Catégorie : Littératures

Littératures: nouveautés du 10 octobre 2021

Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la lettre), apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres », avant d’atteindre aux XVIIe – XVIIIe siècles son sens principal actuel : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique (ex. : « C’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise littérature » André Gide) ou activité participant à leur élaboration (ex. : « Se consacrer à la littérature »).

La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de la communication verbale — orale ou écrite — qui met en jeu une exploitation des ressources de la langue pour multiplier les effets sur le destinataire, qu’il soit lecteur ou auditeur. La littérature — dont les frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations personnelles — se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais par sa fonction esthétique : la mise en forme du message l’emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d’informations même complexes.

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Le prix Nobel de littérature 2021 attribué au romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah

Le prix Nobel de littérature 2021 a été décerné à Abdulrazak Gurnah « pour sa pénétration sans compromis et compatissante des effets du colonialisme et du sort du réfugié dans le gouffre entre les cultures et les continents ».
Abdulrazak Gurnah (né le 20 décembre 1948 ) est un romancier tanzanien , qui écrit en anglais et est basé au Royaume-Uni. Les plus célèbres de ses romans sont Paradise (1994), qui a été présélectionné pour le Booker et le Whitbread Prize , Désertion (2005) et By the Sea (2001), qui a été présélectionné pour le Booker et présélectionné pour le Los Angeles Times. Prix ​​du livre . Il a reçu le prix Nobel en 2021.

Vie et carrière
Né sur l’île de Zanzibar , au large des côtes de l’Afrique de l’ Est , Gurnah est allé en Grande-Bretagne en tant qu’étudiant en 1968. Il a d’abord étudié au Christ Church College de Canterbury , dont les diplômes étaient à l’époque délivrés par l’ Université de Londres .

Il a ensuite déménagé à l’ Université du Kent , où il a obtenu son doctorat en 1982.

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Kandid, Voltaire, traduction en créole martiniquais de J.M. Rosier et J.P. Arsaye, K.Editions, juin 2021.

Que des martiniquais aient voulu, en 2021, traduire Candide de Voltaire en créole martiniquais en dit long de la vision qu’ils ont de leur propre idiome vernaculaire et de la très haute estime dans laquelle ils le tiennent.

Pour Jean-Marc Rosier, écrivain-poète bilingue reconnu, et Jean-Pierre Arsaye, docteur en traductologie, qui en sont les traducteurs, cette langue tellement décriée, méritait, en effet, de se confronter à cette écriture singulière, à cette esthétique symbolique du Siècle des «Lumières».

Ce n’est ni un pari fou, -Georges Eleuthère Mauvois l’a déjà relevé avec l’Antigone de Sophocle et tant d’autres avant eux- ni une foucade voire une lubie d’intellectuels en quête de reconnaissance. C’est, avant tout, preuve, par l’exemple, que cette langue – le créole – prend, désormais place, d’autorité, dans le concert des langues qui comptent.

Les auteurs de cet ouvrage n’ont point produit une transposition du conte voltairien, mais ont effectué un véritable travail de traduction. Une traduction qui se veut, à la fois :

  • fidèle à l’écriture originelle de ce classique de la littérature française, à l’ironie si spécifique,
  • soucieuse de respecter l’idiosyncrasie orale de la langue-cible, tout en réussissant à en extirper sa littérarité intrinsèque.

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Nous habitons un corps

— Par Monchoachi —

Habiter un corps est le propre des humains. L’homme habite un corps comme une demeure où il accueille ses expériences du temps et de l’espace, et plus que tout, la parole, toutes choses qui vont lui permettre de se projeter pour s’accomplir. Cependant, tous les hommes n’ont pas, sur le même mode et avec la même intensité, ce sentiment d’habiter un corps car l’épreuve du temps, les traces dont il imprègne le corps et qui vont animer la langue, n’est pas la même pour tous.

Ainsi, nous, Antillais et Guyanais habitons un espace qui porte un passé dont la présence ne peut être reléguée, puisqu’elle marque le début des Temps modernes, et que c’est dans cet espace que l’Occident a ancré et dévoilé son projet de mainmise sur la terre entière. Cet espace que nous habitons porte donc cette empreinte particulière et déterminante, et il va continument accuser cet effluve et le propager en toutes ces vibrations. Le temps qui nous porte est aussi chargé de nos expériences propres et surtout de notre épreuve singulière s’agissant du corps.

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Anlè tan

—Par Danniel M. Berté —

Délè, parfwa, de tanzantan
Lè mwen ni an ti-moman-tan
Man ka gadé pasé tan-an
Sé an bagay trè étonan

Délè i ka pasé kon van
Kon lalizé ka ay dousman
Dot lè i ka bouwé briskan
Kon siklòn épi gran balan

Dayè mwen-menm an kèsionan
Es ou ka wè’y pasé kon jan
Oben kon matériel roulan
Sé pa bagay ki djè vwayan

Délè ni ka di ki yo pa ni tan
Man ka touvè sa siwprenan
Pas man observé trè souvan
Sé yo menm ki pa lé pran tan

Dayè mwen-menm réfleksionan
Ka mandé si yo pé pran tan
Epi dé lanmen sézisan
Délikatman ou an pijan

Délè ni ka miziré tan
Yo jis envanté enstriman
Ki parfwa pli-zou-mwen savan
Pou yo pé dékoupé tan-an

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Jean Pruvost et la fabrique des dictionnaires, un modèle pour la lexicographie haïtienne

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

En Haïti comme ailleurs, le recours aux dictionnaires de la langue usuelle (Le Robert, Le Larousse, Le Littré, etc.) passionne tant les élèves, les étudiants que les enseignants. On prend plaisir à découvrir le sens des mots, on les suit dans leurs trajectoires migratoires et historiques, on voyage avec eux pour appréhender la signification des nouveaux mots, etc. Toutefois, très peu d’usagers des dictionnaires savent comment sont fabriqués ces imposants et indispensables livres de référence, selon quelle méthodologie et procédés ils sont élaborés, et en fonction de quelles qualifications des rédacteurs ils ont vu le jour. Selon nos besoins et nos ressources, nous faisons appel à l’objet-livre, au format papier, ou à l’objet-livre dématérialisé, au format électronique et accessible sur Internet, mais nous ignorons presque tout au chapitre de son élaboration. Règle générale, l’usager ne sait pas qu’il y a en amont du processus de fabrication des dictionnaires des linguites-lexicographes et leurs équipes, tous arrimés à la théorie de la lexicographie et à la modélisation de leur travail lexicographique : Jean Pruvost en est un fort instructif exemple.

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Littératures: nouveautés du 26 septembre2021

Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la lettre), apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres », avant d’atteindre aux XVIIe – XVIIIe siècles son sens principal actuel : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique (ex. : « C’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise littérature » André Gide) ou activité participant à leur élaboration (ex. : « Se consacrer à la littérature »).

La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de la communication verbale — orale ou écrite — qui met en jeu une exploitation des ressources de la langue pour multiplier les effets sur le destinataire, qu’il soit lecteur ou auditeur. La littérature — dont les frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations personnelles — se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais par sa fonction esthétique : la mise en forme du message l’emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d’informations même complexes.

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Pour Édouard Glissant 

À Paris, Anne Hidalgo maire de la ville mais également candidate à la prochaine élection présidentielle, a inauguré la Promenade Édouard Glissant. Le célèbre philosophe et poète martiniquais possède désormais un lieu à son nom dans cette ville qu’il aimait tant, entre Seine et musée d’Orsay, au centre de la capitale. Un hommage en forme d’anniversaire, puisqu’Édouard Glissant aurait eu quatre-vingt-treize ans, ce mardi 21 septembre 2021, jour à l’aube duquel une plaque à son nom a été dévoilée, entre autres par Christiane Taubira, sur les berges du fleuve, en face du quai Aimé Césaire et à quelques pas du musée d’Orsay.

Une centaine de personnes étaient présentes à la cérémonie. Des anonymes comme des personnalités du monde de la politique et du monde des arts. On peut citer Rachida Dati, maire du 7ème arrondissement de Paris, Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, Jacques Martial Président du Mémorial ACTe à Pointe-à-Pitre, l’acteur Greg Germain qui a participé avec Viktor Lazlo, chanteuse actrice et romancière, à la lecture de poèmes sur laquelle s’est ouverte la cérémonie.

Les prises de paroles se sont succédé, célébrant l’homme, le grand écrivain, le grand penseur.

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Propositions pour un enseignement-apprentissage efficace du français langue seconde en Haïti

— Par Fortenel Thelusma, linguiste et didacticien du français langue étrangère (FLE)

Introduction

Les langues enseignées en Haïti

En raison de la situation géopolitique d’Haïti, quatre langues sont enseignées dans les institutions scolaires, universitaires, etc. L’anglais, la langue la plus parlée dans la caraïbe, est aussi celle du géant voisin américain, les Etats-Unis où résident un grand nombre d’Haïtiennes et d’Haïtiens. L’enseignement de l’espagnol s’impose non seulement par la proximité de la République dominicaine avec laquelle Haïti partage l’île mais aussi du fait de sa relation avec d’autres pays de la zone et de l’Amérique latine. Quant à l’enseignement-apprentissage du français en Haïti, il est vieux d’environ deux siècles avec la création même de l’école haïtienne après l’indépendance obtenue de haute lutte de la France. Ironie du sort, c’est en 1979, grâce à la réforme éducative initiée par Joseph C. Bernard, Ministre de l’Education nationale d’alors, que la seule langue parlée par la majorité de la population haïtienne, le créole, a été introduite officiellement pour la première fois à l’école dans le pays. Par ailleurs, la Constitution de 1987 consacre la co-officialisation du créole et du français.

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Bòn rantré 2021 lé zanfan

— Par Daniel M. Berté —

Kelkiswa batiman
Fok sav piti kon gran
Aprann ki enportan
Pou pé alé douvan

Bel ganm pa ka pasé
Sé pa lapenn karé
Fòm tet pa ka konté
Sa’y adan’y ki pézé

Siwtou pa matébis
Pa suiv lé mové pis
Pou alé fè vié vis
Fè toujou sa ki jis

Lé mové konséyè
Sé pa yo lé péyè
Montré zot ni valè
Rété dwet a tout lè

Respekté anségnan
Personnel ankadran
Ek chef détablisman
Toulong ek toulitan

Dépi Kovid rivé
Sitiyasion mové
Mé pa dézespéré
Jes-bawriè respekté

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L’aménagement du créole à Sainte-Lucie à l’épreuve de son ancrage institutionnel

Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

Le site Web officiel du gouvernement de Sainte-Lucie a fait paraître en anglais, le 31 août 2021, un communiqué titré « Saint Lucia works to institutionalize kwéyòl language » (« Sainte-Lucie travaille à l’institutionnalisation de la langue kreyòl »). Ce communiqué annonçait la tenue, le même jour, d’une « conférence virtuelle de planification de la mise en œuvre de la politique linguistique nationale ». Voici en quels termes a été consignée cette annonce qui, dans la formulation même de l’énoncé, présuppose qu’il y aurait une politique linguistique d’État à Sainte-Lucie :

« Le ministère de l’Éducation, de l’innovation, des sciences, des technologies et de la formation professionnelle, par l’intermédiaire de l’Unité de développement des programmes et des matériels (CAMDU), tiendra sa conférence virtuelle de planification de la mise en œuvre de la politique linguistique nationale le mardi 31 août 2021, de 10 heures à 13 heures.

« À ce jour, dans le cadre du programme Early Learners (ELP) de l’OECS USAID, un projet de politique a été élaboré, sur la base des réactions d’un échantillon représentatif de la société saint-lucienne.

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Les rêves réalisés de Maryse Condé

— Par Gladys Marivat(Collaboratrice du « Monde des livres ») —

L’écrivaine antillaise poursuit son œuvre par une réécriture de la Bible transplantée en Guadeloupe, « L’Evangile du nouveau monde ». Où celle qui a passé sa vie aux quatre coins du monde apparaît plus libre et plus confiante dans l’avenir que jamais

Ce livre sera son dernier… mais ce n’est pas la première fois qu’elle le dit. Déjà en 2015, Maryse Condé annonçait dans un entretien au « Monde des livres » que Mets et merveilles (JC Lattès) devait clôturer son œuvre. En cause : la maladie qui altère sa voix et sa vue, et l’empêche de taper à l’ordinateur (elle est née en 1937). Deux ans plus tard paraissait Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et Ivana (JC Lattès), inspiré des attentats de janvier 2015. Et aujourd’hui, L’Évangile du nouveau monde, sa réécriture du Nouveau Testament, transplanté en Guadeloupe.

« Il y a longtemps, j’ai lu Caïn [Seuil, 2011], la relecture de la Bible de José SaramagoJ’ai eu envie de faire comme lui, mais je n’ai pas osé.

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Matnik an gravitud

— Par Daniel M. Berté —

Klòrdékòn mété moun dan la kanséritud
Sargas ek brimdesab gonflé maladitud
Lékonomi ka ba’y dan la dékrépitud
An viris fouté moun adan koviditud

Jòdijou moun mélé yo dan lensertitud
Anlè ki pié dansé sé la grann entjétud
Mas épi jes-bawriè sé la nyou-atitud
Ek lè sa pa sifi sé la konfinitud

Lé swagnan épizé yo an grann lasitud
Lamorg plen a kratjé sé la déborditud
Fèknyouz rézososio sé lenvazionitud
Débat lé konésè sé la spésialitud

Défilé an lari pou la kontestitud
Opozan ka wouklé dan konba-djòlitud
I paré sé pou sa défann libertitud
Epi pou rifizé pran la pas-atitud

Oben pou ou pa aksepté la vaksinitud
Epi mété douvan rimed-bòkayitud
Ni vakabonajri ka fet épi grann anplitud
Sitiyasion Matnik vini an gravitud

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Édouard Glissant et l’héritage de Wifredo Lam

— Par José Manuel Noceda Fernandez —

Lorsqu’on parle de Lam, on mentionne  inévitablement ses relations et son amitié avec quelques intellectuels célèbres. Parmi les  européens, Pablo Picasso et André Breton  ainsi que leurs expériences entre Paris et Marseille de 1938 à 1941 sont immanquablement cités. S’il s’agit des Caraïbes, Aimé Césaire, un géant des lettres antillaises lié – comme l’était aussi le peintre cubain – à la pensée surréaliste, est le premier évoqué.

Césaire et Lam se rencontrent à Fort de France en 1941, lors du passage du peintre en Martinique, sur le chemin du retour à La Havane. Cette rencontre a évolué en  une étroite amitié entre deux hommes qui ont partagé des histoires, des réflexions et des manières d’appréhender le monde colonial ou néocolonial des Antilles. Lam a illustré la version espagnole du Retour au pays natal de Césaire, en 1942, traduit par Lydia Cabrera. Césaire a consacré de nombreux de poèmes au cubain, comme ceux de Moi laminaire, par exemple.

Mais cette amitié et ce destin commun occultent malheureusement les relations de Lam avec d’autres pans  de l’intelligentsia, notamment des Caraïbes. 

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L’Affaire Pavel Stein, Gérald Tenenbaum, éditions Cohen&Cohen

— Par Michèle Bigot —

« En matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d’ancêtres », cette épigraphe d’André Breton ouvre le roman sur une énigme. Quelle révolte, qui est révolté et contre quoi? Mais il se pourrait que la révolte n’ait pas nécessairement besoin d’un objet, qu’elle soit un état de l’esprit. Voyons donc…

La matière du roman est matière fluide. Une femme écrit. Une femme parle. Choc de la première phrase: « Je déteste porter des collants lorsque j’ai mes règles ». D’emblée, le narrateur-auteur est invité à disparaître, au moins en tant qu’homme. Et Paula, puisque c’est elle qui agit, se lance dans un récit. Rétrospectif et personnel. La scène de l’écriture (qui ouvre et clôt le récit) intervient quelque vingt ans après la scène de l’histoire. Fluidité dans la temporalité (allers-retours de la mémoire) et fluidité dans l’identité. Est-ce la même Paula, la jeune journaliste un peu candide qui fait la rencontre de Pavel Stein pour l’interviewer, et la femme mûre qui mène son deuil par l’écriture?

C’est donc l’histoire d’une rencontre amoureuse. On se demande si Breton aurait apprécié!

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«Entendre battre le cœur»

Le grand vent sahélien

Le réputé critique littéraire du journal montréalais Le Devoir, Hugues Corriveau, publie ce 14 août 2021 un remarquable compte-rendu de lecture de «Simoun», huitième livre de poésie de Robert Berrouët-Oriol (Éditions Triptyque, Montréal, mai 2021). Ce compte rendu porte le titre évocateur de «Le grand vent sahélien» et fait partie d’un grand ensemble dont le titre général est «Entendre battre le cœur». En voici le texte intégral, que j’ai grand plaisir à partager avec vous:

Le grand vent sahélien

«Dans un tout autre champ d’écriture, Robert Berrouët-Oriol nous propose encore sa haute parole, son langage ultrachâtié qui obombre une simplicité parfois plus souhaitable. Ainsi, dès le premier poème, nous faut-il saisir cette parole « fleurant fastes festivités / et ritournelle d’apnée.» Convenons que ce n’est pas peu. Tournons la page de Simoun­ et nous serons immédiatement confrontés « au surjet primipare des alvéoles / liant d’anabase pour l’hommage persien ». Vraiment, on se sent immédiatement un peu décalé, renvoyé à quelque obscur complexe devant un tel étalage de ce savantissime vocabulaire. Mais qu’y a-t-il donc qui nous sollicite tant chez ce poète, que recèle donc cette parole poétique méticuleuse, pleine d’embûches et d’entourloupes ?

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Wa pié-mango

Espésial dédikas ba Joziàn Jolet

— Par Daniel M. Berté —

Sété antan sézon mango
Lé pié-mango pran désizion
Pou chwazi an chef pami-yo
Tjidonk di fè an éleksion

Pou sa respekté la koutim
Chaken de vou dira son nom
Epi tjek mo ka fè la rim
I fodra vanté son bouyon

Zéfirin di ki i divin
Térébantin, parfun pou tout narin
Farin di man ni lachèw fin
Tin, mwen sé niché babin

Mouslin, man dous kon chabin
Mousach, lapo mwen san tach
Alawoz, jé bel fidji woz
Vatab, man pli dézirab

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Pour Patrick Chamoiseau, la Martinique est un « état poétique dans la langue »

Par Gladys Marivat —

L’auteur de « Texaco » forge son style dans l’univers créole

Avant d’être la source de l’œuvre de Patrick Chamoiseau, la Martinique lui cloua d’abord le bec.

Dans sa trilogie (Gallimard, 1993-2005), l’écrivain, né en 1953 à Fort-de-France, raconte comment il est devenu muet en découvrant qu’on ne parlait pas créole, mais français, à l’école de cette ancienne colonie devenue département français en 1946. Les cheveux gominés, la peau noire et les « r » bien raclés, « le Maître » manque de défaillir à chaque intervention d’un élève. Tout le scandalise : le prénom (Gros-Lombric ? ), « C’est ainsi, je présume,que l’on vous appelle à la maison et dans les bois avoisinant votre case ? »l’accent, la langue, les expressions imagées ( ). « C’est un volêr-dê-poule, mêssié… – Vo… leurr, pas volêr ! »

Le jeune Patrick se replie sur lui-même. Les « Répondeurs » – ce cercle d’auditeurs avec lequel le conteur créole maintient constamment une interaction langagière, et qui accompagne au début le petit écolier dans sa classe – se taisent à leur tour.

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Zédjui

— Par Daniel M. Berté —

Piti, man ka di lè ; gran man pou lé minit
Pli fin ek pli présé, man ka di lé sigonn
Dan an lawonn san fen, man ka matjé li tan
An mont, révèy, lòwlòj, man sé Manzè Zédjui

Mwen piti tij métal, man pé fè an mal fou
Ek si’m fè moun kriyé, sé an mal pou an bien
Si’w asiz anlè-mwen san ou pran pokosion
Si’w pa tjenbé-mwen bien ou responsab mal-ou

Man ni an fant an tèt, ki yo ka kriyé tou
Eti fil ka pasé pou mwen endé’y koud twèl
Monté bouton, présion, rapiésté divès lenj
Endispansab man yé, man sé zédjui a koud

Men man pé koud osi adan tout kò an moun
Lapo’y pa andérò, toupatou andidan’y
Kolé dé bout lachè épi konpè-mwen fil

Man fò kon an doktè, mwen zédjui chiriji

Adan bout an séreng, man ka endé an moun
Si sé pou tiré ba’y, man sé zédjui ponksion
Si sé pou pòté ba’y, man zédjui enjeksion
An manniè kon an lòt, man pé sové’y lavi

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Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« Le créole représente à mes yeux plus qu’un simple procédé pédagogique, mais un moyen d’opérer la réconciliation avec nous-mêmes, susciter le respect de nous-mêmes, gage du respect des autres… Ce que je défends dans ce livre, c’est, au-delà d’un vrai bilinguisme, l’unité et la solidarité nationale sans quoi il n’y a pas de vrai développement. » (Pradel Pompilus : « Manuel d’initiation à l’étude du créole », Éditions Impressions magiques, Port-au-Prince, 1983.)

Diffusé au printemps 2021 sur le site Potomitan, le lexique d’Emmanuel W. Védrine a pour titre complet « Leksik kreyòl : ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986 » ; il est daté de l’été 2000 et l’auteur ne mentionne aucune mise à jour depuis l’année 2000. Dans cet article nous en faisons une lecture critique à partir des critères méthodologiques de la lexicologie professionnelle et nous nous attacherons en particulier à déterminer si ce lexique a été élaboré selon ces critères. Nous tâcherons ainsi de savoir si ce court travail de 12 pages constitue un apport à la lexicologie créole et s’il peut être recommandé pour l’apprentissage en créole des savoirs et des connaissances, en particulier dans les domaines scientifiques et techniques.

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Bord….. el de mer….. de

— Jacques-Olivier Ensfelder, Artiste dramatique / Poète —

Île d’où je viens

Racines de mes ailes

Voilà tes plages maintenant interdites

Mon nid bleu sacrifié

Sur l’autel aux offrandes des tropiques.

Bras tendus

Nos peurs ne rebroussent plus chemins

Devant la piqûre du scolopendre invincible

Et l’alizé fulgurant raconte

Cette sinistre histoire récoltée de la bouche

Continentale d’un muet :

Ses hommes et femmes

En frères se griment

S’en vont au bal des râles masqués

D’où ne se joue plus musique-métisse

D’où ne résonne plus tambour et Tchiip

Et où la beauté a réussi sa grimace

Coite d’être confinée et en suspens

Sur les visages

Sur les virages

Sur les rivages

Sur les ravages

D’un monde inoculé

Comme une île d’où je viens.

 

Jacques-Olivier Ensfelder, Artiste dramatique / Poète

Août 2021

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Le « français régional » d’Haïti sous la loupe du linguiste Renauld Govain

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le linguiste haïtien Renauld Govain a publié l’an dernier un article de haute voilure, rigoureux et fort bien documenté, « Le français haïtien et le « français commun » : normes, regards, représentations ». Paru en mai 2020 dans le numéro 23 de la revue Altre Modernità (Università degli Studi di Milano, Italie), cet article semble peu connu parmi les linguistes, les enseignants et les didacticiens alors même qu’il s’appuie sur un appareillage conceptuel cohérent et pertinent et sur une recherche originale menée sur le terrain. Docteur en linguistique, enseignant-chercheur et doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti, coordonnateur du Laboratoire langue, société, éducation (LangSÉ), Renauld Govain est également membre du Comité international des études créoles et coauteur du livre de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Berrouët-Oriol et al, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, mai 2021). Il est l’auteur de nombreux articles scientifiques en dialectologie, en créolistique et en phonologie, parmi lesquels « Normes endogènes et enseignement-apprentissage du français en Haïti », Études créoles, no 1 et 2, 2008, et « Le français haïtien et l’expansion du français en Amérique », dans Le(s) français dans la mondialisation, Véronique Castellotti (dir.),

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Krey Matjè Kréyol Matinik (KM2): Pawol fondas

Atè Matinik, lè ou pran tan gadé, ou andwa wè ni an bon enpé matjè-pawol ek adan yo, ni yonndé éti moun andéwò péyi-a konnet.
Men tan lavérité rivé ! Dapré an konpangni moun, sé yenki nan lang fransé matjè ka matjé : sa pa vré pies toubannman ! Nan péyi-nou an, anlo matjè ka matjé pawol-yo nan lang kréyol-la.
Asiré pa pétet ni pawol ki matjé nan lang fransé épi ni pawol ki matjé nan lang kréyol, é lè nou ka di sa, sé pa pou mété fas a fas, akwèdi dé kok-djenm adan an pit, sa ka matjé fransé épi sa ka matjé kréyol . Nou pa dakò pies épi model ladjè-tala davrè anlo adan nou ka matjé kréyol, ka matjé fransé.
Men jòdijou fok nou gloriyé an manniè espésial, pawol-matjé nan lang kréyol la pas souvanman – tro souvanman – ba anlo moun, pawol-matjé nan kréyol, sé ayen menm.
Sa vré ! Nou tout, nou pa anlé menm larel politik, menm larel filozofik ; nou pa ka matjé kréyol la silon menm kanman-an men padavwa nou ka vréyé douvan nan lang kréyol la, istwè-long, istwè-kout, plodari, powézi, kont, pies-téyat, sé rivé tan-an rivé pou nou liannen..

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Pour saluer l’Oiseau de Cham

Par Anatole Atlas —

Si quelque virus ne s’était emparé de la planétaire cité dolente jusqu’aux tréfonds de son système nerveux détraqué, l’immunité mentale collective serait suffisante pour que chacun puisse goûter, comme un élixir poético-prophétique, cet antipoison radical qu’est l’œuvre de Patrick Chamoiseau. Œuvre définie dans son dernier ouvrage comme « cheminement  ’’ dépourvu de chemin ’’ vers la compréhension » de « cette énigme indépassable qu’est la littérature ». Qui pourrait être ce vaccin dont le monde a besoin…

Le conteur, la nuit et le panier ne porte pas un titre facile à ranger sur l’armoire aux bibelots d’inanité sonore : c’est la moindre des raisons pour lesquelles on ne risque guère d’en voir signalée l’existence dans la presse en Belgique, plus prompte à célébrer Bob Morane. Et pour cause : nulle part n’est mieux rompu l’os pour sucer la substantifique moelle d’une mémoire des affres coloniales qui reste plus encore qu’un tabou : une prohibition dans ce pays. Si « Rabelais, ce père du langage, ce surgissement d’une catastrophe esthétique extrême, venait certainement d’une plantation martiniquaise » ; si « Rabelais est un conteur créole », pourquoi Chamoiseau ne serait-il pas issu d’une colonie belge en Afrique ?…

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Lè lè-a rivé…

(An sonjé ba Jakob ki ladjé laviya…)

— Par Daniel M. Berté —

An dékalfoukasion
An dérayman
An débiélaj (an servo’w)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou pati

An terbolizasion
An tranmantè
An tjwézon (an lespri’w)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou kasé kòd

An fréyè
An falfret
An féblès (an fondok-ou)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou foutélikan

An makataj
An masakraj
An matjilpataj (an nanm-ou)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou monté Abolay

An estébékwaj
An estipersaj
An estentjaj (an boyo’w)
Lè lè-a rivé…
Lè an moun-ou foukan kay Bazil

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