Catégorie : Littératures

La pratique écrite du créole haïtien, entre fiction et diction. * Tèks envante, tèks lide ak tèks tradwi !

Par Jean-Durosier DESRIVIERES

En dehors d’autres outils sans doute de grandes valeurs, les haïtiens disposent, de façon légitime et légale, de deux langues – le créole et le français – pour investir pleinement leur imaginaire. A l’instar des vrais bilingues se permettant de passer d’un territoire linguistique à l’autre sans failles, notamment sur le plan oral, je m’autorise un exercice similaire dans ce texte (ainsi commandé), dépourvu pourtant de tout esprit démagogique et de toute sensibilité au quota. En ce sens, je ne saurais ignorer mon adhésion aux concepts et notions largement mis en valeur par Robert Berrouët-Oriol dans ce lumineux ouvrage collectif (autres collaborateurs : Darline Cothière, Robert Fournier et Hugues St-Fort), d’une extrême rigueur méthodologique, qu’il a coordonné : L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions [1] , lequel fait l’éloge de la francocréolophonie haïtienne et propose une convergence linguistique dans l’enseignement et la pratique des langues au pays. J’y reviendrai.

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« Le Printemps de la fée Cassandre » de Michèle CAZANOVE

par Scarlett JESUS

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Après La Geste noire : La Chanson de Dendera (l’Harmattan, 2009), Michèle Cazanove vient de publier un second roman, Le Printemps de la fée Cassandre, sous-titré « Un printemps haïtien » (Edilivre.com). Dans ce roman, Alice, la narratrice, prend en charge un récit rétrospectif qui s’adresse à sa fille Cassandre. Ce récit relate l’enfance de Cassandre jusqu’à ses quinze ans, le printemps de sa vie, les relations qu’elle entretient avec sa mère, ainsi que l’univers dans lequel elles évoluaient toutes deux à Haïti.

S’agit-il pour autant d’un « récit de vie », renvoyant au genre du roman d’apprentissage, centré sur le cheminement de Cassandre, désigné comme étant le personnage principal ? Le titre semblerait  l’indiquer. Toutefois, le personnage de la Mère, ses sentiments, ses émotions et les propos rapportés (ceux qu’elle a tenus, ou ceux qu’elle s’autorise au moment de l’écriture), occupent le devant de la scène. Ne serait-elle pas en réalité le véritable protagoniste d’un récit qui relate davantage son propre « apprentissage » de la réalité (celle, générale, de la vie, mais aussi celle, sociale, d’Haïti) que celui de sa fille?

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Recension du roman de Yann Garvoz :Plantation Massa-Lanmaux

 

par Michèle Bigot*,

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Flagellation d’une femme esclave. Surinam. 1770

–Plantation Massa-Lanmaux est le premier roman d’un jeune écrivain qui ne manque pas de verve. La dimension romanesque de cet ouvrage le dispute à sa fibre poétique et à sa force réaliste.

L’originalité de l’ouvrage consiste avant tout dans le contexte qu’il met en place ; l’univers est celui d’une plantation dans une des îles de Guadeloupe à la veille de la révolution. Dans ce cadre propice à tous les débordements, vont s’affronter les idéologies progressiste et conservatrice autour des enjeux moraux et matériels spécifiques de l’exploitation des esclaves dans une économie de plantation. Chacun de ces courants de pensée est incarné par les deux protagonistes, père et fils, M de Massa et son fils Donatien. Celui-ci est le digne héritier du divin marquis dont il porte le prénom, épigone aussi ambigu que son maître, comme lui philosophe des lumières, anticlérical, athée, porteur des idées de progrès et comme lui porteur d’un érotisme associé à des actes impunis de violence et de cruauté (fustigations, tortures, meurtres, incestes, viols, etc.). Celui-là incarne une figure de maître débonnaire et hypocrite, surtout versé dans un scientisme mathématique (nouveau d’Alembert exploitant les données du calcul infinitésimal) qui fait bon ménage avec le clergé tant que celui-ci protège ses intérêts d’esclavagiste.

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« Le dynamiteur de pissotières » de Gérard Oulion : un roman explosif !

 

 — par Laurence AURRY —

 

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Gérard Oulion n’en est pas à son coup d’essai. Le Dynamiteur de pissotières, est son quatrième roman. Un petit roman qui refuse de se prendre au sérieux. Tout un programme, savamment préparé, calculé, exécuté. Il s’agit, en effet, d’un jeune retraité qui décide de mettre à profit son temps libre pour réaliser une œuvre édifiante, absurde et dérangeante. Le parfait employé de bureau, sans reproches et sans ambition qui veut marquer d’une manière originale et déroutante son opposition à la société, son ras le bol des politiques d’appauvrissement et d’abêtissement. Une belle satire de notre société mais sans formalisme et surtout sans sérieux. Personnage et auteur refusent de se prendre au sérieux. Pas des révolutionnaires, non, mais des empêcheurs de tourner en rond, des contradicteurs qui prennent pour cible un symbole de notre architecture moderne : les sanisettes.
L’humour et la fantaisie promènent le lecteur dans cette déambulation savoureuse à la frontière entre les genres. Récit atypique qui se joue des genres et les pervertit : détournement du roman de formation avec un retraité qui s’initie aux arcanes des explosifs – il n’est jamais trop tard pour goûter aux plaisirs- ; détournement du genre de l’essai avec un narrateur impertinent qui joue sur les nerfs du lecteur à la manière d’un Sterne ou d’un Diderot pour nous faire part de ses considérations personnelles ; détournement du roman d’aventures avec les nombreuses digressions aux moments les moins attendus, le tout dans une langue brillante et littéraire.

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« Plantation Massa-Lanmaux », de Yann Garvoz

par Michèle Bigot

Recension du roman

 

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Flagellation d’une femme esclave. Surinam. 1770

 

Plantation Massa-Lanmaux est le premier roman d’un jeune écrivain qui ne manque pas de verve. La dimension romanesque de cet ouvrage le dispute à sa fibre poétique et à sa force réaliste.

 

L’originalité de l’ouvrage consiste avant tout dans le contexte qu’il met en place ; l’univers est celui d’une plantation dans une des îles de Guadeloupe à la veille de la révolution. Dans ce cadre propice à tous les débordements, vont s’affronter les idéologies progressiste et conservatrice autour des enjeux moraux et matériels spécifiques de l’exploitation des esclaves dans une économie de plantation. Chacun de ces courants de pensée est incarné par les deux protagonistes, père et fils, M de Massa et son fils Donatien. Celui-ci est le digne héritier du divin marquis dont il porte le prénom, épigone aussi ambigu que son maître, comme lui philosophe des lumières, anticlérical, athée, porteur des idées de progrès et comme lui porteur d’un érotisme associé à des actes impunis de violence et de cruauté (fustigations, tortures, meurtres, incestes, viols, etc.).

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Plantation Massa-Lanmaux

Massa-Lanmaux : Une superbe dérive

par Michèle Matteau

En vase clos

Nous voici au XVIIIe siècle, dans une plantation des Antilles, sise sur un îlot jeté au large d’une grande île dont nous n’apprendrons jamais le nom. La plantation Massa-Lannaux est un monde recroquevillé sur lui-même où tout peut arriver…

Rappelé par son père, le fils du maître rentre sur La Justine s’occuper de la plantation familiale. Mais son séjour dans la France des Lumières a transformé le jeune homme. Poussé par des convictions philanthropiques, il tente d’humaniser le domaine. Il ne récoltera que désordre et révolte. Pendant que le doute s’infiltre chez les maîtres catholiques, le vaudou, lui, commence à souder leurs esclaves qui, arrachés à différentes parties de l’Afrique, restaient jusque-là des étrangers. Une société s’effrite, l’autre se tisse.

Le drame se joue en vase clos et maîtres et esclaves voient leurs destinées enchaînées les unes aux autres. Comme Sade, le personnage central se prénomme Donatien, un choix motivé par l’admiration que l’auteur voue au « divin marquis ».

La recherche d’authenticité

L’oeuvre est merveilleusement documentée et Yann Garvoz a l’érudition modeste : jamais il ne fait peser sur le lecteur le poids de son imposante recherche.

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Respect pour ce peuple martyrisé et offensé

— Par Philippe Pilotin

Pour nos ancêtres, ayons une pensée…

Et souvenons-nous de ce qu’ils ont enduré.

L’âme tourmentée, le cœur brisé et l’esprit hanté,

Ils ont quitté par la force leur Afrique tant aimée

En gardant en eux, l’espoir un jour d’y retourner.

Mais hélas ! Ces barbares les en ont empêchés.

Derrière eux, ils ont laissé des gens peinés.

Combien de familles et de couples brisés ?

Considérés comme de la marchandise à exporter,

Ils étaient sans scrupule troqués par leur geôlier.

La plupart venaient du Bénin, du Congo ou de Guinée.

Ils étaient pourchassés, enchaînés puis enfermés.

Dès leur capture, leur identité était confisquée.

Nos mères, leurs sœurs et leurs filles étaient violées.

En partance de Ouidah ou de la belle île de Gorée,

La religion catholique a vivement approuvé.

Cette main d’œuvre à bon marché était convoitée.

Une mine de diamant pour ces conquérants assoiffés.

Attachés, méprisés et frappés durant la traversée,

Ils ont été rabaissés dans leur dignité sans aucune pitié.

Au fond de la cale des détestables et insalubres négriers,

Sans humanité, on les a entassés par centaine de milliers.

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L’émerveil potager.

par Kenjah

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 Madame Poule prend la plume

Auteur Jacqueline Labbé
Editeur Thot Eds
Date de parution 08/03/2011
ISBN 2849212032

Il se pourrait que le dernier opus de Jacqueline Labbé, « Madame Poule prend la plume », passe pour un livre de « contes » (comme on dit parfois pour ces auteurs retombés en enfance et qui béatifient leur innocence artificielle d’un plat moralisme), Mme Labbé étant connue pour ses bwabwa et sa simplicité. Il se pourrait même que ce petit ouvrage de 120 pages passe pour un bouquin de plus, au sein d’une production antillaise pléthorique, mais ô combien inégale. C’est là, qu’à mont tour, il me faut prendre la plume. Pour dire, « Attention, petite merveille ! ». Le coup du fakir qui tient son naja et ne le lâche plus. Un pur plaisir de lecteur flâneur. Entre du Bach et du Max Cilla, avec des plages de Fall Frèt et de Féfé Maholany, Mona et Chico Jehelman tout semblés, itou Hurard et Barrel en léger fond… Quelque chose d’inclassable, qui relève autant de l’anthropologie que de la poésie.

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Anthologie de la peinture en Guadeloupe

Plus de 300 œuvres de 41 artistes, un ouvrage de dimension encyclopédique
Cette Anthologie de la Peinture en Guadeloupe, des origines à nos jours a pour ambition de faire mieux et plus largement connaître les richesses du patrimoine artistique et culturel guadeloupéen. Elle entend donner aux peintres guadeloupéens, toutes époques confondues, leur véritable stature d’artistes, assortie de la place qui, logiquement, revient à la peinture guadeloupéenne dans l’histoire réinterrogée de l’art.
Cet ouvrage s’attache à retracer, dans une perspective historique, les étapes d’un processus : genèse, évolution, maturation et émergence des arts plastiques en Guadeloupe.
La première partie décrit l’histoire de la peinture en Guadeloupe à travers quatre études, rédigées par des spécialistes : La peinture dans l’art amérindien des Antilles ; L’expression plastique en Guadeloupe du XVIIIe au milieu du XIXe siècle ; 1848-1960, constitution d’une identité picturale et enfin Convergences et divergences : la peinture en Guadeloupe à partir de 1970.
La seconde partie présente, pour chaque période, du XVIIIe siècle à nos jours, les plasticiens les plus marquants : une sélection de 41 artistes, de 41 monographies illustrées de plus de 300 tableaux expliqués par un écrivain, un critique d’art ou par l’artiste lui-même.

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Katherine-Marie Pagé Rire, sourire, vivre, malgré la misère

Jean-Durosier Desrivières vous ouvre ses archives
N°10: Entretien avec Katherine-Marie Pagé

Jean Durosier DESRIVIERES
20. Avril 2011

J’ai rencontré Katherine-Marie Pagé à Fort-de-France, en avril 2004. Cette juriste devenue photographe a sillonné les campagnes haïtiennes et a vécu dans l’intimité des gens du pays en dehors, le monde des paysans. Elle témoigne, par des images, de leur richesse intérieure et de leur ardent désir de vivre.

Jean-Durosier Desrivières : Votre premier ouvrage qui est un livre d’images s’intitule Haïti, un autre regard… Parlez-nous-en.

Katherine-Marie Pagé: Haïti, un autre regard…, c’est un livre que j’ai eu l’occasion de sortir après avoir déjà sillonné pas mal le pays, exposé des photographies en Haïti. Et voyant la réaction des gens face à mes photographies, j’ai vraiment eu envie de continuer le travail que j’avais commencé là-bas: de montrer d’Haïti ce que moi j’en avais vu, ce que j’avais vécu. Je l’ai appelé Un autre regard, parce que c’était réellement une image différente de cette image de misère dont on nous martèle en permanence. Et je crois que la misère est tellement là, on la sent, on la voit… elle est partout.

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« Tâche d’encre aux poumons » , de Jean-Durosier Desrivières

stylo

Je ne sais plus parler

Je ne sais plus parler mesdames

Mesdemoiselles et messieurs

Parce que ma tête pense et croit nécessaire

D’ordonner à ma main

De foutre à mes doigts une expansion de doigts

Qui s’arroge le droit de foutre à ma bouche

Une expansion de gueule

Qui elle se prend pour je ne sais quelle

Cheminée

Persuadée qu’elle pourra réchauffer

A la fois de l’hiver-du-gwo-pwèl-

De-la-solitude-et-de-la-mélancolie

Ainsi comprenez bien mesdames

Mesdemoiselles et messieurs

Je ne sais plus parler…

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Poèmes de Mady

Les Agoodjiés

Un lourd silence règne sur kotopka.
Un silence comme un frêle fil trop tendu
quand il casse c’est l’assaut
des cris de guerres mais des cris de femmes
Même combattant comme des lionnes
plongeant sous les pluies de balles
les vieux chasse-pots ne valent pas
les étincelants fusils neufs
Nan Ahouannaton ta bravoure n’empêchera pas votre sang de couler
Puis Abomey tomba

Panama



Porte de l’Amérique du sud
Autrefois tu étais Colombien
de nos jours tu te dis Panaméen
Tu as déjà deux bandes rouge et blanche
serais tu le cinquante-cinquième ?
Te souviens tu de 1989
ce jour où on a spolié ta souveraineté
sous un faux prétexte.

Les embarcations passant en ton sein
ne sont point régis par tes frêles mains
mais par des tentacules dégoulinantes de ketchup.

Ce qu’il est beau de voir sur tes terres
n’est point des vieux élégants arborant des panamas
chapeau que l’on ne voit qu’en étalage
il est beau de rencontrer les indigènes Kuna.

N’y allez pas pour voir de beaux bateaux de beaux chapeaux
mais pour une rencontre humaine.

Gâchis



je distille l’égoïsme
décante l’espérance
j’attends le déluge
ou j’expie mes péchés
dans l’enfer inexpugnable
des suppôts du système

J’exècre, j’excrète
je crache, sur l’épouvantable Babylone
mais je veux y placer un rouage
pour en exprimer
un dividende

j’attends une réponse
je suis prisonnier
derrière ses faux murs
prisonnier qui a une clé

je sors, et j’observe
ce qu’est la côte riche
ils marchent en ligne
avenue Coca-Colone
entre deux Mac dollar

les seuls qui m’ont parlé
m’ont demandé de l’argent
pour le mac feliz

Cela me gêne



La base de leur pensée est l’écu
leurs motivations pécuniaires
Nous avons huit soucis principaux
Nous avons huit douleurs
Au dos, à l’estomac,
aux entrailles, a l’occiput,
au porte monnaie, une à venir ,
à la fierté, au cœur.

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« Puis le choix de l’atome » : Pour une Poétique des Possibles.

 —  par Scarlett JESUS —


Le Gaïac est un bois brun verdâtre très dur. Il est aussi appelé “bois saint” ou “bois de vie” (anglais lignum vitae). On trouve cette essence dans les Amériques tropicales, par exemple dans les Antilles et au Venezuela. Guaiacum officinale et Guaiacum sanctum sont des petit arbres du genre Guaiacum de la famille des Zygophyllacées

 

 

Voici un ouvrage qui mériterait d’être lu par d’autres que les quelques rares privilégiés qui ont eu la faveur d’acquérir ce recueil sorti fin 2010. Un ouvrage qui révèle, à travers une écriture poétique contemporaine originale, un poète guadeloupéen s’inscrivant dans la lignée de MALLARMÉ, le père de la modernité poétique, et de SAINT-JOHN PERSE. Comme lui, ce poète écrit sous un pseudonyme. Il emprunte à MALLARMÉ son prénom, Stéphane, et se dote d’un patronyme quelque peu sibyllin « Od-Ray Gaïac ». Aux prénoms de ses deux parents et au nom d’un arbre des forêts guyanaises, au bois très dur, le gaïac, le poète associe d’autres éléments : un prénom féminin, Audrey, en référence possible avec une muse du 7ème art, Audrey Hepburn ; le nom d’un jazzman, Ray Charles,  précédé d’un curieux Od, peut-être l’abréviation médicale du latin oculus dexter (œil droit).

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Le printemps des poètes 2011 à la bibliothèque Schoelcher

— Par Christian Antourel —

 


 Par Christian Antourel

Chaque année au mois de mars, nous revient cette manifestation attendue dans tout l’hexagone. Intitulé cette année »Année de l’Outre-mer français » chez nous, c’est l’occasion de présenter cinq rencontres littéraires et poétiques, afin de célébrer et faire découvrir la poésie à travers cinq univers  d’auteurs.
Travelling annuel dans  l’histoire de la poésie. Le Printemps des Poètes 13 ème édition, est cette expression sans laquelle des œuvres du plus grand intérêt, resteraient cantonnées au  rôle accessoire et ornemental dans le paysage  littéraire. Au lieu de ce destin auquel  les condamnait le désengagement  d’une certaine presse spécialisée et des lecteurs non informés : Le Printemps des Poètes,  véritable ballet des mots et du geste poétique, s’impose comme le rendez-vous incontournable et promotionnel de la poésie.

 

Les intervenants ;

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WIDAD AMRA

Elle  parvient dans son écriture à recréer une époque, une histoire sociale derrière un  voile d’apparences  et de sonorités pures  jusque dans les entrelacs et les émanations   d’une humanité  à  l’infinie générosité.

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« Borlette, géoposie » de Max Jeanne

— Par Scarlett Jesus —

Max JEANNE : Honneur et respect pour HAÏTI.

par Scarlett JESUS

Haïti est l’objet d’un intérêt tout particulier en Guadeloupe. En décembre, Evelyne TROUILLOT recevait le Prix CARBET pour son roman La Mémoire aux abois. Le mois suivant, le public était invité à applaudir Ayiti, écrit et interprété par Daniel MARCELIN. Enfin, la semaine dernière, Max JEANNE publiait aux éditions NESTOR son quatrième recueil de poésies : Borlette. Ce titre, qui désigne un jeu de hasard à deux chiffres très prisé par les Haïtiens, est une métaphore pour désigner le destin d’un pays sur lequel s’abattent tous les malheurs : misère, cyclones et tremblement de terre meurtrier du 12 janvier 2010.
Le genre poétique auquel se rattache ce recueil est ouvertement affiché : il s’agit de « géopoésie ». Ce terme n’est pas tout à fait nouveau. Utilisé par Italo CARVINO en 1984, il a été repris par un autre écrivain Guadeloupéen, Daniel MAXIMIN, dans un essai, publié au Seuil en 2006, Les Fruits du cyclone, une géopoétique de la Caraïbe. Il désigne une volonté d’exprimer la culture d’une région en rendant compte du rapport particulier des habitants de celle-ci avec leur terre, le « paysage » sur lequel ils vivent.

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« Plantation Massa-Lanmaux », de Yann Garvoz

par MAURICE MOURIER —

 3 mars  2011

 YANN GARVOZ, PLANTATION MASSA-LANMAUX Maurice Nadeau, 312 p., 24 €

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Au XVIIIe siècle, le jeune fils d’un planteur des « colonies », après des études en France qui l’ont mis au contact des idées philanthropiques des Lumières, rentre au pays. La plantation de canne à sucre de son père fonctionne, selon l’ancien système éprouvé, sur la soumission absolue des esclaves au maître. Imprégné d’utopie rousseauiste, Donatien, qui porte le prénom du Divin Marquis, va essayer de moderniser et d’humaniser le domaine. Ce livre étrange, aux deux tiers réussi, raconte son échec.

Voyons d’abord les éléments de la réussite littéraire, qui est souvent très notable. S’agissant d’un texte et non d’une étude historico- sociologique, cette réussite repose, comme il fallait s’y attendre, sur le style. Yann Garvoz, qui est clairement perfectionniste, s’est proposé une gageure : travailler la pâte verbale, abondante et riche, de son livre, en imitant, transposant, pastichant à la fois l’oeuvre sadienne et la prose précise de l’Encyclopédie, de La Nouvelle Héloïse ou (parfois) de Bernardin de Saint- Pierre. Mais cela n’est rien.

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Hommage à Gérald Bloncourt, par Widad Amra, poétesse.

Autour de Gérald Bloncourt.
Intervention à la bibliothèque Schoelcher le Jeudi 17 Février 2011.


 

Monsieur Bloncourt

Je connais votre pays. J’aime votre pays dans ce qu’ il offre de créativité dans une grande diversité, dans ce qu’il offre de résistance dans le temps, dans ce qu’il offre de dignité, et dans ce qu’il dit de l’humanité. Et cela, au delà, de tous les Malgré. Passés et présents.

Mais vous, Monsieur Bloncourt, avec tout le respect que je vous dois, je ne vous connaissais pas.
Jusqu’à ce livre…Jusqu’au hasard amical qui a mis ce livre entre mes mains.
Et je dirais comme Jean Claude Charles, qui a écrit votre préface, mon étonnement.
«  A la fin des années 60, en Haïti, je ne connaissais pas l’existence de Gérald Bloncourt.

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Glissant, poète du partage créole

— Par René de Céccatty —

Depuis des décennies, l’œuvre romanesque et poétique de ce « passeur d’écumes » s’accompagne d’une réflexion complexe, sur l’identité créole, miroir de compréhension de notre monde

 

Édouard Glissant est né en 1928 à Sainte-Marie, en Martinique. Il entreprend des études de philosophie à la Sorbonne en 1946 et vivra à Paris jusqu’en 1965. Docteur ès lettres, il fonde l’Institut martiniquais d’études et une école selon un système alternatif d’éducation. Son premier recueil de poèmes, Un champ d’îles, paraît en 1953. Il publie dès lors régulièrement des pièces de théâtre, des poésies, des essais et des romans. La Lézarde (1958) lui vaut le Prix Renaudot. Il collabore à de nombreuses revues, Présence africaine, Critique, Les Lettres nouvelles. En 1971, il fonde la revue Acoma. De 1982 à 1988, il dirige le Courrier de l’Unesco. Il vit à New York où il tient une chaire de littérature. 

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E. Glissant : continuer nos combat et le débat!

 — par Philippe Pierre-Charles —

 

La foule présente aux cérémonies pour celui qui s’en va, les présences officielles du pouvoir sont une nouvelle preuve des changements de la situation politique aux Antilles. Derrière l’écume des événements en surface, le pays continue de bouger. Le combat passionné d’Edouard Glissant et de tant d’autres, celui du peuple, tout simplement n’est pas vain. Devant sa dépouille prenons l’engagement de poursuivre les combats et de continuer à interroger œœuvre !
 
Notre attachement à Edouard Glissant (E.G. dans la suite) ne résulte pas d’un accord avec tous ses actes, tous ses écrits dont aucun parmi nous n’a lu ni discuté l’intégralité. Penseur infatigable, écrivain puissant, il laisse une œœuvre multiple dont l’exploration doit continuer. D’autant que même devant des désaccords évidents, une complexité fascinante et une opacité irritante, il nous oblige à penser, avec notre propre tète. A penser et à rêver aux cotés des personnages de ses romans qui sont souvent l’illustration étonnante d’une théorie, d’une vision historique. Ainsi pour son idée du peuple martiniquais, synthèse de « l’humus sauvage » des Longoué et du « terreau domestique » des Beluse, synthèse dont l’épaisseur et la richesse comptent autant que les événements emblématiques de notre histoire.

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Monsieur Glissant

— Par Manuel Norvat —

Auteur d’une thèse en cours d’écriture sur l’œuvre d’Édouard Glissant, Manuel Norvat, met l’accent sur la tonalité phénoménologique de cette pensée polyphonique du Divers : une «philopoétique».

Ouvert à la diversité du monde, Édouard Glissant aura relayé à travers son œuvre une parole irriguée par la poésie : c’est-à-dire la création d’un langage, d’une musique. Sa maison, située au Sud de la Martinique, dans la commune du Diamant, concentre et diffracte, du bord de mer où elle se trouve, tous les lieux et tous les êtres qui lui sont chers. La joaillerie et le tragique des rouleaux d’écumes qui la lèchent, mais aussi les mousses des forêts subtropicales et subversives de la route de la Trace et tant d’autres paysages archipélagiques et continentaux, de villes et de campagnes, de fonds marins ou d’étoiles lointaines tourbillonnent grâce à lui jusqu’au vertige dans notre imaginaire, désormais relié à partir d’un lieu réel ou symbolique que nous pouvons choisir. Oui, les éléments qu’il a glorifiés semblent dire comme lui : «Vis dans ton lieu et pense avec le monde».

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Hommage à Edouard Glissant

— Par Manthia Diawara—

 

Manthia Diawara  est cinéaste et enseignant à l’université de New York, auteur du documentaire «Edouard Glissant: un monde en relation»

 

Je me souviendrai toujours de ce voyage entrepris avec Edouard à Sainte Marie en Martinique, pour visiter la case de sa naissance dans un petit village du nom de Bezaudin. Du Diamant, en contournant Fort de France, pour aller vers le Lamantin, nous traversions un petit pont sur une rivière où jouait Edouard avec ses amis, quand il était enfant.

Edouard me montra du doigt les cases-nègres en bordure du fleuve, qui ont inspiré Joseph Zobel pour son livre La Rue Cases-Nègres. Nous descendions d’abord vallées après vallées, pour remonter ensuite par des chemins escarpés sans fin, vers la Montagne Pelée.

Tout le long du chemin, nous traversions des plantations de bananes. Edouard me parla du vert foncé des arbres géants qu’on ne trouve plus; des rivières dont on entend plus le bruit de l’eau qui coulait sur les petits cailloux et contre les rochers.

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L’impensé d’une écriture belle de monde.

— Par Alaric —

 

 

Ecrire, jusqu’à ses dernières ressources physiques, écrire jusqu’à son dernier souffle, telle fut la vie d’Edouard Glissant, chercher à s’installer au Lieu de l’écriture vivante, au Lieu que son œuvre ne cessera maintenant à chaque lecture de configurer, d’occuper, d’interpeller, il dirait certainement de «héler». L’œuvre a brusquement surgi vivante contre la mort, le départ d’Edouard Glissant, lui restitue ses frontières, ses limites, ses traces, ses poétiques, ses esthétiques, sa philosophie : tout ce qu’il a essayé de penser, et d’amasser inlassablement. Elle est devenue autonome et réflexive, point besoin de médiateurs, elle renvoie à elle-même, elle nous renvoie à nous-mêmes, elle pratique la relation, elle relaye, relie, relate, tous ses propres dits. Elle est devenue elle-même un Lieu, comme l’œuvre de W. Faulkner, dont il dévoile les « ouvertures infinies » et les impossibles, «Faulkner, Mississippi» et comme celle de Saint John Perse, ces deux maîtres. Comment écrire la modernité créole dans les propres formes et langues de la parole de sa Culture, issue de la Traite négrière, de la société d’habitation et dans la société coloniale, sinon dans « un suspens de l’être, dans une conception éclatée (dérivée, démultipliée) de la nature et de la nature humaine ».

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L’Acomat. Le Féal. Edouard Glissant.

— Par  Hanétha Vété-Congolo—

 

En grand voyage, sur le chemin de Guiné, travay fait, Glissant pran alé.

Mais chez nous, les morts ne meurent pas.

Chez nous, en dépit de tout, l’Homme demeure.

Un pran alé qui n’est pas le tiré dé pyé.

Ainsi, au soleil couchant, Godbi pran rasin.

Une autre géniture de cette Terre noire grosse Roche-mère, pleine d’humus.

Martinique.

Partant, il nous la révèle.

Car, il est constant que Glissant, du long de sa vie, du monde qu’il porte à fruition dans et par le Monde, a infailliblement honoré l’esprit et la beauté de la féalité.

Comme Césaire, comme Damas, comme Fanon. Féal.

Animé de la foi des croyants. Immensurablement féal. Fidèle au Lieu.

« Le lieu. [qui] est incontournable, pour ce qu’on ne peut le remplacer, ni d’ailleurs en faire le tour. » (Traité du Tout-Monde, 59)

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Les villes assassines d’Alfred Alexandre

aux éditions Écriture

Dans ce quartier où règnent l’inaction et le dénuement, Slack impose ses règles. Qu’il sillonne les rues dans son hummer ou les arpente entouré de ses milices, on le craint autant qu’on le respecte. Il est à la fois le garant d’un certain ordre et le pourvoyeur des plaisirs des vendredis et samedis soirs. Dans l’impasse de la rue Sans-Retour, au rythme de la musique de Big Time, son cheptel de danseuses ravit les spectateurs. Evane, le narrateur, n’a d’yeux que pour Winona, qu’il sait intouchable. Le hasard et le désespoir finissent pourtant par rapprocher ces deux âmes écorchées, les conduisant loin de la ville, sur les collines où ils ne sont guère dérangés que par le bruit du vent et des vagues. En construisant ce fragile bonheur, Winona et Evane enfreignent des lois tacites. Et la riposte de Slack ne tarde pas à venir.

Cette lecture offre une manière de tragédie classique, projetée dans le XXIe siècle des bas-fonds antillais. L’amour interdit, le crime de lèse-majesté, du sang et des larmes. On devine la fin très vite, tant le schéma de l’intrigue en rappelle d’antérieurs.

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Au Ciel… Hommage à Édouard Glissant

— par Malik Duranty —

 

Au Ciel, dit-on, se trouvent ceux qui montent au stade qui dépasse nos savoirs de vivant. Oh Ciel ! Crieront ceux qui voient l’autre, lui, monter sans que la rencontre ne s’oublie et que la relation ne s’efface.

Au Pays, voir les visages avec ou sans les masques de la distorsion monumentale de la réalité, celle des îles paradis dans l’archipel et dans l’infernal entre limitation et infinité. Oh Pays ! Au tant de visages affables de rencontres et de mises en relation, telle est le paysage de la marche. Celle qui est plurielle et, est porteuse de ses Uns qui sont des pas lancés ; non pas, dans l’anéantissement, mais lancés dans le mélange du faire, des savoirs, des êtres en façon et en manière.

Aux Mers et au Soleil, vos accords dans la mélodie du Vent, emportent le souffle de nos dires libres, pour aller vibrer nos méditations, dans le coeur des autres d’autres bords, d’autres lieux et d’autres côtés. D’outres bords, d’outres lieux et d’outres côtés. Oh Mer ! Oh Soleil ! Vos harmonies dans la mélodie du Vent emportent les succulences ou les démences de nos pensées libres, méditées à la face du Monde, depuis notre en-dedans démystifié de notre blés, cette douleur créatrice à la force du cri premier.

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