— Par Dany Laferrière —
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Dany Laferrière |
Dans quelle langue écrivez-vous ?, me demande Le Monde. Bien sûr le mot langue qui tient un certain nombre d’écrivains, ceux du Tiers-monde notamment, à la porte de la littérature – on arrivera un jour à la question du style -, est encore là, mais la vieille question a changé si radicalement de forme que j’ai dû la relire trois fois pour bien la comprendre.
J’étais habitué à ce qu’on me fasse le reproche de ne pas écrire dans ma langue maternelle. Comme si un huissier m’indiquait brutalement que le terrain sur lequel je venais de construire ma maison ne m’appartenait pas. Avec cette dernière question, j’ai l’impression d’avoir enfin le choix. Un vent frais. Et si je la garde un peu dans ma main, la retournant dans tous les sens, comme un enfant fait avec un objet étrange et beau qu’il vient de trouver et dont il se demande à quoi ça peut bien servir, c’est que je veux savourer le moment. En vingt-cinq ans de présence sur la scène littéraire, c’est la première fois que je ne me gratte pas l’avant-bras avant de répondre à une question.