Catégorie : Littératures

Pour une insurrection poétique permanente

poesie_sauveuse_du_monde— Par Marie-José Sirach  —

La poésie sauvera le monde, de Jean-Pierre Siméon. Éditions Le Passeur, 86 pages, 15 euros. Directeur du Printemps des poètes, Jean-Pierre Siméon signe un pamphlet nerveux et enthousiaste. Pour la poésie.

C’est le livre d’un homme en révolte, comme on dirait, en colère. Jean-Pierre Siméon, poète, ose la poésie, le poème, la langue. Un livre comme un cri, Urgent crier !, proclamait André Benedetto, un cri pour dire haut et fort, sans détours ni faux-semblants, que « la poésie sauvera le monde ».

« Le poème demande un effort (…) : le silence, la lenteur, la patience », écrit-il. Affirmer cela aujourd’hui, dans nos sociétés où l’imaginaire est piétiné sur l’autel de l’image, où la langue est aseptisée, lissée jusqu’à la vider de son sens (de son sang), c’est nager à contre-courant des flots et du flux, de ces torrents d’images et de mots-mensonges qui prétendent parler du réel… Or « tout poème est un grain de sable dans les rouages de la grande machine à reproduire le réel », poursuit-il, quand tout concourt, par le truchement du divertissement, de la domination du conceptuel dans l’art, « à une lecture passive du monde ».

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De la poésie de toutes les couleurs

ce_qui_est_ecritCe qui est écrit change à chaque instant, anthologie poétique. Le Castor Astral, 315 pages, 12 euros.

Cent un poètes pour un ouvrage qui est en même temps un manifeste de diversité et d’éclectisme.
C e qui est écrit change à chaque instant, c’est le titre de l’anthologie qui paraît ces jours-ci au Castor Astral. Il s’agit d’une citation du poète suédois Tomas Tranströmer, auteur vedette de la maison. Cent un poètes y sont présents sous forme d’extraits de leurs œuvres, véritable pot-pourri de ce que la maison d’édition s’honore d’avoir publié depuis sa création en 1975. La majorité des écrivains sont francophones, mais on trouve aussi des voix venues de l’étranger (Chine, Flandres, Pays basque, Angleterre, Colombie, États-Unis, Irlande, Italie, Norvège, Jamaïque, Suède, Russie, Allemagne…). Les choix de Jean-Yves Reuzeau et Marc Torralba sont très divers. Ils embrassent aussi les auteurs de la Beat Generation et ceux du Manifeste électrique (1971) et du Manifeste froid (1973), ainsi que les participants aux revues Chorus (Franck Venaille, Daniel Biga et Pierre Tilman) et Exit (Patrice Delbourg, Daniel Fano, Yves Martin, Marc Villard), sans omettre les changements formalistes sans cesse à l’œuvre dans la sphère poétique.

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La légende du Super Mama Djombo

— Par Sophie Joubert —
les_grands_s-prudhomme« Les Grands », de Sylvain Prudhomme, un roman qui raconte l’histoire 
de la Guinée-Bissau à travers 
un groupe de musiciens mythique, vient de recevoir le Prix de la porte dorée*.

Le Super Mama Djombo est né peu après l’indépendance de la Guinée-Bissau, petit pays d’Afrique de l’Ouest, frontalier du Sénégal et de la Guinée Conakry, qui s’est libéré en 1974 de la domination portugaise. La formation a connu son âge d’or entre 1977 et 1981, portant la fierté nationale lors de mémorables tournées à l’étranger où elle a notamment chanté la gloire d’Amilcar Cabral, le Commandante, figure de la libération du pays. Le Super Mama Djombo existe toujours, certains membres ont disparu, d’autres se sont exilés en France ou au Portugal. Mélangeant réalité et fiction, Sylvain Prudhomme s’est approprié les noms des musiciens pour en faire des héros de roman. Seul le personnage principal, Couto, grand patron de la guitare, « mélange d’ancienne gloire grisonnante et de branleur impénitent », est inventé. Les Grands commence aujourd’hui, en avril 2012, à la veille d’un coup d’État bien réel qui a secoué le pays.

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Le créole : une obligation d’expression

— Par Pierre Pastel* —

pousse_creoleAu moment où le Président de la république vient d’annoncer son intention d’engager la procédure de ratification de la charte européenne datant de 1992, faisant obligation aux États signataires (dont le France) de reconnaître les langues régionales et minoritaires, le sociologue Martiniquais Pierre Pastel* nous fait découvrir, en quelques clichés, le créole dans sa lutte pour  éviter l’étouffement face au français et face à la mondialisation culturelle.

Lajol pa bon ba’w é i bon ba mwen ?

Qu’est-ce qu’exister pour un homme si ce n’est de s’exprimer par tous les moyens qu’il a à sa disposition, de dire au monde « son monde » d’abord  tel qu’il a été façonné par son environnement premier ? Exister c’est vivre certes, mais c’est d’abord un réflexe congénital de respiration. Respiration pour … vivre avec soi et au milieu des autres. Peut-on donc attendre d’un homme qu’il vive épanoui sans respirer ? Non.
Il en est de même pour tout groupe humain habité par sa culture racine, sa langue poto mitan, véhicule complice par lequel et avec lequel il se sait exister et se signale.

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Dany Laferrière : un anti-Senghor à l’Académie française

— Par Saïdou Alcény Barry —

laferriere_academieAprès Léopold Sedar Senghor, premier Noir à siéger à l’Académie française en juin 1983, voilà Dany Laferrière, trente-deux ans plus tard. Deux noirs, deux styles. Autant le premier était coulant, autant le second est rugueux. Un nouveau venu qui risque d’ébranler la Coupole.

Le romancier canado-haïtien Dany Laferrière est devenu, à 62 ans, membre de l’Académie française dont il occupe désormais le fauteuil n°2. Celui qu’avaient occupé Montesquieu, Dumas fils et que lui cède le romancier argentin Hector Biancotti, son dernier occupant.

L’admission de l’auteur du roman Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer dans cet univers compassé de vieux gardiens surprend. Dany Laferrière, contrairement à Senghor qui était béat de reconnaissance devant la France, est un trublion, un Haïtien fier de l’être.

On se souvient que Senghor répondant à la question de savoir pourquoi il écrit en français dira: « Parce que nous sommes des métis culturels, […] parce que le français est une langue à vocation universelle. […] Et puis le français nous a fait don de ses mots abstraits – si rares dans nos langues maternelles -, où les larmes se font pierres précieuses.

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Il y a 70 ans mourrait Robert Desnos

Desnos, alias Robert le Diable, le veilleur du Pont-au-Change

— Par Marie-José Sirach —

robert_desnos-2Il est mort d’épuisement et de maladie le 8 juin 1945 au camp de Terezin

Toute sa vie durant, sa courte vie, Robert Desnos l’a consacrée à la poésie, à l’écriture. Il est né en 1900 près de la Bastille, on l’imagine baguenauder dans les ruelles de ce quartier encore populaire de la capitale. Mauvais élève, il quitte très vite les bancs de l’école, ce qui ne l’empêche pas, à tout juste dix-sept ans, de publier ses premiers poèmes dans la Tribune des jeunes, revue socialiste d’alors. Déjà, il retranscrit sur des petits carnets ses rêves. En 1919, il se consacre pleinement à l’écriture et compose en alexandrins, soigneusement ordonnés en quatrains, le Fard des argaunotes. Ami de Benjamin Péret, c’est par son entremise qu’il rejoint les surréalistes qui se retrouvaient alors au Certa, un café passage de l’Opéra, où Breton organisait des soirées d’écriture poétique sous hypnose. Le 25 septembre 1922, Desnos fait un tabac auprès de ses pairs bluffés par les vers qu’il prononce en état de sommeil hypnotique.

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« Bouki fait gombo » : histoire d’une plantation en Louisiane

— Par Michel Herland —

BoukiFaitGomboNous avons présenté ailleurs le mémorial de l’esclavage inauguré récemment sur le site de la Plantation Whitney en Louisiane[i]. Ibrahima Seck, son directeur scientifique, a consacré à l’histoire de la plantation un livre intitulé Bouki fait Gombo[ii]. Si le sous-titre est explicite, il n’en est pas de même du titre, compréhensible seulement pour qui connaît le proverbe entier (Bouki fait Gombo, lapin mangé li), proverbe dans lequel l’auteur propose de voir la description imagée de l’exploitation telle qu’elle existait en particulier dans les sociétés esclavagistes. Le brave bouc qui prépare à manger[iii], ce serait l’esclave et le lapin qui s’en régale serait le maître.

Cette interprétation proposée par I. Seck dans l’Introduction à son livre paraît néanmoins sujette à caution car le proverbe – dans ses diverses variantes et depuis ses lointaines origines au Sénégal où la hyène se trouve opposée au lapin – met traditionnellement en scène la ruse et non la force. Or c’est cette dernière qui est à la base de la société esclavagiste. Lafcadio Hearn, qui donne ce proverbe dans son Petit Dictionnaire des proverbes créoles, note qu’il résume un grand nombre de contes mettant en scène Compé Bouki épis Compé Lapin[iv].

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Dany Laferrière sous la Coupole de l’Académie française

— Par Joël Des Rosiers —

lafrerriere_academicienEn ce jeudi 28 mai sous le Haut patronage de M. François Hollande, Président de la République, du Premier Ministre du Québec M. Philippe Couillard, des Ministres de la Culture Fleur Pellerin de France, Hélène David du Québec et Dithny Joan Raton d’Haïti, du chef de l’Opposition M. Pierre Karl Péladeau, du chef du parti Québec Solidaire Mme. Françoise David, de quatre ex-premiers ministres, MM. Bernard Landry, François Charest, Pauline Marois du Québec et Mme. Michèle Duvivier Pierre-Louis de Haïti ainsi que de Mme. Michaëlle Jean, ex-gouverneure générale, Secrétaire générale de la Francophonie.

Par un temps magnifique, dans une langue aussi élégante que précise, le nouvel immortel, Dany Laferrière, a prononcé comme l’exige la tradition, l’éloge en tout point remarquable d’Hector Bianciotti, le romancier italo-argentin, son prédécesseur au fauteuil numéro 2. Ce siège inchangé et immobile, s’il avait été occupé naguère par Montesquieu, l’auteur des Lettres persanes, le fut surtout par un Dumas, le petit-fils du Général Alexandre Dumas dont la grand-mère Marie-Cessette Dumas était une esclave de Saint-Domingue. Car le fils du Général, le célèbre Alexandre Dumas, le plus traduit des romanciers français qui nous donna tant à lire et à rêver dans des allusions si nombreuses à ses origines créoles, eut à son tour un fils naturel, le romancier et dramaturge Alexandre Dumas fils.

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Tchicaya U Tam’si, sa vie, son œuvre et sa mémoire

—Entretien réalisé par Muriel Steinmetz —

tchicaya_u_tamsiRencontre avec Boniface Mongo-Mboussa, biographe du poète congolais, grande voix de l’Afrique et ancien compagnon de Lumumba, 
qui a contribué à la publication du deuxième tome de ses œuvres complètes.

Gallimard sort, dans sa collection « Continents noirs », la trilogie romanesque du Congolais Tchicaya U Tam’si (1931-1988). Boniface Mongo-Mboussa qui, il y a un an, publiait une biographie de ce grand poète de l’Afrique, en a composé la postface. Il répond à nos questions.

Paraît enfin ce second volume des œuvres complètes de Tchicaya U Tam’si auquel vous avez grandement contribué. Vous avez en outre écrit sa biographie, le Viol de la lune. Vie et œuvre d’un maudit (Vents d’ailleurs)…

Boniface Mongo-Mboussa Il s’est éteint en avril 1988. Deux ans après, la revue Europe lui rendait hommage. Il y a eu deux colloques. L’un à Brazzaville (Congo), en avril 1992, et l’autre à Yaoundé (Cameroun), un an après. En 1998, ses anciens collègues de l’Unesco ont publié un bel ouvrage, Tchicaya, notre ami. Il convient d’ajouter la biographie de Joël Planque, Tchicaya U Tam’si, le Rimbaud noir, sans oublier l’essai de Pierre-Henri Kalinarczyk, où il compare sa poésie à celles de René Char et d’Aimé Césaire à travers le thème du pays natal.

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La Trilogie romanesque. 
Les Cancrelats. Les Méduses. 
Les Phalènes, de Tchicaya U Tam’si

tchicaya_u_tamsi_trilogieUne somme romanesque à l’échelle d’un continent

La Trilogie romanesque. 
Les Cancrelats. Les Méduses. 
Les Phalènes, de Tchicaya U Tam’si, Œuvres complètes, II. Éditions Gallimard, « Continents noirs », 957 pages, 20 euros. romans Dans la Trilogie romanesque de Tchicaya U Tam’si, le réalisme magique africain, entre autres modes de récit, est mis en œuvre.

Le second tome des œuvres complètes de Tchicaya U Tam’si, la Trilogie romanesque – les Cancrelats, 1980 ; les Méduses, 1982 ; les Phalènes, 1984 – paraît donc ces jours-ci dans la collection « Continents noirs » (Gallimard). Henri Lopes en assure la préface. Après avoir abandonné la poésie et s’être consacré au théâtre, Tchicaya U Tam’si finit par suivre le conseil de René Depestre, son voisin de bureau à l’Unesco, qui lui disait : « Trêve de tchicayeries. Tu as du talent à revendre, mets-toi au roman. Fais de ton pessimisme du soir la santé des matins du romancier U Tam’si. (…) Parle-nous du Congo, nom de Dieu ! » Dans cette trilogie, Tchicaya U Tam’si œuvre sur des récits qui refusent de s’ancrer dans l’actualité comme c’est pourtant si souvent le cas dans le roman africain.

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Dany Laferrière à l’Académie française : un pied de nez à la vision misérabiliste d’Haïti

— Par Jean-Robert Leonidas, Médecin et écrivain —

dany_laferriereLe Canadien d’origine haïtienne Dany Laferrière a rejoint l’Académie Française jeudi 28 mai. C’est une consécration pour l’écrivain de 62 ans mais aussi pour tout le peuple haïtien. Jean-robert Léonidas, lui aussi écrivain et haïtien, nous explique pourquoi cela représente la montée en puissance de son pays.

Plus de 30 ans après Marguerite Yourcenar, la première femme à l’Académie Française, plus de trente-trois ans après Léopold Sédar Senghor, le premier Africain à y siéger, Dany Laferrière vient d’être effectivement admis sous la Coupole.

Il y fait une entrée triomphale et avec lui toute une culture, tout un pays. Haïti existe bel et bien dans tous les secteurs.
Elle est même devenue immortelle en littérature, après tant d’éclats réalisés dans le domaine par plusieurs de ses fils et filles. Mais Dany Laferrière a porté tout cela au paroxysme.

La montée en puissance d’Haïti
Cette montée en puissance d’Haïti au niveau des lettres, c’est un pied de nez à une certaine vision misérabiliste, au questionnement sans doute malencontreux de la réalité existentielle même du pays.

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Simone Schwarz-Bart et Philipp Meyer lauréats du prix Littérature Monde

ancetre_en_solitudeCes prix récompensent un ouvrage écrit en français ainsi qu’un roman traduit – prix Littérature Monde étranger – et chacun d’eux est doté de 3.000 euros par l’AFD, en charge de la politique publique française d’aide au développement au plan mondial.
« L’ancêtre en solitude » est cosigné par Simone et André Schwarz-Bart, décédé en 2006, car il est le fruit de la réflexion commune du couple qui avait imaginé d’écrire ensemble un vaste cycle romanesque retraçant l’histoire des Antilles. Leur projet s’était heurté à l’incompréhension de nombre d’intellectuels antillais.
Simone Schwarz-Bart est notamment l’auteure de « Pluie et vent sur Télumée Miracle » (1972), considéré comme un classique de la littérature caribéenne, tandis que son époux avait été récompensé par le Goncourt en 1959 pour « Le dernier des Justes« .

L’Ancêtre en Solitude s’inscrit dans la lignée des grands romans guadeloupéens écrits à quatre mains par Simone et André Schwarz-Bart : Un plat de porc aux bananes vertes (1967) et La Mulâtresse Solitude (1972). André Schwarz-Bart a obtenu en 1959 le prix Goncourt pour Le Dernier des Justes.

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Discours de réception de Dany Laferrière à l’Académie française

— Par Dany Laferrière —

M. Dany LAFERRIÈRE, ayant été élu à l’Académie française à la place laissée vacante par la mort de M. Hector BIANCIOTTI, y est venu prendre séance le jeudi 28 mai 2015, et a prononcé le discours suivant :

Mesdames et Messieurs de l’Académie,
Permettez que je vous relate mon unique rencontre avec Hector Bianciotti, celui auquel je succède au fauteuil numéro 2 de l’Académie française. D’abord une longue digression – il y en aura d’autres durant ce discours en forme de récit, mais ne vous inquiétez pas trop de cette vieille ruse de conteur, on se retrouvera à chaque clairière. C’est Legba qui m’a permis de retracer Hector Bianciotti disparu sous nos yeux ahuris durant l’été 2012. Legba, ce dieu du panthéon vaudou dont on voit la silhouette dans la plupart de mes romans. Sur l’épée que je porte aujourd’hui il est présent par son Vèvè, un dessin qui lui est associé⋅ Ce Legba permet à un mortel de passer du monde visible au monde invisible, puis de revenir au monde visible⋅ C’est donc le dieu des écrivains⋅
Ce 12 décembre 2013 j’ai voulu être en Haïti, sur cette terre blessée, pour apprendre la nouvelle de mon élection à la plus prestigieuse institution littéraire du monde⋅ J’ai voulu être dans ce pays où après une effroyable guerre coloniale on a mis la France esclavagiste d’alors à la porte tout en gardant sa langue.

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« Nouvel an chinois », de Koffi Kwahulé, Lauréat du Prix Mokanda 2015

koffi_kwahuleOn ne sait jamais trop quand défilera le carnaval chinois dans le quartier de Saint-Ambroise. C’est en tout cas l’hiver, un jour de janvier ou février. Un jour comme tous les autres pour Ézéchiel qui, depuis la mort de son père, occupe les longues journées qu’il ne passe plus au lycée en fantasmes flamboyants et débridés. Ézéchiel qui, de questions sans réponses en désirs sans fond, s’épuise à comprendre un monde qui se dérobe. Tandis que l’insaisissable Melsa Coën prend peu à peu, dans ses rêveries, la place d’une mère absente à tous comme à elle-même. Seule sa sœur maintient le lien comme elle peut, continuant pour Ézéchiel le récit de sa vie au loin, perchée « dans une cabane dans les arbres ».

C’est pourtant ce jour-là, au son des gongs et des cymbales, que choisit le funeste Demontfaucon, alias Nosferatu, pour revenir prêcher sa haine…

Dans ce roman écrit dans l’énergie syncopée de l’improvisation, tout commence par le rythme, dans le grand balancement du désir et de la répulsion qui porte les personnages de cette nouvelle dramaturgie urbaine.

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Luz, page après page, poursuit sa thérapie par le crayon

— Par Audrey Loussouarn —
luz_catharsisAlors qu’il vient d’annoncer son départ de Charlie Hebdo, le dessinateur publie un livre, « Catharsis », où il couche sur papier son quotidien, fait de noirceur et de reconstruction. On le voit reprendre goût à la vie et au dessin, deux éléments hantés par le deuil de ses amis disparus dans l’attentat du 7 janvier.

Catharsis. Le titre du livre que publie Luz est si lourd de sens (1). D’ailleurs, dès la première page, il l’annonce : depuis l’attentat du 7 janvier, le dessin l’avait « quitté », comme il dit, mais revient « petit à petit », « à la fois plus sombre et plus léger ». Ce « revenant », Luz apprend à le réapprivoiser, durement, au prix de l’omniprésence de nombreux traumatismes.

Au fil des pages de ce journal intime illustré, qui sortira demain en librairie, le lecteur prend l’ampleur d’une telle entreprise. C’est grâce à cette « troisième épaule » que, « pour la première fois de (sa) vie », il n’avait « pas peur d’une page blanche », disait-il à Libération hier.

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Anderson Dovilas : un poète aux métaphores infinies

— Par Dana Shishmanian —
anderson_dovilasNé à Port-au-Prince (Haïti), Anderson Dovilas a publié en France, au Canada, et aux Etats-Unis. Il est poète, auteur dramatique et comédien. Il a fait des études de linguistique à la Faculté de Linguistique Appliquée de l’Université d’Etat d’Haïti. Et des études de psychologies inachevées à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’Etat d’Haïti. Passionné du devenir des mots et militant politique ; Il possède la force et la tendresse de son âge. Le courage et la volonté sont ses armes, auxquelles s’ajoute le charme pimenté d’un goût de vivre qui lui attire toutes les sympathies (…) Il est sans doute l’un des plus grands poètes de sa génération avec des métaphores infinies a déclaré Denise Bernhardt poétesse Française.
Maniant un langage poétique fait de ruptures de plans, d’images disparates, de glissades ludiques, de trouvailles provocatrices, le poète jongle en fait au-dessus d’un abime bouillonnant de lave : c’est le sang de son peuple, qui s’élève soudainement au détour des vers, tel une lame de fond, rasante et bouleversante, projetée par un océan en feu. Son programme littéraire est étroitement lié à un projet de société.

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« L’Esclave »[1] ou qu’est-ce que la littérature ?

Note d’intention rétrospective par Michel Herland

couv 1 - CompresséeL’écriture romanesque est un acte spontané. L’auteur se découvre capable d’une imagination dont il ne se croyait pas capable ; il donne naissance à des personnages bientôt dotés d’une autonomie propre, si bien qu’il ne sait plus si c’est lui qui les conduit ou s’il est conduit par eux[2]. Autant dire que l’auteur n’est pas le mieux placé pour expliquer ce qu’il a voulu dire ; c’est pourquoi la lecture des critiques s’avère souvent si déroutante pour lui. Comme l’explique fort bien Jean-Paul Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ?[3], le roman n’existe que par la rencontre de la subjectivité du l’auteur avec celle d’un lecteur. Celles-ci étant différentes, parfois très éloignées, voire incompatibles, il n’est pas surprenant que le premier, parfois, ne retrouve rien de ce qu’il croyait avoir voulu exprimer dans les commentaires des critiques littéraires et plus généralement de ses lecteurs.

On connaît peut-être la formule surprenante de Jean-Paul Sartre, toujours dans Qu’est-ce que la littérature ? : « Ecrire c’est à la fois dévoiler le monde et le proposer comme une tâche à la générosité du lecteur ».

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La cuisine créole d’Arthur H et Nicolas Repac

Par Selim Lander

arthur h l'or noirOn apprend par les gazettes (Le Monde des Livres du15 mai) que Maryse Condé vient de publier un livre pas vraiment de mais sur la cuisine (Mets et Merveilles, J.-CL. Lattès, 2015). On se demande ce qu’elle penserait de la drôle de tambouille poético-musicale à base d’ingrédients (principalement) antillais concoctée par deux Français de France. Rien à dire en ce qui nous concerne, sinon des éloges, sur les ingrédients : les textes de Césaire (tirés du Cahier, des Armes miraculeuses, de Corps perdu) sont « étranges et pénétrants » comme il se doit ; et ceux qui l’accompagnent sans être aussi puissants (comment se comparer à Césaire ?) méritent néanmoins d’être entendus. On remarque en particulier, pour leur originalité, l’humour macabre d’Amos Tutuloa (L’Ivrogne dans la brousse traduit Raymond Queneau) ainsi qu’une définition de l’amour vrai comme l’art du voyage à motocyclette par Édouard Glissant (Marie-Galante). Rien à dire non plus, sinon des éloges, sur le chef, le nommé Arthur H (comme Higelin), lequel, incontestablement, sait dire des textes : mieux que ça, sa manière concentrée et inspirée, ménageant là où il faut les silences qu’il faut, est celle d’un maître.

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Pour Ie Prix Carbet des Lycéens

— Par Pierrette Leti-Palix —

escalier_de_mes_desillusionFin mars 2015, des élèves de Seconde, Première et Terminale de l’académie, ont rencontré l’écrivain haïtien Gary Victor, l’auteur du roman « L’Escalier de mes désillusions » , auquel ils avaient décerné, la semaine précédente Le Prix Carbet des Lycéens.

Après Audrey Pulvar (Martinique), Gisèle Pineau (Guadeloupe), Edouard Manet (Cuba), Zoé Valdès (Cuba), Frankito (Guadeloupe), André Paradis (Guyane), Yanick Lahens (Flaiti) et d’autres encore, des jeunes entre 15 et 18 ans ont voté pour Gary Victor. Qui s’est dit ému de cette reconnaissance et qui a pris le temps de leur expliquer en quoi l’écriture était un acte difficile, incertain, quand des personnages vous échappent et semblent vouloir s’imposer à leur créateur.
Cette rencontre est l’aboutissement de six mois de confrontation avec des romans contemporains écrits par des auteurs caribéens. En effet, chaque année, depuis 2005, l’association Sansévieria propose à des lycéens de lire six romans, entre septembre et janvier pour décerner ce fameux Prix Carbet des Lycéens à l’un d’entre eux, en février.
Les professeurs accompagnent les élèves dans cet exercice difficile (diable ! 6 romans en 5 mois, en sus des cours obligatoires et des examens…) jusqu’au vote final du Grand Jury des élèves, où seuls dans un amphithéâtre, parrainés par un adulte, ils votent à bulletin secret.

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Ces deux blancs qui célèbrent l’Or noir!

—Par Roland Sabra —

or_noir-2C’est d’une rencontre avec Edouard Glissant qu’est né « L’Or noir ». Arthur H. était venu lui lire du Césaire ! Peu de temps après sur la scène de l’Odéon il lit des vertiges de l’Anthologie poétique du Tout-monde et la nécessité d’un spectacle consacré aux écrivains et poètes créoles s’impose dans toute son évidence. Il y ajoute des extraits de « L’ivrogne dans la brousse » du nigérian Amos Tutuola, roman publié en 1952 et traduit en français par Raymond Queneau l’année suivante. La part du lion du lion de la soirée est consacrée au maître tutélaire Aimé Césaire. L’entame se fait avec Corps perdu, de « Cadastre » mais viennent aussi des extraits du Cahier et d’autres des « Armes miraculeuses ». Édouard Glissant est lu à deux endroits. Une première fois après Césaire avec un passage de  La Cohée du Lamentin  et une seconde fois de nouveau après Césaire avec Marie-Galante mais comme point de clôture du spectacle. Encadrés par ces deux piliers on entend des textes de Dany Laferrière, René Depestre, Gilbert Gratiant, James Noël.

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Arthur, le nègre

« L’Or noir » à Fonds Saint-Jacques le 16/05/2015 à 20h

or_noir— Par Nadine Eghels —

Enfant, j’ai entendu quelqu’un dire que les nègres étaient des gens qui vivaient le long du fleuve Niger, et cela m’avait tant touché que souvent, la nuit, je filais là-bas. Il n’était pas question de race, ni de couleur, mais d’un lieu où l’on pouvait se rendre, en suivant le fil rouge de la nuit. Je dis cela parce qu’après t’avoir entendu, Arthur, je suis retourné là-bas où je t’ai retrouvé.
Le chemin, pour y aller, n’est pas fait de terre mais de chants, un long ruban de chants, rugueux, longtemps macérés dans l’eau de vie et le sang gâté. J’y ai retrouvé des gens venant de partout, et de tous les temps.
Ils y étaient par choix. Édouard Glissant, les pieds dans l’eau, conversant, avec Aimé Césaire. James Noël pêchant des écrevisses, juste à la courbe du fleuve, et ce nègre courant, dans la brousse avec un molosse à ses trousses ne peut être que Chamoiseau, et tant d’autres, même Queneau, et Vian, et cette voix qui nous vient du fond de la bananeraie, langoureuse et élégante, comme un hamac l’aurait fait s’il savait chanter, parfois grave et sèche comme une lampée de rhum, pour s’éteindre doucement afin de faire corps avec la nuit : c’est celle d’un jeune homme du nom d’Arthur H.

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« N’appartenir », de Karim Miské

n_appartenirRécit d’un parcours atypique, d’une blessure encore vive, de souvenirs d’enfance, N’appartenir raconte une histoire universelle, nourrie des lectures d’Arendt, Sartre, Balzac, Orwell, Manchette, des musiques de Johnny Rotten, Patti Smith, Janis Joplin, Jimi Hendrix. De celles et ceux qui ont dit la réalité écorchée, dissimulée et emmurée dans l’hypocrisie et le mensonge de toutes les sociétés.

« Au commencement, il y a la honte. […] Et puis un jour, boum ! La vérité. »
Un uppercut, voilà ce que nous expédie Karim Miské !
Né d’un père mauritanien, diplomate et musulman, d’une mère française, assistante sociale, professeure, athée et féministe, Karim Miské est une bizarrerie aux yeux des autres. Sans cesse ballotté entre une identité et une autre, il essaiera d’ « appartenir » à toutes pour finalement n’en accepter aucune. Mais son miroir et les autres lui renverront toujours l’image du bâtard, du paria.

Documentaires, scénarii, livres, tous ses travaux tourneront indéfiniment autour de thème de l’ « appartenance ». Perdu entre différents mondes, Arabe, Blanc, Chrétien, Athée, Musulman, Noir, communiste ; entre plusieurs pays, la France, la Mauritanie, et même l’Albanie d’Hoxha pour laquelle s’est passionnée sa mère, Karim Miské s’est trouvé un refuge, un navire qui l’aide à traverser la vie : la littérature.

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Kamel Daoud, prix Goncourt du premier roman : « Une réussite exceptionnelle »

kamel_daoudL’écrivain algérien Kamel Daoud, visé par une fatwa dans son pays d’origine, a reçu mardi le Goncourt du premier roman pour Meursault, contre-enquête. Bernard Pivot évoquait en octobre dernier […] ce roman virtuose, à la fois un complément et une suite à L’étranger d’Albert Camus. Relisez sa chronique.

L’assassin a un nom : Meursault. Mais sa victime n’en a pas. L’écrivain se contente de l’appeler l’Arabe. Sur une plage d’Alger, Meursault a tué l’Arabe de cinq balles de revolver. L’Étranger, paru en 1942, n’a plus cessé d’être lu et relu. C’est le roman le plus célèbre, le plus emblématique, le plus commenté d’Albert Camus. Il commence par une phrase légendaire : « Aujourd’hui, maman est morte. » Meursault ne pleurera pas à l’enterrement de sa mère et c’est principalement à cause de cette froideur, de cette insensibilité qu’il sera condamné à mort. Il a refusé de paraître ce qu’il n’est pas, autrement dit de mentir. Il regrette moins son crime que l’ennui qu’il éprouve à en répondre. Voilà une attitude intolérable qui sera punie, au nom du peuple français, par « la tête tranchée sur une place publique. 

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« L’Esclave » à la Bibliothèque Schoelcher

Mardi 12 mai 2015 à 18 h 30

Affiche bib SchoelcherQue sera la France dans un siècle ? L’Esclave brosse un futur possible, même s’il n’est certainement pas le plus souhaitable. L’auteur tire trois fils à partir du présent : la crise écologique, l’affaiblissement des nations occidentales, la montée de l’intégrisme religieux et du djihadisme. Cependant l’Esclave n’est pas qu’un exercice de futurologie. Les personnages sont des êtres de chair et de passions : il y a des sages et des fous, des sincères et des fourbes, des amoureux, des jaloux, des rancuniers, des orgueilleux, des cruels et des saints. Une lignée de femmes fortes traverse le récit, depuis l’époque actuelle jusqu’au dénouement de cette histoire.

Un roman, trois époques. 2009 – Une idylle se noue entre Michel, professeur de philosophie à l’université d’Aix-en-Provence et Colette, une de ses étudiantes. 2081 – Michel vient de mourir, Colette se remémore leur brève aventure, tout en observant la montée des périls qui menacent une Europe en pleine décadence.

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Hommage de Fernand Tiburce Fortuné à Henri Corbin

henri_corbin-400Henri CORBIN nous  a quittés, le mois dernier. Je me souviens de lui dans ce texte, de 1997,  retrouvé et que je vous demande aimablement d’accueillir. Qu’il repose en paix.

Le 06/05/2015

Fernand Tiburce Fortuné

SEMAINE DE LA POESIE

DES GRIOTS DE LA MARTINIQUE

INVITÉ D’HONNEUR :

HENRI CORBIN – poète
LAMENTIN – MARTINIQUE (Mer Caraïbe) – 8/4/19

Contribution de Fernand Tiburce FORTUNÉ
Président du GROUPE FWOMAJÉ

 

Lamentin – 13/3/1997

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