Catégorie : Littératures

Problèmes et perspectives de la lexicographie créole contemporaine 

De la nécessité de revisiter les enseignements de la linguiste Annegret Bollée

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« La lexicographie est la branche de la linguistique appliquée qui a pour objet d’observer, de recueillir, de choisir et de décrire les unités lexicales d’une langue et les interactions qui s’exercent entre elles. L’objet de son étude est donc le lexique, c’est-à-dire l’ensemble des mots, des locutions en ce qui a trait à leurs formes, à leurs significations et à la façon dont ils se combinent entre eux. » (Marie-Éva De Villers, « Profession lexicographe », Presses de l’Université de Montréal, 2006.)

L’article que nous avons publié le 23 mai 2024 en Martinique et aux États-Unis, « L’enseignement-apprentissage des mathématiques en créole à l’épreuve de la « pédagogie interactive » et de l’« aprantisaj aktif » de l’Inisyativ MIT-Ayiti », a retenu l’attention de divers lecteurs en Haïti, parmi lesquels des enseignants de créole. L’un d’entre eux, tout en précisant être peu familier de l’histoire de la lexicographie créole et de ses enjeux, nous a demandé avec insistance (1) de rappeler les principales caractéristiques des ouvrages lexicographiques lacunaires ainsi que celles des ouvrages lexicographiques de qualité.

→   Lire Plus

O lé Loa

— Par Daniel M. Berté —

O lé Loa libéré Ayiti

Legba
Olicha
Kouzen-Zaka
Gédé-Masaka
Baron-Lakwa
Mété lanmen ba Ayiti

Ogou
Agaou
Agasou
Gédé-Ousou
Entèwsédé ba Ayiti

Ewzili
Ogou-Badagri
Baron-Samdi
Gédé-Vi
Vwéyé limiè ba Ayiti

Danmbala-Wèdo
Aîda-Wèdo
Agoué-Taroyo
Balindjo
Loko
Chango
Gédé-Nibo
Trasé larel ba Ayiti

Azaka-Médé
Sobo ek Badé
Kaptenn-Gédé
Pòté soukou ba Ayiti

→   Lire Plus

« Un poète… » & « Ces mots qu’on n’utilise plus … »

Patrick Mathelié-Guinlet

Un poète…

Lorsqu’il a emprunté
certains chemins étranges
où la folie vous guette,
alors un homme change…

S’il ne perd pas la tête,
il devient un poète,
narrant son expérience
en visions imagées

même si ça dérange
le cours de l’existence
un peu trop bien rangée
du commun des mortels

qui ne peut s’envoler
puisque la société
lui a rogné les ailes
et pris sa liberté…

Comme une sorte d’ange,
un chamane, un prophète,
apparaît le poète
qui vous sort de la fange

où s’englue votre vie
et tous vos maux guérit
par la seule magie
de ses mots poésie…

On l’adore ou maudit
mais toujours on l’envie
d’avoir jeté les yeux
sur ces lieux interdits
où seuls vivent les dieux !

→   Lire Plus

Turbulence(s) / Dezòd : appel à contributions : DO-KRE-I-S # 7

Une turbulence est une agitation désordonnée, bruyante. Frénésie. Fureur. Insolence. Tourbillons dans un fluide. Tel un avion surpris par la densité du dialogue entre l’air chaud et l’air froid. Les turbulences agitent le confort, défont, l’espace d’un instant, l’inertie. Elles inventent chaos, chocs, entrecroisements, crissements.

Les turbulences créent désordre, tension. 

Le monde traverse une zone de turbulences. Ça secoue. C’est inquiétant, troublant, effrayant, paralysant. Ses fêlures s’engorgent d’une putrescence haineuse. Les repères sont jetés bas et les vieux monstres en semblent tout ragaillardis : moralisme, patriotisme, colonialisme, racisme, autoritarisme, capitalisme, sexisme, fleurissent plus que jamais, çà et là.

Les turbulences engendrent rupture, distorsion.

Paradoxalement, ne sont-elles pas aussi des opportunités de faire résistance aux désastres annoncés, aux catastrophes à l’œuvre ? Elles pourraient s’avérer un moyen d’endiguer les violences frénétiques infligées au monde. Le nouveau volume de la revue DO-KRE-I-S se propose de côtoyer et d’exalter cette promesse alternative, créatrice et instable du désordre (dezòd). Tumultes, tapages, cris, cacophonies, gribouillages. Les ruptures, ce sont aussi les existences qui se développent, se renouvellent, mutent, subvertissent. Ce sont de nouveaux milieux, de nouvelles voies, de nouvelles paroles, qui y sont promises, qui y sont possibles.

→   Lire Plus

Les Docs de La grande librairie : Colette

Diffusion : Mercredi 29 mai 2024 à 21h sur France 5

Ce mercredi 29 mai, « Les Docs de La Grande Librairie » consacre son cinquième volet à une figure emblématique de la littérature française : Colette. Réalisé par Catherine Aventurier et Margaux Opinel, ce documentaire inédit propose une exploration profonde et sensible de la vie et de l’œuvre de Colette, l’une des écrivaines les plus appréciées des Français.

Une vie de liberté et de paradoxes

Colette, de son vrai nom Sidonie-Gabrielle Colette, est célèbre pour ses œuvres devenues des classiques, telles que « Claudine à l’école », « Chéri », « Le Blé en herbe » et « Gigi ». Elle a écrit environ soixante ouvrages, plus de deux mille articles de presse et une abondante correspondance couvrant plus d’un demi-siècle. Pourtant, au-delà de son impressionnante production littéraire, Colette incarne une figure de liberté et de paradoxe. Insaisissable et féroce, elle mène sa vie littéraire, artistique et amoureuse en s’affranchissant des conventions et des attentes, forgeant ainsi une trajectoire unique et souvent scandaleuse.

Une émancipation totale des codes

Colette a toujours suivi une seule ligne de conduite : la sienne.

→   Lire Plus

« Tempes », un recueil de Nathanaël

Primé en 2023 lors de la deuxième édition du Prix international de l’Invention poétique, « Tempes », le dernier recueil de Nathanaël, vient d’être publié chez LEGS ÉDITION. Ce livre de 106 pages, magnifiquement illustré par l’artiste-peintre Sergine André, est introduit par une note de l’éditeur Dieulermesson Petit Frère. Cette préface offre un aperçu des conditions de publication et relate les conflits de censure entre l’autrice, l’éditeur et l’association initialement liée au prix. Refusant les pressions, Nathanaël a finalement confié son œuvre à l’éditeur initial, offrant ainsi au public un recueil empreint de sincérité et de résistance.

« Tempes » se divise en quatre sections : Interdiction, Contemplation, Portes et Épilogue. Chaque section explore les éléments fondamentaux de l’univers – la terre, l’eau, l’air et le feu – et est accompagnée de photographies illustratives. Interdiction invite à surmonter la solitude, Contemplation révèle la beauté du monde naturel, Portes explore les thèmes de la peur et de la mort, et Épilogue conclut sur une note d’odyssée et de quête intemporelle. La poésie de Nathanaël, lumineuse et intertextuelle, offre une réflexion profonde sur l’altérité et le dialogue entre les êtres.

→   Lire Plus

Du méfait colonial à la mondialité

Il n’y a pas d’ultramarins, il n’y a que des peuples-nations encore sans État.

— Par Patrick Chamoiseau —

La Kanaky (maintenant convulsive sous le mépris, la violence et la mort) offre à la vieille République française une occasion de se moderniser. Sa juste revendication exige une autre vision du monde. Elle demande aussi un réexamen de ce qui se « crie » tristement « Outre-mer ». Cette estampille ténébreuse camoufle ensemble un système et un syndrome.

Système, parce que, depuis des décennies (déjouant les mannes européennes et les paternalistes plans de développement), tous les indicateurs mortifères attestent d’une évidence : ces situations humaines demeurent largement en dessous du niveau de bien-être humain que l’on pourrait attendre de terres dites « françaises ». Syndrome, parce que dans ces pays-là, les signes pathologiques d’assistanat, de dépendance ou de déresponsabilisation sont les mêmes et sévissent de concert. (1)

Lire aussi :Édouard Glissant : Un État-nation martiniquais? Non merci, mais que vive la Nation-relation martiniquaise! — Par Roland Sabra —

La mondialité.

Via la Kanaky, ces pays méprisés par la France offrent à la compréhension du monde une réalité encore inaperçue.

→   Lire Plus

« La saison des fruits à pain. La sézon fiyapen » & « L’exil du roi Béhanzin, 1894-1906 »

En librairie

La saison des fruits à pain, La sézon fiyapen
Il y a bien des années, si le matin, au réveil, une mère de famille ne se demandait pas, anxieuse : ki sa man kay ba sé timanmay-la manjé ? (Que vais-je donner à manger aux enfants ?), cela signifiait que la saison des fruits à pain était là ! Du pain-bois disaient nos aînés, une merveille, cet arbre, un miracle son fruit ! Un kiwi géant avait murmuré une petite fille qui en voyait un, coupé longitudinalement, pour la première fois. S’il est bien préparé, il est d’une saveur inégalable. La gastronomie lui a offert un plateau d’argent afin de conjurer les confluences historiques et économiques qui le transplantèrent dans les Amériques. On regarde, on hume, on touche, on se délecte, on écoute tomber avec extravagance ces larges feuilles qui filent dans le cours d’eau de l’oubli, s’accrochent à une autre avant d’atteindre le sol ou s’étalent lentement sur l’herbe.
La sézon fiyapen est arrivée et a apporté la langueur des chaudes après-midi et la douceur des soirées habitées par les contes et les histoires de toutes sortes.

→   Lire Plus

DO.KRE.I.S, la revue haïtienne des cultures créoles 

— Par Scarlett Jésus, membre d’AICA sc(*) et du CEREAP.(**) —

Il y a fort à parier que jusqu’à aujourd’hui vous ignoriez l’existence de la revue DO. KRE.I.S.

Un drôle de nom penserez-vous pour une revue. Un nom aux sonorités étranges qui, tel un nom de code, suggère le mystère, l’étrangeté. Mais aussi la créolité. Vous n’auriez pas tort puisque cette revue fut créée en Haïti en 2017. Destinée à une publication annuelle, mais freinée par le Covid, son 6ème numéro vient tout juste de sortir en mars 2024. Avec à chaque fois un thème différent.

Son titre est issu d’un jeu d’osselets, très couru à Haïti. Il se joue en quatre manches avec 5 osselets dont chacune des quatre faces porte un nom, en rapport avec son apparence : Il y a le dos (D0 en créole), le creux (KRE), la lettre Z (I ou Zi) et ès (la lettre S). Les joueurs tentent de réussir la combinaison gagnante DO.KRE.I.S. Conçue pour être un espace de rencontres permettant à des cultures et disciplines différentes de dialoguer, la revue a vocation à « faire archipel », c’est-à-dire d’établir des ponts d’un océan à l’autre entre des îles (mais pas que) où le français, imposé, cohabite avec des parlures créoles qui lui résistent.

→   Lire Plus

L’enseignement-apprentissage des mathématiques en créole…

… à l’épreuve de la « pédagogie interactive » et de l’« aprantisaj aktif » de l’Inisyativ MIT-Ayiti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« (…) il n’est pas de production de connaissance robuste et fiable hors du collectif de scientifiques qui s’intéressent aux mêmes objets, faits et questions. La connaissance scientifique doit être mise à l’épreuve et vérifiée par des collègues ou pairs compétents, à savoir ceux qui sont préoccupés par les mêmes questions ou sont pour le moins familiers de la démarche scientifique concernant la matière spécifique (…). » (« Les sciences et leurs problèmes : la fraude scientifique, un moyen de diversion ? », par Serge Gutwirth et Jenneke Christiaens, Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2015/1 (volume 74).

Paru en Haïti dans Le Nouvelliste daté du 16 mai 2024, l’article « Ansèyman ak aprantisaj matematik vin pi fasil gras ak bourad Inisyativ MIT-Ayiti », que signe le Biwo kominikasyon MIT-Ayiti, a médusé nombre d’enseignants préoccupés par la didactique du créole ainsi que des professeurs de créole soucieux d’intégrer à leur enseignement les apports de la lexicographie créole.

→   Lire Plus

Bienfaisante sécheresse

— Par Patrick Chamoiseau —
Bienfaisante sécheresse, qui nous amène à désirer la pluie, au point qu’une journée pluvieuse, n’en déplaise à l’imagerie occidentale, serait, enfin, à ce niveau de conscience, une bien jolie et belle journée.

Bienfaisante sécheresse. Elle nous révèle notre esprit épicier, rapia du nord rapia du sud rapia du centre, loin de toute vision d’ensemble, qui nous prive ( dans notre micro-espace ) d’une intelligence de l’en-commun du manque ; et nous illustre notre perte de la-main-solidaire des traditions du Lasotè ou des philosophies conviviales du Bèlè.

Bienfaisante sécheresse. Elle nous enseigne à penser l’eau, à chaque seconde, à chaque instant, chaque jour durant, à mieux réaliser nos dilapidations ordinaires, et à la mignonner goutte à goutte comme nous devrions le faire toulitan, en ressource précieuse, fragile, à respecter, à préserver, à conserver, à recycler, car elle nous sera très certainement enlevée dans les aridités prochaines du changement climatique.

Bienfaisante sécheresse. Elle nous montre comment nous vivons en mode déterritorialisé, hors sol, ignorants du contexte Caraïbe, au point que nos collectivités, nos mairies, nos écoles, nos hôpitaux, nos cabinets médicaux, nos Ehpad, nos maisons, nos refuges éventuels … ne disposent même pas d’une citerne stratégique capable de faire face à ce petit-mille-fois-moins-pire-que-ce-qui-nous attend-dans-les-vingt-ans-qui-viennent.

→   Lire Plus

« Sous les ponts… » & « Apocalypse »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Sous les ponts…

Sous les ponts de la grande ville
s’écoule l’eau d’un fleuve tranquille
et ça, c’est cool au fond…
S’y écoule aussi la vie des SDF
qui n’est pas un long fleuve tranquille
mais une situation si vile
quand on a froid sur des cartons !
Eux qui jamais nulle part ne vont
car ils n’ont nulle part où aller,
rêvent-ils de soleil et de lointaines îles
dans leur sommeil si difficile
quand on n’a même pas les sous
pour se payer assez de mauvais vin
et boire à en être soûl
pour oublier qu’il fait si froid
dans ce pays où se loger, avoir un toit
est théoriquement un droit
garanti par la loi
pour tous les êtres humains ?
Passent des jours trop longs
aux trop semblables lendemains,
sans amour et sans joie,
avec pour seule caresse sur des joues bleuies de froid
l’effleurement glacé de la bise hiémale
et comme horizon sans espoir
la vue du fleuve et ses flots noirs…

→   Lire Plus

« Pa ni dlo »

— Par Daniel M. Berté—

Matinik an malè
Lalizé fè dèyè
Karenm ka ba’y chalè
Pa ni dlo ! Nou an fè

Bet ek moun ka soufè
Piébwa, zeb, tout latè
Yo la yo ka bat bè
Pa ni dlo ! Nou an fè

Pandan si tan Chelbè
Di sé fot Odjilbè
Ka akizé Makè
Pa ni dlo ! Nou an fè
Dlo ka ped anba tè
Réparman a larè
Koupur tournant yo fè
Pa ni dlo ! Nou an fè

Lasopam an kolè
Ka kriyé met préfè
Pou réglé lé zafè
Pa ni dlo ! Nou an fè

I ka kriyé dèyè
Sosiété dè jérè
I ni trop kouyonnè
Pa ni dlo ! Nou an fè

Ki administratè
Ki politik mantè
Yo tout sé magouyè
Pa ni dlo ! Nou an fè

→   Lire Plus

Alice Munro: une vie en mots

— Par Hélène Lemoine —

Alice Munro, cette nouvelliste de très grand talent, s’est éteinte paisiblement le 13 mai, dans sa maison de Port Hope, en Ontario, à l’âge de 92 ans. Son départ laisse un vide dans le monde littéraire, mais son héritage, lui, demeure pour toujours.

Née Alice Ann Laidlaw le 10 juillet 1931 à Wingham, dans la province de l’Ontario, Munro a su capturer l’essence même de la vie canadienne à travers ses écrits. Elle était une enfant du pays, élevée dans le comté rural de Huron, où chaque recoin semblait être une source d’inspiration inépuisable. Dans ces vastes étendues, où les silences en disaient parfois bien plus long que les mots, elle a puisé les histoires qui ont façonné son œuvre exceptionnelle.

C’est dans ce décor pittoresque, imprégné de neige et de puritanisme, que Munro a forgé son style unique. Ses récits, souvent teintés de mélancolie, dépeignent avec une précision saisissante la vie quotidienne de femmes ordinaires, mais pourtant si extraordinaires dans leur simplicité. À travers elles, elle explorait les méandres de l’âme humaine, dévoilant ses joies, ses peines, ses regrets, et parfois même ses noirceurs les plus profondes.

→   Lire Plus

« Quand les cœurs battent aux rythmes du ka », de Viviane Gustave

Résumé :
Kris, un enfant empreint de liberté, grandit et évolue dans les faubourgs de Pointe-à-Pitre, Lapwent. Il rencontre un percussionniste, monsieur Mawsèl, qui accepte de l’initier à son art… C’est le début de la transmission.
Ce gamin participe aux côtés des adultes aux luttes contre diverses formes de domination, mais surtout contre le rejet dans le paysage urbain d’une culture issue des campagnes.
Ce récit est raconté à travers le regard d’un enfant en quête de sens et de maitrise de son environnement culturel. Il se déroule sur une période de transition caractérisée par le passage du rejet à l’acceptation progressive du gwoka guadeloupéen.

Auteur : Viviane Gustave
est une enseignante formatrice originaire de Morne-à-l’Eau, en Guadeloupe. Choriste en chant traditionnel gwoka, elle s’est engagée dans une réflexion sur la préservation et la valorisation du patrimoine culturel immatériel. Elle a coordonné plusieurs projets scientifiques et culturels au niveau local et européen, traitant de sujets ancrés dans le territoire guadeloupéen.
Dans ce premier roman, elle développe, à partir de témoignages, l’évolution sociale de la Guadeloupe et retrace le cheminement d’une construction identitaire.

→   Lire Plus

L’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert prix Goncourt de la poésie

— Par Sarha Fauré —

Louis-Philippe Dalembert, éminent écrivain haïtien, a été couronné du prestigieux prix Goncourt de la poésie le mardi 14 mai 2024, une reconnaissance suprême de son talent littéraire qui embrasse l’ensemble de son œuvre. Né à Port-au-Prince en décembre 1962, il est le fils d’une institutrice et d’un directeur d’école, une origine qui, malgré les défis qu’elle a rencontrés, a enraciné en lui un amour profond pour les mots et la narration.

La vie de Dalembert a été marquée par des moments de séparation et de déracinement dès son plus jeune âge. La disparition tragique de son père quelques mois seulement après sa naissance a jeté sa famille dans l’incertitude et les difficultés matérielles, les forçant à déménager à plusieurs reprises. Ces premières expériences ont laissé des traces indélébiles dans son esprit et ont nourri son œuvre, notamment à travers son roman intitulé « Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme », un récit poignant de son enfance sous le joug de la religiosité et du sabbat.

Après avoir grandi au Bel-Air, un quartier populaire de Port-au-Prince, entouré principalement de femmes fortes et inspirantes, Dalembert a connu à l’âge de six ans un premier déracinement lorsque sa famille a dû déménager, laissant derrière eux un lieu chargé de souvenirs et d’histoires.

→   Lire Plus

Dlo di Gògò

— Par Daniel M. Berté —

Mwen Gògò an swèfad
ka atann an gout-dlo
kon tala Max Ripon
té wè an balansman
an bòdaj an goutyè
ek té chapé désann
frakasé kò’y atè
ek ki soley brilant
mofwazé an vapè
Man tris dann… Sa vré…

Mwen Gògò an espérad
zel an kwa
jounouyé pyé kayé
ka prédyé sipliyé
manman-mwen Lanati
Ki an gout-lo vèglé
soley chofant-brilant
tonbé jik an gòj-mwen
Ek wouzé laswef-mwen
Man swef dann ! An vérité !

→   Lire Plus

L’écriture inclusive terrassée par le verdict sans appel du poète et romancier montréalais Gary Klang

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Originaire d’Haïti, le poète et romancier Gary Klang vit à Montréal depuis une soixantaine d’années. Il est un écrivain majeur de la littérature francophone haïtienne contemporaine et son œuvre comprend des recueils de poésie, des romans, des nouvelles, des essais et une pièce de théâtre (voir son dossier d’auteur sur le site île en île). Je l’ai rencontré pour la première fois à Montréal au domicile d’Anthony Phelps à la fin de mes études secondaires et depuis lors je lui voue une belle amitié et un grand respect. Attentif aux « bruissements de la langue » dont parle le sémiologue et essayiste Roland Barthes et à l’écoute du tumulte entourant divers corps d’idées sur la langue française, Gary Klang vient de faire paraître en France, dans le magazine Le Point daté du 12 mai 2024, une remarquable « Tribune » intitulée « L’écriture inclusive, connerie suprême, selon Gary Klang ». L’accroche introductive de ce texte est ainsi formulée par la rédaction du magazine : « Du Québec, l’écrivain haïtien Gary Klang nous livre sa consternation devant la « défiguration » de la langue française et la « moraline » qui le désole. 

→   Lire Plus

Festival d’un genre majeur, 3ème édition

« La poésie est une clameur » Léo Ferré

— Communiqué —

Nous avons espéré, certes sans espoir, mais espéré quand même. Nous devons reconnaître que nous ne savons pas toujours mesurer l’impact du mal sur nos vies. Les seigneurs du sang, du trouble et de l’instabilité, les diables parmi nous, ont eu raison de nous : nous n’aurons pas la représentation haïtienne que nous avions souhaitée au “Mai. Poésie”. Syto Cavé ne viendra pas. Pierre Brisson ne viendra pas. Magali Comeau Denis ne viendra pas. Marc Exavier ne viendra pas. Ymelda Marie-Louis ne viendra pas. Lyonel Trouillot ne viendra pas. L’occasion était trop belle pour être vraie : nous avions souhaité commémorer la “Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition” par un focus sur la poése haïtienne des origines à nos jours, 1804-2024 / 220 ans…Hélas ! Quand les forces ténébreuses s’acharnent à écrire l’histoire, il n’y a pas à s’étonner que la lumière vacille.

Le malheur, dit-on, ne se déplace jamais seul. Notre ami Samuel N’Guessan dit Dégni, homme ivoirien, ne viendra pas non plus.

→   Lire Plus

« Histoire du soldat », de Charles Ferdinand Ramuz traduit en créole par Rodolf Étienne

Préface de Jean-Louis Pierre
L’Histoire du Soldat est un conte de Charles Ferdinand Ramuz sur une musique d’Igor Stravinsky.

Un soldat pauvre vend son âme (représentée par son violon) au Diable contre un livre qui prédit l’avenir. Après un séjour offert par le Diable, il revient dans son village. Mais au lieu de durer trois jours, le séjour a duré trois ans. Lorsqu’il revient dans son village, personne ne le reconnaît. Le soldat utilise alors le livre pour devenir riche. Mais incapable d’être heureux avec sa fortune, il joue aux cartes contre le Diable, son argent contre son violon. Le Diable se laisse voler le violon et le soldat peut s’enfuir. Il arrive dans un royaume où une princesse malade est promise par son père le Roi à qui la guérira. Il réussit cette épreuve et épouse la princesse. Malheureusement, cette dernière cherche à connaître son passé. Le soldat quitte le royaume et sa protection et il est emporté par le diable.

« Étrange rencontre » que celle de ces deux immenses créateurs ; profitable à l’un comme à l’autre. Précieuse pour Stravinsky à une étape particulièrement difficile de sa vie, marquante pour Ramuz dont l’écriture va se faire encore plus audacieuse et novatrice comme en témoignent les textes écrits entre 1917 et 1920.

→   Lire Plus

« Avant l’extinction… » & « Pour échapper aux mailles du filet… »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Avant l’extinction…

Peut-on encore sauver la Nature sauvage ?
En avons-nous le temps ?
Aura-t-on le courage
de tourner cette page
du “tout industriel”
et ses pollutions mortelles
avant le carnage ?
De renverser le tout-puissant dieu Fric
en lui coupant les Bourses pour le rendre impuissant
et libérer l’Afrique
d’un postcolonial joug économique ?
La vie de sens est vide
et ressemble au suicide
de cette humaine espèce !
Car la chute est bien proche
quand, pour certains, ne comptent que les espèces
sonnantes et “trébuchantes” qui remplissent leurs poches…
Alors, ne loupons pas le coche
car ce monde est trop moche
et ouvrons grand les yeux, les esprits et les cages !
Si corrompus sont tous les politiques
que je ne reconnais l’autorité d’aucun état à présent,
sauf de l’état sauvage !

→   Lire Plus

Que peut la littérature quand elle ne peut?

Discours de Strasbourg. Avril 2024.

— Par Patrick Chamoiseau —

Aujourd’hui, s’il fallait questionner les littératures dans leur rapport au monde, donc à chaque être vivant, il serait indécent de parler d’autre chose que de Gaza. Il serait tout aussi bien honteux de ne pas évoquer l’irréductible intégrité de L’Ukraine quant à la santé de l’Europe, et celle de cet autre monde que nous devons imaginer…

Je parlerai donc, ici, des littératures, mais en présence des palestiniens de Gaza, de Cisjordanie, de toutes les rives de leur exil. Auprès d’eux, restitués à leur terre, institués en État, je suis partisan d’une nation d’Israël qui, avec ses morts et ses souffrances, et au nom de sa mémoire elle-même, et donc plus que toute autre nation, s’inscrirait dans la légitimité juridique mondiale et le couperet de ses sanctions ; et qui se montrerait soucieuse des autres peuples, soucieuse du respect de la vie et de sa dignité ; et qui fonderait sa nécessaire sécurité sur les vivre-ensemble inédits, complexes, à mettre en œuvre dans ce monde autre, cet autre monde, qu’il nous faut désirer.

→   Lire Plus

La corruption au Fonds national de l’éducation en Haïti 

Ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024

  —Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Publié le 20 avril 2024 sur plusieurs sites en Martinique, en France et aux États-Unis, traitant d’un sujet majeur de société et amplement diffusé par courriel auprès de milliers de destinataires, notre article « Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste » a eu un écho considérable comme en témoignent les correspondances qui nous ont été acheminées. Par son approche analytique et documentée, cet article a mis en lumière le fait que le Fonds national de l’éducation (FNÉ), à l’instar du PSUGO, est au sommet d’une vaste entreprise de corruption et de détournement des ressources financières de l’État dans le système éducatif national haïtien. Les nombreuses et pertinentes références documentaires que nous avions fournies, en plus d’éclairer et de conforter notre analyse, ont permis aux lecteurs de mieux comprendre en quoi consiste la corruption systémique qui sévit au Fonds national de l’éducation. Le présent article approfondit l’analyse élaborée dans celui du 20 avril 2024 et il explore amplement, documents à l’appui, l’une des caractéristiques majeures du FNÉ, à savoir l’invisibilisation des données financières qui est au cœur du dispositif de la corruption systémique au Fonds national de l’éducation.

→   Lire Plus

La mort de Paul Auster

— Hélène Lemoine —

Paul Auster, une figure incontournable de la littérature contemporaine, a laissé derrière lui un héritage littéraire aussi riche que diversifié. Né le 3 février 1947 à Newark, New Jersey, il a grandi dans un environnement imprégné de culture et de littérature, façonnant ainsi ses aspirations précoces d’écrivain. C’est à l’adolescence, après avoir été profondément touché par la lecture de « Crime et Châtiment » de Dostoïevski, qu’il découvre sa vocation pour l’écriture, une révélation qui l’accompagnera toute sa vie.

Durant ses années d’études à Columbia University dans les années 1960, Auster s’immerge dans les littératures française, anglaise et italienne, élargissant ainsi son champ de connaissances et nourrissant son esprit d’une diversité culturelle précieuse. Parallèlement, sa passion pour le baseball, héritage familial, se mêle intimement à sa vie intellectuelle, créant un équilibre entre deux univers qui, en apparence, pourraient sembler inconciliables, mais qui se rejoignent dans l’expression de sa sensibilité artistique.

Paris devient ensuite le théâtre de sa vie et de son épanouissement artistique entre 1971 et 1974. Là, il se plonge dans la traduction d’œuvres majeures de la littérature française, nourrissant son esprit de la richesse et de la profondeur des mots des grands auteurs français.

→   Lire Plus

Sèbi lapawol épi Edwa Glissant

— Par Daniel M. Berté —

Woulé ba-mwen Soley éklérant réyonnant
Ba-mwen lapawol glisant Misié Edwa !

1 é 1 : Dé! Désiyis man Désilap démon de ladévenn!
m’a dérayé, dékalbiché, dépotjolé ek démantibilé
Je pense dans ma kabech-sisi et de ma djel kalé je crie : « La Lézarde »
Ek wou, di mo’w Edwa !
« Les terres ont croulé de cette voix, c’est poésie
Nous crions au sel. Il sert aux plaies. Il convient au supplice…
Encore à nos lèvres ce cri d’avoine, de mort… »
(Le sel noir)

Woulé zo-a Gran-Edwa !
Pa glisé’y ba mwen souplé!

1 é 2 : Twa ! Twa zanchwa zougoulou wawa !
Twazé-mwen si’w lé,men man za manjé pasé twa zé
Je pense dans ma kabech-kolibri et de ma djel pété je crie : « Le quatrième siècle »
Ek wou, pawolé Edwa !
« Je n’ai de cri qu’en cette trace où fut le sel…
Le long cri des enfants précipités dans cette mer ?…
La mer crie mais la mer bientôt s’éteint… »
(Le sel noir)

→   Lire Plus