— Par Lise Gauvin —
Comment survivre à cette « absence fondamentale » que constitue la mort de la mère ? se demande le narrateur du dernier roman de Patrick Chamoiseau. En risquant « une parole, […] sans mander de répondeurs, juste soucieux de respirer et de sourire aux souffles de ce qui n’est nulle part et qui pourtant subsiste ».
Dans La matière de l’absence, l’écrivain amorce une longue méditation, en compagnie de sa soeur aînée surnommée La Baronne, sur l’héritage laissé par Man Ninotte et sur la culture antillaise, qu’il présente comme une combinaison de traces, ces « mélanges en précipitations », ces « marques jamais monumentales » qui font les paysages.
Cette culture, Chamoiseau la retrouve dans la présence du conteur créole, dont le récit se situe tout autant dans ce qu’il dit que dans ce qu’il ne dit pas, mais aussi dans les allées et venues des pacotilleuses, ces femmes qui voyagent sans cesse dans la Caraïbe pour tenir un « commerce mobile ». La cale négrière est également là, tout comme l’impact de ceux que le poète martiniquais Édouard Glissant a désignés comme des « migrants nus », dont la première nécessité était de survivre à la traversée, « dans l’ardeur de renaître, sans espoir de retrouver la communauté perdue, ni même de reconstituer une nouvelle communauté ».