—Par Patrick Chamoiseau —
Nos monuments demeurent comme des douleurs.
Ils témoignent de douleurs.
Ils conservent des douleurs.
Ce sont le plus souvent des édifices produits par la trajectoire coloniale : forts, églises, chapelles, moulins, cachots, bâtiments d’exploitation de l’activité esclavagiste sucrière, structures d’implantation militaire… Les statues et les plaques de marbre célèbrent découvreurs et conquistadores, gouverneurs et grands administrateurs. En Guyane, comme aux Antilles, ces édifices ne suscitent pas d’écho affectif particulier ; s’ils témoignent des colons européens, ils ne témoignent pas des autres populations (Amérindiennes, esclaves africains, immigrants hindous, syro-libanais, chinois…) qui, précipitées sur ces terres coloniales, ont dû trouver moyen, d’abord de survivre, puis de vivre ensemble, jusqu’à produire une entité culturelle et identitaire originale.
La trajectoire de ces peuples-là s’est faite silencieuse. Non répertoriée par la Chronique coloniale, elle s’est déployée dans ses arts, ses résistances, ses héroïsmes, sans stèles, sans statues, sans monuments, sans documents. Seule la parole des Anciens, qui circule dessous l’écriture – la mémoire orale – en témoigne.
Or la parole ne fait pas monument.
La parole ne fait pas l’Histoire.
La parole ne fait pas la Mémoire.
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