Catégorie : Littératures

C’est la question qui importe

— Par Dany Laferrière —

 

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Dany Laferrière

Dans quelle langue écrivez-vous ?, me demande Le Monde. Bien sûr le mot langue qui tient un certain nombre d’écrivains, ceux du Tiers-monde notamment, à la porte de la littérature – on arrivera un jour à la question du style -, est encore là, mais la vieille question a changé si radicalement de forme que j’ai dû la relire trois fois pour bien la comprendre.

J’étais habitué à ce qu’on me fasse le reproche de ne pas écrire dans ma langue maternelle. Comme si un huissier m’indiquait brutalement que le terrain sur lequel je venais de construire ma maison ne m’appartenait pas. Avec cette dernière question, j’ai l’impression d’avoir enfin le choix. Un vent frais. Et si je la garde un peu dans ma main, la retournant dans tous les sens, comme un enfant fait avec un objet étrange et beau qu’il vient de trouver et dont il se demande à quoi ça peut bien servir, c’est que je veux savourer le moment. En vingt-cinq ans de présence sur la scène littéraire, c’est la première fois que je ne me gratte pas l’avant-bras avant de répondre à une question.

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« Black is Black » : Littérature et tir à l’arc

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Note sur Black is Black, un récit de Raphaël Confiant (Monaco, Ed. Alphée, Jean-Paul Bertrand, 2008, 263 p., 19,90 €).


Par Michel Herland

A-t-on suffisamment prêté attention à Black is Black, cet ouvrage de Raphaël Confiant (RC) classé par lui dans le genre du « récit », probablement parce qu’il ne s’est guère soucié de nouer une intrigue, juxtaposant simplement le parcours quelque peu erratique de son narrateur, Abel, et les aventures érotiques de la prodigieuse Évita ? Ce récit, donc, mérite pourtant d’être connu, pas nécessairement pour les passages pornographique (est-ce là la raison du choix d’un éditeur aussi incongru que les éditions monégasques Alphée ?) qui devraient néanmoins combler les amateurs de ce genre de littérature, mais plutôt pour ce qu’il révèle de la vision de l’auteur sur la Martinique d’aujourd’hui.

Contrairement à beaucoup d’autres écrits de RC, Black is Black s’inscrit résolument en effet dans la Martinique moderne, ce petit monde en voie de « décréolisation » et de « décivilisation » que l’auteur a théorisé par ailleurs (Antilla, n° 1375, p. 46-47). On y retrouve les deux personnages récurrents des livres appartenant à la même veine (La Savane des pétrifications, La Baignoire de Joséphine), Saint-Martineau, professeur de mathématiques au lycée Schoelcher et la belle « Saint-Dominguoise », Anna-Maria de la Huerta dont Abel reste l’éternel amoureux.

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«Les Antilles antan lontan» d’Ernest Pépin.Nostalgie quand tu nous tiens.

 

 Par Michel Herland.

Les éditions HC (comme Hervé Chopin), bien connues en Martinique, ont fait appel à Ernest Pépin pour commenter des cartes postales anciennes des Antilles dont la plupart avait déjà été présentées au public dans un livre publié en 2001 sous le titre « Antilles d’antan ». D’une édition à l’autre, le nombre de pages a augmenté, la maquette s’est aérée et, surtout, la taille et la qualité de la reproduction des images se sont grandement accrues, certaines photographies faisant même l’objet d’une présentation pleine page (24,5 x 32 cm) sans que cela nuise en rien à la netteté de l’image.

Beaucoup de photos valent surtout en tant que témoignage d’une époque disparue. Même les moins pittoresques nous touchent, par exemple celles qui présentent simplement les bâtiments d’une usine à sucre, parce qu’elles nous montrent à quoi ressemblaient vraiment, lorsqu’ils étaient en activité, ces bâtiments dont nous découvrons les vestiges envahis par la végétation au gré de nos promenades dominicales. Nous mesurons alors combien ces constructions industrielles, censées matérialiser la richesse des planteurs, étaient en réalité modestes.

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Widad Amra publie « Regards d’errance »

— Par Pierre PINALIE —


Ce ne sont pas des cris, mais tout est dit fortement, et la langue est belle, qui sait glisser du classique au familier sans repousser un seul instant l’intérêt du lecteur. À tel point que les phrases qui font allusion à un dieu restent aimables et séduisantes, sans choquer et sans repousser ceux qui n’entrent pas dans les croyances. D’ailleurs, l’apparition des « vendredi » pourrait même enchanter d’autres croyants venus d’autres lieux. Et sur l’enchaînement des thèmes et des allusions, une dialectique permanente retient l’attention du militant qui déplore la colonisation et du camarade qui aime qu’on le nomme ainsi.

De manière étonnante, les fêtes religieuses voisinent avec l’Indien venu d’ailleurs, et la nature reste un cadre permanent, avec des flamboyants et surtout l’arbre du voyageur, et cela paradoxalement, dans un pays mêlé. Face à la végétation variée, l’homme présente aussi un éventail de peaux différentes jusqu’à ce que se produisent des dérives encanaillées malgré le plaisir du rhum. Et du point de vue de l’Histoire, du droit et de l’espoir, il est normalement attendu que les marrons aient laissé leur souvenir et leur âme.

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Les Martiniquaises à travers les âges

Compte-rendu par Michel Herland

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Femmes de la Martinique : quelle histoire ? Archives départementales, Fort-de-France, 2009, 98 p., 14 €. Alexandre Cadet-Petit, La Femme – un roman de plus de 69 pages, Desnel, Fort-de-France, 2008, 287 p., 20 €.

La femme est-elle vraiment l’avenir de l’homme ? La confrontation des deux ouvrages consacrés récemment à la femme martiniquaise ne permet pas d’aboutir là-dessus à une réponse bien tranchée.

Modestement présenté comme un « dossier pédagogique », le livret publié à l’initiative du service éducatif des Archives départementales rassemble et commente de nombreux documents écrits, accompagnés d’une riche iconographie. Il en ressort un panorama très varié qui commence par les Indiennes caraïbes portraiturées par le père Labat (« plus petites que les hommes, assez bien faites et grasses, elles ont les yeux et les cheveux noirs, le tour du visage rond, la bouche petite, les dents fort blanches, l’air plus gai, plus ouvert et plus riant que les hommes ; avec tout cela elles sont réservées et fort modestes… ») ; puis les esclaves, « amarreuses » ou servantes-maîtresses (c’est selon), bien différentes des blanches créoles si « indolentes » ; les « schœlchéristes », après 1848, qui prêchaient « l’ordre et le travail », tout en s’efforçant de pratiquer elles-mêmes « l’amour de dieu et des choses honnêtes » ; les charbonnières, un peu plus tard, qui ont créé le premier syndicat martiniquais ; les maîtresses d’école et leurs jeunes élèves ; les militantes de la négritude avant la dernière guerre ; jusqu’à l’actuelle présidente de l’Union des femmes de la Martinique.

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Condorcet,  » Réflexions sur l’esclavage des Nègres « .

Un admirable  » éclat de conscience  »

Ecrit en 1781 pour dénoncer une pratique qui ne sera définitivement abolie par la France qu’en 1848, ce texte témoigne, selon l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, de la clairvoyance du philosophe, qui sut s’affranchir des structures de l’imaginaire dominant

Dans quelles circonstances avez-vous découvert ce texte ?

C’est une découverte un peu neutralisée, comme le système scolaire sait en produire. Un extrait quelconque dans un cours d’histoire ou de philo, je ne sais plus très bien. Mais, en ce temps, je n’avais pas de problématique particulière. L’humanisme des Lumières, pour moi, restait quelque chose d’un peu désincarné, en tout cas pas directement fonctionnel. Plus tard, les livres se sont réveillés, et je n’arrête pas de m’émerveiller de la clairvoyance de ces esprits magnifiques. Malgré des aveuglements liés à leur époque, ils sont étonnants de lucidité et surtout de générosité. Et puis cette capacité à sortir de soi, de sa quiétude et de sa prééminence, pour s’ouvrir à une altérité, lointaine, invisible, incompréhensible ou méprisable… C’est mon angoisse quotidienne que de me demander sur quoi je suis aveugle, quel est le grand crime actuel que je ne dénonce pas, dont je m’accommode…

Le texte de Condorcet arrive près d’un siècle après l’édiction du Code noir, qui ravalait des hommes au rang de  » biens meubles « .

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Aimé Césaire Précurseur d’une métamorphose. Tracé d’une aliénation par Rodolf Etienne

 

Aimé Césaire

 

Précurseur d’une métamorphose
Tracé d’une aliénation

 

 par Rodolf Etienne

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 I. Tracé d’une aliénation

 Eléments de définition

 

Puisqu’il en faut une pour ouvrir le débat, considérons la définition suivante du terme créole, tirée du dictionnaire Larousse,

 

n. et adj. d’abord attesté sous les formes hispanisantes crollo (1598), criollo (1643), puis francisé en créole, en 1670. Il est emprunté à l’espagnol criollo (1590), lui-même emprunté au portugais crioulo, seulement attesté en 1632 au sens de « métis noir né au Brésil ». Ce mot est dérivé, avec un suffixe mal éclairci, de cria, dérivé régressif de criar « élever » (espagnol criar), issu du latin creare, signifiant « créer ».

 (…)

L’expression  langue créole, attestée en 1688 et reprise au XIXème siècle, est probablement un emprunt direct au portugais, à en juger par la localisation de la première attestation relative au créole portugais parlé au Sénégal1. Et jusqu’à la fin du XIXème siècle, les créoles étaient considérées comme une simple altération du français, de l’anglais, du néerlandais, du portugais ou de l’espagnol.

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Louis Laouchez, une quête identitaire ardente pour ne pas mourir d’universalité

HC Editions rendent hommage au peintre Louis Laouchez qui occupe une place singulière parmi les artistes martiniquais. Ses sources multiples – africaine, caribéenne et européenne – également prégnantes et assumées, inventent l’artiste négro-caraïbe. Le fondement mental de son œuvre, lui aussi tripode – esthétique, éthique et politique – demeure toujours en prise directe avec les réalités de la Martinique.
Ses peintures sont dominées en fonction des époques, par des couleurs telluriques ou au contraire flamboyantes et témoignent toutes d’un fort travail de composition. Ces peintures affirment le lien entre la Caraïbe et l’Afrique, lien aussi présent dans ses totems : bois sculptés de grande taille, hiératiques, peints, dans lesquels on retrouve les signes et les figures qui habitent ses peintures et constituent son univers. Forte de sa puissance d’évocation, l’œuvre de Louis Laouchez impose un style d’une rare expressivité dans une légitimité culturelle libre. La diversité des matériaux et des moyens d’expression, l’investissement des registres figuratif et abstrait, l’usage dense des couleurs et des signes ouvrent cette œuvre à l’universel.
Quatrième de couverture


Louis Laouchez, une quête identitaire ardente pour ne pas mourir d’universalité
par Pr Bernard ZADI ZAOUROU de l’Université d’Abidjan-Cocody Abidjan

Depuis toujours, dans le monde noir comme ailleurs en Occident ou en Orient, s’est constamment développé un étrange motif de discussion relatif aux liens qui unissent le général au particulier, l’universel au spécifique.

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Gabriel Garcia Marquez – Une vie» de Gerald Martin

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 Les vies d’un homme nommé Marquez

 

— Par Étienne de Montety —

  – Cette biographie de Gabo a nécessité dix-sept années de travail.

 

En 1957, Gabriel Garcia Marquez est à Paris. Il vit dans la dèche, inconnu, désespéré de ne pouvoir s’adonner à ce vice impuni, l’écriture. Il erre dans les milieux latinos du Quartier latin. Un jour, il croise un colosse barbu qui porte jean et chemise de bûcheron et une casquette de base-ball. C’est Ernest Hemingway, son idole, qu’il apostrophe : «Maestro !» L’écrivain lève la main et lui répond d’une voix juvénile : «Adios, amigo !» L’anecdote comme tant d’autres est rapportée par le biographe de Garcia Marquez, Gerald Martin, dans un ouvrage dont le titre, Une vie, à la sobriété «maupassante», dit mal l’abondance de faits et d’analyses qu’il contient de bout en bout.

 

Le salut d’Hemingway a valeur d’adoubement. À l’époque, Garcia Marquez n’est pas encore entré en littérature. Il voyage en Europe (Berlin-Est, Moscou, Budapest), fourbit ses amis. Mais dans les années qui vont suivre, Gabo – le surnom de l’écrivain – va peu à peu sortir de sa gangue de personnage famélique.

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André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part

 

 

 

L’Arche n° 583, décembre 2006, p. 84-89
Par Francine Kaufmann
André Schwarz-Bart a choisi de ne laisser de son passage charnel sur cette terre qu’un mince filet de fumée blanche et quelques cendres. Il a été incinéré au lendemain de Kippour, le 3 octobre 2006, sur l’île de Grande-Terre, dans cette Guadeloupe qu’il avait choisie pour demeure. On se souvient de la dernière page de son chef d’oeuvre, Le dernier des Justes, consacré au massacre des communautés juives d’Europe : « Ainsi donc cette histoire ne s’achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s’assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie. »
Il est parti sur la pointe des pieds, comme il avait vécu. Rien d’étonnant, donc, si les jeunes générations connaissent à peine son nom et si les adolescents d’après-guerre se souviennent de lui comme de l’homme d’un seul livre, ce Dernier des Justes qui s’imposa avec évidence comme prix Goncourt 1959.

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Le désir, la jeune fille et la mère

 Par DOMINIQUE SELS écrivaine

Encore les seventies. J’étais adolescente. Je voudrais dire mon amitié à Roman Polanski,

j’espère qu’il va vite se tirer de là. Les mères n’osaient profiter de la liberté qui nous était naturelle, elles s’y hasardaient, alternant hardiesse et revirements vertueux. Je sais des histoires où la fille fut importunée par le désir de sa mère, sur elle projeté ; la mère la mène vers un homme mûr ; favorise un rapprochement ; son fantasme accompli par procuration, elle crie, soit chasse sa fille, soit s’indigne contre le monstre qui en aura abusé, et qui est en fait tombé dans le panneau. C’est pas la faute à Voltaire, toujours la faute à la fille ou à l’homme : pourvu qu’on n’attaque pas la moralité de la mère.

Protégeons les filles de leur mère plutôt que de Polanski. J’espère qu’aujourd’hui, les filles rencontrent des cinéastes pour une leçon de scénario ou de mise en scène, non pour des photos. Mesdames, n’en avez-vous pas assez de jouer les niaises depuis des millénaires ? Depuis quand un peintre ne couche-t-il pas avec son modèle ?

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Prix Nobel de Littérature 2009

Herta Müller, du Banat roumain à Hambourg

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Le pouvoir et le président de la République en particulier sont la cible des protestations sur l’île. Crédits photo : AFP

  » Nous sommes partis de chez nous avec notre tête, mais avec nos pieds nous sommes encore dans un autre village.  » Un art de la fugue.

À sa parution en français (1988), juste après l’arrivée d’Herta Müller en Allemagne (mars 1987), l’Homme est un grand faisan sur terre avait été pour le public français une révélation. Celui-ci découvrait des vérités cachées sur une minorité allemande, les Souabes de la Roumanie  » communiste « , et un auteur doué d’un style incomparable, qui creusait toutes les possibilités d’expression d’une naïveté acide. Six ans auparavant, Herta Müller avait déchaîné les colères et les tracasseries de la Securitate et de ses instruments en publiant Niederungen, une chronique impitoyable d’un village, d’une famille, d’une enfance traumatisée du Banat, province roumaine peuplée d’Allemands installés dans cette région danubienne depuis sa reconquête au XVIIIe siècle par le régime habsbourgeois ; la chronique d’un monde marqué par la peur et la haine, l’intolérance et la violence, d’un monde retardataire, rétrograde, muselé par un catholicisme putride et superstitieux, sur fond de gestion politique et économique calamiteuse pratiquée par un régime  » communiste  » corrompu ; de répressions et de survivance d’un passé fasciste à peine déguisé.

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La coulée de la Rivière Blanche, de Louis Boutrin

 

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<Louis Boutrin nominé
pour le Grand Prix littéraire des Caraïbes 2009

La « Coulée de la Rivière Blanche » est le premier roman de Louis Boutrin mais c’est son 5ème ouvrage. 

 

Le roman de Louis Boutrin, « La Coulée de la Rivière Blanche » (Éditions Edilivre) vient d’être retenu par l’Association des écrivains de langue française (ADELF) dans sa sélection 2009 du Grand Prix Littéraire des Caraïbes. Ce Prix a été créé à Paris en 1965 par l’Association des écrivains de langue française (ADELF).Il est destiné à distinguer un auteur francophone issudes Antilles(MartiniqueGuadeloupeHaïtiGuyane, etc.). Il est remis tous les deux ans. D’autres prix sont décernés par l’ADELF pour les diverses régions francophones.

L’écrivain Martiniquais Xavier Orville fut lauréat en 1979 pour « Délice et le fromager » (Editions Grasset). 

Liste des prix décernés 

1965 : Jean Price Mars (Haïti)
1967 : Raphaël Tardon (Martinique), décerné à titre posthume pour l’ensemble de son œuvre
1971 : Marie-Magdeleine Carbet (Martinique), Roses de ta grâce
1975 : Jean-Louis Baghio’o (Guadeloupe), Le flamboyant à fleurs bleues, Calmann-Lévy éd.

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Aliker contre Aubéry, l’Altruisme contre l’Argent

— Par Pierre Pinalie —

(« Château Aubéry », de Georges É.Mauvois)

 chateau_auberyÉtonnant et passionnant ouvrage, ce livre de Georges Éleuthère Mauvois, consacré à un héros martiniquais sordidement assassiné, le noble militant André Aliker, jeté ligoté dans la Mer caraïbe en 1934, sur ordre du richissime Eugène Aubéry, usinier régnant sur le domaine du Lareinty. L’auteur, qui fut avocat au temps où l’administration coloniale l’avait révoqué de l’administration des P.T.T., nous livre sur 118 pages un extraordinaire plaidoyer fondé sur les deux plans, le civil et le pénal.

 

 

Le journal « Justice » dans un monde injuste

 

Dans la première partie, une longue série de problèmes financiers nous est présentée autour de la construction du château Aubéry, et des relations d’Aubéry avec des membres de son milieu social. Les chèques versés à des magistrats permettent à la Cour d’appel de Fort-de-France de réformer les jugements de première instance, ce qui a pour effet de décharger en 1930 les Aubéry d’une condamnation et d’une amende. Et en dehors des affaires de la riche bourgeoisie, le nouveau châtelain Aubéry est très passionné par les combats de coqs, ce qui le rapproche de modestes citoyens martiniquais ou venus des îles proches, et lui fournit ainsi une main-d’œuvre particulière hors du travail de la canne à sucre.

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BIEN MÈSI MISIÉ PINALIE !

 

— par Serge HARPIN —

 

DICTIONNAIRE ÉLEMENTAIRE FRANCAIS/CRÉOLE

 

de Pierre Pinalie, Éditions L’harmattan, 2009

 

Il n’y a rien de plus humain que la tendance à « naturaliser » les acquis des luttes passées, à les appréhender comme s’ils allaient de soi, comme s’ils avaient toujours été. La « naturalisation » se fait le plus souvent par oubli ou ignorance. Elle est aussi quelquefois produite à dessein par la substitution du mythe à l’histoire : on raconte alors des histoires, ses désirs. On instrumentalise le passé. Il en est ainsi du combat pour la reconnaissance des Créoles en tant que langues comme pour tout le reste. D’où un devoir d’histoire qui commence toujours par un rappel des faits :

 

1970. Création de l’AMEP. Le créole est expérimenté comme langue d’enseignement, langue de transmission des savoirs.

 

– 1976. Option créole à l’UAG. Le créole entre dans l’enseignement supérieur. Proposition d’un système orthographique par le GEREC.

 

– 1977. Parution du journal GRIF AN TÈ. Le créole fait ses premiers pas comme langue de média écrit.

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« Avec Franz Fanon : percevoir, écouter, écrire, dire l’humain. »

  — Par Nabile Farès,  psychanalyste, Paris —

 

 

 

 

 

 

  1. Histoires, guerres et transmissions : violences, dégâts, détresses et traumatismes.

 

 

 

 

 

De nombreux mots pour dire que les textes de Franz Fanon, ceux que chaque lectrice, lecteur, rencontre en librairie, en bibliothèque, en discussion, témoignent d’une vive perception, écoute, écriture, et diction des violences et silences, impunités, qui, à travers les séparations, apartheids, mises à l’écart, viols, forclusions, destitutions structurales et singulières des civilités, ont marqué l’histoire, les sociétés, les individus d’aujourd’hui,  ne laissant nulle personne contemporaine, enfants, nouveaux-nés, femmes, hommes, personnes agées, nulle formation politique, dictature, tyrannie, démocratie, république, à l’abri des conséquences et reconstructions mémorielles et historiques qu’exigent de telles destructions et exclusions  historico- psychiques. Individus et sociétés sont marquées à la surface d’eux-mêmes, d’elles-mêmes et dans les profondeurs, strates, couches, de cette réalité historique et psychique liée : celle-ci étant plurielle, multiple, de surface lisible ou dite, par exemple, par la mise en ghettos, les différences territoriales de logements, de salubrité, les stigmatisations langagières et coutumières, les différences affirmées par la richesse et la pauvreté, les accès ou non aux soins, à la culture, auc cultures, les mises en retard, en question, refus, des langues, leurs acquisitions bénéfiques et différenciées, les ostracismes et anathèmes raciaux sous des légitimations religieuses porteuses de pensées, idéologies faillibles, les mises à mort et enfermements dits exemplaires, les destitutions et inégalités des représentations et histoires, les perturbations et aliénations de soi par des représentations et affirmations, dominations issues de l’Autre par introjection et précipitation du bourreau, du justicier, du vengeur héroïque, d’un maitre, essentiellement dominateur et cruel,  entrainant abandon et chute, détresse de ce que serait une prise en compte affirmation et protection de l’humain.

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«Le Grand Camouflage», de Suzanne Césaire

Suzanne l’aimée de Césaire

 Dissidence. «Le Grand Camouflage», recueil d’essais poético-politiques de la femme de l’écrivain martiniquais.

 

 

NATALIE LEVISALLES

 

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Suzanne CésaireLe Grand Camouflage. Ecrits de dissidence(1941/1945)Seuil, 130 pp., 14 euros, à paraître le 7 mai.

 

Tout commence quand un bateau faisant route pour New York et transportant des dizaines d’exilés (dont Claude Lévi-Strauss, Anna Seghers, Wifredo Lam, André Breton…) fait escale en Martinique. Breton, qui cherche un ruban pour la petite Aube, entre dans une mercerie de Fort-de-France, il tombe sur la revue et y lit des poèmes qui le bouleversent. Il demande à rencontrer son auteur, Aimé Césaire. La mercière, qui se trouve être la sœur du philosophe René Ménil, un des cofondateurs de la revue avec Aimé Césaire et sa femme Suzanne, met tout le monde en contact. C’est le début d’un réseau d’amitiés croisées et d’influences artistiques étonnamment fécondes.
«Le grand camouflage», l’essai qui donne son nom au livre rassemblé par l’écrivain Daniel Maximin, a été écrit par Suzanne Césaire en 1945, c’est un écho de cette journée, un texte poético-politique d’une grande énergie, à la fois lyrique et ancré dans la géographie et l’anthropologie de la Martinique.

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« Ainsi parla l’Oncle » suivi de « Revisiter l’Oncle » de Jean Price-Mars

 ISBN : 978-2-923713-03-8

520 pages

PRIX : 39.50$

En librairie dès le 24 février 2009

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Vient de paraître aux éditions Mémoire d’encrier

Ainsi parla l’Oncle, paru pour la première fois en 1928, est le premier manifeste de la condition noire. Cet ouvrage a influencé l’oeuvre et la pensée des auteurs du mouvement de la négritude comme Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas.

 

Réédité dans un nouveau format, avec une iconographie nouvelle (paysages et figures de l’Afrique et d’Haïti), cet ouvrage propose une relecture de cette oeuvre monumentale qui a servi de bréviaire aux intellectuels des peuples noirs. Pour penser le monde, pour comprendre les mécanismes de l’aliénation, soit du «bovarysme culturel», Jean Price-Mars a mis en avant les traditions, les légendes populaires, le vaudou et tout l’héritage africain qui fondent les cultures noires.

 

Ainsi parla l’Oncle est suivi du collectif Revisiter l’Oncle qui réévalue les incidences et résonances de cette oeuvre dans le monde entier. Revisiter l’Oncle accueille les textes de Maryse Condé, Dany Laferrière, Jean-Daniel Lafond, Raphaël Confiant, André Corten, Jean Bernabé, Léon-François Hoffmann, Maximilien Laroche, Jean Morisset, Romuald Fonkoua, Alain Anselin, Carlo A.

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« L’intraitable beauté du monde » par Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant

Toute l’œuvre d’Édouard Glissant a appelé de ses vœux un événement comme celui qui vient de se produire aux Etats-Unis : Barack Obama est l’incarnation de ce qu’il nomme depuis trente ans la « créolisation » du monde.

Son élection est un fait sur lequel on ne peut désormais plus revenir. Qu’est-ce que Barack Obama fera de cette victoire ? C’est aujourd’hui impossible à dire.

Dans cette lettre ouverte écrite un an après Quand les murs tombent, Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau s’adressent au 44e président des États-Unis, premier Africain-américain à accéder à la Maison Blanche, et appellent à une réflexion entre poétique et politique sur ce que pourrait être demain l’action d’Obama, président de la première puissance mondiale.

 

En voici un extrait :

 

 

“C’est une rumeur de plusieurs siècles. Et c’est le chant des plaines de l’océan.

 

Les coquillages sonores se frottent aux crânes, aux os et aux boulets verdis, au fond de l’Atlantique. Il y a dans ces abysses des cimetières de bateaux négriers, beaucoup de leurs marins. Les rapacités, les frontières violées, les drapeaux, relevés et tombés, du monde occidental.

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Widad Amra à la Bibliothèque Schoelcher : la poétesse assassinée

 

— par Selim Lander —

Ma voix ténue de femme

en oriflamme

tremble de si peu de lumière.


Widad Amra est professeur de lettres au couvent de Cluny. Elle y préside aux destinées des classes à option théâtre dont on a pu admirer quelques remarquables productions lors des dernières rencontres académiques, au mois de juin dernier. Elle est aussi poète et présentait son dernier opus, Salam Shalom (L’Harmattan, 2008) à la Bibliothèque Schoelcher, le vendredi 14 novembre 2008. Alors que tant de poètes ne parviennent pas à communiquer oralement leurs œuvres, Widad Amra sait dire la poésie comme une comédienne confirmée, ce qui ne l’a pas empêché de donner de son texte une lecture pleine d’émotion et de sincérité.

Elle pratique une poésie sans contrainte de mètre ou de rime, une absence de règle qui se révèle trop souvent pleine de risque, comme le démontent tant de textes contemporains qui n’ont d’autre mérite que la bonne volonté (ou la naïveté) de leurs auteurs. Ce n’est nullement le cas ici, même si l’on doit admettre avec humilité que la poésie contemporaine présente tout autant de risque pour le critique que pour l’auteur.

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« Salam Shalom » de Widad Amra

— Par Pierre Pinalie—

 Salam Shalom de Widad AMRA

Il s’agit d’une belle poésie qui s’étire et se chante comme une cantate longue et fine, une expression émise par une femme apparaissant en tant que symbole ethnique, linguistique et géographique. Sous sa plume, on se sent quelque peu au centre du monde, comme si la terre avait un axe autour duquel nous tournons tous, et le désir de l’auteur s’envole vers un espoir de paix. La série de jugements politiquement exprimés révèle une atmosphère difficile où le fanatisme crée des horreurs à l’image des doigts d’un artiste chilien coupés par l’abominable dictateur d’un pays où la liberté fut muselée pendant longtemps.

 

Il y a dans le titre un très émouvant bilinguisme fondamental dans lequel deux langues, deux sociétés, deux philosophies expriment la paix entre les humains. Il y a là, donc, la plus profonde prière pour l’amour des uns pour les autres sur une planète où, malheureusement, l’attentat et la haine se répètent dans la quotidienneté. Widad, l’auteur, est le fruit d’un métissage réalisé sur une île où flotte, chez certains incurables malades, un racisme aussi condamnable que celui que pratiquaient les esclavagistes d’hier.

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« Salam Shalom » de Widad Amra

—de Roland Sabra —

Salam Shalom ( Arshav)

Un livre de Widad AMRA

Arshav voilà le mot que l’on a envie d’ajouter au beau titre que nous offre Widad Amra. Shalom Arshav, la Paix Maintenant, est en effet un mouvement extra-parlementaire fondé en 1978 par 348 officiers de réserve et soldats de Tsahal qui, inquiets de l’évolution politique, déclaraient : «  nous aurions du mal à accepter un gouvernement qui préférerait exister dans les frontières du « Grand Israël » plutôt qu’exister en paix avec ses voisins. Un gouvernement qui préférerait les colonies au-delà de la ligne Verte au règlement de ce conflit historique par la normalisation des relations dans notre région nous poserait un problème quant à l’attitude que nous devrons avoir. Une politique qui provoquerait la perpétuation de la domination d’un million d’Arabes porterait atteinte au caractère juif et démocratique de l’Etat, et nous aurions du mal à nous identifier avec la voie choisie par l’Etat d’Israël. »

L’opuscule que nous livre Widad Amra est singulier. D’abord parce qu’il s’agit d’un texte personnel, tout à fait particulier, écrit à la première personne, ensuite parce qu’il sort totalement de l’ordinaire et qu’il mérite d’être remarqué par ses traits peu communs, et enfin parce qu’il recèle une densité, une épaisseur assez rare.

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« Houellebecq au laser » de Bruno Viard

Compte-rendu de Michel Herland.

Bruno Viard : Houellebecq au laser – La faute à mai 68, Nice : Éditions Ovadia, 2008, 125 p.

 

 

  moraliste malgré lui :

« La pratique du bien est une liaison, la pratique du mal une déliaison »,

M. Houellebecq, Les Particules élémentaires, p. 377.



 

La publication récente des mémoires de la mère de Michel Houellebecq (MH) a permis de mesurer combien l’œuvre de MH était marquée par l’expérience personnelle de l’auteur. Dans un petit livre que l’on ne saurait trop recommander à tous les admirateurs de MH, Bruno Viard (BV), professeur de littérature française à l’Université de Provence, spécialiste des dix-neuvième et vingtième siècles, rapproche la souffrance filiale de MH de celle d’un Balzac : « Si vous saviez ce qu’est ma mère, écrivait ce dernier à madame d’Abrantès, c’est à la fois un monstre et une monstruosité » (BV p. 96). Les Particules élémentaires, le roman sans doute le plus abouti de MH, peut être lu ainsi comme le cri d’un fils abandonné qui n’en peut plus de cracher sa haine à la face de celle qui lui a refusé l’amour que pourtant elle lui devait, et qui, par extension, s’en prend à l’humanité tout entière dont il noircit à plaisir le tableau.

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« Le choix des âmes », d’Olivier Larizza

—Par Roland Sabra —

C’est une histoire d’hommes. Une histoire d’hommes dans la tourmente de la première Guerre Mondiale. Une montagne d’Alsace, le Viel-Armand, surnommée HWK pour « Hartmannswillerkopf », est l’enjeu d’un combat aussi absurde, que meurtrier. Des milliers de soldats de chaque coté du front vont mourir là sans que les positions d’un des deux camps aient fini par bouger à la fin du conflit. Le narrateur, qui parle à la première personne du singulier est un horloger de trente-deux ans qui, dans la boucherie, fait figure de survivant et donc de vétéran.  A quoi rêve Gaspar? Á sa Doudou martiniquaise, grosse de ses œuvres et qui l’attend dans la maison familiale. L’attente est longue, à l’arrière comme au front. La mort est là omniprésente et le cœur de hommes se donne à dire sur les présences plutôt que sur les absences. Il y a là d’autres hommes dont les vies, comètes dans le ciel de la guerre, ne pèseront pas plus que la lumière éphémère qui les soutient.

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« Le Tremble », de Denise Bernhardt

 

« Le Tremble »
poesie

La forêt est si dense
Que les chemins serpentaires
Se coulent sous les feuillages
Et des berceaux de lumière
Ont fait leurs nids dans les ronciers.
Le tremble des acacias
Veillera sur nos étreintes blotties
Sous les surgeons des châtaigniers.
Viens, l’herbe est si douce
Et ton sexe de jeune daguet
Se fait velours sous mes doigts.
Glisse -toi comme j’aime
Par effraction d’amour
Dans la ville interdite
Toute laquée de pourpre
Pour que se dilue ton histoire
En strates de plaisir.
Nos ardeurs ont mêlé nos racines
Ne pars pas, ne pense pas !
Ma vie toute entière tient entre tes mains
Tu es le maître de la lampe.
Je veux laisser mes doigts se prendre
A la résille drue de tes cheveux,
Et que ta langue me butine
Comme un papillon de nuit,
Je veux que nos cuisses se débattent
Telles des truites vives
Sur les herbes humides,
Et que tes caresses, mon amour
Soient une moisson de goémons
Ruisselants sur nos corps.
Ne pars pas,
Chaque absence déchire
Des fragments de ciel.
Écoute le silence des pierres
Tout un monde palpite
Dans leur danse immobile.

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