Catégorie : En librairie

« Ladivine » de Marie NDiaye : la famille décomposée

–Le Prix Goncourt 2009 pour Trois Femmes puissantes revient avec un roman sur les relations mères-filles–

 

Elles sont trois femmes. Leurs vies opaques possèdent peu de points de contact. On ne sait pas si elles sont victimes ou bourreaux. Elles sont sans doute les deux puisqu’elles courent en avant sans avoir la force de ne pas regarder en arrière. La culpabilité et la ténacité forment leur terreau commun. Y poussent toujours des êtres de froideur et de pleurs. On les observe ainsi de l’extérieur. Ladivine Sylla s’ennuie dans un sombre rez-de-chaussée du quartier Sainte-Croix de Bordeaux après une existence de dur labeur. Clarisse Rivière coule des jours paisibles auprès d’un mari vendeur de voitures à Langon, en Gironde. Ladivine Berger habite Berlin, où elle enseigne la langue française et s’occupe de ses deux enfants. On les observe ainsi mais elles ne sont pas ainsi. Elles sont unies par les liens du sang sur trois générations.

Mère, fille, petite-fille. La romancière Marie NDiaye raconte leurs liens effilés comme des couteaux de cuisine. Les trois femmes s’y blessent en voulant s’y soustraire.

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Mauvaises filles. « Autour de ton cou », de Chimamanda Ngozi Adichie,

Méfiez-vous de l’eau qui dort – et des femmes dociles. Celles qu’on croise dans Autour de ton cou, recueil de nouvelles de Chimamanda Ngozi Adichie, sont aussi radicales qu’imprévisibles. Non pas que, tout à trac, provoquant chalands et caméras, elles se mettent torse nu dans la rue, à la façon des féministes du réseau Femen ; ou qu’elles se lancent, en pleine église, dans un rock endiablé à la Pussy Riot. Non : quand elles tournent le dos à la norme, les femmes de Ngozi Adichie le font sans cri, sans bruit. Elles quittent la scène en solitaire. Leur départ inattendu rompt net avec le passé, comme le fil d’un rasoir.

Elles sont les cousines, version classe moyenne, du petit peuple batailleur et désenchanté de Sefi Atta, dépeint dans Nouvelles du pays (Actes Sud, « Le Monde des livres » du 9 novembre 2012), et de l’adolescence meurtrie racontée par Chris Abani dans Le Corps rebelle d’Abigail Tansi (Albin Michel, 2010). Nouvelle génération, nouvelles manières de voir : du chaudron anglophone du Nigeria, une constellation d’écrivains de haut vol, la plupart installés aux Etats-Unis, est en train de naître.

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Et le chef s’imposa…

Alors que la question du charisme en politique s’invite de nouveau dans le débat public, plusieurs essais interrogent l’évidence de la soumission au leader et à l’Etat

Il n’est pas rare de voir s’afficher des déplorations sur la  » crise de l’autorité « . Un récent sondage a même fait un certain bruit en laissant entendre que 87 % des Français désireraient un chef énergique pour la France. Il est plus rare en revanche de lire sur ces sujets des livres aussi stimulants que les deux ouvrages dont il est question ici. L’un – Le Siècle des chefs. Une histoire transnationale du commandement et de l’autorité, de l’historien Yves Cohen – est publié chez Amsterdam, petite maison d’édition dont il faut saluer le courage de publier un ouvrage aussi volumineux. L’autre est la traduction en français d’un livre de James C. Scott, professeur à l’université de Yale, Zomia ou l’art de ne pas être gouverné, publié aux Etats-Unis en 2009 et dont il manque malheureusement dans la version française le sous-titre provocateur : Une histoire anarchiste des hautes terres d’Asie du Sud-Est.

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Le pyromane adolescent, recueil de James Noël.

Un livre qui se déploie en fraîcheur et en beauté. James Noël est ce pyromane qui revendique en toute saison le feu pour allumer les rires et pour effacer les désastres de la nuit. Sa poésie est magique, elle convoque ce côté primesautier et pur en nous, le meilleur peut-être. Les expériences de la vie et du langage sont ici dans la vision d’un adolescent qui refuse de sauter les barrières pour parvenir dans le monde des adultes. Le poète arrête le temps et navigue dans ces espaces d’encre et de lumière. La pyromanie est sa nouvelle marque de James Noël. Il
nous dit ceci :
« Vice viscéral, je revendique la pyromanie comme une poétique, un état second, pour traverser le froid, la mort, et autres pièges de notre temps. La pyromanie est en vérité la dernière planche de salut de la chaleur humaine. »
j’ai déboité mon fémur gauche
je l’ai mis dans un foyer
et puis un long feu s’est mis en marche
j’étais heureux comme une allumette
Les poètes sont-ils des pyromanes adolescents qui chantent l’espoir du monde ?

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Le corps des Antillais à la loupe de la philosophie

Par Jean-José Alpha

–La présentation publique de la pensée de Spinoza, philosophe peu connu des Martiniquais et qui aurait pourtant influencé bon nombres de penseurs occidentaux jusqu’à Césaire et Fanon, a effectivement éveillé l’intérêt d’un bel auditoire et de lecteurs invités à la Bibliothèque Schoelcher, juste à la veille des jours gras.

L’écrivain essayiste Roland Davidas, auteur de la surprenante « prosopopée de Spinoza à propos du devenir des Antillais », intitulée Que peut le corps des Antillais ? (ed. Gawoulé), avait invité les martiniquais à échanger vendredi dernier avec Baruch Bento de Spinoza (24 novembre 1632 -21 février 1677 ), philosophe de la joie dont il dit qu’ « imaginer quelque chose de joyeux entraîne parallèlement (mais non causalement) une modification corporelle qui me fait éprouver physiquement de la joie. »

L’étonnement des Amis du Livre, membres de la célèbre bibliothèque foyalaise était perceptible en début de soirée malgré la présentation faite par le philosophe Georges-Henri Léotin et les lectures de José Alpha. Parler d’une philosophie de la joie comme déterminante de liberté et de bonheur dans le contexte sociopolitique vécu notamment par les martiniquais,  n’est ce pas encore une provocation des mentalités antillaises profondément conditionnées par la Tristesse avec laquelle on s’est toujours accommodé ?  

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Biennale Internationale du Livre Créole

Poster-Tabou

A l’instigation du sociologue Hector Elisabeth, président de l’Association des Amis de la Bibliothèque Universitaire (AABU), et de l’écrivain Raphaël Confiant un salon du livre, qui portera le nom de Biennale Internationale du Livre Créole se tiendra à la Martinique en décembre 2013. En effet, si la Martinique est réputée à travers le monde pour être une terre d’écrivains et de penseurs, si malgré son exiguïté, elle possède une place sur la carte du monde, cela grâce à des auteurs d’envergure internationale tels qu’Aimé Césaire, Frantz Fanon ou encore Edouard Glissant, elle ne dispose pas à ce jour de salon du livre pérenne, ce qui est un paradoxe. Avec l’appui de la Bibliothèque Universitaire du campus de Schœlcher, de bibliothécaires, d’éditeurs et d’écrivains du cru, cette Biennale a pour objectif premier de valoriser le livre dans toutes ses déclinaisons et pas uniquement le livre de littérature. C’est dire qu’ouvrages d’économie, d’histoire, d’anthropologie, de sociologie, de psychologie, de sciences exactes et naturelles etc. seront mis à l’honneur aux côtés des ouvrages littéraires.

Ouverte sur toutes les diversités du monde (d’où l’expression « créole »), elle ne se cantonnera pas non plus à la Martinique, mais à tous les pays créoles et à leurs diasporas en Europe et en Amérique du Nord.

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L’argent de la phobie anti-immigrés

Par Catherine Simon

 

Contrôler les migrants étrangers, les enfermer si nécessaire, surveiller les frontières par tous les moyens : on n’a rien inventé de plus profitable ni de plus efficace au cours des dernières décennies. Vous sursautez ? Vous avez tort.

En termes de profit et de marketing politique, les migrants sont une excellente affaire. C’est ce que démontre cet essai percutant, précisément documenté et qui se lit sans peine. Les sociétés privées de sécurité, tout comme l’industrie de l’armement, ont su, très vite, occuper le créneau. Ainsi, l’entreprise multinationale G4S, dont une partie de l’activité est consacrée à la « gestion » de l’immigration (celle de centres de détention du Royaume-Uni notamment), emploie aujourd’hui près de 650 000 personnes.

Quant aux fameux drones, ces avions sans pilote, ils sont utilisés, depuis le milieu des années 1990, à des fins non militaires – en particulier pour la surveillance des frontières. Celle séparant les États-Unis et le Mexique a été la première, en 2005, à « bénéficier » des services d’un drone, le modèle Predator B, de la société General Atomics.

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L’île-aux-Chiens, un émouvant récit de vie

Par Laurence Aurry —


 L’île-aux-Chiens est un beau roman de Michel Dural. L’île-aux-Chiens est une petite île de l’archipel de Saint Pierre et Miquelon. C’est là, en 1914, que débute le récit. Dans toute la première partie du roman, un récit au passé, raconté sous la forme d’un journal par un narrateur omniscient, nous permet de suivre Angélique. Elle vient d’épouser Etienne Lamour, elle porte son enfant et elle attend avec angoisse et impatience son retour du front. Elle mettra au monde un petit garçon, Pierre, dont nous observons les premiers pas jusqu’en 1918, date de son départ pour la Bretagne. L’écriture sobre et précise nous donne à voir avec force cette époque révolue et ce lieu étrange de ces colonies d’outre atlantique. Elle nous donne surtout à pénétrer dans des consciences déchirées par les préjugés, l’abandon et le désespoir. Toute cette première partie nous offre un récit bouleversant où les personnages sont saisis de plein fouet par le malheur et l’acharnement du destin, comme si le « Barber », ce terrible vent canadien qui gèle tout ce qu’il touche, prenait plaisir à les tourmenter.

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« Les Neufs Piliers de la sagesse », de Jean-Pierre MAURICE

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Présentation

Socrate, Jésus, Bouddha, Goethe, Mahomet, Aimé Césaire…
« Les Neuf Piliers de la sagesse » présente les réflexions pertinentes d’hommes et de femmes qui ont gravé la mémoire collective de l’Humanité. Ces pensées des sages d’hier et d’aujourd’hui vous accompagneront sur les chemins de la connaissance, mettant ainsi à votre service l’essentiel des secrets de la vie. En rassemblant ces fragments du monde, l’auteur va vous faire gravir les marches pour accéder aux 9 piliers de la sagesse. Ce parcours initiatique des philosophies antiques au développement personnel est un guide sur la voie qui mène l’homme vers la réussite de soi-même et de sa vie. Les Neuf Piliers de la sagesse : un livre de Jean-Pierre MAURICE.

Né dans une île amoureuse du vent, la Martinique, Jean-Pierre Maurice est l’auteur d’une “lettre à un jeune qui veut réussir” et d’un audio sur Aimé Césaire. Cet amoureux de la vie, passionné de vulgarisation, se tourne aujourd’hui vers un humanisme universel et bienveillant, publiant, pour ses 60 ans, le livre “Les Neuf Piliers de la sagesse”. Son message est également présent par le biais de son site Internet où il anime causeries et conférences sur la sagesse et l’art de la vie.

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Eïa pour notre « Frère Volcan » : Vincent Placoly 21 janvier 1946 – 6 janvier 1992

  — Par Rodolf Étienne —

Un mémoire simple de Vincent Placoly consisterait à le présenter comme suit : enseignant, écrivain, dramaturge, militant politique, membre fondateur du Groupe Révolutionnaire Socialiste (GRS).

Une telle présentation expliquerait à elle seule, à bien des égards, le silence qui règne autour de l’œuvre de Vincent Placoly. Pourquoi une telle affirmation ? Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer la Martinique du temps de Placoly et notamment la Martinique politique. On l’a dit Vincent Placoly était militant au sein du GRS, une organisation politique d’obédience trotskiste, qui donc d’extrême gauche. Mais encore ?

Gilbert Pago, membre co-fondateur du GRS, dans une présentation posthume de son ami nous dit : « En 1969, de retour en Martinique,Vincent Placoly partage avec ses camarades de Génération 46, les déconvenues du Parti Communiste Martiniquais« .

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Brève exploration de la littérature en langue créole en Haïti, de ses balbutiements à son affirmation

— Par Jean Durosier DESRIVIERES —

  

Préambule

Compte tenu de l’ensemble des œuvres publiées depuis deux décennies par des auteurs haïtiens, tant en Haïti qu’à l’étranger, on peut aisément soutenir l’idée que la littérature haïtienne s’écrit dans plusieurs langues aujourd’hui: français, créole, anglais, espagnole… Bien entendu, même s’il est nécessaire de le signaler, on n’est pas obligé de s’attarder sur cette idée pour aborder convenablement l’histoire littéraire haïtienne. En revanche, on est forcé désormais de parler, sans l’ombre d’aucun doute, d’une littérature qui s’écrit dans les deux langues officielles du pays, à savoir: le français et le créole. Donc, explorer la littérature en langue créole en Haïti, c’est considérer un versant de la littérature haïtienne longtemps négligé et qui s’affirme de plus en plus comme l’une de ses composantes effectives, réelles, mesurables et incontournables. Avant de retracer pour vous le parcours de la littérature en langue créole en Haïti, j’aimerais d’abord exposer quelques grandes lignes de l’histoire littéraire haïtienne elle-même. Cet exposé vous permettra de mieux comprendre la situation de la littérature en langue créole qui est toujours en construction en Haïti, dans un contexte

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« Paroles d’une île vagabonde » de Dominique Deblaine

 Deux extraits

 

Guadeloupéenne, Maître de Conférences à l’Université Montesquieu Bordeaux 4, membre du centre de recherche LAM, Les Afriques dans le Monde, UMR (IEP/CNRS) Université Montesquieu Bordeaux 4. Son domaine de recherche : la littérature antillaise.

 

Elle a écrit divers articles sur la littérature antillaise, dirigé des ouvrages universitaires, Transmission et théories des littératures francophones – Diversité des espaces et des pratiques linguistiques (Co-Éd. P.U.B./Jasor, Bordeaux/Pointe-à-Pitre, 2008), Entre deux rives, trois continents (Mélanges offerts au Professeur Jack Corzani ; Éd. M.S.H.A.), préfacé les recueils poétiques de Max Rippon Débris de Silences et Morriña (Éd. Jasor, Pointe-à-Pitre, 2004 et 2010), présenté l’œuvre de Guy Tirolien dans Plumes Rebelles (Éd. Desnel, Martinique, 2011), préfacé les œuvres théâtrales de Jesùs Carazo, romancier et dramaturge espagnol, El Ojo de cristal – América (Editorial Dossoles, Burgos, 2003), La Invitación – Los Grillos bajo la tormenta (Ed. Dossoles, Burgos, 2003), La Increíble velocidad del planeta – Flores de papel (Ed. Espiral/Findamentos, Madrid, 2004).

 

Elle a publié un récit poétique Paroles d’une île vagabonde (Éd. Riveneuve, 2011), des nouvelles « Champ d’Arbaud » (dans Écriture, n° 44, Lausanne, 1994), « L’Errant, le Désirable » (dans Entre deux rives, trois continents, Éd.

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André Lucrèce publie «Frantz Fanon et les Antilles – L’empreinte d’une pensée» et répond à e-Karbé

Source: e-Karbé

Le cinquantième anniversaire de la mort de Frantz Fanon donne aujourd’hui lieu à nombre de rencontres autour de son œuvre et de ses idées. André Lucrèce, sociologue et écrivain martiniquais, publie un essai, Frantz Fanon et les Antilles – L’empreinte d’une pensée, afin de dénoncer «l’oubli inconcevable qui frappe la pensée de Frantz Fanon». Parmi les objectifs de cet ouvrage, la nécessité affirmée de l’auteur de ramener la philosophie de Fanon au centre des débats et ainsi de les nourrir au moyen d’arguments tirés de l’analyse de ses écrits. S’intéresser de près aux discours, à la pensée et aux récits de Frantz Fanon en vue, principalement, de mieux appréhender «la réalité antillaise». André Lucrèce, dont les recherches portent principalement sur les phénomènes liés à la modernité dans les sociétés antillaises, propose, avec Frantz Fanon et les Antilles – L’empreinte d’une pensée, une nouvelle réflexion sur l’œuvre du penseur engagé. Il répond aux questions d’e-Karbé.

e-Karbé – À l’occasion de la sortie de votre livre, Frantz Fanon et les Antilles – L’empreinte d’une pensée, vous annoncez d’emblée qu’il y est «question de répondre à l’oubli inconcevable qui frappe la pensée de Frantz Fanon».

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Laurence Aury présente son livre « La nuit du secret »

— Par Plerre-Yves PANOR

 

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 Laurence AURRY est originaire de Saint MALO. Elle réside depuis 20 ans à la Martinique et y enseigne les lettres.

Quand on lui demande de parler de son rapport à la Littérature Antillaise, elle répond sans sourciller qu’en sa qualité de professeur de français en lycée, il est important pour elle de promouvoir la culture et la Littérature Antillaise. Que chaque année, elle propose à ses élèves, l’étude d’une œuvre ou de textes antillais et ou caribéen. D’ailleurs ajoute-t-elle: « En ce moment nous étudions en lère « Bicentenaire » de Lyonel TROUILLOT afin de découvrir la littérature haïtienne. L’année dernière, nous avons étudié une œuvre de Maryse Condé et des poèmes de Césaire. L’année précédente, Patrick CHAMOISEAU, Ernest PEPIN et Raphael CONFIANT.

Du point de vue culturel, elle considère que la Martinique regorge de talents et de créativité mais que les moyens font défauts.

Vous l’aurez compris Laurence est une passionnée ouverte et curieuse des cultures. Passion et curiosité qui certainement ont quelque chose à voir dans la publication de son premier roman intitulé « La nuit du secret », une palpitante expérience qu’elle nous raconte avec délectation :

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« La nuit du secret » de Laurence Aurry

— Par Roland Sabra —

La vie d’un secret ou le secret d’une vie?

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En vente en Martinique

Émile Nestor est mort « suicidé » de trois balles de Mc76.Voilà comment débute le roman de Laurence Aurry «  La nuit du secret ». Et il se termine par cette question « Qui était réellement Emile Nestor ?». Pendant deux cents soixante pages cette question va tarauder le lecteur, ne plus lui faire lâcher des mains de roman aux intrigues multiples, croisées dans lesquelles s’enchevêtrent sans pouvoir les démêler et encore moins en mesurer la portée mensonges, affabulations, mythomanie, lâchetés et crapuleries assaisonnées d’autant de qualités opposées. Émile Nestor qui avait vingt ans en 1940, a-t-il été un salaud ? un planqué ? un héros ? Disjonction inclusive. Nous ne saurons pas. Émile Nestor écrivait le roman de sa vie. Il l’écrivait et le ré-écrivait. Il nous raconte son histoire et il nous raconte des histoires. Écriture dans et sur l’écriture. Laurence Aurry nous confie par là une de ses passions, une de ses fascinations, celle du texte. La plume est précise, agréable à lire, retenue, au risque de paraitre parfois un peu académique.

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Haïti : déménagement linguistique

Par Yves Dejean  [1]

Maturation et spontanéité linguistiques

 

Les recherches et les progrès en linguistique de la seconde moitié du vingtième siècle ont mis en lumière l’acquisition naturelle et rapide de la ou des langues de leur environnement par tous les enfants normaux dès leur naissance (et même avant, à en juger par les recherches récentes de Jacques Mehler and Emmanuel Dupoux sur l’acquisition in utero ; voir Mehler J, Dupoux E. 1994. What Infants Know : The New Cognitive Science of Early Development. Cambridge, MA : Blackwell). La réalité et la nature de ce phénomène humain universel contrastent vivement avec l’apprentissage d’une langue étrangère par des personnes qui se donnent la peine de l’étudier. Cet apprentissage est souvent laborieux, lent, incomplet, boiteux et sujet à régression.

 

Quand on propose l’apprentissage du français à plus de huit millions de créolophones unilingues d’Haïti comme une entreprise obligatoire dans un système scolaire, il est nécessaire de réfléchir sérieusement à sa possibilité, sa praticabilité et son coût en temps, efforts, matériel, argent et enseignants. L’examen de cet aspect du problème semble totalement ignoré ou escamoté par les auteurs d’un livre récent L’Aménagement linguistique en Haïti : Enjeux, défis et propositions (par Robert Berrouët-Oriol, Darline Cothière, Robert Fournier et Hugues St-Fort, Éditions du CIDHICA et de l’Université d’État d’Haïti, 2011).

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« Le Printemps de la fée Cassandre » de Michèle CAZANOVE

par Scarlett JESUS

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Après La Geste noire : La Chanson de Dendera (l’Harmattan, 2009), Michèle Cazanove vient de publier un second roman, Le Printemps de la fée Cassandre, sous-titré « Un printemps haïtien » (Edilivre.com). Dans ce roman, Alice, la narratrice, prend en charge un récit rétrospectif qui s’adresse à sa fille Cassandre. Ce récit relate l’enfance de Cassandre jusqu’à ses quinze ans, le printemps de sa vie, les relations qu’elle entretient avec sa mère, ainsi que l’univers dans lequel elles évoluaient toutes deux à Haïti.

S’agit-il pour autant d’un « récit de vie », renvoyant au genre du roman d’apprentissage, centré sur le cheminement de Cassandre, désigné comme étant le personnage principal ? Le titre semblerait  l’indiquer. Toutefois, le personnage de la Mère, ses sentiments, ses émotions et les propos rapportés (ceux qu’elle a tenus, ou ceux qu’elle s’autorise au moment de l’écriture), occupent le devant de la scène. Ne serait-elle pas en réalité le véritable protagoniste d’un récit qui relate davantage son propre « apprentissage » de la réalité (celle, générale, de la vie, mais aussi celle, sociale, d’Haïti) que celui de sa fille?

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Recension du roman de Yann Garvoz :Plantation Massa-Lanmaux

 

par Michèle Bigot*,

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Flagellation d’une femme esclave. Surinam. 1770

–Plantation Massa-Lanmaux est le premier roman d’un jeune écrivain qui ne manque pas de verve. La dimension romanesque de cet ouvrage le dispute à sa fibre poétique et à sa force réaliste.

L’originalité de l’ouvrage consiste avant tout dans le contexte qu’il met en place ; l’univers est celui d’une plantation dans une des îles de Guadeloupe à la veille de la révolution. Dans ce cadre propice à tous les débordements, vont s’affronter les idéologies progressiste et conservatrice autour des enjeux moraux et matériels spécifiques de l’exploitation des esclaves dans une économie de plantation. Chacun de ces courants de pensée est incarné par les deux protagonistes, père et fils, M de Massa et son fils Donatien. Celui-ci est le digne héritier du divin marquis dont il porte le prénom, épigone aussi ambigu que son maître, comme lui philosophe des lumières, anticlérical, athée, porteur des idées de progrès et comme lui porteur d’un érotisme associé à des actes impunis de violence et de cruauté (fustigations, tortures, meurtres, incestes, viols, etc.). Celui-là incarne une figure de maître débonnaire et hypocrite, surtout versé dans un scientisme mathématique (nouveau d’Alembert exploitant les données du calcul infinitésimal) qui fait bon ménage avec le clergé tant que celui-ci protège ses intérêts d’esclavagiste.

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« Le dynamiteur de pissotières » de Gérard Oulion : un roman explosif !

 

 — par Laurence AURRY —

 

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Gérard Oulion n’en est pas à son coup d’essai. Le Dynamiteur de pissotières, est son quatrième roman. Un petit roman qui refuse de se prendre au sérieux. Tout un programme, savamment préparé, calculé, exécuté. Il s’agit, en effet, d’un jeune retraité qui décide de mettre à profit son temps libre pour réaliser une œuvre édifiante, absurde et dérangeante. Le parfait employé de bureau, sans reproches et sans ambition qui veut marquer d’une manière originale et déroutante son opposition à la société, son ras le bol des politiques d’appauvrissement et d’abêtissement. Une belle satire de notre société mais sans formalisme et surtout sans sérieux. Personnage et auteur refusent de se prendre au sérieux. Pas des révolutionnaires, non, mais des empêcheurs de tourner en rond, des contradicteurs qui prennent pour cible un symbole de notre architecture moderne : les sanisettes.
L’humour et la fantaisie promènent le lecteur dans cette déambulation savoureuse à la frontière entre les genres. Récit atypique qui se joue des genres et les pervertit : détournement du roman de formation avec un retraité qui s’initie aux arcanes des explosifs – il n’est jamais trop tard pour goûter aux plaisirs- ; détournement du genre de l’essai avec un narrateur impertinent qui joue sur les nerfs du lecteur à la manière d’un Sterne ou d’un Diderot pour nous faire part de ses considérations personnelles ; détournement du roman d’aventures avec les nombreuses digressions aux moments les moins attendus, le tout dans une langue brillante et littéraire.

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Plantation Massa-Lanmaux

Massa-Lanmaux : Une superbe dérive

par Michèle Matteau

En vase clos

Nous voici au XVIIIe siècle, dans une plantation des Antilles, sise sur un îlot jeté au large d’une grande île dont nous n’apprendrons jamais le nom. La plantation Massa-Lannaux est un monde recroquevillé sur lui-même où tout peut arriver…

Rappelé par son père, le fils du maître rentre sur La Justine s’occuper de la plantation familiale. Mais son séjour dans la France des Lumières a transformé le jeune homme. Poussé par des convictions philanthropiques, il tente d’humaniser le domaine. Il ne récoltera que désordre et révolte. Pendant que le doute s’infiltre chez les maîtres catholiques, le vaudou, lui, commence à souder leurs esclaves qui, arrachés à différentes parties de l’Afrique, restaient jusque-là des étrangers. Une société s’effrite, l’autre se tisse.

Le drame se joue en vase clos et maîtres et esclaves voient leurs destinées enchaînées les unes aux autres. Comme Sade, le personnage central se prénomme Donatien, un choix motivé par l’admiration que l’auteur voue au « divin marquis ».

La recherche d’authenticité

L’oeuvre est merveilleusement documentée et Yann Garvoz a l’érudition modeste : jamais il ne fait peser sur le lecteur le poids de son imposante recherche.

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L’émerveil potager.

par Kenjah

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 Madame Poule prend la plume

Auteur Jacqueline Labbé
Editeur Thot Eds
Date de parution 08/03/2011
ISBN 2849212032

Il se pourrait que le dernier opus de Jacqueline Labbé, « Madame Poule prend la plume », passe pour un livre de « contes » (comme on dit parfois pour ces auteurs retombés en enfance et qui béatifient leur innocence artificielle d’un plat moralisme), Mme Labbé étant connue pour ses bwabwa et sa simplicité. Il se pourrait même que ce petit ouvrage de 120 pages passe pour un bouquin de plus, au sein d’une production antillaise pléthorique, mais ô combien inégale. C’est là, qu’à mont tour, il me faut prendre la plume. Pour dire, « Attention, petite merveille ! ». Le coup du fakir qui tient son naja et ne le lâche plus. Un pur plaisir de lecteur flâneur. Entre du Bach et du Max Cilla, avec des plages de Fall Frèt et de Féfé Maholany, Mona et Chico Jehelman tout semblés, itou Hurard et Barrel en léger fond… Quelque chose d’inclassable, qui relève autant de l’anthropologie que de la poésie.

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Anthologie de la peinture en Guadeloupe

Plus de 300 œuvres de 41 artistes, un ouvrage de dimension encyclopédique
Cette Anthologie de la Peinture en Guadeloupe, des origines à nos jours a pour ambition de faire mieux et plus largement connaître les richesses du patrimoine artistique et culturel guadeloupéen. Elle entend donner aux peintres guadeloupéens, toutes époques confondues, leur véritable stature d’artistes, assortie de la place qui, logiquement, revient à la peinture guadeloupéenne dans l’histoire réinterrogée de l’art.
Cet ouvrage s’attache à retracer, dans une perspective historique, les étapes d’un processus : genèse, évolution, maturation et émergence des arts plastiques en Guadeloupe.
La première partie décrit l’histoire de la peinture en Guadeloupe à travers quatre études, rédigées par des spécialistes : La peinture dans l’art amérindien des Antilles ; L’expression plastique en Guadeloupe du XVIIIe au milieu du XIXe siècle ; 1848-1960, constitution d’une identité picturale et enfin Convergences et divergences : la peinture en Guadeloupe à partir de 1970.
La seconde partie présente, pour chaque période, du XVIIIe siècle à nos jours, les plasticiens les plus marquants : une sélection de 41 artistes, de 41 monographies illustrées de plus de 300 tableaux expliqués par un écrivain, un critique d’art ou par l’artiste lui-même.

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« Plantation Massa-Lanmaux », de Yann Garvoz

par MAURICE MOURIER —

 3 mars  2011

 YANN GARVOZ, PLANTATION MASSA-LANMAUX Maurice Nadeau, 312 p., 24 €

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Au XVIIIe siècle, le jeune fils d’un planteur des « colonies », après des études en France qui l’ont mis au contact des idées philanthropiques des Lumières, rentre au pays. La plantation de canne à sucre de son père fonctionne, selon l’ancien système éprouvé, sur la soumission absolue des esclaves au maître. Imprégné d’utopie rousseauiste, Donatien, qui porte le prénom du Divin Marquis, va essayer de moderniser et d’humaniser le domaine. Ce livre étrange, aux deux tiers réussi, raconte son échec.

Voyons d’abord les éléments de la réussite littéraire, qui est souvent très notable. S’agissant d’un texte et non d’une étude historico- sociologique, cette réussite repose, comme il fallait s’y attendre, sur le style. Yann Garvoz, qui est clairement perfectionniste, s’est proposé une gageure : travailler la pâte verbale, abondante et riche, de son livre, en imitant, transposant, pastichant à la fois l’oeuvre sadienne et la prose précise de l’Encyclopédie, de La Nouvelle Héloïse ou (parfois) de Bernardin de Saint- Pierre. Mais cela n’est rien.

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Le souffle du pays, Nabd El Jazirah, de Widad Amra

 — Par Roland Sabra —

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La terre et le temps

 Après Regards d’errance en 2007, Salam shalon, en 2008, voici le troisième recueil poétique de Widad Amra. Il s’intitule  Le souffle du pays, Nabd El Jazirah.  C’est le souffle de l’île.

 

Une cinquantaine de pages sur la terre et les temps.

 

Le temps de sa terre. En ses temps .

 

En ces temps de tremblements où jamais la terre ne ment, où l’humain clame et réclame, où la mort célèbre l’âme des grands. De l’enterrement du poète au tremblement de Février. Ou l’inverse. Peu importe : « Le temps n’est pas dans la chronologie, la chronologie n’est qu’humaine ».  Des soubresauts du sol à ce temps, qui va et vient, qui se cherche quand le temps n’est plus, quand la mort engloutit terre et temps. Mais que reste l’espoir.

 

Widad Amra construit son livre en quatre temps donc.

 

Premier temps. Celui du dernier tremblement de terre, ici en sa terre. Elle nous dit l’étonnement, l’effroi et la peur de redécouvrir ce qu’elle savait depuis toujours.

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« La blessure du nom », ouvrage de Philippe Chanson

Une anthropologie d’une séquelle de l’esclavage aux Antilles-Guyane

Ouvrage de Philippe Chanson

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—Anonyme – Passavoir – Crétinoir – Trouabal – Dément – Comestible – Macabre – Zéro – Malcousu – Savon – Gouacide – Négrobar – Satan – Peccatus – Dangeros… Tels sont quelques-uns des centaines de noms d’Etat civil saugrenus, dégradants et injurieux, redonnés aux esclaves africains des Antilles et de la Guyane françaises libérés en 1848. Cette blessure identitaire, largement et curieusement occultée, suinte encore sur ces terres créoles travaillées par trois siècles d’histoire coloniale traumatique.

Mais comment donc de tels noms ont-ils pu être attribués ?

L’étude ethnographique que propose cet ouvrage, travaillée par de longues années de terrain, tente d’en entendre les réponses. Elle s’étaye tout à la fois sur le dépouillement de plus de 350 000 patronymes collectés dans ces départements français d’Outre-mer, des entretiens notamment avec quelques figures éminentes de l’intelligentsia créole (Césaire, Glissant, Pépin, Chamoiseau), le cumul de données historiques, culturelles, linguistiques, littéraires, ainsi que sur la mise en œuvre d’une anthropologie dite ’fictionnelle’ et pourtant contemporaine.

L’auteur, sensible au poids moral du nom, se penche d’abord sur le choc, la prégnance, la proportion, les causes et les avatars de cette problématique si délicate ; reconstitue ensuite les circonstances et conditions des processus d’attribution qui ont pu aboutir à de tels dénis ; dégage également les pratiques et parades cathartiques de résistances mentales et culturelles pour contrer l’affront du nom ; et termine en ouvrant la question de cette grave blessure également subie par les créoles de l’Ile Maurice, tout en s’interrogeant sur une possible réparation du nom.

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