, Christine Lumineau, l’autre, Xavier Ribot, qui crée des installations, en général de taille réduite – de proposer les photographies d’une centaine et plus de leurs œuvres à la libre inspiration des poètes. Seule contrainte : se maintenir entre dix et vingt lignes. On sait quelle soif d’écrire anime tant de nos contemporains. Alors que le lancement de ce concours fut discret, ils furent deux-cent-vingt poètes à répondre, proposant exactement trois-cent-quatre-vingt-neuf textes comme nous l’apprend la quatrième de couverture. On est en droit de parler de concours car ne furent finalement retenus que trente-huit poèmes (soit à peu près un sur dix) à raison d’un seul par auteur, soit trente-huit auteurs, poètes ou apprentis poètes plus ou moins aguerris mais, avec une sélection aussi drastique, le résultat ne pouvait qu’être bon, même si, évidemment, la sensibilité du lecteur s’accordera plus facilement avec celle de certains des auteurs plutôt que d’autres.

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« Lannwèl tala tjè noutout lajol ! » & « En nous cette colère »

 Par Yves Untel Pastel —

Lannwèl tala tjè noutout lajol !

Annou prédyé, manmay
Pou nou pé sa goumen
Goumen sé prédyé
Prédyé sé goumen

Mi an inosan ka domi lajòl !
Sé fwè nou, sé yich nou,
Sé san nou, sé defansè nou !
Ki mal i fè douvan létèwnèl ?
Lanmou sèlman épi sakrifis
Soufrans pèp nou i pran
Anlè zépol-li !
I obliyé lavi ki ta’i
Davwa sé ba pèp-la
Épi pèp, kon pèp-la
I chwézi lité !
Ki mal i fè douvan lajistis ? Ayen !

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Les enfants et les dérives

(aux enfants d’Haïti, de Palestine et à la mémoire d’Aylan le naufragé)

— Par Lenous Guillaume-Suprice —

Fais attention à l’amertume d’Océane
à ce barouf de feu
à ces vagues de détestation
dans son regard
contre toi dirigés.

Ta furie de tout projeter
même des enfants
contre des ruines devant elle
sur les plages du jour
la rend bien folle d’écumes.

Ça lui donne envie
à la vélocité d’un chant de cils
d’engloutir tous tes renégats
tes personnages de discordes et de ressacs
d’un même souffle de dissuasion.

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« À tous les enfants qui souffrent », Klang & « La cogida y la muerte », Lorca 

—Par Gary Klang —

Il y a la main tendue
Qui ne sait pas comment gagner le cœur
Il y a les yeux hagards
De l’enfant qui n’a jamais souri
Il y a tous ceux
Pour qui la terre est un grand astre mort

Il y a la haine et la misère
la geôle et la maison de boue
Il y a tous ceux qui ont
Et tous ceux qui n’ont pas

Il y a enfin
Dans la mer Caraïbe
Une île sans arbre
Qui se perd dans la mer

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 » La complainte du sapin de Noël » &  » La rumeur »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

La complainte du sapin de Noël

Dans la verdeur de ma jeunesse
on m’a coupé le pied sous l’herbe,
on m’a coupé de mes racines,
de ma vie j’ai perdu le fil
et puis de fil en aiguilles…
Je me suis fait enguirlander,
ce n’est pas vraiment cool
même si c’est en foule
qu’on vient pour m’admirer.
Maintenant ils m’ont mis les boules…
lorsque je songe à ma famille,
à la forêt où je suis né
et que jamais, au grand jamais,
je sais que je n’les reverrai !…
À cause de leur stupide coutume
à laquelle ils m’ont sacrifié
sans respect, remords ni regret,
je suis rempli d’amertume
et je ne peux me “résinier”.
Pour ne pas se casser le tronc
ils n’ont su que couper le mien
pour m’offrir un costume à la fin,
un très beau costume en sapin !…

La rumeur

Méfie-toi donc de la rumeur
car elle est comme une tumeur
qui s’enfle alors et qui prend corps…
Bientôt elle a réglé ton sort

et si tu ne la fais pas taire
tel un cancer que l’on opère
au plus vite, ça te dessert :
socialement, te voilà mort !

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Élégie tropicale

Nota bene : Le poète n’analyse pas, n’explique rien. Ses poèmes sont des contes que chacun peut déchiffrer à sa guise. À l’instar du photographe ou du peintre, le poète prend des instantanés et s’efforce de décrire ce qu’il a observé avec son propre vocabulaire. Bien que le poète raconte ce qu’il voit, qu’il ne juge pas, son regard est sélectif et il ne cache pas ses états d’âme. S’il est « voyant », comme dit Rimbaud, il ne faut pas l’entendre au sens où il verrait plus clair que les autres, mais simplement qu’il faut le laisser libre de voir, parfois, autrement. Michel Herland.

Tes grands arbres à l’assaut des mornes jusqu’au ciel
Les lianes qui s’accrochent aux fromagers
Les fleurs sauvages de tes savanes
Tes gamins sourire-soleil
Les mamzels longues jambes
Les vieillards en ont vu d’autres
endimanchés de blanc
ils accompagnent l’un des leurs
à sa demeure dernière

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Mayot

— Par Daniel M. Berté —

Chido rivé
I violanté, I voltijé, I valdendjé Mayot
I krazé, I koulé, I kasé Mayot
I palantjé, I pijé, I piétiné Mayot
I ravajé, I ratibwazé, I razé Mayot

Chido danmé
I dékalbiché, I défonsé, I démonté Mayot
I dérayé, i dékalé, i débiélé Mayot
I dévasté, I dépotjolé, I démantibilé Mayot
I déchiktayé, I dékatjé, I déservélé Mayot

Mayot pa ni
I pa ni dlo, i pa ni kay, i pa ni manjé Mayot
I pa ni rimed, i pa ni limyè, i pa ni moské Mayot
I pa ni lajan, i pa ni enternet, i pa ni sékirité Mayot
I pa ni lékol, i pa ni téléfòn, i pa ni anmizé Mayot

Maorè o konba
Yo za ka débléyé Mayot
Yo za ka réparé Mayot
Yo za ka rimonté Mayot
Yo za ka rilévé Mayot

Matinitjé anmwé
An ti-lanmen jénérosité pou Mayot
An gran jes solidarité pou Mayot
An tjenbé-fò lanmourtjé pou Mayot
An mouvman-tjè fraternité pou Mayot

Daniel M. Berté 171224

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Man pa té mandé… Rèzdibonnè

–  Par Daniel M. Berté

Man pa té mandé né
An péyi raz-maré
Tranmanntè ka krazé
Siklòn ka dékalé
Volkan ka déblozé


Man pa té mandé wè
Moun ek moun ka goumen
Anba kou ka griyen
Anviolaj féminen
Tiyanmay sasinen


Man pa té mandé santi
Chalè kout fret an do
Lòdè sawgas pouri
La kokangni lé profitè
Ladoulè dé espwaté

 

Rèzdibonnè man né
Dan an péyi révé
Lariviè ka chanté
Savann ver lanmè blé
An vlopans lalizé


Rezdibonnè man wè
Ant zanmi lanmitjé
An grann fraternité
Tjè ek tjè lanmouré
Kò lémans karésé


Rèzdibonnè man santi
Bon lodè blaf-pwason
Lénerji kréyatris
Dousin an bra anman
Kalinans an kares

 

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« La vie, c’est mortel ! » & « La vie, c’est mortel ! »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

La vie, c’est mortel !

Parce qu’un premier homme
aurait croqué la pomme,
désireux de connaître
juste sa raison d’être…

La faute originelle !
Avec, il nous faut naître
à ce qu’ils disent en somme…
Depuis, la vie de l’homme
est un péché mortel !

Saturée, la mémoire,
par trop de souvenirs…
C’est la fin de l’histoire
et l’heure de mourir,

de nourrir les corbeaux…
Quand le corps n’est plus beau,
que s’est ridée la peau,
ça fait froid dans le dos :
surgit l’ange à la faux !

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Diogène

— Par Gary Klang —

On cherche l’éclaircie
La barque sur l’eau étale
Un monde sans heurt et sans obstacle

On s’agrippe aux fétus
Et l’on fait comme Diogène
Qui muni de sa torche
Cherchait un homme en plein soleil

On cherche
On cherche
Se disant que tout de même
Il faudra bien trouver un homme dans un monde d’hommes

Mais très vite
On perd la foi et l’espérance

Le fait est là
Têtu tel un enfant puni

L’homme est une denrée rare

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Noël 2024

— Par Robert X… —
Et puis si c’était vrai? Si ces tableaux anciens
Où l’on voit une femme découvrant son sein
Pour donner la tétée et allaiter son fils
Représentaient vraiment la Vierge avec le Christ?

Imaginez! Le Fils de Dieu! Imaginez! Le Roi des cieux!
Et pourquoi pas, s’il est à la fois homme et Dieu?
Dans ma crèche en bois, Marie, Joseph, immobiles,
Et Jésus au berceau sont en Playmobil .

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« Fort-de-France, la capitale grandiloquente » & « Allez jeunesse indomptée »

Par Yves Untel Pastel

Fort-de-France, la capitale grandiloquente

Le long roucoulement de la Rivière-Pilote m’apaise
M’enveloppe le chuchotis de la verte frondaison autour
Je me suis enfui loin de la grande-ville délirante, criarde
Fort-de-France est une grande psychotique profonde
Avec ses occlusions intestines de voitures inutiles

Fort-de-France, cette capitale grandiloquente claudicante
Sur un monceau d’incertitude se dresse cette excroissance
Une tour prétentieuse, une érection de quelque chose
Un chancre moderniste sur la peau d’un pays cadavérique
Une tour bien mal nommée, Lumina, une jetée d’ombre

Ce lourd pied posé sur une terre aux milles cancers
Cet hippopotame de verre qui tient du centre hospitalier
Ce complexe hors sol qui se prétend centre d’affaire
Dans une île où ne poussent que les lotissements et les voitures,
Les hypermarchés où s’accumulent ce vampirique ailleurs

Je me défais de cette ville, je me défie de ses louangeurs
Qui ne projettent qu’eux-mêmes vers leurs propres avenirs
Oubliant le petit peuple, le pays minéral, et ses grands maux
Je me désole de ces faiseurs de rien, ces géreurs d’illusions
Tous ces docteurs Frankenstein occupés à tuer le pays mourant

Que voulez-vous vous enorgueillir d’une arche qui abrite les affairistes
Et laisse à la férocité des « narcotiqueurs » une jeunesse déroutée
Et nous voilà ânonnant des slogans âcres : La Martinique avance !

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« Ne m’appelle pas étranger »

— Par Gary Klang —

Ami
Ne m’appelle pas étranger

Ni d’une île
Ni de la mer
Ni des fleuves

Comme toi
Poussière d’étoiles
Et nos ancêtres
Venus des terres d’ébène

Tu t’enfermes
Et me parles de frontières
D’immigrés
D’immigrants
D’étrangers
De sans-papiers
Que sais-je

Qui t’a légué la terre
Je vais
Je viens
Je passe

Arrachés du néant
Nous allons au pays de nulle part
Sans contour et sans nom

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Man tonbé Man lévé Anlè chimen lavi

— Par Daniel M. Berté —

Man tonbé blo !
Kon soula an dalo
Man blésé bobo-mwen
An fil-bawblé pikant…

Man lévé flap !
A la-vol-kon-zozio
Man grifantè solid
An jaden tjenbé-tjè…

Man tonbé blogodo !
Kodjè dou an labou
Man pété bol-jounou
Dan la dézespérans…

Man lévé floup !
Ti kolibri vayan
Man koré ek drésé
Rasin-kas an bon tè…

Man tonbé bouf !
Mango koko-bef mi
Man kongné zotey-mwen
Anlè souch démonyak…

Man lévé fioup !
Zéklè an mwa daou
Man pwenté ek matjé
An tras ladivini

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« Rien qu’un rêve ! » & « Frustration »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Rien qu’un rêve !

Si ce monde est un rêve,
à qui appartient-il ?
Adam rêva-t-il Ève ?
Ai-je rêvé d’une île ?

Si ce monde est virtuel,
pouvons-nous le changer ?
Affrontant le danger,
je me rêve immortel !

Icare s’est rêvé
des ailes pour voler
et fuir de sa prison…
Était-ce une illusion ?

La vie n’est qu’un mensonge
et le bonheur un songe…
La souffrance une transe,
pas un mal qui vous ronge !

Faut-il pour échapper
aux sombres cauchemars
juste se réveiller
avant qu’il soit trop tard ?

Tellement de questions
demeurant sans réponse
tandis que l’on s’enfonce
plus loin dans l’illusion…

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Profilage

Pour Haïti, contre ses prédateurs de tous poils, pour que vivre soit enfin beau un jour…

— Par Lenous Guillaume-Suprice —

Ta fabuliste de correspondante est vite devenue une (autre) abrutie du système, un phare de plus pour des croisiéristes, bruit seulement de ses copains comploteurs, écho par-ci par-là de leurs méfaits.

Toi, tu fais maintenant le chien à tes plaies, essaies de te guérir du passé et d’aujourd’hui, de certaines ratures d’un manque et des lésions du fouet sur ta conscience.

Tu verseras toute ta déconfiture, de l’autre côté d’un ancrage, dans une douloureuse mer d’adieux, fuyant l’acidité d’un grand nombre de scélérats aux dents à la fois perfides et caressantes.

Tu trouveras, sait-on jamais, un peu plus de monnaie pour tes songes-lecteurs, au cours des instants à venir, pour leur relocalisation dans d’autres bibliothèques de vie, hors des quartiers d’avilissements qui les défigurent, depuis l’éternité et plus on dirait, depuis le rétrécissement de l’avenir au profit d’un groupuscule de péteurs de feux, depuis par eux les vols à répétition des habits d’un mieux-être sur ta nudité.

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Pléré fonmajé

— Par Daniel M. Berté —

Grenn tonbé
Man lévé
Pyé an tè rasiné
Branch anlè ansiélé
Jòdiya man ka di
Sa ka fè-mwen pléré

Chak kout fret an do neg
YO maré anlè-mwen
Té ka fè zépin-mwen
Antré adan kò-yo
Magré mwen magré mwen
Sa ka fè-mwen pléré

An branch-mwen
YO pann neg
Ki té za mawonné
Pou trapé Libèté
Ek chien-YO kaptiré
Sa ka fè-mwen pléré

Lé kapon ka fè won
Pou sa évité-mwen
An tet-yo yo ka di
Fo pa pasé anba’y
Sa ka pòté malè
Sa ka fè-mwen pléré

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« État du monde » & « Face au néant… »

État du monde

Ce n’est qu’une question de temps :
se meurt peu à peu l’Occident
car de plus en plus décadent,
toute sa culture étouffant,
en proie au culte de l’argent…

Hélas, l’Orient ne vaut pas mieux.
On y vit de moins en moins vieux,
le fanatisme religieux
faisant la guerre au nom d’un dieu
qu’aucun homme a vu de ses yeux…

Le Sud sombre dans la misère :
il a perdu tous ses repères
par la faute de trop de guerres,
colonisations meurtrières…

L’avenir est tellement noir
et le monde entier va si mal
que partout l’homme perd espoir :
extinctions d’espèces animales,
climatique réchauffement,
inondations et ouragans…

Lorsque l’équilibre est rompu,
la Terre crie : je n’en peux plus !
Lors, à bon entendeur, salut…
(ou sinon, ce monde est foutu !)

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E poutan

— Par Daniel M. Berté —

E poutan
Avan i té bien pòtan
I té ka chanté toulitan
Kouri an savann o chan
Dèyè tout poul a bel kanman

E poutan
Epi yo i té boug galan
Bel ganm épi pawol charman
Ka plen tet-yo tout-an riyan
Ka fè kous dèyè lé manman

E poutan
I té an kok vayan-vayan
Pa kokoriyè anlè ban
Men an tet lé pyé flanbwayan
Pou sa lévé lé zabitan

E poutan
I té majò a gran balan
Adan pitt i té atatjan
Prèmié a balansé kakan
A dérayé tout konbatan

E poutan
I pa té an tirè-o-flan
Lè’y té adan konba méchan
Sé té dé kout bek dékalan
Epi dé kout zépon sanglan

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