Catégorie : Littératures

René Maran : le travail du déchirement et de la rectitude

Poster-Tabou

par Roland Sabra

Éditorial du 20 décembre 2007 

 Comme les nègres héroïques, dépenaillés, mains nues qui montaient à l’assaut des troupes pas encore impériales mais déjà impérialistes de Bonaparte à Vertières en chantant La Marseillaise ou La Carmagnole, René Maran était intimement persuadé que les valeurs de Liberté et d’Egalité appartenaient à  l’humanité entière et que ce n’était que hasard de l’histoire si celles-ci s’étaient manifestées avec force dans l’espace français. C’est à ces valeurs, qu’il posait comme universelles qu’il était attaché, bien plus qu’à la France, comme on se plait à le dire comme pour mieux marginaliser cet écrivain immense et dérangeant, inspirateur et précurseur de la Négritude comme le reconnait Senghor. Dérangeant et inclassable, c’est le moins que l’on puisse dire, fonctionnaire colonial il dénoncera dans la préface de Batouala, « le pays qui lui a tout donné » et dont la civilisation repose   » sur des cadavres » ( cf ci_contre). Il n’aura de cesse de condamner l’écart entre les idéaux républicains et la pratique gouvernementale.  Et c’est ce que Senghor appelle « L’humanisme noir de René Maran » qui lui fait  dénoncer  « l‘anthroponégrisme » d’enfermement de certains écrivains et penseurs noirs américains.

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« René Maran, le premier Goncourt noir », de Charles Onama

Une vie de compromis et de révolte

La vie de René Maran n’est ni simple ni rectiligne. Sa démarche intellectuelle n’est pas non plus facile à cerner. Durant sa carrière de fonctionnaire et d’écrivain, il n’a pas souvent pris des positions aisément compréhensibles et accessibles au premier abord. Ce qui l’a souvent amené à être mal compris, à la fois des Blancs et des Noirs. Sa force principale a toujours été son indépendance d’esprit même s’il a incontestablement été formé dans un environnement où les préjugés raciaux sont parfois tenaces. René Maran est resté un homme du compromis mais pas de la compromission. Il a toujours été un homme du dialogue franc et sincère, un pondéré aux convictions fortes, bref, un médiateur incompris des Blancs et des Noirs. Il est surtout un intellectuel qui voulait voir l’humain triompher au-delà de sa couleur, un écrivain attaché au savoir et à la culture de toutes les aires géographiques, car le savoir et la culture sont, pour lui, une ouverture aux autres et au monde.

Si les contraintes de la vie ont poussé René Maran à accepter certains compromis, il est presque toujours parvenu à maintenir un équilibre entre le compromis et la révolte.

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Qui était vraiment René Maran, le premier Goncourt Noir ?

 — par Selim Lander —

 


Le 14 décembre 1921, l’Académie Goncourt a couronné un jeune écrivain de 34 ans, René Maran, pour son roman Batouala. Au cinquième tour de scrutin ne restaient plus en lice que L’Épithalame de Jacques Chardonne et Batouala. Avec cinq voix contre cinq les deux romans étaient à égalité. Le second l’a emporté grâce à la voix prépondérante du président Gustave Geoffroy. Les autres candidats de cette année-là n’ont guère marqué l’histoire littéraire, à l’exception de Pierre Mac-Orlan qui concourrait avec La Cavalière d’Elsa. Comme le nom l’indique, Batouala est un roman africain. Par contre le nom de l’auteur ne révèle pas qu’il s’agit d’un noir, « le premier Goncourt noir ».

René Maran est né le 5 novembre 1887 sur le bateau qui menait ses parents d’origine guyanaise à Fort-de-France. Comme c’est là où sa naissance a été enregistrée, on le présente souvent comme un écrivain de Martinique. En réalité, il n’est resté sur cette île que les trois premières années de sa vie, avant de déménager avec sa famille au Gabon où son père devait poursuivre sa carrière d’administrateur colonial.

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« Un dimanche au cachot », de Patrick Chamoiseau

Une lecture possible : un roman initiatique

— Par Michel Pennetier —

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Dans le dernier roman de l’auteur martiniquais, le lecteur intervient parfois dans l’œuvre en cours d’écriture, de manière bien intempestive, critiquant tel choix, en proposant un autre, bref agaçant l’auteur. Désormais, le roman est écrit et publié, et le lecteur reprend tous ses droits d’interprétation au risque d’ajouter à l’œuvre des sens qui n’avaient pas été pensés par l’auteur ou dont il n’était pas conscient. Mais c’est son droit et le pouvoir que le lecteur s’arroge de créer ainsi à partir de sa lecture est en fait un hommage qu’il rend à l’auteur dont l’œuvre par sa richesse et sa complexité est capable de donner naissance à une créativité nouvelle, se démultipliant ainsi à chaque lecture. La mienne se voudrait fraternelle et j’espère qu’elle aura l’heur de plaire à l’auteur.
Deux récits alternent, se chevauchent, s’interpénètrent ; deux temps, celui du présent et celui du passé de l’esclavage entrent en relation, deux jeunes filles dominent le roman, celle d’aujourd’hui, une jeune délinquante recueillie dans un centre de rééducation nommé «  la Sainte Famille », celle du passé, une jeune chabine, esclave sur l’Habitation où un siècle plus tard sera installé le centre.

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Georges Castera. Un langage à double canon pour dire l’indifférence

— par Jean Durosier DESRIVIERES —

Ces rencontres organisées en ce mois de novembre, ayant pour thème ou problématique : « Marcher sur nos morts », coïncident harmonieusement au mois des Guédés, en Haïti. Pour ceux qui l’ignorent, je dirai succinctement que les guédés sont des loas, des génies ou des esprits du Vaudou : ce sont des loas de la mort, mais aussi de la vie, car de la putréfaction renaît la vie immortelle. Ce sont les loas les plus étranges du panthéon vaudou, dit-on : leur rituel dévoile le tragique le plus macabre et l’érotisme le plus débridé. Barron Samedi, aussi dénommé Barron Cimetière ou Barron Lacroix, serait la figure la plus représentative des guédés. En effet la croix de Barron, symbole des guédés, indique la croisée des chemins qui guette tout un chacun. Et on y parvient tous, chacun à son heure. La croix de Barron, c’est ce pieu vertical qui renvoie au phallus (éros, la vie) et cette bande horizontale qui renvoie au tombeau (thanatos, la mort).

Notons que le Vaudou, qui est plus une vision cosmique qu’une religion, conçoit le monde comme un éternel cycle, contrairement à la conception judéo-chrétienne qui porte foi à l’alpha et l’oméga, au commencement et à la fin.

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« Batouala » de René Maran

(extraits de la préface)

     Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents, Rabindranath Tagore, le poète hindou, un jour, à Tokyo, a dit ce que tu étais !      Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. Quoi que tu veuilles, quoi que tu fasses, tu te meus dans le mensonge. À ta vue, les larmes de sourdre et la douleur de crier. Tu es la force qui prime le droit. Tu n’es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce à quoi tu touches, tu le consumes.

     Honneur du pays qui m’a tout donné, mes frères de France, écrivains de tous les partis ; vous qui, souvent, disputez d’un rien, et vous déchirez à plaisir, et vous réconciliez tout à coup, chaque fois qu’il s’agit de combattre pour une idée juste et noble, je vous appelle au secours, car j’ai foi en votre générosité. Mon livre n’est pas de polémique. Il vient, par hasard, à son heure. La question « nègre » est actuelle. Mais qui a voulu qu’il en fût ainsi ? Mais les Américains. Mais les campagnes des journaux d’outre-Rhin. […]

     Mes frères en esprit, écrivains de France […].

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Un dimanche au cachot, de Patrice Chamoiseau

Le marqueur de paroles et ses maîtres

— Par Guillaume PIGEARD de GURBERT —

Deux remarques préalables : d’abord, Un dimanche au cachot, je vais y revenir, ne se donne pas au lecteur comme un objet interrogeable de haut ni de loin depuis un observatoire critique, mais place bien plutôt d’emblée le lecteur lui-même au cœur même du livre en en faisant un simple personnage. En sorte que Chamoiseau frappe par avance, sinon d’impossible, du moins de ridicule toute lecture critique de son roman, lequel n’a pas de mots assez durs contre les « verbiages du lecteur. » Ensuite, une œuvre vit d’une infinité de lectures, non seulement de la multiplicité de lecteurs qui s’y exposent, mais de la multiplicité de lectures dont est capable un même lecteur à différents moments de son existence. Si bien que mon ambition sera ici de n’être pas tant Le lecteur d’Un dimanche au cachot qu’un simple patient de cette œuvre parmi une infinité d’autres possibles.

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« La Martinique vue du ciel » de Patrick Chamoiseau et Anne Chopin

— Par Roland Sabra —

Trésors cachés et patrimoine naturel de

C’était il y a vingt ans de cela Yann Arthus-Bertrand publiait son premier album de vues du ciel. C’était Venise en l’occurrence. Depuis le genre a fait florès et le livre le plus connu, le plus vendu est sans doute l’album publié en 2002, ré-édité plusieurs fois depuis et qui portait comme nom « La terre vue du ciel ». Trois millions d’exemplaires plus tard et en 24 langues s’il vous plaît, le concept a fait son chemin. Le célèbre photographe, journaliste, reporter, homme d’affaire et militant écologiste a en effet multiplié les publications. Pas sûr que la Martinique ait été à l’honneur. Peu importe, la chose a été faite puisque HC Editions édite ces jours-ci « Une Martinique vue du ciel », très précisément les « Trésors cachés et patrimoine naturel de la Martinique vue du ciel ». Les photos sont prises par Anne Chopin qui « shoote » son pays d’adoption depuis quinze ans et les commentaires, excusez du peu, sont de Patrick Chamoiseau.

Revenons un instant sur cette idée enrichissante, c’est un euphémisme, de prendre des photos en sur-plomb, dans la position dominante de la plongée, de la domination, de la verticalité, dans un éloignement, une mise à distance de ce que l’on photographie.

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Le français est une langue créole

— Par Alain Rey —

Alain Rey

FRANCE – 22 octobre 2007
PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MATAILLET ET RENAUD DE ROCHEBRUNE

Père du dictionnaire Le Robert, le célèbre lexicologue part en lutte contre les puristes. Et se félicite des métissages de la langue de Molière. Interview.

La langue française est-elle en danger ? La question, posée à nouveau avec insistance par divers auteurs ces dernières années, revient régulièrement au premier plan. Et elle conduit toujours deux camps à s’opposer.

Le plus fourni, celui des pessimistes, dénonce le déclin du français sur la scène mondiale. Mais aussi la menace que feraient peser sur son usage ceux qui le parlent mal, que ce soit par la faute de l’école, l’apparition de nouvelles façons de communiquer – par exemple les SMS – ou d’autres évolutions, comme, pour certains, l’influence grandissante des créoles ou des pidgins. Ces tenants de la pureté de la langue sont surtout épouvantés par l’essor de l’anglais et plus encore par l’anglicisation du français.

En face, d’autres ont toujours fait valoir que ces inquiétudes étaient souvent sans fondement et toujours largement exagérées.

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La Mort du Colibri Madère, de Claude-Michel PRIVAT

—Par Fernand Tiburce FORTUNE

 Roman

L’Harmattan

 

 

  par Fernand Tiburce FORTUNE, écrivain

 Le premier contact avec Claude-Michel Privat eut lieu sur les hauteurs du Carbet, au lieu-dit Morne aux boeufs, chez un ami commun en vacances au Pays, et qui m’avait déjà présenté l’ouvrage dans son appartement parisien. Il est toujours agréable de mettre un visage sur celui qui a été habité par l’écriture, de la première idée à la conclusion d’un livre, de celui qui a été tourmenté par la première page qui n’en finit pas d’aboutir, qui a été désespéré par le stylo qui n’avance plus, alors qu’il y a tant à dire, mais comment ? Car ce jour-là, rien ne va, les mots ne s’emboîtent pas les uns aux autres pour faire apparaître le miracle attendu du lecteur. Il est agréable de rencontrer celui qui a maintenant peur de cette œuvre qui ne lui appartient plus et qui va être l’objet de toutes les attentions favorables, comme défavorables, l’objet de critiques, d’approbation, d’émerveillement. Ou alors qui subira une indifférence courtoise ou agacée.

 Le problème de la première œuvre est celui aussi de l’anonymat.

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« Contes de l’âme antillaise » , de Jean-Mico et Léonie Terrine

— Par Widad Amra —


La main se pose, tâtant le livre, le caressant, s’y promenant, comme l’on fait des objets d’art. Couverture noire et bleue, hiéroglyphes satisfaisant les yeux. Le livre s’appelle Contes de l’âme antillaise Kontè Kréyol, signé Jean-Mico et Léonie terrine, aux éditions Exbrayat. Traduction créole : Pierre Pinalie.

Le livre s’ouvre, la main tourne les pages. Le regard plonge dans l’univers magique de l’esthétique, happé par l’uniformité de l’ensemble en un concert de bleus variés. Bleu indigo, bleu ciel, bleu roi, bleu marine, bleu nuit, bleu azur, bleu outre-mer. D’une page à l’autre, le bleu varie, occupant presque tout l’espace, offrant son éventail, servant d’écrin, aux mots, aux dessins, aux couleurs. Servant de support à la langue du conte : le créole. En bordures blanches, le texte en français. Le livre est beau. S’en dégage le souffle étonnant d’une cosmogonie personnelle. Un lieu surréaliste .

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« Le poète a toujours raison Qui voit plus haut que l’horizon… »

— Par Roland Sabra —

Edito de septembre 2007

Admirable pays que celui dans lequel, les poètes écrivent et inventent eux-mêmes la geste politique. « Dean » aura mis en pleine lumière cette évidence : les seuls vrais politiques en Martinique sont des poètes. Dans le fracas du vent déracinant les arbres, dans le fatras des  chamailleries et autres pleurnicheries politiciennes un seul discours mérite l’attention, un seul qui prenne la hauteur nécessaire, un seul qui propose l’ouverture d’une trace : celui de Chamoiseau et de Glissant. Il reste à la « Une » de cette Lettre de rentrée pour qu’il soit dit que ces choses là avaient été dites.

La classe politique dans son ensemble à montré combien elle était attachée à ce que rien ne bouge, rien ne change occupée qu’elle est dans sa dispute de préséance pour recevoir les subsides de « Maman France ». 

 Interdire les panneaux publicitaires qui enlaidissent la Martinique et qui se révèlent être des lames de rasoirs quand ils s’envolent ce serait oublier qu’ils sont installés pour le profit des békés reconvertis dans l’import-export.

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Pour une « littérature-monde » en français

Le manifeste de quarante-quatre écrivains en faveur d’une langue française qui serait « libérée de son pacte exclusif avec la nation »

 

Plus tard, on dira peut-être que ce fut un moment historique : le Goncourt, le Grand Prix du roman de l’Académie française, le Renaudot, le Femina, le Goncourt des lycéens, décernés le même automne à des écrivains d’outre-France. Simple hasard d’une rentrée éditoriale concentrant par exception les talents venus de la « périphérie », simple détour vagabond avant que le fleuve revienne dans son lit ? Nous pensons, au contraire : révolution copernicienne. Copernicienne, parce qu’elle révèle ce que le milieu littéraire savait déjà sans l’admettre : le centre, ce point depuis lequel était supposée rayonner une littérature franco-française, n’est plus le centre. Le centre jusqu’ici, même si de moins en moins, avait eu cette capacité d’absorption qui contraignait les auteurs venus d’ailleurs à se dépouiller de leurs bagages avant de se fondre dans le creuset de la langue et de son histoire nationale : le centre, nous disent les prix d’automne, est désormais partout, aux quatre coins du monde.

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«La littérature-monde en français : un bien commun en danger»

litterature-mondePar  LAURE GARCIA et CLAIRE JULLIARD

ALAIN MABANCKOU et DANIEL PICOULY auscultent l’état de la francophonie, non seulement en tant qu’institution mais aussi comme langue commune. Le concept, inventé par le géographe Onésime Reclus en réponse à l’affaiblissement de l’empire colonial français, retrouve de son universalité grâce au manifeste pour une «littérature-monde».

Un manifeste (1) signé par quarante-quatre écrivains en faveur d’une «littérature-monde» plutôt que «francophone» a donné le coup d’envoi d’une polémique qui ne cesse de rebondir. Parlez-nous de la naissance de ce manifeste.

 

Alain Mabanckou  : L’idée a germé en Afrique, au moment de l’édition 2006 du festival Etonnants voyageurs de Bamako, au Mali. Avec Michel Le Bris, Abdourahmane Waberi et Jean Rouaud, nous avons discuté du paysage littéraire d’expression française et avons jeté les bases de ce qui allait être le Manifeste des 44 écrivains pour une «littérature-monde». Un an plus tôt, à l’occasion du salon du livre, j’avais évoqué dans Le Magazine littéraire et Le Monde ce que j’entendais par «littérature francophone», un ensemble vaste et éclaté et dont les tentacules s’étendent sur cinq continents, la littérature française étant une littérature nationale.

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« Avé l’assent » (suite) : Ecrire est un art de rencontres

  par Marius Gottin

 

 

 

par Marius Gottin

 

 

Ecrire est un art de rencontres, tout à fait le genre d’évidences que rappelait le philosophe Alain (si ma mémoire restitue fidèlement ce que j’ai retenu de mes lectures d’avant mai 68, un petit livre de moins de 200 pages et qui devait s’appeler « Propos sur le bonheur ») et qui me permet d’écrire que passer des feux de la scène à l’abat jour d’une table d’écriture n’est point chose aisée. Même si l’on se dit que les comédiens sont les plus à même de bien écrire sur le théâtre voire même des pièces de théâtre, que les…cuisiniers par exemple. Rien n’est plus faux. Ecrire relève de la magie, de l’esbroufe, de la technique aussi et pour revenir aux cuisiniers, les meilleurs sont souvent des artistes et l’Art…

 

« La trilogie des cœurs plastiques » est un beau texte, une vraie pièce de théâtre, la première écrite par Frédéric Schulz Richard, comédien qui connaît la chanson du théâtre pour l’avoir interprétée avec talent et qu’il nous restitue en la circonstance avec une écriture en abîme où le vrai le dispute au faux à tous moments, avec questions dramatiques, résolutions de conflits et autre climax final, pour nous conter une énième histoire d’amour impossible, amour difficile qu’ils sont quatre à jouer sur la scène du Moulin de Goult, sous la direction savoureuse et tout en finesse de Petra.

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« Avé l’assent » (1), par Marius Gottin

Le Lubéron Sud


Le Luberon est l’une des quatre montagnes sacrées de l’arrière pays d’Avignon ; le Mont Ventoux en est la plus haute, j’ai oublié le nom des deux autres mais je sais que le Luberon étend entre Forcalquier et Cavaillon ses 100 kms de montagnes bleues, comme un lézard et que c’est bien parce que les parisiens n’arrivaient pas à prononcer correctement le « e » neutre de Luberon qu’ils ont à un moment de leur fréquentation rapprochée de la région, eu l’idée d’écrire « Lubéron ».

Le Luberon peut s’enorgueillir de ses cigales, de son vin rosé, de ses maisons de pierre, de ses ocres et de ses poteries qui donnent de délicates petites choses sur le marché d’Apt le samedi matin et puis quelque part vers l’aube de l’été, entre Gargas, Viens, Saignon, Bonnieux, le moulin de Goult, Roussillon pour sa seizième édition, Les Soirées d’été en Luberon.

Imaginez vous tout d’abord un couple qui s’aime d’amour tendre autant qu’ils aiment les mots de…René Char par exemple, cela se passe bien avant la célébration du centenaire de sa naissance, qui a une telle envie de donner à entendre sa poésie, à découvrir son monde qu’ils, lui c’est un fou furieux de théâtre, Michel Richard, elle plus douce mais tout aussi obstinée qu’elle est articulée dans sa démarche, Petra Schulz, décident de créer une manifestation qui fait qu’en 1992, le Théâtre Légendes à venir propose les soirées de Gargas.

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Amatya Sen :“La notion de guerre des civilisations s’est insinuée dans l’inconscient collectif.”

Identités, cultures, religions : Prix Nobel et professeur d’économie à Harvard, Amartya Sen tord le cou aux bons sentiments. Une pensée libre et originale.

L’Indien Amartya Sen a aujourd’hui 73 ans et compte parmi les intellectuels les plus brillants de notre époque, les plus éclectiques aussi. Peut-être est-ce pour cela qu’il reste étrangement méconnu en France, parce qu’il est difficile à classer, d’abord dans sa discipline reine, l’économie, pour laquelle il a obtenu le Nobel en 1998. Enseignant à Harvard et à Cambridge, il a depuis longtemps affirmé un regard original, s’inscrivant dans la théorie économique dominante tout en la contestant de l’intérieur par ses travaux sur la pauvreté, l’équité et le bien-être. Mais Amartya Sen pourrait tout aussi justement être présenté comme philosophe, historien, sociologue et analyste politique, sans qu’il perde jamais en cohérence.
Deux ouvrages fraîchement parus permettent de le découvrir ou le redécouvrir. L’Inde, Histoire, culture et identité, voyage érudit et captivant à travers un sous-continent où, comme le résume Sen, « l’hétérodoxie a toujours été l’état naturel des choses et a engendré une tradition de dialogues et de confrontations extrêmement féconde entre islam, hindouisme, bouddhisme et christianisme ».

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Le Surmoi poétique d’Aimé Césaire

— Par Guillaume SURENA —

 

 

Aimé CÉSAIRE est l’homme public le plus important de l’histoire du 20e siècle martiniquais : il réalise à la fois l’aspiration profonde du peuple à l’assimilation et installe en son sein le ferment contraire, l’anti-assimilationnisme, le sentiment national martiniquais. Son influence dépasse la Martinique; sa démarche a aussi contribué’ à la prise de conscience nationale en Guadeloupe et en Guyane.

 

La cohabitation dans l’esprit public de ces deux tendances correspond a une potentialité de la vie psychique : le clivage.

 

C’est Sigmund FREUD, l’un des plus grand novateur scientifique de tous les temps, avec GALLILEE et DARWIN, qui, à la fin de sa vie, en 1938, a théorise’ ce fait clinique passionnant déjà repéré depuis les débuts de l’aventure psychanalytique : le Moi, au lieu de refouler purement et simplement comme sa faiblesse le poussait à le faire jusqu ‘alors va se cliver pour à la fois reconnaître la réalité désagréable et la nier. Un tel Moi capable de cette double opération simultanément est un Moi fort, qu’il faut bien appeler Surmoi, Uber-Ich… en allemand.

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Amartya Sen : pour une identité multiple

 

 

Le prix Nobel d’économie 1998 est l’un des plus grands penseurs actuels. Il publie aujourd’hui deux nouveaux livres, « Identité et violence » et « L’Inde. Histoire, culture et identité », chez Odile Jacob. L’occasion pour nous d’aborder ces thèmes brûlants d’actualité en sa compagnie.

 

Prix Nobel d’économie en 1998, Amartya Sen, 73 ans, est plus qu’un grand expert international. C’est un penseur d’envergure, dont l’oeuvre se situe au carrefour de l’économie, de la philosophie, des sciences sociales et de la théorie politique. Sa démarche constante est de mettre l’accent sur les conditions morales, humaines et sociales des mécanismes économiques. Il n’a cessé d’insister sur le fait que « l’économie est une science morale » et que le développement est le point de départ de la liberté. Son originalité est aussi d’avoir toujours en vue les aspects pratiques de la vie politique : avoir le droit de voter ne sert à rien sans l’éducation nécessaire pour comprendre les choix proposés et sans les moyens de transport pour se rendre au bureau de vote…

Attentif à tous les aspects de la mondialisation, il en est lui-même une incarnation.

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Mémoires des esclavages et voltige des langues

— Par Edouard Glissant —

A l’heure où la France célèbre pour la deuxième fois, le 10 mai, les  » Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions « , l’écrivain Edouard Glissant, chargé par le premier ministre, Dominique de Villepin, d’ » une mission de préfiguration d’un centre national consacré à la traite, à l’esclavage et à leurs abolitions « , publie Mémoire des esclavages, chez Gallimard. Un ouvrage dans lequel il présente le projet qui lui a été confié, et repère les traces de cette histoire douloureuse.  » Le Monde des livres  » en publie un extrait.

La même douleur de l’arrachement, et la même totale spoliation. L’Africain déporté est dépouillé de ses langues, de ses dieux, de ses outils, de ses instruments quotidiens, de son savoir, de sa mesure du temps, de son imaginaire des paysages, tout cela s’est englouti et a été digéré dans le ventre du bateau négrier et, par opposition au migrant armé venu du nord-ouest de l’Europe, et qui entreprend tout de suite de forger les instruments de sa domination (qui sera le capitalisme industriel puis technologique et financier), ou ensuite au migrant domestique ou familial, venu d’Italie ou de Chine ou de la péninsule Ibérique, d’Ecosse ou d’Irlande, les régions pauvres des îles Britanniques, avec ses poêles et ses fourneaux, les portraits de tout son clan, et qui fait commerce (c’est le capitalisme marchand, soumis au premier), l’Africain est le migrant nu, et qui n’a plus même à nourrir l’espoir d’un retour au pays natal, sauf dans les obstinations suicidaires des Ibos.

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Littérature, identité et nationalisme

bjorn_larssonRéaction au manifeste : Björn Larsson

Littérature, identité et nationalisme

Le lundi 2 avril 2007

Par Björn Larsson, écrivain et professeur de français à l’université de Lund en Suède.

 

Chaque année, vers le mois d’octobre, la tension monte dans les ambassades étrangères à Stockholm et en particulier dans les services culturels. Quel est le pays qui cette fois-ci aura la gloire de recevoir le prix Nobel de littérature ? Ceux qui croient avoir un candidat en lice achètent déjà du Champagne et préparent les listes d’invitations pour les réceptions à venir. Il faut dire que certains pays auront dépensé beaucoup d’énergie et d’argent à essayer d’influencer — sans aucun doute inutilement — le choix de l’Académie. Peu d’écrivains refusent d’ailleurs une invitation à venir en Suède donner des conférences, frais payés… par leur propre pays.

Une fois le lauréat annoncé par le secrétaire permanent de l’Académie suédoise, les cris d’enthousiasme et de déception s’étalent dans les médias. Certains se plaignent – les Français souvent plus que d’autres – que l’Académie a manqué de jugement en négligeant tel écrivain national. D’autres protestent parce que celui ou celle – plus rarement – qui a été choisi n’est pas le meilleur écrivain du pays, c’est-à-dire que l’écrivain en question n’est pas le meilleur représentant de la littérature nationale.

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« Vénus et Adam » de Alain Foix

Roman inclassable et iconoclaste

 Alain Foix, guadeloupéen, est écrivain, docteur en philosophie, directeur artistique, documentariste et consultant. Journaliste et critique de spectacles, il est également auteur d’un grand nombre d’articles et de courts essais, notamment sur l’art et le spectacle, directeur artistique et d’établissements artistiques et culturels il a notamment dirigé la scène nationale de la Guadeloupe de 1988 à 1991. Il s’est vu décerné le Premier prix Beaumarchais/ Etc_Caraïbe d’écriture théâtrale de la Caraïbe pour Vénus et Adam (2005) et Prix de la meilleure émission créole au Festival Vues d’Afrique de Montréal (1989) etc. Fort-de-France a eu la chance d’être le lieu l’an dernier  d’une création mondiale d’Antoine Bourseiller : la mise en scène de Pas de prison pour le vent une pièce écrite par Alain Foix. Il publie aujourd’hui aux Editions Galaade, Vénus et Adam.

 

 

 

Résumé du livre

21 septembre 2001. Alors que la planète regarde les ruines fumantes des Twin Towers, le corps d’un enfant noir sans tête, ni bras, ni jambes, petit tronc recouvert d’un short orange, est retrouvé dans la Tamise. Dépêchés sur place, l’inspecteur Ling, expérimenté et méthodique, est Jean Windeman, journaliste se rêvant écrivain, tentent de lever l’énigme de l’origine du petit garçon baptisé Adam par Scotland Yard.

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Un numéro d’ »Esprit » sur les Antilles

février 2007

Antilles : la République ignorée

Lire le sommaire détaillé de la revue

 

par Selim Lander

Le numéro de la revue Esprit de février 2007 consacre un dossier aux Antillais de France et d’outre-mer. Le titre : « Antilles : la République ignorée » est trompeur. On pourrait croire en effet que le dossier apporte des informations sur la manière dont le droit de la République est trop souvent bafoué aux Antilles, sur le paternalisme gouvernemental, sur les consignes passées aux préfets pour qu’ils ferment les yeux sur les pratiques des édiles locaux, sans parler de ce privilège hérité de l’époque coloniale qui fait que tous les fonctionnaires en poste dans les « DOM-TOM », donc en particulier aux Antilles, sont rémunérés davantage, pour un même travail, que leurs homologues métropolitains. Il n’en est rien. La plupart des contributions insistent plutôt sur les discriminations « négatives » dont les Antillais sont les victimes, à l’origine des revendications mémorielles qui se sont faites jour récemment et auxquelles a voulu rendre justice la loi du 21 mai 2001, dite loi Taubira, qualifiant l’esclavage et la traite négrière comme des crimes contre l’humanité.

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L’aventure ambiguë d’une certaine Créolité

— par  Rafael Lucas —

« La boulimie de reconnaissance littéraire a transformé les majors créoles en apprentis sorciers, ou en apprentis quimboiseurs. Et c’est dommage. On peut regretter que les réels talents littéraires des écrivains créolistes aient été pervertis par les liaisons dangereuses avec l’idéologie. »


Le mouvement de la Créolité, popularisé en France métropolitaine par un manifeste de trois auteurs martiniquais publié en 1989 (Éloge de la Créolité) (1) et par un large succès éditorial, prétend redéfinir l’identité créole et codifier une nouvelle démarche littéraire. Or, qu’il s’agisse du contenu du manifeste ou de la stratégie pratiquée, il est facile d’observer chez les défenseurs de ce courant un ensemble confus de contradictions et de simplifications, qui est dû à au moins trois facteurs : l’obsession de la reconnaissance littéraire de la métropole française dont ils dénoncent la politique d’assimilation coloniale, l’attitude totalitaire parfaitement visible derrière le discours culturel, et une manipulation hâtive du concept de métissage, phénomène dont les Antilles représenteraient le modèle idéal… Notre propos ici n’est pas de mettre en question l’énorme travail de création et de novation de ce mouvement, mais de montrer comment la créativité des écrivains et l’élaboration de leurs œuvres ont été perverties par les diktats idéologiques et par un certain galimatias, ou « manger-cochon », théorique.

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érotisme et engagement

par Manuel NORVAT

 

L’extase de Sainte-Thérèse, Le Bernin

Quels rapports se tissent dans la littérature caribéenne entre écriture militante et écriture érotique ? Autrement dit, quelles relations s’établissent dans cet espace de création entre désir et engagement ? Lorsque Suzanne Césaire parle de « littérature de pâmoison » dans Tropiques contre les productions littéraires doudouistes à la Daniel Thaly (« Je suis né dans une île amoureuse du vent où l’air à des odeurs de sucre et de vanille…) nous sommes hélas en présence d’un certain manichéisme faisant fit que la dite « littérature de  pâmoison » a participé à sa manière à un inventaire du réel, en l’occurrence antillais. Mais l’on pourrait insister aussi sur cette mise à distance quasi dédaigneuse de la pâmoison (métonymie du désir pour l’occasion) de la part de nombreux écrivains dits engagés — non pas au sens créole du terme lié à un pacte avec l’univers diabolique, mais pleinement dans l’acception politique du terme. La question se pose donc de savoir s’il faut brûler « la littérature de pâmoison » au bénéfice des révolutions ?

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