Catégorie : Littératures

L’aménagement du créole à Sainte-Lucie à l’épreuve de son ancrage institutionnel

Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

Le site Web officiel du gouvernement de Sainte-Lucie a fait paraître en anglais, le 31 août 2021, un communiqué titré « Saint Lucia works to institutionalize kwéyòl language » (« Sainte-Lucie travaille à l’institutionnalisation de la langue kreyòl »). Ce communiqué annonçait la tenue, le même jour, d’une « conférence virtuelle de planification de la mise en œuvre de la politique linguistique nationale ». Voici en quels termes a été consignée cette annonce qui, dans la formulation même de l’énoncé, présuppose qu’il y aurait une politique linguistique d’État à Sainte-Lucie :

« Le ministère de l’Éducation, de l’innovation, des sciences, des technologies et de la formation professionnelle, par l’intermédiaire de l’Unité de développement des programmes et des matériels (CAMDU), tiendra sa conférence virtuelle de planification de la mise en œuvre de la politique linguistique nationale le mardi 31 août 2021, de 10 heures à 13 heures.

« À ce jour, dans le cadre du programme Early Learners (ELP) de l’OECS USAID, un projet de politique a été élaboré, sur la base des réactions d’un échantillon représentatif de la société saint-lucienne.

→   Lire Plus

Les rêves réalisés de Maryse Condé

— Par Gladys Marivat(Collaboratrice du « Monde des livres ») —

L’écrivaine antillaise poursuit son œuvre par une réécriture de la Bible transplantée en Guadeloupe, « L’Evangile du nouveau monde ». Où celle qui a passé sa vie aux quatre coins du monde apparaît plus libre et plus confiante dans l’avenir que jamais

Ce livre sera son dernier… mais ce n’est pas la première fois qu’elle le dit. Déjà en 2015, Maryse Condé annonçait dans un entretien au « Monde des livres » que Mets et merveilles (JC Lattès) devait clôturer son œuvre. En cause : la maladie qui altère sa voix et sa vue, et l’empêche de taper à l’ordinateur (elle est née en 1937). Deux ans plus tard paraissait Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et Ivana (JC Lattès), inspiré des attentats de janvier 2015. Et aujourd’hui, L’Évangile du nouveau monde, sa réécriture du Nouveau Testament, transplanté en Guadeloupe.

« Il y a longtemps, j’ai lu Caïn [Seuil, 2011], la relecture de la Bible de José SaramagoJ’ai eu envie de faire comme lui, mais je n’ai pas osé.

→   Lire Plus

Matnik an gravitud

— Par Daniel M. Berté —

Klòrdékòn mété moun dan la kanséritud
Sargas ek brimdesab gonflé maladitud
Lékonomi ka ba’y dan la dékrépitud
An viris fouté moun adan koviditud

Jòdijou moun mélé yo dan lensertitud
Anlè ki pié dansé sé la grann entjétud
Mas épi jes-bawriè sé la nyou-atitud
Ek lè sa pa sifi sé la konfinitud

Lé swagnan épizé yo an grann lasitud
Lamorg plen a kratjé sé la déborditud
Fèknyouz rézososio sé lenvazionitud
Débat lé konésè sé la spésialitud

Défilé an lari pou la kontestitud
Opozan ka wouklé dan konba-djòlitud
I paré sé pou sa défann libertitud
Epi pou rifizé pran la pas-atitud

Oben pou ou pa aksepté la vaksinitud
Epi mété douvan rimed-bòkayitud
Ni vakabonajri ka fet épi grann anplitud
Sitiyasion Matnik vini an gravitud

→   Lire Plus

Édouard Glissant et l’héritage de Wifredo Lam

— Par José Manuel Noceda Fernandez —

Lorsqu’on parle de Lam, on mentionne  inévitablement ses relations et son amitié avec quelques intellectuels célèbres. Parmi les  européens, Pablo Picasso et André Breton  ainsi que leurs expériences entre Paris et Marseille de 1938 à 1941 sont immanquablement cités. S’il s’agit des Caraïbes, Aimé Césaire, un géant des lettres antillaises lié – comme l’était aussi le peintre cubain – à la pensée surréaliste, est le premier évoqué.

Césaire et Lam se rencontrent à Fort de France en 1941, lors du passage du peintre en Martinique, sur le chemin du retour à La Havane. Cette rencontre a évolué en  une étroite amitié entre deux hommes qui ont partagé des histoires, des réflexions et des manières d’appréhender le monde colonial ou néocolonial des Antilles. Lam a illustré la version espagnole du Retour au pays natal de Césaire, en 1942, traduit par Lydia Cabrera. Césaire a consacré de nombreux de poèmes au cubain, comme ceux de Moi laminaire, par exemple.

Mais cette amitié et ce destin commun occultent malheureusement les relations de Lam avec d’autres pans  de l’intelligentsia, notamment des Caraïbes. 

→   Lire Plus

L’Affaire Pavel Stein, Gérald Tenenbaum, éditions Cohen&Cohen

— Par Michèle Bigot —

« En matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d’ancêtres », cette épigraphe d’André Breton ouvre le roman sur une énigme. Quelle révolte, qui est révolté et contre quoi? Mais il se pourrait que la révolte n’ait pas nécessairement besoin d’un objet, qu’elle soit un état de l’esprit. Voyons donc…

La matière du roman est matière fluide. Une femme écrit. Une femme parle. Choc de la première phrase: « Je déteste porter des collants lorsque j’ai mes règles ». D’emblée, le narrateur-auteur est invité à disparaître, au moins en tant qu’homme. Et Paula, puisque c’est elle qui agit, se lance dans un récit. Rétrospectif et personnel. La scène de l’écriture (qui ouvre et clôt le récit) intervient quelque vingt ans après la scène de l’histoire. Fluidité dans la temporalité (allers-retours de la mémoire) et fluidité dans l’identité. Est-ce la même Paula, la jeune journaliste un peu candide qui fait la rencontre de Pavel Stein pour l’interviewer, et la femme mûre qui mène son deuil par l’écriture?

C’est donc l’histoire d’une rencontre amoureuse. On se demande si Breton aurait apprécié!

→   Lire Plus

«Entendre battre le cœur»

Le grand vent sahélien

Le réputé critique littéraire du journal montréalais Le Devoir, Hugues Corriveau, publie ce 14 août 2021 un remarquable compte-rendu de lecture de «Simoun», huitième livre de poésie de Robert Berrouët-Oriol (Éditions Triptyque, Montréal, mai 2021). Ce compte rendu porte le titre évocateur de «Le grand vent sahélien» et fait partie d’un grand ensemble dont le titre général est «Entendre battre le cœur». En voici le texte intégral, que j’ai grand plaisir à partager avec vous:

Le grand vent sahélien

«Dans un tout autre champ d’écriture, Robert Berrouët-Oriol nous propose encore sa haute parole, son langage ultrachâtié qui obombre une simplicité parfois plus souhaitable. Ainsi, dès le premier poème, nous faut-il saisir cette parole « fleurant fastes festivités / et ritournelle d’apnée.» Convenons que ce n’est pas peu. Tournons la page de Simoun­ et nous serons immédiatement confrontés « au surjet primipare des alvéoles / liant d’anabase pour l’hommage persien ». Vraiment, on se sent immédiatement un peu décalé, renvoyé à quelque obscur complexe devant un tel étalage de ce savantissime vocabulaire. Mais qu’y a-t-il donc qui nous sollicite tant chez ce poète, que recèle donc cette parole poétique méticuleuse, pleine d’embûches et d’entourloupes ?

→   Lire Plus

Wa pié-mango

Espésial dédikas ba Joziàn Jolet

— Par Daniel M. Berté —

Sété antan sézon mango
Lé pié-mango pran désizion
Pou chwazi an chef pami-yo
Tjidonk di fè an éleksion

Pou sa respekté la koutim
Chaken de vou dira son nom
Epi tjek mo ka fè la rim
I fodra vanté son bouyon

Zéfirin di ki i divin
Térébantin, parfun pou tout narin
Farin di man ni lachèw fin
Tin, mwen sé niché babin

Mouslin, man dous kon chabin
Mousach, lapo mwen san tach
Alawoz, jé bel fidji woz
Vatab, man pli dézirab

→   Lire Plus

Pour Patrick Chamoiseau, la Martinique est un « état poétique dans la langue »

Par Gladys Marivat —

L’auteur de « Texaco » forge son style dans l’univers créole

Avant d’être la source de l’œuvre de Patrick Chamoiseau, la Martinique lui cloua d’abord le bec.

Dans sa trilogie (Gallimard, 1993-2005), l’écrivain, né en 1953 à Fort-de-France, raconte comment il est devenu muet en découvrant qu’on ne parlait pas créole, mais français, à l’école de cette ancienne colonie devenue département français en 1946. Les cheveux gominés, la peau noire et les « r » bien raclés, « le Maître » manque de défaillir à chaque intervention d’un élève. Tout le scandalise : le prénom (Gros-Lombric ? ), « C’est ainsi, je présume,que l’on vous appelle à la maison et dans les bois avoisinant votre case ? »l’accent, la langue, les expressions imagées ( ). « C’est un volêr-dê-poule, mêssié… – Vo… leurr, pas volêr ! »

Le jeune Patrick se replie sur lui-même. Les « Répondeurs » – ce cercle d’auditeurs avec lequel le conteur créole maintient constamment une interaction langagière, et qui accompagne au début le petit écolier dans sa classe – se taisent à leur tour.

→   Lire Plus

Zédjui

— Par Daniel M. Berté —

Piti, man ka di lè ; gran man pou lé minit
Pli fin ek pli présé, man ka di lé sigonn
Dan an lawonn san fen, man ka matjé li tan
An mont, révèy, lòwlòj, man sé Manzè Zédjui

Mwen piti tij métal, man pé fè an mal fou
Ek si’m fè moun kriyé, sé an mal pou an bien
Si’w asiz anlè-mwen san ou pran pokosion
Si’w pa tjenbé-mwen bien ou responsab mal-ou

Man ni an fant an tèt, ki yo ka kriyé tou
Eti fil ka pasé pou mwen endé’y koud twèl
Monté bouton, présion, rapiésté divès lenj
Endispansab man yé, man sé zédjui a koud

Men man pé koud osi adan tout kò an moun
Lapo’y pa andérò, toupatou andidan’y
Kolé dé bout lachè épi konpè-mwen fil

Man fò kon an doktè, mwen zédjui chiriji

Adan bout an séreng, man ka endé an moun
Si sé pou tiré ba’y, man sé zédjui ponksion
Si sé pou pòté ba’y, man zédjui enjeksion
An manniè kon an lòt, man pé sové’y lavi

→   Lire Plus

Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« Le créole représente à mes yeux plus qu’un simple procédé pédagogique, mais un moyen d’opérer la réconciliation avec nous-mêmes, susciter le respect de nous-mêmes, gage du respect des autres… Ce que je défends dans ce livre, c’est, au-delà d’un vrai bilinguisme, l’unité et la solidarité nationale sans quoi il n’y a pas de vrai développement. » (Pradel Pompilus : « Manuel d’initiation à l’étude du créole », Éditions Impressions magiques, Port-au-Prince, 1983.)

Diffusé au printemps 2021 sur le site Potomitan, le lexique d’Emmanuel W. Védrine a pour titre complet « Leksik kreyòl : ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986 » ; il est daté de l’été 2000 et l’auteur ne mentionne aucune mise à jour depuis l’année 2000. Dans cet article nous en faisons une lecture critique à partir des critères méthodologiques de la lexicologie professionnelle et nous nous attacherons en particulier à déterminer si ce lexique a été élaboré selon ces critères. Nous tâcherons ainsi de savoir si ce court travail de 12 pages constitue un apport à la lexicologie créole et s’il peut être recommandé pour l’apprentissage en créole des savoirs et des connaissances, en particulier dans les domaines scientifiques et techniques.

→   Lire Plus

Bord….. el de mer….. de

— Jacques-Olivier Ensfelder, Artiste dramatique / Poète —

Île d’où je viens

Racines de mes ailes

Voilà tes plages maintenant interdites

Mon nid bleu sacrifié

Sur l’autel aux offrandes des tropiques.

Bras tendus

Nos peurs ne rebroussent plus chemins

Devant la piqûre du scolopendre invincible

Et l’alizé fulgurant raconte

Cette sinistre histoire récoltée de la bouche

Continentale d’un muet :

Ses hommes et femmes

En frères se griment

S’en vont au bal des râles masqués

D’où ne se joue plus musique-métisse

D’où ne résonne plus tambour et Tchiip

Et où la beauté a réussi sa grimace

Coite d’être confinée et en suspens

Sur les visages

Sur les virages

Sur les rivages

Sur les ravages

D’un monde inoculé

Comme une île d’où je viens.

 

Jacques-Olivier Ensfelder, Artiste dramatique / Poète

Août 2021

→   Lire Plus

Le « français régional » d’Haïti sous la loupe du linguiste Renauld Govain

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le linguiste haïtien Renauld Govain a publié l’an dernier un article de haute voilure, rigoureux et fort bien documenté, « Le français haïtien et le « français commun » : normes, regards, représentations ». Paru en mai 2020 dans le numéro 23 de la revue Altre Modernità (Università degli Studi di Milano, Italie), cet article semble peu connu parmi les linguistes, les enseignants et les didacticiens alors même qu’il s’appuie sur un appareillage conceptuel cohérent et pertinent et sur une recherche originale menée sur le terrain. Docteur en linguistique, enseignant-chercheur et doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti, coordonnateur du Laboratoire langue, société, éducation (LangSÉ), Renauld Govain est également membre du Comité international des études créoles et coauteur du livre de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Berrouët-Oriol et al, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, mai 2021). Il est l’auteur de nombreux articles scientifiques en dialectologie, en créolistique et en phonologie, parmi lesquels « Normes endogènes et enseignement-apprentissage du français en Haïti », Études créoles, no 1 et 2, 2008, et « Le français haïtien et l’expansion du français en Amérique », dans Le(s) français dans la mondialisation, Véronique Castellotti (dir.),

→   Lire Plus

Krey Matjè Kréyol Matinik (KM2): Pawol fondas

Atè Matinik, lè ou pran tan gadé, ou andwa wè ni an bon enpé matjè-pawol ek adan yo, ni yonndé éti moun andéwò péyi-a konnet.
Men tan lavérité rivé ! Dapré an konpangni moun, sé yenki nan lang fransé matjè ka matjé : sa pa vré pies toubannman ! Nan péyi-nou an, anlo matjè ka matjé pawol-yo nan lang kréyol-la.
Asiré pa pétet ni pawol ki matjé nan lang fransé épi ni pawol ki matjé nan lang kréyol, é lè nou ka di sa, sé pa pou mété fas a fas, akwèdi dé kok-djenm adan an pit, sa ka matjé fransé épi sa ka matjé kréyol . Nou pa dakò pies épi model ladjè-tala davrè anlo adan nou ka matjé kréyol, ka matjé fransé.
Men jòdijou fok nou gloriyé an manniè espésial, pawol-matjé nan lang kréyol la pas souvanman – tro souvanman – ba anlo moun, pawol-matjé nan kréyol, sé ayen menm.
Sa vré ! Nou tout, nou pa anlé menm larel politik, menm larel filozofik ; nou pa ka matjé kréyol la silon menm kanman-an men padavwa nou ka vréyé douvan nan lang kréyol la, istwè-long, istwè-kout, plodari, powézi, kont, pies-téyat, sé rivé tan-an rivé pou nou liannen..

→   Lire Plus

Pour saluer l’Oiseau de Cham

Par Anatole Atlas —

Si quelque virus ne s’était emparé de la planétaire cité dolente jusqu’aux tréfonds de son système nerveux détraqué, l’immunité mentale collective serait suffisante pour que chacun puisse goûter, comme un élixir poético-prophétique, cet antipoison radical qu’est l’œuvre de Patrick Chamoiseau. Œuvre définie dans son dernier ouvrage comme « cheminement  ’’ dépourvu de chemin ’’ vers la compréhension » de « cette énigme indépassable qu’est la littérature ». Qui pourrait être ce vaccin dont le monde a besoin…

Le conteur, la nuit et le panier ne porte pas un titre facile à ranger sur l’armoire aux bibelots d’inanité sonore : c’est la moindre des raisons pour lesquelles on ne risque guère d’en voir signalée l’existence dans la presse en Belgique, plus prompte à célébrer Bob Morane. Et pour cause : nulle part n’est mieux rompu l’os pour sucer la substantifique moelle d’une mémoire des affres coloniales qui reste plus encore qu’un tabou : une prohibition dans ce pays. Si « Rabelais, ce père du langage, ce surgissement d’une catastrophe esthétique extrême, venait certainement d’une plantation martiniquaise » ; si « Rabelais est un conteur créole », pourquoi Chamoiseau ne serait-il pas issu d’une colonie belge en Afrique ?…

→   Lire Plus

Lè lè-a rivé…

(An sonjé ba Jakob ki ladjé laviya…)

— Par Daniel M. Berté —

An dékalfoukasion
An dérayman
An débiélaj (an servo’w)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou pati

An terbolizasion
An tranmantè
An tjwézon (an lespri’w)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou kasé kòd

An fréyè
An falfret
An féblès (an fondok-ou)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou foutélikan

An makataj
An masakraj
An matjilpataj (an nanm-ou)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou monté Abolay

An estébékwaj
An estipersaj
An estentjaj (an boyo’w)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou foukan kay Bazil

→   Lire Plus

Mové tan

— Par Daniel M. Berté —
An tan lesklavaj
nou pran chenn épi fret
nou pran kat-pitjet épi karkan
nou pran estanpaj ek koko koupé
nou pran mitilasion ek pandézon…

Nou prédié, nou pléré, nou pijé, nou pliyé,
nou pa kasé !
Nou kakolé, nou tjenbé, nou sanblé, nou lité,
pou trapé Libèté !

An tan ladjè
nou pran fè épi Robè
nou pran plon ek bal fizi
nou pran soufrans ek malérans
nou pran asasinaj ek méprizasion

Nou prédié, nou pléré, nou pijé, nou pliyé,
nou pa kasé !
Nou kakolé, nou tjenbé, nou sanblé, nou lité,
pou ritouvé Libèté !

An tou tan
nou pran lavalas ek siklòn
nou pran pétaj volkan ek katastrof
nou pran débòdman ek laséchwes
nou pran tranmanntè ek réboulman

Nou prédié, nou pléré, nou pijé, nou pliyé,
nou pa kasé !
Nou kakolé, nou tjenbé, nou sanblé, nou lité,
pou gadé Libèté !

→   Lire Plus

L’autre  Martinique ou ma parodie de « L’île lointaine » de DanielThaly

— Par Térèz Léotin —
Je suis née dans une île amoureuse du vent
Qui a toujours montré, en  dévorant cyclones 
Qu’il n’appréciait pas  ses    pauses monotones. 
Je suis née dans cette   île où le sucre a odeur  
Et mémoire-esclavage   et  cruelle sueur
Je suis née dans mon  île aux relents de sargasses
Où tout parfum  vanille ici  vite trépasse
Cette  île  des Tropiques  attirant des familles
Ses flots tièdes et bleus dans la mer des Antilles.
Je connais  ses forêts   de fer-de-lance natifs
Sa brise   hurlant  sur  les filaos plaintifs
Cent fois   j’ai  parcouru ses mornes bien brumeux
Qui cherchent plus que tout   à rejoindre    les cieux
Pour voir à l’horizon qu’ailleurs  tout n’est  que vent.
Térèz Léotin 23/07/21 

L’île lointaine
Je suis né dans une île amoureuse du vent,
Où l’air a des senteurs de sucre et de vanille,
Et que berce au soleil du tropique mouvant,
Le flot tiède et bleu de la mer des Antilles.
Sous les brises au chant des arbres familiers,
J’ai vu les horizons où planent les frégates,
Et respiré l’encens sauvage des halliers,
Dans ses forêts pleines de fleurs et d’aromates.

→   Lire Plus

« Simoun », poésie par Robert Berrouët-Oriol.

Le grand retour à la poésie du poète Robert Berrouet-Oriol

— Par Hugues Saint-Fort —

Le nom et l’œuvre littéraire de Robert Berrouet-Oriol sont entrés dans la littérature québécoise en 1986 par le truchement d’un article célèbre titré « Effet d’exil » paru dans la revue culturelle Vice Versa et consacré à l’émergence des « écritures migrantes » (Robert Berrouet-Oriol : L’effet d’exil, in Vice Versa, # 17, décembre 1986-janvier 1987). Depuis, l’expression « écritures migrantes » est devenue un des concepts clé de la littérature québécoise, un texte fondateur que Berrouet-Oriol a utilisé pour distinguer « entre deux notions voisines pour définir la double originalité de ces écritures : « voix migrantes » pour signifier qu’elles sont venues d’ailleurs, et « voix métisses », pour préciser qu’elles s’hybrident au contact des voix d’ici » (Beniamino et Gauvin 2005).

Berrouet-Oriol a poursuivi ensuite une activité strictement littéraire en publiant en 1986 Lettres urbaines ; en 2009 En haute rumeur des siècles ; en 2010 Poème du décours qui a gagné le grand Prix du livre insulaire en France, en 2013 Découdre le désastre, suivi de L’ile anaphore qui a reçu la Mention d’excellence de la Société des écrivains francophones d’Amérique. 

→   Lire Plus

La Guadeloupe compliquée de Maryse Condé

« Ecrivains sur leur île » (1/6). La native de Pointre-à-Pitre, autrice de « Traversée de la Mangrove » ou d’« En attendant la montée des eaux », entretient des rapports assez ambivalents avec ses Antilles. Et réciproquement.

— Par Gladys Marivat (Collaboratrice du « Monde des livres ») —

En décembre 2018, après avoir reçu le Nouveau Prix académique de littérature, dit « Nobel alternatif », à Stockholm, Maryse Condé voyage dans son île natale pour partager sa récompense avec le peuple guadeloupéen. Une foule compacte se presse devant l’aéroport de Pointe-à-Pitre, en chantant le « retour au pays » de l’écrivaine. L’accueil est chaleureux, très différent de celui qui lui avait été réservé une trentaine d’années auparavant lorsqu’elle était revenue après le succès des deux tomes de Ségou (Robert Laffont, 1984 et 1985), sur la chute du royaume bambara. « Dès le départ, mes rapports ont été faussés, biaisés. Alors que je voulais revenir chez moi, ce n’était pas chez moi. Les gens me prenaient pour une étrangère (…). On disait que j’étais une Africaine qui parlait de l’Afrique ! 

→   Lire Plus

Tan davan-Tan dapré

— Par Daniel M. Berté —

Kitan tan ka ni tan fè otan tan
tantésibien « ki tan ka kité tan »

Toutan
pou miziré tan
nou ka pran
kadran solèr sablié
lòloj mont révèy
ka fè-nou kwè nou sé met tan
nou ka’y ped tan

Ek pa bliyé
« Li tan perdu ne se ratrap jamè »

An tan lontan
nou té ka alé dan dé tan, janr
ponchanmizik tédansan
zouk-boutèy siwpriz-parti
bal é ot diri-san-trié
oben toufé-yenyen
sa sé té le bon tan

Nou té ka chanté
« Sé le tan dé kopen le tan de lamour… »

Nou té ka pran tan
tan zayé
tan antré anlè madanm
tan fè koulé
tan pran zorèy pou téléfòn
tan fè lafouka
tan pa té ka tonbé

→   Lire Plus

Hommage au Maestro Kadak

— Par Patrick Chamoiseau —

Maestro,

Nous savons maintenant que la danse, que le chant, que le rythme, et donc fondamentalement la musique, ont été le soleil de notre drame collectif. Dans l’horreur du bateau négrier ou dans l’enfer des plantations, c’est d’abord la musique qui a nourri notre résistance inaugurale et qui, plus largement, a amplifié les assises de notre conscience individuelle, puis de notre âme collective. Notre musique, faisant soleil, a fait lever une belle aurore sur notre apparition comme peuple et comme nation, et sur notre devenir.

Chanter, danser, faire rythmes et faire musique, sont des forces poétiques. Elles sont au principe de ce que nous étions, et de ce que nous sommes aujourd’hui. C’est l’élargissement des bases de la conscience par les forces poétiques qui permet d’accéder aux amplitudes de la lucidité, et donc à toute vraie résistance aux négativités. Si la lucidité s’éloigne de sa base poétique, elle devient amère et stérile ; si elle se perd dans sa base poétique, elle n’est plus qu’une de ces perceptions qui restent vaines, inaccomplies. Le chant, la danse, le rythme, la musique, peuvent donc s’élever dans la lucidité féconde où les peuples se construisent, mais ils peuvent aussi verser dans les insignifiances du seul divertissement où les peuples s’abiment.

→   Lire Plus

Pour Edgar Morin

— Par Patrick Chamoiseau —

Ici, quand il pleut, ce sont les gouttes qui font le ciel, qui trament aussi la terre dans une même envolée, mais pas un parmi nous ne connait si ce sont des sanglots de soleil ou les éclats d’une énergie dont nul ne tient le nom, ni comment ce qui scintille dessine d’impalpables matières où le vivant s’assemble parmi les herbes folles à la célébration des vers et la jubilation d’une fougère assoiffée.

On peut hélas compter les papillons, ils sont des événements, balises fantômes de la grande perte et de l’absence où tout s’effondre, mais il y a (heureux bonheur) l’infini des parfums qui s’emmêlent et se distinguent ensemble, légers, mouillés, comme portés de frissons en pensées, jusqu’aux fragrances qui accompagnent le jaunissement des fruits-à-pain… Là j’ai pour vous, une fois encore comme après tant de fois, contemplé la musique architecte des désordres, la forge qui sans cesse détruit et renouvelle, l’épuisement qui devient, cette lancée d’avenir dans cet épuisement même, et j’ai compté pour vous les mesures de l’alliance où se tient ce qui est séparé, tout comme ces horizons qu’il faut apprendre à deviner dans ce qui nous semble obscurément soudé.

→   Lire Plus

Installer sur des fauteuils d’égale prestance langue française et langue créole…

— Par Daniel Boukman —

Mésiézèdanm, bel bonswè !… Lonnè épi respé ba lasosiyasion MICELA (Maison Interculturelle des Ecrivains et des Littératures d’Améri-caraïbes) MICELA ki ba mwen lokazion vini l’AMEP pou vréyé douvan an kozé lantou Créolophonie, créolographie kivédi an fransé : parler, lire, écrire la langue créole.
Epi an bel mèsi tou ba zot ki pran anlè tan-zot an moman tan pou vini oswè-a l’AMEP pou nou bokanté pawol.
Une langue, c’est un ensemble de signes oraux ou écrits propre à une communauté d’individus qui l’utilisent pour s’exprimer et communiquer entre eux … A ajouter à cette définition que la formation d’une langue procède de circonstances historiques spécifiques. C’est ainsi que la langue française puise son origine dans un système de domination coloniale dont le latin, la langue de l’empire romain, s’est imposée aux langues de la Gaule sans toutefois parvenir à leur élimination totale ; en effet la langue dominante, le latin populaire parlé par les colons romains, a été en quelque sorte « contaminée » par l’apport des langues dominées des Gaulois, ; il s’ensuivit au fil des siècles la naissance en Europe d’ une famille de langues dites romanes : le romain, l’italien, le français, l’espagnol, le portugais, langues romanes devenues plus tard langues nationales.

→   Lire Plus

Man ka rété

— Par Daniel M. Berté —

Man ka rété andidan an tou krab
Séré kon an mantou ki tann an kout tonè
Ek ki pé pa sòti pas i wè an ratiè

Man ka rété andidan an ma-dlo
Akondi kapolad yo koupé pat-dèyè
Ek ki pé pa boujé pou alé wè ayè

Man ka rété adan an marigo
Eti dlo ka dòmi épi an gou anmè
Paski djèl-i bouché pou alé an lanmè

Man ka rété an kannal Tibouk-la
Kon Ira Delgado ki ka péché bra-nwè
Pou ba yich-li manjé, tiré-yo an mizè

→   Lire Plus

Kréyatè kiltirel kourajé

— Par Daniel M. Berté —

Kan konsantrasion kolonial

fè’w kréyatè kiltirel kourajé

Kéyèt kafé…
ou kréyatè Tibwa an konnésans

Kèyman tabak…

ou kréyatè Tanbou an kakolans

Kasaj kako…

ou kréyatè Chacha an kalinans

Kéyaj lendigo…

Ou kréyatè toutoun-banbou an kadans

Kawdaj koton…
ou kréyatè Siyak an koultans

Koup kann…
ou kréyatè Banza an kalitans

→   Lire Plus