Les 40 entretiens d’artistes contemporains de Martinique et de Guadeloupe rassemblés dans ces deux volumes ont été publiés dans un premier temps dans la revue Recherches en Esthétique, entre 1996 et 2014. Les artistes s’y dévoilent, donnent des informations importantes permettant de mieux comprendre leur démarche, les raisons de leurs choix artistiques et esthétiques. Ces témoignages informent sur leurs motivations, leurs préoccupations, leurs croyances, leurs aspirations, cela sur le mode d’un dialogue stimulant, ouvert, instructif et éclairant.
Ces entretiens attestent de la diversité des pratiques, des démarches, des supports et des médiums utilisés, mais également de préoccupations communes. L’art des Antilles se caractérise-t-il par un certain nombre d’aspects spécifiques ? Est-il identifiable comme tel ? Ces entretiens apportent des réponses et des éclairages sur ces questions.
Le premier tome rassemble les entretiens publiés entre 1996 et 1999. Ils constituent une première série de témoignages inédits. Les thématiques traitées sont : « Appropriation » (1996), « La critique » (1997), « Trace(s) » (1998), « Hybridation, métissage, mélange des arts » (1999). Tout en présentant leur travail et leur démarche, les artistes expliquent ce en quoi ces notions les concernent.
Catégorie : Littératures
Littératures
« L’Amitié de Roland Barthes » par Philippe Sollers
Aux yeux de Barthes, Sollers incarnait la figure de l’écrivain contemporain, en quête du nouveau. Trente-six ans après le Sollers écrivain, Philippe Sollers consacre un livre à celui qui fut son ami, dans le partage d’une foi entière en la littérature comme force d’invention, de découverte, de ressource, d’encyclopédie.
Ils se voyaient régulièrement, échangeaient beaucoup, et ont partagé des combats importants, contre les académismes, contre les régressions politiques ou idéologiques. Barthes a éclairé le travail de Sollers par des articles qui demeurent d’une parfaite actualité. Sollers a été, dès les Essais critiques en 1964, l’éditeur de Barthes au Seuil, dans sa collection Tel Quel, et a été bouleversé par sa mort accidentelle en 1980. Bref, ils étaient très proches, dans leurs différences, et Sollers dit ici ce que cela représentait, à l’époque, et ce que cela continue de représenter, et d’engager comme enjeux.
Le livre est complété par une trentaine de lettres amicales et émouvantes adressées par Barthes à Sollers.
*****
***
*
Philippe Sollers, l’éloge politique de Barthes
— Par Didier Pinaud —
Ce que le romancier Philippe Sollers entend faire ici, c’est un éloge politique de Barthes (ici dans son bureau), car « c’est comme ça qu’il a toujours perçu le fondement de son existence ».
Littératures
Rencontres pour le lendemain
Lettre ouverte aux Martiniquaises et Martiniquais
A l’aube de cette nouvelle année, alors que la Martinique vient de s’engager dans un nouveau tournant politique et administratif, ce qui la rend comme toute neuve, alors que tous les espoirs sont encore permis, nous avons le plaisir de vous convier à une aventure, une belle aventure, une riche aventure ayant pour nom Rencontres pour le lendemain.
Parce que nous croyons au lendemain. Parce que nous savons que nous ne pouvons pas vivre sans aller à la rencontre de l’autre. L’autre, quel qu’il soit. Humain ou végétal. Minéral ou animal. Pur esprit ou matière seule. Oui, nous naissons de nos rencontres. Oui, elles nous enrichissent. Oui, elles nous poussent à nous remettre en question. A nous dépasser. A nous modifier.
Certes, toutes les rencontres ne sont pas heureuses. Oui, il existe des rencontres malheureuses. Oui, certaines rencontres tuent plus qu’elles n’aident à vivre. Cependant, puisque tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts, nous voulons croire que nos rencontres ont pour vertu de nous rendre meilleurs. Meilleures. Plus belles. Plus beaux.
Littératures
Alain Mabanckou retourne au Collège… de France
–— Par Frédérique Briard —
A 49 ans, Alain Mabanckou, l’enfant terrible de la littérature francophone, prix Renaudot 2006, vient d’être nommé au Collège de France. Le romancier, essayiste et professeur occupera, à compter de mars 2016, la chaire de création artistique. Rencontre.
Marianne : Vous allez enseigner dans l’une des plus célèbres institutions françaises. Une nouvelle corde à votre arc ?
Alain Mabanckou : Oui, même si cela fait treize ans que j’enseigne aux États-Unis. J’ai d’abord enseigné à l’université du Michigan, et depuis 2007 je suis professeur titulaire à Ucla, l’université de Californie à Los Angeles. Je suis par conséquent un fonctionnaire de l’Etat de Californie. Je suis en quelque sorte inamovible.
Je m’occupe de la littérature d’expression française venue de l’Afrique noire, mais j’ai tendance à lui associer l’enseignement de la littérature française, car je soutiens que cette littérature négro-africaine est aussi née en réaction à un certain classicisme de la littérature française. Il existe une filiation entre les deux, la littérature de l’époque coloniale a nourri la perception que l’Europe avait de l’Afrique, mais aussi celle que les Africains avaient de l’Europe.
Poésies
Au gui l’an neuf!
— Poème de Patrick Mathélié-Guinlet —
*
*
*
Quand une année se meurt,
souvenirs seuls demeurent
et naît un Nouvel An
de l’utérus du Temps…
Autre tour du soleil,
différent mais pareil,
alternant le sommeil,
le rêve et puis l’éveil,
le froid et la chaleur
de la ronde des heures,
le jour et la nuit noire,
déceptions et espoir…
Quel sera l’avenir ?
Nul ne saurait le dire
mais cet espoir demeure
que l’année soit meilleure !
Poétiquement vôtre
Patrick MATHELIÉ-GUINLET
En librairie, Littératures
Saint-John Perse : Lettres familiales (1944-1957)
Édition de Claude Thiébaut
Collection Les Cahiers de la NRF, Série Saint-John Perse (n° 22), Gallimard
Parution : 11-12-2015
Ces 45 lettres inédites de Saint-John Perse forment un document exceptionnel pour la compréhension de l’homme, Alexis Leger, qui se cache derrière le poète. Écrites depuis les États-Unis (1944-1957), elles constituent les seules lettres familiales authentiques, non retouchées, qui nous soient parvenues – parmi elles, une longue lettre adressée à sa mère peu avant sa mort. Saint-John Perse écrit principalement à son beau-frère, Abel Dormoy, qui veille en son absence sur sa mère et ses sœurs. Il vit alors à Washington d’un modeste emploi à la Librairie du Congrès, puis d’une bourse versée par la Fondation Bollingen. Il reçoit le soutien d’admirateurs américains (dont les Biddle et Mina Curtiss). Déchu de ses fonctions puis de sa nationalité, la gravité de ses soucis l’a d’abord empêché de poursuivre son œuvre poétique (onze ans séparent la publication de Vents et celle d’Amers).
Il revient en France pour la première fois en 1957. Les lettres révèlent avec précision les raisons de la prolongation de son exil américain.
Littératures
Jeu littéraire (II) – Lecteurs, à vous de répondre !
— Par Selim Lander —
Déception ! La première édition de notre jeu littéraire, il y a une petite année de cela, n’a pas rencontré le succès espéré. Comment pouvait-il se faire, dans une île comme la Martinique, si riche en littérateurs et en lettrés, qu’un seul lecteur de Madinin-art (l’honneur est sauf, tout de même !), se montrât capable de répondre exactement, i. e. de trouver l’auteur de l’extrait du roman proposé – roman dûment publié en son temps – qui n’était autre que … Vincent PLACOLY ???
Voici l’occasion, ô lecteurs, de vous rattraper. La règle du jeu n’a pas changé : il suffit de mentionner dans votre réponse le nom de l’auteur et le titre du roman (premier indice) d’où est extrait le passage suivant :
En librairie
NSA : ils savent tout de vous
Avez-vous déjà rêvé de lire dans les pensées des gens? Savoir ce que se dit la serveuse en vous apportant votre café du matin. Ce que vos amis pensent vraiment de vous. Ou même ce que votre chat a dans la tête? Eh bien, c’est exactement ce qui arrive un jour à Snowe, un flic du Michigan. Au début, il se croit fou. Puis ça l’aide à arrêter pas mal de faux innocents… À des kilomètres de là, un autre homme est victime du même syndrome. Mais lui est en prison, et ce don de télépathie semble fortement intéresser le FBI…
Iain Levison nous entraîne dans un suspense d’une brûlante actualité, où la surveillance des citoyens prend des allures de chasse à l’homme. Mais sait-on vraiment tout de nous?
*****
« Si on lui avait demandé quand exactement tout avait commencé, Snowe aurait dit que c’était au moment où il avait frappé le toxico devant la pharmacie DaVinci. Depuis environ une semaine il se sentait… réceptif. Comme s’il pouvait ressentir les émotions des autres. Le mercredi, après son service, il avait su que la femme qui trottait sur le tapis de course à côté de lui dans la salle de sport était contrariée, et il avait vaguement compris que c’était à cause de son compagnon.
Poésies, Politiques
À Betzi, Marajo, Rosile,
Décembre 59
Ils avaient cru qu’en devenant département,
c’en serait fini du mépris, de la misère,
oubliant hélas que toujours le colon ment…
La fermeture des usines sucrières
menant à l’exode rural, pas de travail,
le racisme des colons français fonctionnaires
avaient encore plus agrandi cette faille.
Déçus dans leur espoir, tous ces jeunes frustrés
dans les rues de Foyal exprimaient leur colère.
Ils en avaient assez en chiens d’être traités,
seul le nom de leur laisse avait été changé.
Ils pensaient qu’ils seraient français à part entière,
entièrement à part ils s’étaient retrouvés.
Lors, non content de ne pas tenir ses promesses,
la République avait lâché ses C.R.S.
racistes qui, par la police secondés,
avaient chargé la foule avec brutalité.
Trois morts étaient tombés, fleur de notre jeunesse,
pour défendre à tout prix la dignité bafouée
et la liberté du peuple martiniquais.
À Betzi, Marajo, Rosile, honneur, respect !
Aujourd’hui d’autres leurres à nos choix sont offerts,
alors songeons aux déconvenues du passé
et sachons voir ce qui peut se cacher derrière
afin que nos martyrs ne soient point morts en vain…
Patrick MATHELIÉ-GUINLET
Frantz Fanon, Sociologie
Jean Khalfa : «Fanon analyse le système colonial comme un internement»
— Par Sonya Faure —
Connu pour son œuvre sur l’identité comme «Peau noire, masques blancs», l’intellectuel anticolonialiste était aussi un des précurseurs de l’ethnopsychiatrie. Un éclairage essentiel sur les rapports entre colon et colonisé. Des textes inédits publiés par La Découverte.
Jean Khalfa : «Fanon analyse le système colonial comme un internement»
Frantz Fanon naît il y a quatre-vingt-dix ans en Martinique, et meurt trente-six années plus tard d’une leucémie, à Washington. Trente-six ans seulement, et Fanon a eu le temps de s’engager contre le nazisme au sein d’un bataillon de la France libre, pour l’humanisation des hôpitaux psychiatriques ou pour l’indépendance de l’Algérie – il rejoint le FLN en 1954. Trente-six ans et beaucoup de textes devenus cultes pour ce psychiatre, figure de la décolonisation. Paru en 1961, les Damnés de la terre devient vite la bible révolutionnaire des luttes anticoloniales et du mouvement pour les droits civiques. Dans les années 80, c’est Peau noire, masques blancs (1952) qui alimente les cultural studies qui questionnent les identités et les représentations raciales. Fanon était, avant tout, lu et célébré dans les pays anglo-saxons.
Aimé Césaire, En librairie
« Une oeuvre mobile », de Ernstpeter Ruhe
Aimé Césaire dans les pays germanophones (1950-2015)
La réception de l’oeuvre césairienne a commencé très tôt dans les pays germanophones, et elle est restée d’une vitalité que rien n’est venu affaiblir au fil des ans depuis 1950. Son envergure reflète celle de l’oeuvre d’Aimé Césaire, poète, dramaturge, essayiste et orateur.
Beaucoup de matériaux et de documents inconnus étaient à découvrir. Ils concernent la genèse de l’oeuvre qui a toujours été accompagnée chez Césaire du phénomène de la mouvance, de la facilité avec laquelle il intervenait dans ses textes. Ils concernent l’auteur dans le rôle d’auto-commentateur de ses poèmes dans les discussions et échanges avec son traducteur. Ils dévoilent enfin les facettes non encore explorées de l’oeuvre que mettent à jour les mises en scène de ses pièces dont les deux premières ont commencé leur carrière en terre germanophone.
Préface
La poésie est un naufrage insensé, plein de silencieux messages, grâce auxquels le poète reprend possession de lui-même et s’installe parmi les choses.
(Aimé Césaire)1
Les grandes cérémonies n’ont pas manqué en France depuis la mort du poète Aimé Césaire le 17 avril 2008.
Patrick Chamoiseau
Retrouver une poétique du vivre ensemble
— Propos de Patrik Chamoiseau recueillis par Olivier Doubre et Christophe Kantcheff pour Politis —
Pour l’écrivain Patrick Chamoiseau, il y a dans la culture française de quoi puiser une nouvelle éthique, afin de faire face aux défis actuels et de retrouver le sens de la beauté du monde.
Demander à Patrick Chamoiseau quel est son regard sur la France consistait à faire un pas de côté, fort de l’éloignement de ce petit bout de France atypique, créolisé et longtemps colonial, qu’est la Martinique. C’est du Lamentin, bourgade où il vit, que le lauréat du prix Goncourt 1992 (pour le superbe Texaco, fresque revisitant l’histoire de son île sur trois générations) nous a répondu. Son rapport à la France passe d’abord par la langue, « matière première » mais certainement pas « naturelle » pour l’auteur d’Écrire en pays dominé (Gallimard, 1997). Ainsi que par la conscience d’une France immergée dans le « tout-monde », cher à son maître Édouard Glissant, nécessaire à l’ouverture à l’Autre⋅
Puisque nous consacrons ce dossier à « la France qu’on aime », quelle est la France que vous aimez ?
Aimé Césaire, En librairie
Césaire hors frontières, de Lilian Pestre de Almeida,
Lilian Pestre de Almeida, dans ce nouveau volume d’essais, analyse le tout dernier manuscrit inédit du Cahier (les troisièmes épreuves avant l’impression de 1956), corrigé à la fois par le poète lui-même et l’Angolais Mario Pinto de Andrade, le secrétaire de Présence Africaine.
On découvre à quel point ce poème-phare constitue l’exemple même « d’œuvre mobile », selon l’expression de Ernstpeter Ruhe. L’auteure replace la production césairienne dans un contexte beaucoup plus large qui dépasse les frontières de la francophonie (antillaise ou africaine), explore son intertextualité foisonnante, souvent à la limite de l’imprévisible et étudie ses rapports avec le surréalisme et les textes de la tradition classique (occidentale et orientale), les arts visuels ct la réécriture de l’oralité traditionnelle, grâce à la lecture renouvelée du long poème épique « Batouque » et de quelques courts poèmes. Le texte est accompagné d’une iconographie importante qui discute et éclaire plusieurs des mots énigmes du poète.
Présentation.
Le centenaire de la naissance d’Aimé Césaire (1913 – 2008) a été célébré tout au long de l’année 2013 en France et à la Martinique, en Afrique et en Amérique.
Littératures
Suzanne Césaire, femme-plante, cœur-colibri, la dissidente qui dit non à l’ombre
« Il est maintenant urgent d’oser se connaître soi-même, d’oser s’avouer ce qu’on est, d’oser se demander ce qu’on veut être. »
Suzanne Césaire (Tropiques, N°1. avril 1941)
La direction de Tropiques Atrium Scène nationale a dédié ce 1er trimestre au centenaire de Suzanne Césaire. Il se clôture par la création d’Hassane Kassi Kouyaté :
Suzanne Césaire fontaine solaire, jouée les 11 et 12 décembre à 20h.
Avec Nicole Dogué, Martine Maximin, Astrid Bayiha
Nous avons le plaisir de vous inviter à la rencontre avec :
– Daniel Maximin, écrivain, responsable de la publication des Écrits de dissidence de Suzanne Césaire (Éditions du Seuil. 2009 et 2015)
– Lilian Pestre de Almeida, universitaire brésilienne, professeure de littératures francophones, spécialiste et traductrice entre autres de Aimé et Suzanne Césaire, de Léon Damas et René Depestre.
Samedi 12 décembre à 16h
Salle Frantz Fanon
Les écrits de Suzanne Césaire (1915-1966), réduits en quantité et dans la durée (sept articles dans la revue Tropiques de 1941 à 1945), sont une pièce centrale du patrimoine culturel des Antilles, qui éclairent les grandes questions qui traversent l’histoire contemporaine intellectuelle et littéraire des Antilles, dont elle a contribué à l’édification, avec la ténacité puissante de la plante et le jaillissement vif du délicat colibri.
Littératures
Alain Mabanckou, de Porc-Épic à Petit Piment
– Par Janine Bailly –
Alain Mabanckou a annoncé fin novembre sa nomination au Collège de France, à la chaire annuelle de Création artistique. Il sera le premier écrivain à occuper ce poste. Le 17 mars prochain, il donnera sa leçon inaugurale, suivie une semaine plus tard de cours et séminaires ouverts à tous. Écrivain-enseignant franco-congolais né à Pointe-Noire, Alain Mabanckou a remporté en 2006 le prix Renaudot pour Mémoires de Porc-Épic, qui l’a fait connaître du grand public. En août 2015 est paru au Seuil son dernier roman, Petit Piment.
Petit Piment, c’est au Congo l’histoire d’un enfant qui apprend à grandir, apprentissage conté de l’orphelinat où il fut abandonné jusqu’à l’hospice où se finiront ses jours… la boucle se refermant sur cette parenthèse enchantée/désenchantée qu’est toute vie, puisqu’aussi bien l’asile final est venu remplacer l’ancien orphelinat en ce même lieu détruit !
Et c’est bien de destruction qu’il s’agit, destruction d’un pays voué aux luttes entre ethnies comme aux aléas de la politique — défilent alors sous les yeux de Petit Piment tous les régimes possibles —, destruction des lieux autant que des êtres.
Patrick Chamoiseau, Théâtre
Carnation et incarnation au théâtre vues par Patrick Chamoiseau
Cet article a été initialement publié sur africultures.com, que nous vous invitons à visiter.
Patrick Chamoiseau, célèbre écrivain martiniquais, prix Goncourt pour Texaco en 1992, l’un des représentants de la Créolité avec Raphaël Confiant et Jean Bernabé, disciple inconditionnel d’Édouard Glissant, est indéniablement plus connu pour son œuvre romanesque que pour son œuvre théâtrale. Beaucoup ignorent en effet que l’auteur de Solibo le magnifique et Biblique des derniers gestes est aussi dramaturge. Ses pièces témoignent de l’intérêt de l’écrivain pour le conte, la langue créole ainsi que de son engagement politique contre le colonialisme et le néo-colonialisme : il s’inspire du théâtre grec antique avec sa première pièce écrite en 1975, une adaptation d’Antigone de Sophocle transposée dans le contexte indépendantiste martiniquais des années 70 ; il oppose les représentantes de la tradition orale antillaise et occidentale avec Manman dlo contre la fée Carabosse publiée en 1982; il confronte les croyances populaires antillaises au rationalisme cartésien dans Un dimanche avec un dorlis, pièce jouée en 2004 au festival d’Avignon dans une mise en scène de Greg Germain. Son théâtre offre aussi des réflexions sociologiques et politiques sur le monde du théâtre aujourd’hui, comme en atteste sa dernière pièce Audition sur l’esclavage, écrite en 2005 et encore inédite, où Chamoiseau s’interroge sur la couleur de peau au théâtre, sur le lien problématique entre carnation de l’acteur et incarnation du personnage.
En librairie, Littératures
Le Goncourt des lycéens attribué à Delphine de Vigan, déjà lauréate du Renaudot
Le Goncourt des lycéens permet à près de 2 000 élèves de lire et d’étudier la sélection de romans de la liste du Goncourt. Une cinquantaine de classes de lycéens âgés de 15 à 18 ans, issus de seconde, première, terminale ou BTS, généralistes, scientifiques ou techniques sont concernées. La sélection des classes est basée sur la motivation des enseignants.
Deux mois pour étudier les livres
Après l’annonce des livres sélectionnés pour le Prix Goncourt par les membres de l’académie Goncourt, la Fnac remet les ouvrages de la liste à chaque classe. Les lycéens ont deux mois pour lire les romans, avec l’aide des enseignants. Pendant cette intense période de lecture, des rencontres régionales sont organisées entre auteurs et lycéens.
Délibérations régionales et nationales
À l’issue de l’étude des livres, les classes élisent un délégué pour présenter leur tiercé de livres gagnants et défendre leurs choix lors de délibérations régionales.
En librairie, Littératures
In Koli Jean Bofane, lauréat du Prix des cinq continents de la Francophonie.
Le jury du Prix des cinq continents de la Francophonie présidé par l’écrivain, Prix Nobel de littérature, Jean-Marie Gustave Le Clézio, a désigné In Koli Jean Bofane pour son roman Congo Inc. le testament de Bismarck (Editions Actes Sud), lauréat de l’édition 2015.
Il a souhaité récompenser « un roman étonnant. Sorte d’encyclopédie du Congo, d’un humour tour à tour tendre et féroce, satirique et burlesque sur un sujet inédit : l’Afrique vue par un pygmée géant. Tout y est : la pauvreté, la dépendance, les désastres d’une certaine mondialisation, les fantasmes blancs, les enfants des rues, la migration, la gadgétisation face à la tradition, une vision panoramique des problèmes d’une société exploitée, cela dans une langue puissante qui puise dans tous les registres avec une énergie et une inventivité étourdissante ».
Le jury a également décerné une mention spéciale à Miguel Bonnefoy (Venezuela) pour son roman Le Voyage d’Octavio (Editions Rivages) pour ses grandes qualités d’écriture. « D’une inventivité constante où l’allégresse prend la force du mythe, le Voyage d’Octavio, est un périple dans le temps et le territoire d’un Venezuela méconnu.
Patrick Chamoiseau, Politiques
Pour la juste démesure
— Par Patrick Chamoiseau, poète et écrivain —
Les démocraties capitalistes ne sont pas vertueuses. Leurs excès, leurs prédations, leurs injustices, leur barbarie économique insidieuse se situent toujours dans un ordre que nous avons intériorisé et à partir duquel nous essayons de combattre leur saccage du futur. Cet ordre installe une mesure qui s’est élargie à toute la planète, nous vivons avec elle, et c’est parce que nous sommes plongés dans sa violence marchande qu’il nous est difficile de penser une alternative globale à l’horreur du profit maximal, du développement comme solitude au monde, et à sa loi occidentale.
Que nous reste-t-il ?
Certainement pas un « hors-mesure » qui reste encore dans la mesure de l’ordre régnant et de ses ombres. Qui s’y soumet ainsi, et donc le régénère. Non. Il nous faut une démesure. Mais pas celle qu’utilisent les hommes de la terreur.
La démesure, quand elle s’applique à une contestation demeurée immédiate et sommaire, n’est jamais de l’ordre de l’alternative ou de la proposition. La barbarie de la terreur est en ce sens une démesure désespérée, surtout désespérante.
Littératures
Salon du livre de Montréal 2015
La région Martinique au Salon du livre de Montréal
Après le salon du livre de Paris, la Martinique sera présente à la 38e édition du salon du livre de Montréal qui se déroule du 18 au 23 novembre 2015 à la Place Bonaventure. Elle accueillera ses visiteurs sous le pavillon MARTINIQUE (stand n°270).
La délégation martiniquaise est composée de plus d’une quinzaine d’auteurs, d’illustrateurs, d’éditeurs et de libraires qui présenteront au public canadien la diversité de la culture, l’universalité de la littérature martiniquaise ainsi que la richesse de la production littéraire du pays. Cette délégation compte des auteurs tels que : Suzanne Dracius, Alfred Alexandre, Miguel Duplan, Jean-Marc Rosier, Nadia Chonville, François Gabourg, Charles-Henri Fargues, William Rolle, Jala. Renée-Laure Zou… L’illustratrice Stéphanie Destin et l’artiste Géraldine Entiope font partie de ces invités.
Des maisons d’édition, des dessinateurs, des producteurs et des auteurs invités de la Caraïbe et d’autres pays cohabiteront sur le pavillon de 75 m2 aux couleurs de la Martinique placé sous le signe fort du centenaire des naissances de Joseph Zobel et de Suzanne Roussi Césaire.
Plusieurs temps forts et animations rythmeront le pavillon durant ces six jours de salon : séances de dédicaces, table ronde, animations littéraires, lectures, contes, performances, spectacles de marionnettes bwabwas pour enfants.
En librairie, Littératures
Travail de mémoire et devoir de mémoire
À propos du nouveau roman de Marie-Célie Agnant(1)
— Par Alain Saint-Victor* —
Le nouveau roman de Marie-Célie Agnant nous plonge dans un univers cauchemardesque, univers où s’entrechoquent frayeurs, trahisons, courage, détermination, luttes, espoirs. Il s’agit d’un texte aux images puissantes, profondes, vivantes, exacerbées par un «pointillisme» structurant. L’histoire est, en effet, émaillée de multiples détails, chacun est essentiel pour prendre la mesure du tout scriptural qui constitue le récit de Agnant. Cette réalité du texte ne noie pas pour autant l’intention de l’écriture de l’auteure. C’est cela, à mon avis, qui constitue l’exceptionnel talent littéraire de Marie-Célie Agnant : l’efflorescence prodigieuse de l’art littéraire qui structure le récit sert à interpeller le lecteur, le «transformer», malgré lui, en témoin d’une époque marquée par le sang, la haine, la nuit, la douleur, la désolation, le chagrin. C’est l’époque du duvaliérisme, plus précisément celle de sa genèse, de son fondement, de la mise en œuvre de ses éléments constitutifs : la terreur, les massacres, les assassinats, la torture, la descente aux enfers de toute une nation.
L’histoire débute en 1958, un an après l’usurpation du pouvoir par François Duvalier.
Littératures, Sociologie
Carnets de doutes. 1
— Par Ali Babar Kenjah —
Doute
.Ah, Sidrach, comment ne pas douter ? Douter qu’un jour les hommes s’érigent en humanité, avec les femmes et tous les autres ; douter du monde qui se réchauffe, d’une république qui nous les chauffe, de Vigipirate qui s’est raté… Douter de la réponse à la question « Le doute est-il permis ? »… Qui ne voit toute certitude dorénavant sertie d’arrogance ? Qui ne sent le vide et la brume profonde qui s’avancent vers nous ? Qui ne perçoit avec angoisse ce vent étrange souffler, une à une, nos bougies colorées, comme de vulgaires vies mitraillées à l’apéro d’une fête mais c’est la scène d’une tragédie où, crêpés de noir, les sourires se figent car on y meurt en vérité…
La Guerre des Nations
Que vise la haine de Daech ? La tolérance, la différence, la rencontre et toutes les métamorphoses qu’elle féconde, la poésie. De qui Daech est-il l’ennemi ? De la Diversité, du Tout-Monde des cultures fraternisant, de la jeunesse belle et rebelle, des jeunes femmes libres et qui dansent. Non pas l’adversaire des sociétés closes sur elles-mêmes mais leur paroxysme ; non pas assassin des pouvoirs oppressants mais leur blessante caricature.
Frantz Fanon, Politiques, Psy_choses etc., Théâtre
Les inédits de Frantz Fanon
— Par Michel Herland —
« Nous sommes les uns et les autres trop éloignés de soi-même, trop à la dérive dans les choses… c’est au sein des choses, de l’objet que nous nous retrouverons. »[1]
Frantz Fanon, Écrits sur l’aliénation et la liberté. Textes inédits réunis, introduits et présentés par Jean Khalfa et Robert Young, Paris, La Découverte, 2015, 678 p., 26 €.
Tous les Fanoniens, et au-delà tous ceux qui souhaitent mieux connaître le militant exemplaire de la lutte anticoloniale, le « guerrier-silex » de Césaire[2], vont devoir se précipiter sur un ouvrage désormais indispensable. Ce gros recueil présente les diverses facettes de l’œuvre de Fanon, à l’exclusion de l’homme intime : la médecine psychiatrique, la politique et – plus inattendue – la littérature, puisque il fut aussi, pendant ses années d’étudiant, l’auteur de deux pièces de théâtre (L’œil se noie et Les Mains parallèles). Les textes rassemblés dans ces Écrits ne constituent pas toujours des « inédits » au sens strict : une thèse de médecine est « publiée » et a fortiori les actes d’un congrès médical ou des articles d’El Moudjahid.
Littératures
Roland Barthes, hédoniste à fleur de mots, refait signe
CENTENAIRE de Roland Barthes, né le 12 novembre 1915 à Cherbourg et mort le 26 mars 1980 (à 64 ans) à Paris
— Par Nicolas Dutent —
Une actualité variée (publications, lectures, conférences, expositions) mobilise tous nos sens pour célébrer le centenaire de sa naissance. Elle restitue les engagements, les affects et l’acuité de celui qui fut tout à la fois un amoureux et un déconstructeur de la langue.
« C’est l’intime qui veut parler en moi, faire entendre son cri, face à la généralité, à la science. » Dans le Bruissement de la langue, Roland Barthes, écrivain, critique et sémiologue, résume en quelques mots d’une clarté admirable la trame intellectuelle de son œuvre. Cet « enragé de la langue », selon la formule de Maurice Nadeau, découvreur qui lui ouvre les pages de Combat, aurait eu 100 ans cette année. Pour cet anniversaire, des intimes ont choisi de parler de lui, d’emplir l’époque de sa voix, chaude et pénétrante, et de ses écrits, où frissonnent invariablement le sens et le désir. Cet hommage, polymorphe, croise avantageusement les médiums.
Littératures
Prix Médicis 2015 : « Titus n’aimait pas Bérénice » de Nathalie Azoulai
Quand on parle d’amour en France, Racine arrive toujours dans la conversation, à un moment ou à un autre, surtout quand il est question de chagrin, d’abandon. On ne cite pas Corneille, on cite Racine. Les gens déclament ses vers même sans les comprendre pour vous signifi er une empathie, une émotion commune, une langue qui vous rapproche. Racine, c’est à la fois le patrimoine, mais quand on l’écoute bien, quand on s’y penche, c’est aussi du mystère, beaucoup de mystère. Autour de ce marbre classique et blanc, des ombres rôdent.
Alors Nathalie Azoulai a eu envie d’aller y voir de plus près. Elle a imaginé un chagrin d’amour contemporain, Titus et Bérénice aujourd’hui, avec une Bérénice quittée, abandonnée, qui cherche à adoucir sa peine en remontant à la source, la Bérénice de Racine, et au-delà, Racine lui-même, sa vie, ses contradictions, sa langue. La Bérénice de Nathalie Azoulai veut comprendre comment un homme de sa condition, dans son siècle, coincé entre Port-Royal et Versailles, entre le rigorisme janséniste et le faste de Louis XIV, a réussi à écrire des vers aussi justes et puissants sur la passion amoureuse, principalement du point de vue féminin.