Catégorie : En librairie

« La blessure du nom », ouvrage de Philippe Chanson

Une anthropologie d’une séquelle de l’esclavage aux Antilles-Guyane

Ouvrage de Philippe Chanson

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—Anonyme – Passavoir – Crétinoir – Trouabal – Dément – Comestible – Macabre – Zéro – Malcousu – Savon – Gouacide – Négrobar – Satan – Peccatus – Dangeros… Tels sont quelques-uns des centaines de noms d’Etat civil saugrenus, dégradants et injurieux, redonnés aux esclaves africains des Antilles et de la Guyane françaises libérés en 1848. Cette blessure identitaire, largement et curieusement occultée, suinte encore sur ces terres créoles travaillées par trois siècles d’histoire coloniale traumatique.

Mais comment donc de tels noms ont-ils pu être attribués ?

L’étude ethnographique que propose cet ouvrage, travaillée par de longues années de terrain, tente d’en entendre les réponses. Elle s’étaye tout à la fois sur le dépouillement de plus de 350 000 patronymes collectés dans ces départements français d’Outre-mer, des entretiens notamment avec quelques figures éminentes de l’intelligentsia créole (Césaire, Glissant, Pépin, Chamoiseau), le cumul de données historiques, culturelles, linguistiques, littéraires, ainsi que sur la mise en œuvre d’une anthropologie dite ’fictionnelle’ et pourtant contemporaine.

L’auteur, sensible au poids moral du nom, se penche d’abord sur le choc, la prégnance, la proportion, les causes et les avatars de cette problématique si délicate ; reconstitue ensuite les circonstances et conditions des processus d’attribution qui ont pu aboutir à de tels dénis ; dégage également les pratiques et parades cathartiques de résistances mentales et culturelles pour contrer l’affront du nom ; et termine en ouvrant la question de cette grave blessure également subie par les créoles de l’Ile Maurice, tout en s’interrogeant sur une possible réparation du nom.

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Une anthologie de la poésie du Tout-Monde

   réunie par Edouard Glissant (La Terre, le Feu, l’Eau et les Vents, Paris, Galaade, 2010, 350 p.).

 — par Michel Herland —

 

« L’imaginaire est un champ de fleuves et de replis qui sans cesse bougent », écrit Edouard Glissant dans la préface à cette anthologie poétique d’un nouveau genre. Elle est nouvelle en effet en ce qu’elle ne fixe pas de bornes géographiques ou linguistiques au choix des auteurs (même si les versions originales des textes non francophones sont rarement reproduites) et en ce qu’elle ne suit aucun ordre : ni temporel, ni spatial, ni même thématique. Il y a néanmoins un fil conducteur, labyrinthique ou plutôt – pour mieux coller aux concepts glissantiens – rhizomatique, celui qu’a trouvé Glissant, poète lui-même, à travers le champ immense qu’il nous propose d’explorer à sa suite.

Il y a des embranchements inopinés, des retours vers des auteurs déjà rencontrés, la reprise de thèmes qu’on croyait épuisés. Libre à chacun de suivre le guide dans son cheminement, de parcourir après lui les thèmes qui semblent organiser la succession des poèmes (ou extraits de poèmes) retenus dans l’anthologie : la mort, l’humanité dans sa diversité, l’esclavage et la traite négrière, le dépaysement, la poésie, le paradis terrestre et la chute, les intermittences du cœur, la fusion de l’homme dans l’univers, la succession des âges et des saisons, la négritude, les sans-papiers, etc.

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Sexe, histoire et tectonique

 Par Dominique DOMIQUIN —

 A l’époque où la masse sombre qui domine l’embouchure du Galion s’appelait encore Fort St Charles (années 80), j’y rejoignais mon père après l’école en grimpant à travers le quartier populaire du Carmel. Cet imposant édifice militaire abritait alors l’observatoire de vulcanologie de Guadeloupe, antenne de l’Institut de Physique du Globe de Paris. J’en connais chaque pierre pour y avoir passé une partie de mon enfance. J’y ai mainte fois repoussé l’anglais à coups de canons rouillés, échappé à des fantômes aux orbites vides qui tentaient de m’agripper quand je rodais trop près des cachots. Tel Louis Delgrès, par une poterne dérobée surplombant la falaise, j’ai échappé aux troupes impériales venues rétablir l’esclavage. J’ai écrasé des amandes pour en savourer les graines. J’ai saigné des manguiers pour en récolter l’ambre, gratté la croûte des gommiers tel un indien Karib radoubant son embarcation. Mes exploits accomplis, je dévorais mon goûter avant de faire pipi sur la tombe de Richepanse. Je n’en tire aucune fierté. Ce rituel n’était pas un acte réfléchi. Il se trouve simplement que le bougre est enterré à l’endroit le plus élevé du fort, celui d’où l’on peut voir descendre le soleil sur la Mer des Caraïbes.

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« La cathédrale » d’Olivier Larizza

–Par Roland Sabra —

Olivier Larizza confirme :
il est écrivain.

 

Editeur : Orizons
Collection : Littératures
Nombre de pages : 202
Prix: 17 

Le dernier livre de Olivier Larizza est un livre formidable! Il existe aux environs de Madrid un homme de plus de quatre-vingts ans qui construit de ses propres mains une cathédrale. Vous avez bien lu une cathédrale! Pour qui en douterait il suffira de se reporter à l’article du Courrier international publié ci-dessous. C’est l’histoire romancée de cette folie plus qu’humaine qui est l’argument principal de l’ouvrage de Larizza, universitaire sur le campus de Schoelcher et auteur de plus d’une douzaine d’ouvrages malgré son jeune âge. Les jeunes lecteurs le connaissent bien par l’intermédiaire des nombreux contes caribéens, antillais, ou même britanniques qu’il a déjà publiés.

« La cathédrale » est un subtile mélange de fiction et d’autobiographie romancée. Un jeune cadre d’une maison de disque parisienne, fuit la France et sa famille, il arrive à Madrid et découvre à Merojada del Campo le personnage de Fernando constructeur donc de cathédrale à mains nues. Une affection mutuelle se développe aussitôt entre l’orphelin et le vieil ours illuminé.

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Eliane Marqués-Larade : Un expressionnisme réinventé

— Par Christian Antourel —

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En littérature, comme dans de multiples domaines artistiques, l’expressionnisme est une manière de présenter une œuvre, qui tend a déformer la réalité, pour inspirer au lecteur une réaction émotionnelle. De nos jours on parle plus facilement des états d’âme de l’artiste.

Si le roman antillais est aujourd’hui un acte acquis, quantifiable et forcément incontestable. Les poètes français de la Caraïbes se retrouvent moins souvent sous les feux de l’actualité. Méconnus, parfois oubliés, ils sont pourtant pourvoyeurs d’un langage poétique d’une expression rare, oh combien aiguisé et coloré, souvent blessé des séismes d’une indicible mémoire, ou simplement riche d’instants tourmentés saisis d’entre les flammes du soleil . Délaissée par certains, méconnue du grand public, alors même qu’Eliane Marquès-Larade, est reconnue par les instances littéraires et des maîtres a penser tels que Eric Mansfield, docteur es lettre, qui dans son livre «  la symbolique du regard, regardants et regards dans la poésie antillaise d’expression française » lui rend hommage et insiste sur le potentiel particulièrement lyrique et riche de sa plume.

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« La petite maîtresse » de Dominiqque Sels

 

Invitée d’un salon mensuel des « Amis de Jean-Baptiste Botul », la romancière Dominique Sels publie La Petite Maîtresse, dialogue qui fait revivre cette soirée. Le préambule, intitulé « Les Arlésiens », est inspiré par « ce philosophe insaisissable qui porte le prénom de Molière et ressemble à Socrate ». L’auteur y étudie la catégorie des Arlésiens, personnages littéraires ou de fantaisie qui, tels Socrate au banquet, déclarent n’être « rien », ou telle l’Arlésienne d’Alphonse Daudet, ou Dulcinée chez Cervantès, ne se montrent pas, sont en creux, et catalysent les passions. La causerie est ensuite largement consacrée à un autre thème, issu lui aussi d’une lecture du Banquet de Platon : les amours avec écart d’âge (d’où le titre La Petite Maîtresse), amours célestes dont les fruits sont des livres, des tableaux, des carrières, plutôt que des enfants. Tournées vers la création plutôt que vers la procréation, ces amours étaient dans l’Antiquité strictement masculines. Dominique Sels, qui en appelle à la notion de neutre, les étend à des personnes d’un genre indifférent. Ces amours intéressent par conséquent la fécondité artistique et intellectuelle des femmes, relativement récente.

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C’est la question qui importe

— Par Dany Laferrière —

 

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Dany Laferrière

Dans quelle langue écrivez-vous ?, me demande Le Monde. Bien sûr le mot langue qui tient un certain nombre d’écrivains, ceux du Tiers-monde notamment, à la porte de la littérature – on arrivera un jour à la question du style -, est encore là, mais la vieille question a changé si radicalement de forme que j’ai dû la relire trois fois pour bien la comprendre.

J’étais habitué à ce qu’on me fasse le reproche de ne pas écrire dans ma langue maternelle. Comme si un huissier m’indiquait brutalement que le terrain sur lequel je venais de construire ma maison ne m’appartenait pas. Avec cette dernière question, j’ai l’impression d’avoir enfin le choix. Un vent frais. Et si je la garde un peu dans ma main, la retournant dans tous les sens, comme un enfant fait avec un objet étrange et beau qu’il vient de trouver et dont il se demande à quoi ça peut bien servir, c’est que je veux savourer le moment. En vingt-cinq ans de présence sur la scène littéraire, c’est la première fois que je ne me gratte pas l’avant-bras avant de répondre à une question.

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« Black is Black » : Littérature et tir à l’arc

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Note sur Black is Black, un récit de Raphaël Confiant (Monaco, Ed. Alphée, Jean-Paul Bertrand, 2008, 263 p., 19,90 €).


Par Michel Herland

A-t-on suffisamment prêté attention à Black is Black, cet ouvrage de Raphaël Confiant (RC) classé par lui dans le genre du « récit », probablement parce qu’il ne s’est guère soucié de nouer une intrigue, juxtaposant simplement le parcours quelque peu erratique de son narrateur, Abel, et les aventures érotiques de la prodigieuse Évita ? Ce récit, donc, mérite pourtant d’être connu, pas nécessairement pour les passages pornographique (est-ce là la raison du choix d’un éditeur aussi incongru que les éditions monégasques Alphée ?) qui devraient néanmoins combler les amateurs de ce genre de littérature, mais plutôt pour ce qu’il révèle de la vision de l’auteur sur la Martinique d’aujourd’hui.

Contrairement à beaucoup d’autres écrits de RC, Black is Black s’inscrit résolument en effet dans la Martinique moderne, ce petit monde en voie de « décréolisation » et de « décivilisation » que l’auteur a théorisé par ailleurs (Antilla, n° 1375, p. 46-47). On y retrouve les deux personnages récurrents des livres appartenant à la même veine (La Savane des pétrifications, La Baignoire de Joséphine), Saint-Martineau, professeur de mathématiques au lycée Schoelcher et la belle « Saint-Dominguoise », Anna-Maria de la Huerta dont Abel reste l’éternel amoureux.

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«Les Antilles antan lontan» d’Ernest Pépin.Nostalgie quand tu nous tiens.

 

 Par Michel Herland.

Les éditions HC (comme Hervé Chopin), bien connues en Martinique, ont fait appel à Ernest Pépin pour commenter des cartes postales anciennes des Antilles dont la plupart avait déjà été présentées au public dans un livre publié en 2001 sous le titre « Antilles d’antan ». D’une édition à l’autre, le nombre de pages a augmenté, la maquette s’est aérée et, surtout, la taille et la qualité de la reproduction des images se sont grandement accrues, certaines photographies faisant même l’objet d’une présentation pleine page (24,5 x 32 cm) sans que cela nuise en rien à la netteté de l’image.

Beaucoup de photos valent surtout en tant que témoignage d’une époque disparue. Même les moins pittoresques nous touchent, par exemple celles qui présentent simplement les bâtiments d’une usine à sucre, parce qu’elles nous montrent à quoi ressemblaient vraiment, lorsqu’ils étaient en activité, ces bâtiments dont nous découvrons les vestiges envahis par la végétation au gré de nos promenades dominicales. Nous mesurons alors combien ces constructions industrielles, censées matérialiser la richesse des planteurs, étaient en réalité modestes.

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Widad Amra publie « Regards d’errance »

— Par Pierre PINALIE —


Ce ne sont pas des cris, mais tout est dit fortement, et la langue est belle, qui sait glisser du classique au familier sans repousser un seul instant l’intérêt du lecteur. À tel point que les phrases qui font allusion à un dieu restent aimables et séduisantes, sans choquer et sans repousser ceux qui n’entrent pas dans les croyances. D’ailleurs, l’apparition des « vendredi » pourrait même enchanter d’autres croyants venus d’autres lieux. Et sur l’enchaînement des thèmes et des allusions, une dialectique permanente retient l’attention du militant qui déplore la colonisation et du camarade qui aime qu’on le nomme ainsi.

De manière étonnante, les fêtes religieuses voisinent avec l’Indien venu d’ailleurs, et la nature reste un cadre permanent, avec des flamboyants et surtout l’arbre du voyageur, et cela paradoxalement, dans un pays mêlé. Face à la végétation variée, l’homme présente aussi un éventail de peaux différentes jusqu’à ce que se produisent des dérives encanaillées malgré le plaisir du rhum. Et du point de vue de l’Histoire, du droit et de l’espoir, il est normalement attendu que les marrons aient laissé leur souvenir et leur âme.

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Louis Laouchez, une quête identitaire ardente pour ne pas mourir d’universalité

HC Editions rendent hommage au peintre Louis Laouchez qui occupe une place singulière parmi les artistes martiniquais. Ses sources multiples – africaine, caribéenne et européenne – également prégnantes et assumées, inventent l’artiste négro-caraïbe. Le fondement mental de son œuvre, lui aussi tripode – esthétique, éthique et politique – demeure toujours en prise directe avec les réalités de la Martinique.
Ses peintures sont dominées en fonction des époques, par des couleurs telluriques ou au contraire flamboyantes et témoignent toutes d’un fort travail de composition. Ces peintures affirment le lien entre la Caraïbe et l’Afrique, lien aussi présent dans ses totems : bois sculptés de grande taille, hiératiques, peints, dans lesquels on retrouve les signes et les figures qui habitent ses peintures et constituent son univers. Forte de sa puissance d’évocation, l’œuvre de Louis Laouchez impose un style d’une rare expressivité dans une légitimité culturelle libre. La diversité des matériaux et des moyens d’expression, l’investissement des registres figuratif et abstrait, l’usage dense des couleurs et des signes ouvrent cette œuvre à l’universel.
Quatrième de couverture


Louis Laouchez, une quête identitaire ardente pour ne pas mourir d’universalité
par Pr Bernard ZADI ZAOUROU de l’Université d’Abidjan-Cocody Abidjan

Depuis toujours, dans le monde noir comme ailleurs en Occident ou en Orient, s’est constamment développé un étrange motif de discussion relatif aux liens qui unissent le général au particulier, l’universel au spécifique.

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Gabriel Garcia Marquez – Une vie» de Gerald Martin

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 Les vies d’un homme nommé Marquez

 

— Par Étienne de Montety —

  – Cette biographie de Gabo a nécessité dix-sept années de travail.

 

En 1957, Gabriel Garcia Marquez est à Paris. Il vit dans la dèche, inconnu, désespéré de ne pouvoir s’adonner à ce vice impuni, l’écriture. Il erre dans les milieux latinos du Quartier latin. Un jour, il croise un colosse barbu qui porte jean et chemise de bûcheron et une casquette de base-ball. C’est Ernest Hemingway, son idole, qu’il apostrophe : «Maestro !» L’écrivain lève la main et lui répond d’une voix juvénile : «Adios, amigo !» L’anecdote comme tant d’autres est rapportée par le biographe de Garcia Marquez, Gerald Martin, dans un ouvrage dont le titre, Une vie, à la sobriété «maupassante», dit mal l’abondance de faits et d’analyses qu’il contient de bout en bout.

 

Le salut d’Hemingway a valeur d’adoubement. À l’époque, Garcia Marquez n’est pas encore entré en littérature. Il voyage en Europe (Berlin-Est, Moscou, Budapest), fourbit ses amis. Mais dans les années qui vont suivre, Gabo – le surnom de l’écrivain – va peu à peu sortir de sa gangue de personnage famélique.

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André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part

 

 

 

L’Arche n° 583, décembre 2006, p. 84-89
Par Francine Kaufmann
André Schwarz-Bart a choisi de ne laisser de son passage charnel sur cette terre qu’un mince filet de fumée blanche et quelques cendres. Il a été incinéré au lendemain de Kippour, le 3 octobre 2006, sur l’île de Grande-Terre, dans cette Guadeloupe qu’il avait choisie pour demeure. On se souvient de la dernière page de son chef d’oeuvre, Le dernier des Justes, consacré au massacre des communautés juives d’Europe : « Ainsi donc cette histoire ne s’achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s’assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie. »
Il est parti sur la pointe des pieds, comme il avait vécu. Rien d’étonnant, donc, si les jeunes générations connaissent à peine son nom et si les adolescents d’après-guerre se souviennent de lui comme de l’homme d’un seul livre, ce Dernier des Justes qui s’imposa avec évidence comme prix Goncourt 1959.

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Le désir, la jeune fille et la mère

 Par DOMINIQUE SELS écrivaine

Encore les seventies. J’étais adolescente. Je voudrais dire mon amitié à Roman Polanski,

j’espère qu’il va vite se tirer de là. Les mères n’osaient profiter de la liberté qui nous était naturelle, elles s’y hasardaient, alternant hardiesse et revirements vertueux. Je sais des histoires où la fille fut importunée par le désir de sa mère, sur elle projeté ; la mère la mène vers un homme mûr ; favorise un rapprochement ; son fantasme accompli par procuration, elle crie, soit chasse sa fille, soit s’indigne contre le monstre qui en aura abusé, et qui est en fait tombé dans le panneau. C’est pas la faute à Voltaire, toujours la faute à la fille ou à l’homme : pourvu qu’on n’attaque pas la moralité de la mère.

Protégeons les filles de leur mère plutôt que de Polanski. J’espère qu’aujourd’hui, les filles rencontrent des cinéastes pour une leçon de scénario ou de mise en scène, non pour des photos. Mesdames, n’en avez-vous pas assez de jouer les niaises depuis des millénaires ? Depuis quand un peintre ne couche-t-il pas avec son modèle ?

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Prix Nobel de Littérature 2009

Herta Müller, du Banat roumain à Hambourg

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Le pouvoir et le président de la République en particulier sont la cible des protestations sur l’île. Crédits photo : AFP

  » Nous sommes partis de chez nous avec notre tête, mais avec nos pieds nous sommes encore dans un autre village.  » Un art de la fugue.

À sa parution en français (1988), juste après l’arrivée d’Herta Müller en Allemagne (mars 1987), l’Homme est un grand faisan sur terre avait été pour le public français une révélation. Celui-ci découvrait des vérités cachées sur une minorité allemande, les Souabes de la Roumanie  » communiste « , et un auteur doué d’un style incomparable, qui creusait toutes les possibilités d’expression d’une naïveté acide. Six ans auparavant, Herta Müller avait déchaîné les colères et les tracasseries de la Securitate et de ses instruments en publiant Niederungen, une chronique impitoyable d’un village, d’une famille, d’une enfance traumatisée du Banat, province roumaine peuplée d’Allemands installés dans cette région danubienne depuis sa reconquête au XVIIIe siècle par le régime habsbourgeois ; la chronique d’un monde marqué par la peur et la haine, l’intolérance et la violence, d’un monde retardataire, rétrograde, muselé par un catholicisme putride et superstitieux, sur fond de gestion politique et économique calamiteuse pratiquée par un régime  » communiste  » corrompu ; de répressions et de survivance d’un passé fasciste à peine déguisé.

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La coulée de la Rivière Blanche, de Louis Boutrin

 

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<Louis Boutrin nominé
pour le Grand Prix littéraire des Caraïbes 2009

La « Coulée de la Rivière Blanche » est le premier roman de Louis Boutrin mais c’est son 5ème ouvrage. 

 

Le roman de Louis Boutrin, « La Coulée de la Rivière Blanche » (Éditions Edilivre) vient d’être retenu par l’Association des écrivains de langue française (ADELF) dans sa sélection 2009 du Grand Prix Littéraire des Caraïbes. Ce Prix a été créé à Paris en 1965 par l’Association des écrivains de langue française (ADELF).Il est destiné à distinguer un auteur francophone issudes Antilles(MartiniqueGuadeloupeHaïtiGuyane, etc.). Il est remis tous les deux ans. D’autres prix sont décernés par l’ADELF pour les diverses régions francophones.

L’écrivain Martiniquais Xavier Orville fut lauréat en 1979 pour « Délice et le fromager » (Editions Grasset). 

Liste des prix décernés 

1965 : Jean Price Mars (Haïti)
1967 : Raphaël Tardon (Martinique), décerné à titre posthume pour l’ensemble de son œuvre
1971 : Marie-Magdeleine Carbet (Martinique), Roses de ta grâce
1975 : Jean-Louis Baghio’o (Guadeloupe), Le flamboyant à fleurs bleues, Calmann-Lévy éd.

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Aliker contre Aubéry, l’Altruisme contre l’Argent

— Par Pierre Pinalie —

(« Château Aubéry », de Georges É.Mauvois)

 chateau_auberyÉtonnant et passionnant ouvrage, ce livre de Georges Éleuthère Mauvois, consacré à un héros martiniquais sordidement assassiné, le noble militant André Aliker, jeté ligoté dans la Mer caraïbe en 1934, sur ordre du richissime Eugène Aubéry, usinier régnant sur le domaine du Lareinty. L’auteur, qui fut avocat au temps où l’administration coloniale l’avait révoqué de l’administration des P.T.T., nous livre sur 118 pages un extraordinaire plaidoyer fondé sur les deux plans, le civil et le pénal.

 

 

Le journal « Justice » dans un monde injuste

 

Dans la première partie, une longue série de problèmes financiers nous est présentée autour de la construction du château Aubéry, et des relations d’Aubéry avec des membres de son milieu social. Les chèques versés à des magistrats permettent à la Cour d’appel de Fort-de-France de réformer les jugements de première instance, ce qui a pour effet de décharger en 1930 les Aubéry d’une condamnation et d’une amende. Et en dehors des affaires de la riche bourgeoisie, le nouveau châtelain Aubéry est très passionné par les combats de coqs, ce qui le rapproche de modestes citoyens martiniquais ou venus des îles proches, et lui fournit ainsi une main-d’œuvre particulière hors du travail de la canne à sucre.

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BIEN MÈSI MISIÉ PINALIE !

 

— par Serge HARPIN —

 

DICTIONNAIRE ÉLEMENTAIRE FRANCAIS/CRÉOLE

 

de Pierre Pinalie, Éditions L’harmattan, 2009

 

Il n’y a rien de plus humain que la tendance à « naturaliser » les acquis des luttes passées, à les appréhender comme s’ils allaient de soi, comme s’ils avaient toujours été. La « naturalisation » se fait le plus souvent par oubli ou ignorance. Elle est aussi quelquefois produite à dessein par la substitution du mythe à l’histoire : on raconte alors des histoires, ses désirs. On instrumentalise le passé. Il en est ainsi du combat pour la reconnaissance des Créoles en tant que langues comme pour tout le reste. D’où un devoir d’histoire qui commence toujours par un rappel des faits :

 

1970. Création de l’AMEP. Le créole est expérimenté comme langue d’enseignement, langue de transmission des savoirs.

 

– 1976. Option créole à l’UAG. Le créole entre dans l’enseignement supérieur. Proposition d’un système orthographique par le GEREC.

 

– 1977. Parution du journal GRIF AN TÈ. Le créole fait ses premiers pas comme langue de média écrit.

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« Avec Franz Fanon : percevoir, écouter, écrire, dire l’humain. »

  — Par Nabile Farès,  psychanalyste, Paris —

 

 

 

 

 

 

  1. Histoires, guerres et transmissions : violences, dégâts, détresses et traumatismes.

 

 

 

 

 

De nombreux mots pour dire que les textes de Franz Fanon, ceux que chaque lectrice, lecteur, rencontre en librairie, en bibliothèque, en discussion, témoignent d’une vive perception, écoute, écriture, et diction des violences et silences, impunités, qui, à travers les séparations, apartheids, mises à l’écart, viols, forclusions, destitutions structurales et singulières des civilités, ont marqué l’histoire, les sociétés, les individus d’aujourd’hui,  ne laissant nulle personne contemporaine, enfants, nouveaux-nés, femmes, hommes, personnes agées, nulle formation politique, dictature, tyrannie, démocratie, république, à l’abri des conséquences et reconstructions mémorielles et historiques qu’exigent de telles destructions et exclusions  historico- psychiques. Individus et sociétés sont marquées à la surface d’eux-mêmes, d’elles-mêmes et dans les profondeurs, strates, couches, de cette réalité historique et psychique liée : celle-ci étant plurielle, multiple, de surface lisible ou dite, par exemple, par la mise en ghettos, les différences territoriales de logements, de salubrité, les stigmatisations langagières et coutumières, les différences affirmées par la richesse et la pauvreté, les accès ou non aux soins, à la culture, auc cultures, les mises en retard, en question, refus, des langues, leurs acquisitions bénéfiques et différenciées, les ostracismes et anathèmes raciaux sous des légitimations religieuses porteuses de pensées, idéologies faillibles, les mises à mort et enfermements dits exemplaires, les destitutions et inégalités des représentations et histoires, les perturbations et aliénations de soi par des représentations et affirmations, dominations issues de l’Autre par introjection et précipitation du bourreau, du justicier, du vengeur héroïque, d’un maitre, essentiellement dominateur et cruel,  entrainant abandon et chute, détresse de ce que serait une prise en compte affirmation et protection de l’humain.

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«Le Grand Camouflage», de Suzanne Césaire

Suzanne l’aimée de Césaire

 Dissidence. «Le Grand Camouflage», recueil d’essais poético-politiques de la femme de l’écrivain martiniquais.

 

 

NATALIE LEVISALLES

 

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Suzanne CésaireLe Grand Camouflage. Ecrits de dissidence(1941/1945)Seuil, 130 pp., 14 euros, à paraître le 7 mai.

 

Tout commence quand un bateau faisant route pour New York et transportant des dizaines d’exilés (dont Claude Lévi-Strauss, Anna Seghers, Wifredo Lam, André Breton…) fait escale en Martinique. Breton, qui cherche un ruban pour la petite Aube, entre dans une mercerie de Fort-de-France, il tombe sur la revue et y lit des poèmes qui le bouleversent. Il demande à rencontrer son auteur, Aimé Césaire. La mercière, qui se trouve être la sœur du philosophe René Ménil, un des cofondateurs de la revue avec Aimé Césaire et sa femme Suzanne, met tout le monde en contact. C’est le début d’un réseau d’amitiés croisées et d’influences artistiques étonnamment fécondes.
«Le grand camouflage», l’essai qui donne son nom au livre rassemblé par l’écrivain Daniel Maximin, a été écrit par Suzanne Césaire en 1945, c’est un écho de cette journée, un texte poético-politique d’une grande énergie, à la fois lyrique et ancré dans la géographie et l’anthropologie de la Martinique.

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« Ainsi parla l’Oncle » suivi de « Revisiter l’Oncle » de Jean Price-Mars

 ISBN : 978-2-923713-03-8

520 pages

PRIX : 39.50$

En librairie dès le 24 février 2009

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Vient de paraître aux éditions Mémoire d’encrier

Ainsi parla l’Oncle, paru pour la première fois en 1928, est le premier manifeste de la condition noire. Cet ouvrage a influencé l’oeuvre et la pensée des auteurs du mouvement de la négritude comme Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas.

 

Réédité dans un nouveau format, avec une iconographie nouvelle (paysages et figures de l’Afrique et d’Haïti), cet ouvrage propose une relecture de cette oeuvre monumentale qui a servi de bréviaire aux intellectuels des peuples noirs. Pour penser le monde, pour comprendre les mécanismes de l’aliénation, soit du «bovarysme culturel», Jean Price-Mars a mis en avant les traditions, les légendes populaires, le vaudou et tout l’héritage africain qui fondent les cultures noires.

 

Ainsi parla l’Oncle est suivi du collectif Revisiter l’Oncle qui réévalue les incidences et résonances de cette oeuvre dans le monde entier. Revisiter l’Oncle accueille les textes de Maryse Condé, Dany Laferrière, Jean-Daniel Lafond, Raphaël Confiant, André Corten, Jean Bernabé, Léon-François Hoffmann, Maximilien Laroche, Jean Morisset, Romuald Fonkoua, Alain Anselin, Carlo A.

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« Houellebecq au laser » de Bruno Viard

Compte-rendu de Michel Herland.

Bruno Viard : Houellebecq au laser – La faute à mai 68, Nice : Éditions Ovadia, 2008, 125 p.

 

 

  moraliste malgré lui :

« La pratique du bien est une liaison, la pratique du mal une déliaison »,

M. Houellebecq, Les Particules élémentaires, p. 377.



 

La publication récente des mémoires de la mère de Michel Houellebecq (MH) a permis de mesurer combien l’œuvre de MH était marquée par l’expérience personnelle de l’auteur. Dans un petit livre que l’on ne saurait trop recommander à tous les admirateurs de MH, Bruno Viard (BV), professeur de littérature française à l’Université de Provence, spécialiste des dix-neuvième et vingtième siècles, rapproche la souffrance filiale de MH de celle d’un Balzac : « Si vous saviez ce qu’est ma mère, écrivait ce dernier à madame d’Abrantès, c’est à la fois un monstre et une monstruosité » (BV p. 96). Les Particules élémentaires, le roman sans doute le plus abouti de MH, peut être lu ainsi comme le cri d’un fils abandonné qui n’en peut plus de cracher sa haine à la face de celle qui lui a refusé l’amour que pourtant elle lui devait, et qui, par extension, s’en prend à l’humanité tout entière dont il noircit à plaisir le tableau.

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« Le choix des âmes », d’Olivier Larizza

—Par Roland Sabra —

C’est une histoire d’hommes. Une histoire d’hommes dans la tourmente de la première Guerre Mondiale. Une montagne d’Alsace, le Viel-Armand, surnommée HWK pour « Hartmannswillerkopf », est l’enjeu d’un combat aussi absurde, que meurtrier. Des milliers de soldats de chaque coté du front vont mourir là sans que les positions d’un des deux camps aient fini par bouger à la fin du conflit. Le narrateur, qui parle à la première personne du singulier est un horloger de trente-deux ans qui, dans la boucherie, fait figure de survivant et donc de vétéran.  A quoi rêve Gaspar? Á sa Doudou martiniquaise, grosse de ses œuvres et qui l’attend dans la maison familiale. L’attente est longue, à l’arrière comme au front. La mort est là omniprésente et le cœur de hommes se donne à dire sur les présences plutôt que sur les absences. Il y a là d’autres hommes dont les vies, comètes dans le ciel de la guerre, ne pèseront pas plus que la lumière éphémère qui les soutient.

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« L’éloge de la rencontre », de Dominique Berthet

par Cécile Bertin-Elisabeth

Cette présentation de l’ouvrage de Dominique Berthet,

André Breton, l’éloge de la rencontre. Antilles, Amérique, Océanie,

été lue lors de la soirée littéraire organisée à l’Habitation Clément, le 12 juin 2008

Cécile BERTIN-ELISABETH

Afin de vous présenter l’ouvrage qui nous réunit ce soir, je me permettrais d’embrayer en posant cette question a priori inattendue et ô combien ardue :

– « Qui suis-je ? »

N’ayez crainte, loin de moi l’idée de vous parler de ma propre personne ou de me lancer dans des débats hautement philosophiques même si la philosophie ne saurait être tout à fait absente sous la plume de Dominique Berthet, Docteur en philosophie et en esthétique.

C’est en fait ainsi, tout simplement ou plutôt aussi difficilement, que débute Nadja, célèbre œuvre de Breton comme chacun sait, publiée en 1928. Cette première interrogation est complétée dans l’incipit de Nadja par une seconde question :

– « Qui je « hante » ? »

Pour essayer de répondre, notamment lorsque cela s’avère malaisé, il est fréquent d’éluder la difficulté en posant une autre question.

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André Breton, L’éloge de la rencontre. Antilles, Amérique, Océanie.

 — Par Yves Bernabé—
Ce texte est la traduction écrite, donc nécessairement infidèle, de la présentation orale faite à la Bibliothèque Schoelcher de Fort-de-France le 25 mai 2008. Cette présentation du récent ouvrage de Dominique Berthet s’intéresse à la signification de sa structure et aux questions qu’il suggère et qui rendent compte de l’intérêt de sa lecture.

 I. Ce que dit la structure.

 Le titre de l’ouvrage de D. Berthet rappelle dans un premier temps l’ « âme errante » qui fait le cœur de Nadja, et l’on s’attend d’emblée à des développements sur cette thématique. De fait, en reliant très fortement la vie de Breton avec son œuvre, D. Berthet montre que la rencontre et le hasard sont pour le poète un art de vivre et que la vie et l’écriture ont partie liée. Ainsi, dès le premier chapitre, D. Berthet évoque et analyse cette disposition de Breton à la rencontre, cette disponibilité qui permet l’éclosion subite d’instants vrais, et l’éclosion de la Beauté convulsive, en laissant libre cours à l’inconscient. La trouvaille, la rencontre, dit D. Berthet, répondent au désir enfoui.

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