Catégorie : Littératures

Le prestigieux prix mondial Cino-Del-Duca 2021 décerné à l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé

Après avoir été lauréate du Prix Nobel « alternatif » de littérature en 2018, l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé est de nouveau distinguée et recevra le 2 juin prochain de l’Institut de France, le prestigieux prix mondial Cino-Del-Duca 2021, le prix littéraire le mieux doté du monde après le Nobel de littérature. Une nouvelle consécration internationale pour celle, dont l’ambition est aussi de faire entendre la voix de la Guadeloupe.

Verra t-on bientôt Maryse Condé fouler de nouveau le sol de Stockholm, la capitale de la Suède, pour recevoir le Prix Nobel de littérature après avoir été lauréate du Prix Nobel « alternatif » de littérature en 2018 ? Rien n’est moins sûr, mais sa récente consécration pour le prix mondial Cino-Del-Duca peut légitimement le laisser présager.

L’auteure de l’inoubliable « Ségou » ou du non moins célèbre « Moi Tituba sorcière » succède en effet à de grands noms de la littérature et des sciences parmi lesquels on peut citer Jean Anouilh (1970), Andreï Sakharov (1974), Alejo Carpentier (1975), Léopold Sédar Senghor (1978), Jorge Amado (1990), Ismaël Kadaré(1992), Milan Kundera (2009) et plus récemment Joyce Carol Oates (2020, dont deux de ses récipiendaires, Patrick Modiano et Mario Vargas Llosa, ont reçu quelque temps après le prix Nobel de littérature.

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De nouveau le massacre

— Par Daniel Bookman —

Ce que vous allez lire là résulte d’un montage effectué à partir de fragments de Et jusqu’à la dernière pulsation de nos veines, pièce que j’ai écrite de juillet 1973 à juillet 1975, lors de mon exil en Algérie, et qu’ont publiée en 1976 les Éditions L’Harmattan. Ce faisant, j’ai voulu manifester symboliquement, ma fraternelle solidarité avec le peuple palestinien en lutte pour la libération de sa terre ancestrale, et ainsi saluer son courage sans cesse renouvelé

. Le témoin 1 : Et maintenant la représentation va commencer ? Ce que vous allez voir, entendre, écouter me camarades et moi, nous le dédions en hommage à la lutte, la juste lutte, du peuple de Palestine.

. Irruption sur le plateau de soldats de la Werhmacht, mitraillettes aux poings…Les suivent Mutter Golda, un masque de SS à la main, Moshe avec sur le visage un masque identique.

. Mutter Golda : Parfait , ce soir ça été parfait ! Ce carnaval macabre demeure absolument nécessaire. Ce jeu que nous leur imposons, il le faut !

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Littératures : nouveautés du 16 mai 2021

Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la lettre), apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres », avant d’atteindre aux XVIIe – XVIIIe siècles son sens principal actuel : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique (ex. : « C’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise littérature » André Gide) ou activité participant à leur élaboration (ex. : « Se consacrer à la littérature »).

La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de la communication verbale — orale ou écrite — qui met en jeu une exploitation des ressources de la langue pour multiplier les effets sur le destinataire, qu’il soit lecteur ou auditeur. La littérature — dont les frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations personnelles — se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais par sa fonction esthétique : la mise en forme du message l’emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d’informations même complexes.

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Langue créole, savoir académique et institutionnalisation : un débat toujours actuel

— Par Alain Saint-Victor, Enseignant, historien —

Recension du livre « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti »

Robert Berrouët-Oriol (coord.) et al.

Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 382 pages, mai 2021

Parmi tous les enjeux qui concernent l’avenir d’Haïti, celui de la langue occupe, sans conteste, une place fondamentale, incontournable. La question de la langue dans le contexte haïtien comporte une triple problématique (linguistique, sociale et historique) que l’on doit analyser pour rendre compte du fait linguistique dans le pays. Cette exigence n’est certes pas particulière à la réalité linguistique haïtienne, puisque pour comprendre la formation d’une langue, son évolution et le cadre de son utilisation, il faut tenir compte de ces trois facteurs. Mais dans le cas du créole haïtien, et dans celui d’autres créoles, cette approche dénote une certaine particularité du fait que le créole se situe dans une diglossie1 qui lui attribue un rôle dévalorisant, puisqu’il est considéré comme incapable d’exprimer le « savoir » conceptuel et scientifique. Étrange paradoxe : langue d’un peuple riche en connaissances culturelles, en savoirs agricoles et médicinaux, en expressions littéraires et musicales, en arts plastiques, le créole certes est « porteur » de savoirs, mais sa situation en tant que langue marginalisée, exclue des connaissances normatives ou savantes, le confine dans un rôle socialement inférieur, historiquement entretenu par une classe dominante comme une politique linguistique d’exclusion.

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Ballade en lecture avec la yole de Martinique

. — Comité de la yole à l’Unesco —

. Recueil des textes proposés par les candidat·e·s du concours organisé pour accompagner la présentation de la yole à l’Unesco

. Présentation

. Nos poètes en herbe parlent nous font partager leur attachement et leur relation avec ce patrimoine maritime ancestral de la Martinique dans ce livre qui aborde la yole sous l’angle de la littérature. Il réunit les textes proposés par les candidat·e·s du concours organisé pour accompagner la démarche auprès de l’Unesco. Il constitue à la fois un hommage à la yole et un témoignage de gratitude du comité de la yole à l’Unesco de l’association « La yole de Martinique au patrimoine de l’humanité ». Tant que la littérature restera un outil pour comprendre le monde, la question de la transmission ira de soi pour la yole de Martinique. Ces textes rendent hommage au savoir-faire propre à la yole martiniquaise, un héritage traditionnel qui nous fait grandir autrement, culturellement, amicalement, intellectuellement, professionnellement, artistiquement, etc. Créée il y a plusieurs siècles, la yole est une embarcation légère et rapide, à faible tirant d’eau et aux formes effilées, pouvant naviguer à une ou deux voiles.

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Chacha Lamémwa

— Par Daniel M. Berté —

Mémwa-mwen andidan an gro chacha kalbas
I sifi man soukwé’y pou pé tann an lo bwi…

Bwi fizi larazia adan an sel dézòd
Bwi lang-YO nou pa sav mé ki té ka ba’y lòd
Bwi kout baton an do Nèg YO maré épi kòd
Bwi chenn ki maré Nèg kondi bèt yonn-a-lòt

Bwi gran kannòt-bwa-a ki toulong ka kratjé
Bwi van ka fè gran-vwèl flaflaté san rété
Bwi kòwdaj ka grensé an pouli mal grésé
Bwi chenn ki maré Nèg anlè gran lanmè-a

Bwi ti-anmay ki fen an kal-a ka kriyé
Bwi Négrès ka pléré maren-YO anviolé
Bwi Nèg ki tro majò ki an dlo YO néyé
Bwi chenn ki maré Nèg an fenfon ladoulè

Bwi djèl- YO ka rélé pou la vant-o-anchè
Bwi koutla ka fann kann jiska tan i fè nwè
Bwi fret- YO an zo Nèg maten-midi-é-swè
Bwi chenn ki maré Nèg anlè bitasyon- YO

Bwi lanng kréyòl nou fè pou konprann yonn-a-lòt
Bwi chen ki YO ladjé an tjou Nèg a kout bòt
Bwi tanbou Nèg-mawon ka sonnen la révòlt
Bwi chenn ki Nèg pété pou trapé Libèté

Mémwa-mwen andidan an gro chacha kalbas
I sifi man soukwéy pou tann bwi Listwa-Nèg…

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Petit traité du vacillement suivi de Madou O de Serghe Kéclard,

Présentation

Petit traité du vacillement :

D’une histoire personnelle née de l’expérience charnelle d’un mot s’élabore une aventure – une poétique partagée. L’auteur construit alors une cosmogonie riche de l’enfance et du divers du monde qui se veut une invitation pour lectrice et lecteur, à entrer en poésie comme ces poètes pour lesquels « poésie n’est point silence on crée de la beauté /mais bruit et fureur /orgie et chaos /fragments et ruines/ lie et fange /d’où fleurit le miracle »

Ainsi s’énonce la parole hors toute liturgie, affranchie de la tutelle d’un Dieu tout-puissant. La verticalité s’estompe alors pour rejoindre un jubilatoire vacillement « mantjé tonbé sé bel pa» (trébucher, c’est encore un beau pas de danse) qui, néanmoins, interroge le sacré, le «pétulant tumulte» de l’amour, de la mort, de la «bles» du désastre originel et de la Beauté «pour acclamer les mystères de la vie». C’est de magie et de ré-enchantement du Réel dont il s’agit ici…. N’est-ce pas l’ultime fonction qu’on est en droit d’assigner à la poésie ?

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« Labimsolo » de Daniel Boukman, chez K.Editions

Labimsolo (équivalant à spleen en français) est une expression du créole martiniquais quasiment aujourd’hui disparue et dont l’emploi littéraire peut en permettre comme une résurrection… Quand, pour annoncer la publication de ce nouveau recueil, j’ai utilisé le terme de haïku, je ne cherchais pas à reproduire la rigueur métrique de ce genre poétique japonais ; je n’en ai épousé que la concision de mots assemblés pour dire – à voix basse – ce qu’ils disent.

Ecrire des haïkus suppose un détachement de l’auteur ; tel ne fut pas du tout l’état d’esprit présidant à l’écriture de LABIMSOLO, comme le révèle la préface que voici :

An tan lontan, té ni an jaden oti, anpami an lablanni flè santibon, an bann zwézo tout koulè té ka bay lavwa bay lavwa. Pannan tan-an, anbafey, an laposésion zòti té ka aladous vansé-vansé, paré pou toufé jaden-an oti an bann zwézo tout koulè té ka bay lavwa.

Alos, andidan tjè-mwen, an pawol nef wè jou pou dénonsé jes-makak, kouto dé lanm, manti-mantè, fidji masié… an pawol nef pou gloriyé nonm ek fanm vayan, wosé wo flanm flanbo libèté.

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Ui mé tala… & Les clefs de Saint-Pierre

. — Par Patrick Mathelié-Guinlet —

UI MÉ TALA…

. Difé fondòk latè

. ka brilé tout Senpyè,

. ka woulé anba mòn

. . jik bòdlanmè.

. . An bidim niyaj sann

. . ka monté èk désann

. . èk ka pòté lanmò

. . épi gwo lanmizè

. . an mitan tjè tjim li

. kon balé lanm lanmè

. ka fè sab-la tou plat

. . anba lanmen bondyé.

. . An lanm difé

. . ka kité nou san ayen

. . sòf anpatjé rigré

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Forfaiture en réseau

— Par Marie-Joé Lirus —

… ! J’ai besoin d’un AVOCAT qui ne me trahira pas,
Dis-moi ! où il est ?
… ! J’ai besoin d’un MEDECIN qui ne me trahira pas,
Où est-il ?
… ! J’ai besoin d’un CURÉ qui ne me trahira pas,
…?
… ! J’ai besoin d’un PASTEUR qui ne me trahira pas,
…?
… ! J’ai besoin d’un ÉLU qui ne me trahira pas,
…?
… ! J’ai besoin d’un POLITIQUE qui ne me trahira pas,
… ?
… ! J’ai besoin d’un COMMERCANT qui ne me trahira pas,
… ?
… ! J’ai besoin d’une POLICE qui ne me trahira pas,
… ?
… ! J’ai besoin d’une GENDARMERIE qui ne me trahira pas,
… ?

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Être Noire pour traduire une Noire ?

— Par Akram Belkaïd —

Faut-il être Noire pour traduire un poème écrit par un Noire ? Faut-il être arabe pour traduire un texte écrit par un arabe ? Faut-il être Algérien pour traduire l’œuvre d’un auteur algérien ? Ces questions font actuellement débat en raison de la polémique autour de la traduction en néerlandais du poème d’Amanda Gorman. Pour mémoire, cette jeune Afro-américaine avait fait sensation dans le monde entier en lisant son texte, The Hill We Climb, (La colline que nous gravissons) lors de la cérémonie d’investiture du président américain Joseph Biden en janvier dernier.

Aux Pays-Bas, l’éditeur Meulenhoff a proposé à Marieke Lucas Rijneveld, une jeune auteure très connue, d’en assurer la traduction en néerlandais. Précisons, car c’est important pour la suite, que Mme Rijneveld est blanche. En réaction, la journaliste et activiste noire Janice Deul – elle milite pour plus de diversité au Pays-Bas – a dénoncé dans un article « un choix incompréhensible » qui, selon elle, provoque « douleur, frustration, colère et déception. » L’affaire s’est emballée, les réseaux sociaux ont pris le relais et, finalement, l’éditeur a retiré la traduction à Rijneveld (laquelle a publié un poème intitulé « Tout Habitable » pour dire son désarroi et sa peine face à cette affaire).

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« Candide » en feuilleton pour réviser ses classiques sur France Culture

Du 3 au 14 mai à 20h 30 -Série- Podcasts-
Réalisée par Cédric Aussir, cette adaptation du chef-d’œuvre de Voltaire est un bijou radiophonique. Enlevée, drôle et servie par une distribution de rêve.
Joie, bonheur et bis repetita. Entendre, (ré)entendre Candide. Comme ça. C’est-à-dire à la fois à la lettre (irréprochable adaptation de Laure Egoroff) et de manière si enlevée que Bridgerton et sa chronique peuvent aller se rhabiller quand, dès le premier épisode, il suffit d’un mot (« parapet ») pour emballer nos imaginaires. Pour aussi, et comme à toute cause il faut bien un effet, que ledit jeune homme, trop épris de la belle Cunégonde, se fasse chasser du château. Le reste – le pire, en réalité – est bien connu des lycéens, qui devraient pouvoir ainsi joyeusement réviser… ( Le Monde)

Synopsis :
Candide est un jeune garçon vivant au château du baron de Thunder-ten-tronckh qui se trouve en Westphalien 6. Il a pour maître Pangloss, philosophe qui enseigne la « métaphysico-théologo-cosmolonigologie », et qui professait, à l’instar de Leibniz, que l’on vit dans le meilleur des mondes possibles — la philosophie leibnizienne est cependant déformée dans ce que professe Pangloss17.

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Vaksen vs Viris « Veni vidi vici »*

— Par Daniel M. Berté —

Viris vini an Vandrédi

valid valéré valsé

vann a vil pri lavi avan

viktim vilnérab volé

pran lavol jik o Valala

Viris vandal viris violè

« Veni vidi vici »

Vorien-a gaté lé vayan

vevvié kon lé vwazen

viris vini anpéché viv

Vakabon viré mové van

vilen varian ki pli violan

i vréyé vivan kay vermin

« Veni vidi vici »

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Aimé Césaire, la voix de la fraternité

En 1976, Aimé Césaire s’entretenait avec Edouard Maunick, poète et journaliste mauricien, au cours d’une série de cinq émissions. Le poète et homme politique antillais avait 63 ans à cette époque. Dans ces entretiens, il parle de son parcours intellectuel et de son attachement à la culture antillaise et africaine. Il évoque aussi la douleur de l’exil, le racisme toujours présent dans les sociétés occidentales et l’importance de maintenir l’espoir parmi les peuples noirs opprimés.

Aimé Césaire est né en Martinique en 1913. Après de brillantes études au lycée Schoelcher de Fort-de-France, il obtient en 1931 une bourse qui lui permet de suivre des études à Paris. En 1934, il fonde la revue L’Etudiant noir avec Senghor, Damas, Sainville et Maugée, puis entre à l’Ecole Normale  Supérieure. En 1935, il commence à écrire un long poème, le Cahier d’un retour au pays natal, pour lutter contre le dépaysement et l’exil. Il invente le terme de négritude. En 1939, il retourne en Martinique où il enseigne au lycée de Fort-de-France. En 1941, il fonde la revue Tropiques avec sa femme et d’autres amis.

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« Parenthèse virale » & Écrire…

— Patrick Mathelié-Guinlet —

Parenthèse virale
 
Comme gouttes de pluie
absorbées par le sable
s’écoule ainsi le temps
en jours bien trop semblables
pour que tout bonnement

les retienne l’esprit
et pire sont les nuits
quand nous saisit l’ennui
lors de nos insomnies…
 
Ma mémoire est en berne
dans ces moments si ternes
comme un grand brouillard gris
fait un philtre d’oubli…
 
Mais que cela nous pèse
quand ce virus a mis
tout simplement nos vies
entre deux parenthèses !

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Littératures : nouveautés du 25 avril 2021

Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la lettre), apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres », avant d’atteindre aux XVIIe – XVIIIe siècles son sens principal actuel : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique (ex. : « C’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise littérature » André Gide) ou activité participant à leur élaboration (ex. : « Se consacrer à la littérature »).

La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de la communication verbale — orale ou écrite — qui met en jeu une exploitation des ressources de la langue pour multiplier les effets sur le destinataire, qu’il soit lecteur ou auditeur. La littérature — dont les frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations personnelles — se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais par sa fonction esthétique : la mise en forme du message l’emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d’informations même complexes.

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Patrick Chamoiseau de nuit (2/2)

« L’heure Bleue » de Laure Adler : 53 minutes

Contes créoles et mythologies personnelles… A l’occasion de la parution de son livre “Le Conteur, la nuit et le panier” (Seuil), Patrick Chamoiseau nous emmène dans une balade qui, à l’image de son œuvre littéraire, mêle imaginaire foisonnant et pensée politique.

Idées préconçues, déjà-vu, déjà-dit, imposé, convenu… On a toujours cru que le syndrome de la page blanche était le mal des écrivains en panne d’inspiration, mais pour Patrick Chamoiseau, c’est bien “vider la page” qui permet d’entrer dans le processus créatif. Partant de l’extraordinaire émergence de la figure du conteur créole, il interroge dans son dernier livre “Le Conteur, la nuit et le panier” (Seuil) son propre travail d’écrivain, sa mémoire intime et les mystères de la création. 

À écouter  –  CULTURE

La lucidité-oxygène de Patrick Chamoiseau (1/2)

 

54 min

Créer, c’est dépasser l’ordre établi, qui n’est autre, dans les Antilles du XVIIe siècle, que l’ordre esclavagiste. Parler le jour, c’est prendre le risque d’être “transformé en panier”, selon un vieux proverbe créole qui amuse Patrick Chamoiseau. 

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Volkan Sézè (Dorsal bosal)

— Par Daniel M. Berté —

I ni dé volkan ki ka mò
I ni dé volkan ki ka rété
I ni dé volkan ki la selman pou van-an
I ni dé volkan fou
I ni dé volkan boulé an sann
I ni dé volkan ki ka viv an bann ek ka rodé
I ni dé volkan ki ka pwenté djol-yo anlè dlo detanzantan
vré chien lanmè
I ni dé volkan ki ka séré fidji-yo
toulong dan lé niyaj
I ni dé volkan lonjé kon rinoséros fatidjé
dontokel yo pé taté poch galaktik-yo
I ni dé volkan kwayan ki ka fè moniman
pou gloriyé pep ki disparet
I ni dé volkan véyatif
I ni dé volkan ka japé,
an montan lagad an palapot kay lépep ki ka dòmi
I ni dé volkan avous ki ka paret ek disparet
(sa sé jes makak)
I fo pa bliyé sa ki pa lé pli piti
lé volkan pies dòwsal pa janmen lokalizé
ek dontotjel lé rantjin ka konstwi lannuit
I ni dé volkan dontotjel djol-yo ka miziré kantékant
épi déchiraj antan-lontan-a.

Mofwazaj Dorsale bossale de Aimé Césaire ki paret dan Moi, laminaire
Daniel M.

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La lucidité-oxygène de Patrick Chamoiseau (1/2)

« L’heure Bleue » de Laure Adler : 54 minutes

 

En 1992, il se voit décerner le prix Goncourt pour son roman “Texaco”. Près de trente ans plus tard, c’est en Martinique que Laure Adler part à la rencontre de l’écrivain Patrick Chamoiseau, pour tracer avec lui les contours d’une “lucidité nouvelle” précipitée par la pandémie.

Il est devenu muet lorsqu’il a découvert, en entrant à l’école à Fort-de-France, qu’on ne parlait pas créole mais français. Aujourd’hui, il cite son ami et complice Edouard Glissant qui écrivait “en présence de toutes les langues du monde”. 

Auteur de dizaines de romans et d’essais et créateur de mots et de sens, Patrick Chamoiseau a bel et bien fait du langage un allié dans sa lutte contre les absolus – une langue, une couleur de peau, une religion, un imaginaire – sur lesquels le colonialisme a fondé sa domination. 

À écouter  Patrick Chamoiseau avec « La matière de l’absence » aux Editions du Seuil

53 min

René Char a dit : “La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » : à l’opposé d’une lucidité amère, c’est une lucidité fertile, qu’il appelle “lucidité-oxygène”, que cherche à penser Patrick Chamoiseau.

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L’aménagement du créole en Haïti et les droits linguistiques au regard du projet de « Constitution » néoduvaliériste du PHTK : les sables mouvants d’une dérive totalitaire

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

Mirlande X, enseignante dans un lycée de Port-au-Prince et lectrice assidue de nos chroniques linguistiques depuis plusieurs années, nous demande dans un récent courriel si les droits linguistiques figurent dans le projet de « Constitution » que l’ex-président Jovenel Moïse –dont le mandat a expiré le 7 février 2021 selon la Fédération des barreaux d’Haïti, mais qui s’accroche au pouvoir dans un climat politique marqué par la régression des droits citoyens et l’emprise grandissante des gangs armés sur le territoire national–, s’est mis en tête de faire adopter par référendum en juin prochain. Pertinente, la question de Mirlande X renvoie à la nécessité de garantir, notamment dans un texte constitutionnel, l’efficience des droits linguistiques inscrits dans la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996. Et comme nous l’avons auparavant explicitement formulé à travers la vision de l’aménagement linguistique en Haïti que nous offrons en partage dans nos articles et dans nos livres, les droits linguistiques sont un droit premier.

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Littératures: nouveautés du 21 avril 2021

Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la lettre), apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres », avant d’atteindre aux XVIIe – XVIIIe siècles son sens principal actuel : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique (ex. : « C’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise littérature » André Gide) ou activité participant à leur élaboration (ex. : « Se consacrer à la littérature »).

La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de la communication verbale — orale ou écrite — qui met en jeu une exploitation des ressources de la langue pour multiplier les effets sur le destinataire, qu’il soit lecteur ou auditeur. La littérature — dont les frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations personnelles — se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais par sa fonction esthétique : la mise en forme du message l’emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d’informations même complexes.

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Étonnants Voyageurs, un festival original en direct de Saint-Malo, France

– par Janine Bailly –

Les 22, 23 et 24 mai, une Trentième Édition 2021 forcément en ligne, et sans Michel Le Bris !

Je me souviens… Il fut, en des temps plus heureux, des Pentecôte(s) où descendait sur nos fronts, non la blanche colombe de la Bible, mais l’esprit de la littérature. Alors déferlait sur Saint-Malo, à peine contenue par l’antique ceinture granitique de ses remparts, la vague des lecteurs, amoureux des livres du « tout-monde », corsaires à l’affût de trésors dormant entre les pages, pirates chasseurs d’autographes, flibustiers dénicheurs d’inédites perles rares au creux secret de l’huître… Je me souviens… les courants convergents des visiteurs déferlant de toute la Bretagne et d’ailleurs vers le Palais du Grand Large ; la ville vaisseau littéraire à prendre à l’abordage, l’ancien repaire investi pendant trois jours, espace clos et pourtant ouvert sur le monde, bulle de sérénité où la vie se déroulait d’autre et belle façon ; le ressac des mots, les paroles entendues des écrivains, que l’on buvait sans que jamais ne soit étanchée notre soif, et dans l’odeur salée qui montait du large, l’écho des aventures et des voyages, périples autour du monde, mais encore plongée au cœur de la pensée et dans les hauts-fonds de l’âme humaine ; les milliers de pages à réveiller, auxquelles donner vie par une  lecture à venir, que l’on pressentait heureuse et riche, et dont la seule idée tenait déjà d’une indicible satisfaction ; le choix difficile puisque de cette bibliothèque marine, universelle, aux alizés ouverte, on ne pourrait hélas tout acquérir !

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Celui qui se réfugia dans la montagne. Monchoachi.

— Par Widad Amra

S’il est des personnages qui avancent dans la vie, entourés d’un halo de mystère, par leur rapport à l’existence, par ce qu’ils donnent peu à voir, peu à entendre, mais tellement à comprendre, il en est un qui incarne cette alchimie mystérieuse, le poète Monchoachi.

Dans le film d’Arlette Pacquit : « La Parole Sovaj », présenté en avant-première à Tropiques – Atrium le 30 mars dernier et en première diffusion sur Martinique la 1ère, le 6 avril, André-Pierre Louis, alias Monchoachi, nous est présenté dans toute sa complexité et toute sa clarté. Chose étonnante, l’homme solitaire est descendu de la montagne du Vauclin, lui qui refuse tout projecteur, cultive l’absence plus que la présence. Il nous est apparu dans sa simplicité, son apparente fragilité, son sourire malicieux, sa modestie, son élégance.

Ce documentaire d’une belle poésie, est un voyage qui brise les codes habituels pour offrir ce que la poésie a de plus éclaté et de plus rassemblé, de plus libre, de plus primitif, voire subversif, dans ce qu’elle offre à voir de ce qu’est la beauté.

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Parution en Haïti et au Canada du livre « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti »

— Par Jean Euphèle Milcé —
Le National salue la publication, en mai 2021, du livre collectif « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (coédition Zémès, Haïti, et Cidihca, Canada). Coordonné et coécrit par le linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol, collaborateur régulier du National depuis plusieurs années, ce livre ouvre des perspectives nouvelles et fortes en vue de l’enseignement du créole et de l’enseignement des savoirs et des connaissances dans la langue maternelle des locuteurs. Pour découvrir cet ouvrage et en apprécier le contenu, Le National présentera bientôt à ses lecteurs, en exclusivité, une série d’entrevues réalisées avec plusieurs auteurs de « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti ».
Appelé à être un livre de référence majeur dans le système éducatif haïtien, ce livre est la première publication entièrement consacrée à la didactisation de la langue parlée par plus de onze millions de locuteurs au pays. Son aménagement est donc l’un des plus grands défis que l’État haïtien a l’obligation de mettre en œuvre en vue d’une éducation de qualité et véritablement inclusive.

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Disparition de Bernard Noël, poète du corps et de la « sensure »

Écrivain engagé, essayiste, romancier, historien, reporter, polémiste, sociologue, critique d’art, éditeur, mais surtout poète français contemporain considéré comme l’un des plus grands, Bernard Noël s’est éteint le 13 avril 2021, à l’âge de 90 ans. En 2016, ultime distinction, l’Académie française avait consacré l’ensemble de son œuvre poétique en lui attribuant son Grand Prix de Poésie. Une belle reconnaissance pour celui dont le travail avait été salué en son temps par Louis Aragon.

« Le Bernard Noël que j’ai connu était bardé d’un silence à couper au couteau », écrivait son ami Georges Perros en 1977. Leur Correspondance sera publiée en 1998. Avec cette forte image, Perros met en lumière un paradoxe fondateur : l’œuvre de Bernard Noël, abondante, à la fois inspirée et pensante, s’est construite dans ce rapport violent à l’intériorité silencieuse. Violence dont le langage est l’instrument, l’arme. Dans un entretien avec Claude Ollier, en 1995, il déclarait : « Il n’y a jamais eu pour moi d’en dehors du langage. Il n’y a de l’indicible que parce qu’il y a du dicible ». Ce constat renvoie à l’homme vivant dans son époque autant qu’à l’écrivain, au poète qu’il fut… Vivant dans son époque, car comme nombre de jeunes gens de sa génération, il réagit avec révolte et détermination aux événements du monde, d’Hiroshima à la guerre du Vietnam, des crimes de Staline à la guerre d’Algérie, au cours de laquelle il milite avec les “porteurs de valise” du Réseau Curiel.

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