Catégorie : Littératures

Hanétha Vété-Congolo. Avoir et Etre : Ce que j’Ai, ce que je Suis

Présentation à la Bibliothèque Municipale du François, Martinique

Le vendredi 28 mai 2010  par Roger PARSEMAIN

http://www.lechasseurabstrait.com/revue/

Devrais-je feindre la modestie ? Ou exprimer le plaisir lié d’un brin de vanité d’ancien enseignant heureux de présenter l’élève aujourd’hui écrivain et menant une remarquable carrière universitaire ?

Hanétha Vété-Congolo me ramène en ces années 80 au collège La Jetée au François de la Martinique.

A l’époque c’était l’adolescente, ointe d’une rêverie intérieure. Cela maintenait droite la tête au regard fixe vers le plus lointain horizon. Quels rêves éveillés animaient le sourire à peine amorcé dans ce visage haute proue en sa tranquille traversée de la cour et la remontée vers sa classe, dans l’escalier et tout au long des galeries ?

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Sexe, histoire et tectonique

 Par Dominique DOMIQUIN —

 A l’époque où la masse sombre qui domine l’embouchure du Galion s’appelait encore Fort St Charles (années 80), j’y rejoignais mon père après l’école en grimpant à travers le quartier populaire du Carmel. Cet imposant édifice militaire abritait alors l’observatoire de vulcanologie de Guadeloupe, antenne de l’Institut de Physique du Globe de Paris. J’en connais chaque pierre pour y avoir passé une partie de mon enfance. J’y ai mainte fois repoussé l’anglais à coups de canons rouillés, échappé à des fantômes aux orbites vides qui tentaient de m’agripper quand je rodais trop près des cachots. Tel Louis Delgrès, par une poterne dérobée surplombant la falaise, j’ai échappé aux troupes impériales venues rétablir l’esclavage. J’ai écrasé des amandes pour en savourer les graines. J’ai saigné des manguiers pour en récolter l’ambre, gratté la croûte des gommiers tel un indien Karib radoubant son embarcation. Mes exploits accomplis, je dévorais mon goûter avant de faire pipi sur la tombe de Richepanse. Je n’en tire aucune fierté. Ce rituel n’était pas un acte réfléchi. Il se trouve simplement que le bougre est enterré à l’endroit le plus élevé du fort, celui d’où l’on peut voir descendre le soleil sur la Mer des Caraïbes.

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« La cathédrale » d’Olivier Larizza

–Par Roland Sabra —

Olivier Larizza confirme :
il est écrivain.

 

Editeur : Orizons
Collection : Littératures
Nombre de pages : 202
Prix: 17 

Le dernier livre de Olivier Larizza est un livre formidable! Il existe aux environs de Madrid un homme de plus de quatre-vingts ans qui construit de ses propres mains une cathédrale. Vous avez bien lu une cathédrale! Pour qui en douterait il suffira de se reporter à l’article du Courrier international publié ci-dessous. C’est l’histoire romancée de cette folie plus qu’humaine qui est l’argument principal de l’ouvrage de Larizza, universitaire sur le campus de Schoelcher et auteur de plus d’une douzaine d’ouvrages malgré son jeune âge. Les jeunes lecteurs le connaissent bien par l’intermédiaire des nombreux contes caribéens, antillais, ou même britanniques qu’il a déjà publiés.

« La cathédrale » est un subtile mélange de fiction et d’autobiographie romancée. Un jeune cadre d’une maison de disque parisienne, fuit la France et sa famille, il arrive à Madrid et découvre à Merojada del Campo le personnage de Fernando constructeur donc de cathédrale à mains nues. Une affection mutuelle se développe aussitôt entre l’orphelin et le vieil ours illuminé.

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Traces

Par Eric Pezo. —

  Puisqu’il faut rendre à la terre ce qui appartient à la terre
Rendre à la lumière ce qui appartient à la lumière
Alors unissons nos cœurs et nos voix le temps d’une prière.

De grands marchands de rêves ont pris la route bleue
Qui mène à toutes les savanes du monde pour faire germer
Dans le ventre de la terre qui nous porte, un fleuve d’espoir.
Dans l’immense jardin de l’Art, des graines de lumière Africaines,
Caraïbéennes et d’un ailleurs fraternel habitent encore la sève
De grandes floraisons.

Au milieu de nos saisons de doute et de découragement
Leur foi, leur joie, ont su traire nos hésitations,
Jusqu’à faire roucler notre tambour intérieur,
Devant l’autel des cathédrales qui nous faisaient peur.

D’innombrables capitales résonnent encore de leur souffle
Tant leur talent a pénétré la chair des plus sceptiques, aujourd’hui conquis.
Ils ont fait de ce monde un autre théâtre où les acteurs que nous sommes
Demeurent en face de rêves possibles à condition de garder en mémoire
L’empreinte de leurs pas.

S’il fallait ici même, nommer ne serait-ce qu’une poignée d’entre eux,
Nous aurions pour la plupart d’entre nous le cœur en vertige
Tellement ils nous manquent.

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La fureur est tombée sur la ville écarlate

 par Michel Lercoulois

La fureur est tombée sur la ville écarlate
La fièvre se recuit dans des bouges saumâtres
Un gamin négligent asperge le trottoir
Exhibant sans pudeur un sexe minuscule
Des hommes apeurés reluquent les mamelles
Des filles blondes aux longues jambes nues
Les mendiants se disputent quelques reliefs pourris
Des voleurs farouches jouent leur butin aux dés
Dans les palais les ministres corrompus comptent leur or
Un roi sans joie besogne la chambrière de la reine
Un cul de jatte hagard est posé contre un mur
Les aveugles en passant le piquent de leur canne
Des bourgeoises esseulées pleurent les jours d’antan
Les maris repus de trop de chère bedonnent au fumoir
De jeunes loups naïfs aiguisent leurs couteaux
Sans savoir qu’ils seront les premiers transpercés
Les tendres demoiselles découvrent l’art du stupre
Elles veulent les mâles mûrs affamés et brutaux
Pour cultiver l’obscène entre gens de bon goût
Ailleurs dans les fabriques un vain peuple s’agite
Gens de peu pauvres et puants
Qui triment pour le pain le vin et le taudis
Où s’entasse une marmaille infâme
Aigres parfums de bouffe de merde et de pisse
Avec des cris parfois ou des vagissements
Une vieille à l’article gémit sur son grabat
Peut-être entend-elle les râles du coït
Elle qui aimait tant jadis foutre avec fougue
En bas dans la rue deux ivrognes s’embrassent
Ils mélangent leurs langues sans s’embarrasser
Des relents du pinard
La piquette des dieux
Le nectar des vieux cons
Partout dans la ville la vermine grouille
On est tous frères en Jésus-Christ, pas vrai ?

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Pour une littérature en langues françaises

Où en est-on deux ans après le manifeste  » Pour une littérature-monde « , qui mettait en question la notion de francophonie ?

Où classer Dany Laferriere, Canadien originaire d’Haiti, ou YasminaTraboulsi, Libanaise du Bresil ?

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D’après ce qu’île dit…

 par Jean Durosier DESRIVIERES —

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   Voici ! l’histoire n’est pas plus sophistiquée : je viens d’une ville, d’après ce qu’île dit, sans façon avec nos manières de gueuler nos malheurs à marée haute, d’engueuler tout le bazar du monde, dégueuler sur le quai en plein dans notre baie jusqu’à tout prendre en pleine gueule. Au cœur des cycles : la mort bourrée d’eau sale et d’eau salée, d’après ce qu’île dit, avec force tempêtes et cyclones, et ras-de-marées. Et tremble qui veut : je viens d’une ville, d’après ce qu’île dit, où les hommes négocient l’avenir et la vie à dos d’homme.

Et depuis, des poètes se sont mis à parler comme avant, ils se sont mis à inventer, comme on dit. Et ils inventent n’importe quoi, comme plein d’images de désastres, pour la forme : un semblant de bonheur. Point de vue ni de point-de-vue dans ce monde d’images, d’après ce qu’île dit. Bon repos. Il n’y a que la ville seule et ses règles propres submergées de mille exceptions ; des perspectives naïves à faire grimper la courbe des bourses dans la course aux marchés, plastiques… dramatiques…

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Dies irae dies illa

— Par Michel Herland —

Pour Haïti, coordonné par Suzanne Dracius, Desnel, 2010, 378 p., 21,80 €.

 

 

 

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Décidément, le XXIème siècle a bien mal commencé : d’abord le 11 septembre 2001 et maintenant le 12 janvier 2010. Stupeur en 2001, car qui aurait cru que les forces du mal pourraient ainsi frapper au cœur la puissante Amérique. Commotion en 2010, parce que ce n’était vraiment pas admissible qu’un tel désastre allât toucher, entre tous les pays de la planète, celui qui avait déjà souffert tant de maux et qui était peut-être le plus vulnérable.

 

 

Depuis toujours, la Martinique entretient des liens particulièrement étroits avec la partie occidentale d’une île qui s’est d’abord nommée Hispaniola, mais qui est bientôt devenue française, avant de prendre son indépendance, avec le fracas que l’on sait, dès 1804. Les contacts entre les Martiniquais et les universités, les écrivains, les artistes haïtiens sont permanents et il faut compter aussi avec les innombrables relations personnelles dues à la présence, en Martinique-même, de nombreux Haïtiens. Il n’était donc pas vraiment fortuit qu’un éditeur martiniquais, Desnel – dont les productions commencent à être connues bien au-delà de sa petite île – soit à l’origine d’une entreprise qui conjugue l’amour de la littérature et l’indispensable solidarité avec les frères haïtiens plongés dans le malheur.

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Une anthologie de la poésie du Tout-Monde réunie par Edouard Glissant

 

terre_feu_eau (La Terre, le Feu, l’Eau et les Vents, Paris, Galaade, 2010, 350 p.). par Michel Herland.

 

 

« L’imaginaire est un champ de fleuves et de replis qui sans cesse bougent », écrit Edouard Glissant dans la préface à cette anthologie poétique d’un nouveau genre. Elle est nouvelle en effet en ce qu’elle ne fixe pas de bornes géographiques ou linguistiques au choix des auteurs (même si les versions originales des textes non francophones sont rarement reproduites) et en ce qu’elle ne suit aucun ordre : ni temporel, ni spatial, ni même thématique. Il y a néanmoins un fil conducteur, labyrinthique ou plutôt – pour mieux coller aux concepts glissantiens – rhizomatique, celui qu’a trouvé Glissant, poète lui-même, à travers le champ immense qu’il nous propose d’explorer à sa suite.

 

 

Il y a des embranchements inopinés, des retours vers des auteurs déjà rencontrés, la reprise de thèmes qu’on croyait épuisés. Libre à chacun de suivre le guide dans son cheminement, de parcourir après lui les thèmes qui semblent organiser la succession des poèmes (ou extraits de poèmes) retenus dans l’anthologie : la mort, l’humanité dans sa diversité, l’esclavage et la traite négrière, le dépaysement, la poésie, le paradis terrestre et la chute, les intermittences du cœur, la fusion de l’homme dans l’univers, la succession des âges et des saisons, la négritude, les sans-papiers, etc.

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L’Afrique en toutes lettres

— Par Alain Mabanckou —

CINQUANTE ANS après la décolonisation, où en est la littérature africaine francophone ? La question de l’indépendance a peu à peu déserté les romans, laissant la place à des problèmes plus contemporains, tels que la pauvreté ou la corruption. Les auteurs de la nouvelle génération, dont beaucoup vivent aux Etats-Unis ou en Europe, sont écartelés entre l’attachement à leurs pays d’origine et le faible écho que peuvent y trouver leurs ouvrages.  » Le Monde des livres  » fait le point sur ce continent littéraire souvent méconnu et pourtant riche de nombreux auteurs comme le rappelle l’écrivain Alain Mabanckou.

Les pays d’Afrique noire francophone célèbrent cette année le cinquantenaire de leur indépendance. La littérature a été le témoin immédiat de cette émancipation. Une littérature si jeune qu’il n’est pas surprenant, pour un lecteur africain, de croiser certains auteurs classiques qu’il a lus au lycée ou au collège. Sait-on par exemple que l’Ivoirien Ahmadou Kourouma – à qui l’on attribua en 2000 le Renaudot pour Allah n’est pas obligé – était en réalité, depuis longtemps, un grand classique dans l’espace francophone ?

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Eliane Marqués-Larade : Un expressionnisme réinventé

— Par Christian Antourel —

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En littérature, comme dans de multiples domaines artistiques, l’expressionnisme est une manière de présenter une œuvre, qui tend a déformer la réalité, pour inspirer au lecteur une réaction émotionnelle. De nos jours on parle plus facilement des états d’âme de l’artiste.

Si le roman antillais est aujourd’hui un acte acquis, quantifiable et forcément incontestable. Les poètes français de la Caraïbes se retrouvent moins souvent sous les feux de l’actualité. Méconnus, parfois oubliés, ils sont pourtant pourvoyeurs d’un langage poétique d’une expression rare, oh combien aiguisé et coloré, souvent blessé des séismes d’une indicible mémoire, ou simplement riche d’instants tourmentés saisis d’entre les flammes du soleil . Délaissée par certains, méconnue du grand public, alors même qu’Eliane Marquès-Larade, est reconnue par les instances littéraires et des maîtres a penser tels que Eric Mansfield, docteur es lettre, qui dans son livre «  la symbolique du regard, regardants et regards dans la poésie antillaise d’expression française » lui rend hommage et insiste sur le potentiel particulièrement lyrique et riche de sa plume.

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« La petite maîtresse » de Dominiqque Sels

 

Invitée d’un salon mensuel des « Amis de Jean-Baptiste Botul », la romancière Dominique Sels publie La Petite Maîtresse, dialogue qui fait revivre cette soirée. Le préambule, intitulé « Les Arlésiens », est inspiré par « ce philosophe insaisissable qui porte le prénom de Molière et ressemble à Socrate ». L’auteur y étudie la catégorie des Arlésiens, personnages littéraires ou de fantaisie qui, tels Socrate au banquet, déclarent n’être « rien », ou telle l’Arlésienne d’Alphonse Daudet, ou Dulcinée chez Cervantès, ne se montrent pas, sont en creux, et catalysent les passions. La causerie est ensuite largement consacrée à un autre thème, issu lui aussi d’une lecture du Banquet de Platon : les amours avec écart d’âge (d’où le titre La Petite Maîtresse), amours célestes dont les fruits sont des livres, des tableaux, des carrières, plutôt que des enfants. Tournées vers la création plutôt que vers la procréation, ces amours étaient dans l’Antiquité strictement masculines. Dominique Sels, qui en appelle à la notion de neutre, les étend à des personnes d’un genre indifférent. Ces amours intéressent par conséquent la fécondité artistique et intellectuelle des femmes, relativement récente.

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Le francophone est-il une langue étrangère ?

par Hubert Haddad

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Etre un francophone qui a réussi, c’est avoir sa résidence intellectuelle secondaire à Saint-Germain-des-Prés

   Même si la pesanteur et les réflexes néocoloniaux demeurent inhérents à toute position dominante, on ne peut guère affirmer que les médias, l’édition, le public, bref la France dite métropolitaine, ait une représentation post-coloniale de ce qui se passe dans le vaste ailleurs de la langue française. C’est davantage d’une perception et d’un positionnement élitistes qu’il s’agit, celui d’un certain jacobinisme intellectuel, du parisianisme pour tout dire, mode sélectif d’exaltation des différences cher au protectionnisme, à l’occasion caudataire de la bourgeoisie éclairée.

Le désaveu implicite pour les expressions littéraires extra-territoriales rappelle celui qui avait cours naguère, en direction des provinces françaises : un écrivain isolé dans le Cantal ou l’Ardenne avait peu de chances d’exister un jour s’il ne montait pas à Paris, dans la foulée d’un Lucien de Rubempré. Rimbaud était considéré comme un rustre par Banville et sa coterie. Les poètes maudits sont presque tous des horsains, des provinciaux présomptueux.

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C’est la question qui importe

— Par Dany Laferrière —

 

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Dany Laferrière

Dans quelle langue écrivez-vous ?, me demande Le Monde. Bien sûr le mot langue qui tient un certain nombre d’écrivains, ceux du Tiers-monde notamment, à la porte de la littérature – on arrivera un jour à la question du style -, est encore là, mais la vieille question a changé si radicalement de forme que j’ai dû la relire trois fois pour bien la comprendre.

J’étais habitué à ce qu’on me fasse le reproche de ne pas écrire dans ma langue maternelle. Comme si un huissier m’indiquait brutalement que le terrain sur lequel je venais de construire ma maison ne m’appartenait pas. Avec cette dernière question, j’ai l’impression d’avoir enfin le choix. Un vent frais. Et si je la garde un peu dans ma main, la retournant dans tous les sens, comme un enfant fait avec un objet étrange et beau qu’il vient de trouver et dont il se demande à quoi ça peut bien servir, c’est que je veux savourer le moment. En vingt-cinq ans de présence sur la scène littéraire, c’est la première fois que je ne me gratte pas l’avant-bras avant de répondre à une question.

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« Black is Black » : Littérature et tir à l’arc

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Note sur Black is Black, un récit de Raphaël Confiant (Monaco, Ed. Alphée, Jean-Paul Bertrand, 2008, 263 p., 19,90 €).


Par Michel Herland

A-t-on suffisamment prêté attention à Black is Black, cet ouvrage de Raphaël Confiant (RC) classé par lui dans le genre du « récit », probablement parce qu’il ne s’est guère soucié de nouer une intrigue, juxtaposant simplement le parcours quelque peu erratique de son narrateur, Abel, et les aventures érotiques de la prodigieuse Évita ? Ce récit, donc, mérite pourtant d’être connu, pas nécessairement pour les passages pornographique (est-ce là la raison du choix d’un éditeur aussi incongru que les éditions monégasques Alphée ?) qui devraient néanmoins combler les amateurs de ce genre de littérature, mais plutôt pour ce qu’il révèle de la vision de l’auteur sur la Martinique d’aujourd’hui.

Contrairement à beaucoup d’autres écrits de RC, Black is Black s’inscrit résolument en effet dans la Martinique moderne, ce petit monde en voie de « décréolisation » et de « décivilisation » que l’auteur a théorisé par ailleurs (Antilla, n° 1375, p. 46-47). On y retrouve les deux personnages récurrents des livres appartenant à la même veine (La Savane des pétrifications, La Baignoire de Joséphine), Saint-Martineau, professeur de mathématiques au lycée Schoelcher et la belle « Saint-Dominguoise », Anna-Maria de la Huerta dont Abel reste l’éternel amoureux.

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«Les Antilles antan lontan» d’Ernest Pépin.Nostalgie quand tu nous tiens.

 

 Par Michel Herland.

Les éditions HC (comme Hervé Chopin), bien connues en Martinique, ont fait appel à Ernest Pépin pour commenter des cartes postales anciennes des Antilles dont la plupart avait déjà été présentées au public dans un livre publié en 2001 sous le titre « Antilles d’antan ». D’une édition à l’autre, le nombre de pages a augmenté, la maquette s’est aérée et, surtout, la taille et la qualité de la reproduction des images se sont grandement accrues, certaines photographies faisant même l’objet d’une présentation pleine page (24,5 x 32 cm) sans que cela nuise en rien à la netteté de l’image.

Beaucoup de photos valent surtout en tant que témoignage d’une époque disparue. Même les moins pittoresques nous touchent, par exemple celles qui présentent simplement les bâtiments d’une usine à sucre, parce qu’elles nous montrent à quoi ressemblaient vraiment, lorsqu’ils étaient en activité, ces bâtiments dont nous découvrons les vestiges envahis par la végétation au gré de nos promenades dominicales. Nous mesurons alors combien ces constructions industrielles, censées matérialiser la richesse des planteurs, étaient en réalité modestes.

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Widad Amra publie « Regards d’errance »

— Par Pierre PINALIE —


Ce ne sont pas des cris, mais tout est dit fortement, et la langue est belle, qui sait glisser du classique au familier sans repousser un seul instant l’intérêt du lecteur. À tel point que les phrases qui font allusion à un dieu restent aimables et séduisantes, sans choquer et sans repousser ceux qui n’entrent pas dans les croyances. D’ailleurs, l’apparition des « vendredi » pourrait même enchanter d’autres croyants venus d’autres lieux. Et sur l’enchaînement des thèmes et des allusions, une dialectique permanente retient l’attention du militant qui déplore la colonisation et du camarade qui aime qu’on le nomme ainsi.

De manière étonnante, les fêtes religieuses voisinent avec l’Indien venu d’ailleurs, et la nature reste un cadre permanent, avec des flamboyants et surtout l’arbre du voyageur, et cela paradoxalement, dans un pays mêlé. Face à la végétation variée, l’homme présente aussi un éventail de peaux différentes jusqu’à ce que se produisent des dérives encanaillées malgré le plaisir du rhum. Et du point de vue de l’Histoire, du droit et de l’espoir, il est normalement attendu que les marrons aient laissé leur souvenir et leur âme.

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Les Martiniquaises à travers les âges

Compte-rendu par Michel Herland

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Femmes de la Martinique : quelle histoire ? Archives départementales, Fort-de-France, 2009, 98 p., 14 €. Alexandre Cadet-Petit, La Femme – un roman de plus de 69 pages, Desnel, Fort-de-France, 2008, 287 p., 20 €.

La femme est-elle vraiment l’avenir de l’homme ? La confrontation des deux ouvrages consacrés récemment à la femme martiniquaise ne permet pas d’aboutir là-dessus à une réponse bien tranchée.

Modestement présenté comme un « dossier pédagogique », le livret publié à l’initiative du service éducatif des Archives départementales rassemble et commente de nombreux documents écrits, accompagnés d’une riche iconographie. Il en ressort un panorama très varié qui commence par les Indiennes caraïbes portraiturées par le père Labat (« plus petites que les hommes, assez bien faites et grasses, elles ont les yeux et les cheveux noirs, le tour du visage rond, la bouche petite, les dents fort blanches, l’air plus gai, plus ouvert et plus riant que les hommes ; avec tout cela elles sont réservées et fort modestes… ») ; puis les esclaves, « amarreuses » ou servantes-maîtresses (c’est selon), bien différentes des blanches créoles si « indolentes » ; les « schœlchéristes », après 1848, qui prêchaient « l’ordre et le travail », tout en s’efforçant de pratiquer elles-mêmes « l’amour de dieu et des choses honnêtes » ; les charbonnières, un peu plus tard, qui ont créé le premier syndicat martiniquais ; les maîtresses d’école et leurs jeunes élèves ; les militantes de la négritude avant la dernière guerre ; jusqu’à l’actuelle présidente de l’Union des femmes de la Martinique.

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Condorcet,  » Réflexions sur l’esclavage des Nègres « .

Un admirable  » éclat de conscience  »

Ecrit en 1781 pour dénoncer une pratique qui ne sera définitivement abolie par la France qu’en 1848, ce texte témoigne, selon l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, de la clairvoyance du philosophe, qui sut s’affranchir des structures de l’imaginaire dominant

Dans quelles circonstances avez-vous découvert ce texte ?

C’est une découverte un peu neutralisée, comme le système scolaire sait en produire. Un extrait quelconque dans un cours d’histoire ou de philo, je ne sais plus très bien. Mais, en ce temps, je n’avais pas de problématique particulière. L’humanisme des Lumières, pour moi, restait quelque chose d’un peu désincarné, en tout cas pas directement fonctionnel. Plus tard, les livres se sont réveillés, et je n’arrête pas de m’émerveiller de la clairvoyance de ces esprits magnifiques. Malgré des aveuglements liés à leur époque, ils sont étonnants de lucidité et surtout de générosité. Et puis cette capacité à sortir de soi, de sa quiétude et de sa prééminence, pour s’ouvrir à une altérité, lointaine, invisible, incompréhensible ou méprisable… C’est mon angoisse quotidienne que de me demander sur quoi je suis aveugle, quel est le grand crime actuel que je ne dénonce pas, dont je m’accommode…

Le texte de Condorcet arrive près d’un siècle après l’édiction du Code noir, qui ravalait des hommes au rang de  » biens meubles « .

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Aimé Césaire Précurseur d’une métamorphose. Tracé d’une aliénation par Rodolf Etienne

 

Aimé Césaire

 

Précurseur d’une métamorphose
Tracé d’une aliénation

 

 par Rodolf Etienne

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 I. Tracé d’une aliénation

 Eléments de définition

 

Puisqu’il en faut une pour ouvrir le débat, considérons la définition suivante du terme créole, tirée du dictionnaire Larousse,

 

n. et adj. d’abord attesté sous les formes hispanisantes crollo (1598), criollo (1643), puis francisé en créole, en 1670. Il est emprunté à l’espagnol criollo (1590), lui-même emprunté au portugais crioulo, seulement attesté en 1632 au sens de « métis noir né au Brésil ». Ce mot est dérivé, avec un suffixe mal éclairci, de cria, dérivé régressif de criar « élever » (espagnol criar), issu du latin creare, signifiant « créer ».

 (…)

L’expression  langue créole, attestée en 1688 et reprise au XIXème siècle, est probablement un emprunt direct au portugais, à en juger par la localisation de la première attestation relative au créole portugais parlé au Sénégal1. Et jusqu’à la fin du XIXème siècle, les créoles étaient considérées comme une simple altération du français, de l’anglais, du néerlandais, du portugais ou de l’espagnol.

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Louis Laouchez, une quête identitaire ardente pour ne pas mourir d’universalité

HC Editions rendent hommage au peintre Louis Laouchez qui occupe une place singulière parmi les artistes martiniquais. Ses sources multiples – africaine, caribéenne et européenne – également prégnantes et assumées, inventent l’artiste négro-caraïbe. Le fondement mental de son œuvre, lui aussi tripode – esthétique, éthique et politique – demeure toujours en prise directe avec les réalités de la Martinique.
Ses peintures sont dominées en fonction des époques, par des couleurs telluriques ou au contraire flamboyantes et témoignent toutes d’un fort travail de composition. Ces peintures affirment le lien entre la Caraïbe et l’Afrique, lien aussi présent dans ses totems : bois sculptés de grande taille, hiératiques, peints, dans lesquels on retrouve les signes et les figures qui habitent ses peintures et constituent son univers. Forte de sa puissance d’évocation, l’œuvre de Louis Laouchez impose un style d’une rare expressivité dans une légitimité culturelle libre. La diversité des matériaux et des moyens d’expression, l’investissement des registres figuratif et abstrait, l’usage dense des couleurs et des signes ouvrent cette œuvre à l’universel.
Quatrième de couverture


Louis Laouchez, une quête identitaire ardente pour ne pas mourir d’universalité
par Pr Bernard ZADI ZAOUROU de l’Université d’Abidjan-Cocody Abidjan

Depuis toujours, dans le monde noir comme ailleurs en Occident ou en Orient, s’est constamment développé un étrange motif de discussion relatif aux liens qui unissent le général au particulier, l’universel au spécifique.

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Gabriel Garcia Marquez – Une vie» de Gerald Martin

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 Les vies d’un homme nommé Marquez

 

— Par Étienne de Montety —

  – Cette biographie de Gabo a nécessité dix-sept années de travail.

 

En 1957, Gabriel Garcia Marquez est à Paris. Il vit dans la dèche, inconnu, désespéré de ne pouvoir s’adonner à ce vice impuni, l’écriture. Il erre dans les milieux latinos du Quartier latin. Un jour, il croise un colosse barbu qui porte jean et chemise de bûcheron et une casquette de base-ball. C’est Ernest Hemingway, son idole, qu’il apostrophe : «Maestro !» L’écrivain lève la main et lui répond d’une voix juvénile : «Adios, amigo !» L’anecdote comme tant d’autres est rapportée par le biographe de Garcia Marquez, Gerald Martin, dans un ouvrage dont le titre, Une vie, à la sobriété «maupassante», dit mal l’abondance de faits et d’analyses qu’il contient de bout en bout.

 

Le salut d’Hemingway a valeur d’adoubement. À l’époque, Garcia Marquez n’est pas encore entré en littérature. Il voyage en Europe (Berlin-Est, Moscou, Budapest), fourbit ses amis. Mais dans les années qui vont suivre, Gabo – le surnom de l’écrivain – va peu à peu sortir de sa gangue de personnage famélique.

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André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part

 

 

 

L’Arche n° 583, décembre 2006, p. 84-89
Par Francine Kaufmann
André Schwarz-Bart a choisi de ne laisser de son passage charnel sur cette terre qu’un mince filet de fumée blanche et quelques cendres. Il a été incinéré au lendemain de Kippour, le 3 octobre 2006, sur l’île de Grande-Terre, dans cette Guadeloupe qu’il avait choisie pour demeure. On se souvient de la dernière page de son chef d’oeuvre, Le dernier des Justes, consacré au massacre des communautés juives d’Europe : « Ainsi donc cette histoire ne s’achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s’assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie. »
Il est parti sur la pointe des pieds, comme il avait vécu. Rien d’étonnant, donc, si les jeunes générations connaissent à peine son nom et si les adolescents d’après-guerre se souviennent de lui comme de l’homme d’un seul livre, ce Dernier des Justes qui s’imposa avec évidence comme prix Goncourt 1959.

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Le désir, la jeune fille et la mère

 Par DOMINIQUE SELS écrivaine

Encore les seventies. J’étais adolescente. Je voudrais dire mon amitié à Roman Polanski,

j’espère qu’il va vite se tirer de là. Les mères n’osaient profiter de la liberté qui nous était naturelle, elles s’y hasardaient, alternant hardiesse et revirements vertueux. Je sais des histoires où la fille fut importunée par le désir de sa mère, sur elle projeté ; la mère la mène vers un homme mûr ; favorise un rapprochement ; son fantasme accompli par procuration, elle crie, soit chasse sa fille, soit s’indigne contre le monstre qui en aura abusé, et qui est en fait tombé dans le panneau. C’est pas la faute à Voltaire, toujours la faute à la fille ou à l’homme : pourvu qu’on n’attaque pas la moralité de la mère.

Protégeons les filles de leur mère plutôt que de Polanski. J’espère qu’aujourd’hui, les filles rencontrent des cinéastes pour une leçon de scénario ou de mise en scène, non pour des photos. Mesdames, n’en avez-vous pas assez de jouer les niaises depuis des millénaires ? Depuis quand un peintre ne couche-t-il pas avec son modèle ?

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Prix Nobel de Littérature 2009

Herta Müller, du Banat roumain à Hambourg

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Le pouvoir et le président de la République en particulier sont la cible des protestations sur l’île. Crédits photo : AFP

  » Nous sommes partis de chez nous avec notre tête, mais avec nos pieds nous sommes encore dans un autre village.  » Un art de la fugue.

À sa parution en français (1988), juste après l’arrivée d’Herta Müller en Allemagne (mars 1987), l’Homme est un grand faisan sur terre avait été pour le public français une révélation. Celui-ci découvrait des vérités cachées sur une minorité allemande, les Souabes de la Roumanie  » communiste « , et un auteur doué d’un style incomparable, qui creusait toutes les possibilités d’expression d’une naïveté acide. Six ans auparavant, Herta Müller avait déchaîné les colères et les tracasseries de la Securitate et de ses instruments en publiant Niederungen, une chronique impitoyable d’un village, d’une famille, d’une enfance traumatisée du Banat, province roumaine peuplée d’Allemands installés dans cette région danubienne depuis sa reconquête au XVIIIe siècle par le régime habsbourgeois ; la chronique d’un monde marqué par la peur et la haine, l’intolérance et la violence, d’un monde retardataire, rétrograde, muselé par un catholicisme putride et superstitieux, sur fond de gestion politique et économique calamiteuse pratiquée par un régime  » communiste  » corrompu ; de répressions et de survivance d’un passé fasciste à peine déguisé.

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