Catégorie : Littératures

Les défis contemporains de la lexicographie créole et française en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La parution en Haïti, dans Le National du 21 juillet 2021, de notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » a retenu l’attention d’un lectorat divers découvrant pour la première fois que le créole haïtien avait fait l’objet d’un si grand nombre de dictionnaires et de quelques lexiques ces soixante dernières années. Issu d’un ample travail de recherche documentaire, l’« Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » est le premier inventaire général de la production lexicographique créole couvrant cette période. Ce travail de recherche, par la consultation de nombreuses sources documentaires en des lieux distincts, a permis d’identifier 64 dictionnaires et 11 lexiques, soit un total de 75 ouvrages. Pourtant, en dépit de leur nombre élevé, ces ouvrages sont majoritairement très peu connus voire inconnus en Haïti, notamment dans le système éducatif national où le dictionnaire, idéalement, est censé être un indispensable outil d’accompagnement de la transmission des savoirs et des connaissances. Dans le prolongement de l’« Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 », le présent article éclaire davantage la catégorisation des ouvrages recensés et il aborde les défis actuels de la lexicographie haïtienne tant au plan institutionnel et professionnel qu’à celui de la méthodologie de la lexicographie instituée comme domaine scientifique de production dictionnairique.

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« Le vent du nord dans les fougères glacées », de Patrick Chamoiseau

Parution le 08 octobre 2022

« Boulianno Nérélé Isiklaire était espécial. Il savait des choses sur le profond du conte, sur la Parole qui demande majuscule, sur la lutte contre la mortalité… Il avait développé une connaissance de tout cela dans le secret de son esprit. »

Le dernier maître de la Parole a gagné les hauteurs de Sainte-Marie, dans le nord de la Martinique. Depuis, il demeure inaccessible et silencieux. Malgré son grand âge, Boulianno n’a initié aucun successeur à son savoir exceptionnel, lequel risque de se perdre à jamais.

Avant que son retrait ne soit définitif, des gardiens de la tradition orale se lancent en convoi sur ses traces improbables dans les mornes pour qu’il désigne un héritier et lui offre en legs le secret de sa poésie.

Entre tradition et modernité, entre rire et mémoire, entre passé et futur, entre la vie et la mort, ils se retrouvent plongés sans le vouloir dans les complexités insondables du monde de la Parole que symbolise le vent du nord.

Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, grande voix de la littérature contemporaine, renoue ici avec sa veine narrative riche en personnages inoubliables.

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«Joël Des Rosiers. L’échappée lyrique des damnés de la mer»: éclairer Des Rosiers

— Par Hugues Corriveau, Collaborateur du journal Le Devoir —

Dans son essai Joël Des Rosiers. L’échappée lyrique des damnés de la mer, Jean-Jacques Thomas veut tout aborder, prendre à bras-le-corps les divers aspects de l’oeuvre poétique d’un auteur qu’il admire, et ce faisant, il se répète. C’est bien là le plus grand défaut de cet essai qui, par ailleurs, est pénétrant et éclaire de façon méticuleuse les voies à emprunter pour en décoder le désir.

Ce que l’essayiste souligne chez Des Rosiers, c’est « d’abord un refus radical et absolu d’une poésie tout entière dominée par le devoir de mémoire déploratrice. » Ce point de départ capital met en lumière le projet intrinsèque du poète, à savoir : « faire une oeuvre québécoise originelle et personnelle sans le poids du pathos déploratif incrusté dans le regret du “pays natal”. » Ainsi libérée du poids du fétichisme ancestral, la poésie de Des Rosiers va s’incarner dans les territoires nouveaux qu’elle découvre, va se mettre au présent de l’émotion.

Jean-Jacques Thomas va aussi du côté d’une forme étonnante de psychocritique, alors qu’il rappelle que le poète, premier bébé haïtien né d’une césarienne, a eu les mains blessées alors qu’il tenait la lame du bistouri qui le délivrait.

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Pawòl Yòl (Ba tout Yolè Matnik)

— Par Daniel M. Berté —

La Foyalaise Fòdfrans di : kouraj lé koursié, nou ni an sèl bousòl
Koraï 2 Wobè di : sé yon à lot mésié, pou nou pé pran lavòl
Rigueur II Omaren di : nou la pou nou gangné, pa pou fè potokòl
Dernier Jugement Ofranswa di : sa sé baga’y sérié, abò pa ni alkòl
La Révélation Wobè di : goumen pou èt prèmié, sé pa sisé sinobòl
A 380 GM Omaren di : paré à godiyé, abò pani moun mòl
Zizitata Voklen di : nou la pou manévré, pa pou fè lé djignòl
Chabin’an Ofranswa di : gran vwèl nou ka mété, pou nou défié Eole
La Rose Wobè di : manmay-la pa ladjé, annou kolé zépòl
Lanm Karavel Trinité di : pou nou kalmisiré, sé pa an kamizòl
Vini ouè sa Voklen di : o risk di chalviré, nou pa la pou fè wòl
Terminator Ofranswa di : nou anlè bwa drésé, pa pou fè lé mariòl
Bwa viré Wobè di : pou vwèl pa déchiré, nou pa ka’y woulé fòl
Express Senta’n di : nou la pou navidjé, pa pou la gloriyòl
Adhira/Adhira II Dikos di : adan zòn dévanté, lanmen-nou sé gazòl
L’Arme Fatale Ofranswa di : pani moli an jé, alé wè an bémòl
Sa pa zafèw Lanmanten di : manmay nou pou rivé, nou a la bòn ékòl
P 44 Martinique Wobè di : lézòm annou sanblé, pou an bèl touw-dé-yòl
Nou la osi Sentespri di : an tè sek nou ankayé… nou kon kabrit ka manjé tòl !

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Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

À la mémoire de Pradel Pompilus,
pionnier de la lexicographie créole contemporaine
et auteur, en 1958, du premier « Lexique créole-français » 
(Université de Paris).
À la mémoire de Pierre Vernet,
fondateur de la Faculté de linguistique appliquée
de l’Université d’État d’Haïti et précurseur du partenariat créole-français
en Haïti.

Le droit à l’enseignement en langue maternelle créole et l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien –aux côtés du français et en conformité avec l’article 5 de la Constitution de 1987–, fait aujourd’hui l’objet d’un consensus grandissant chez nombre d’enseignants et de directeurs d’écoles. De la réforme Bernard de 1979 (réforme inaboutie et mise en coma en 1987) à la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987 puis de 1987 à nos jours, des enseignants (à titre individuel), des linguistes, des rédacteurs-créolistes d’horizons divers, des institutions d’enseignement (les Frères de l’instruction chrétienne par exemple) et des éditeurs de manuels scolaires ont élaboré ces dernières années des outils pédagogiques et didactiques en créole ou destinés à l’apprentissage du/en créole. Parmi ces outils figurent des ouvrages thématiques destinés à l’enseignement des matières scolaires ainsi qu’un nombre relativement élevé de dictionnaires et quelques lexiques ciblant le créole, notamment deux dictionnaires unilingues créoles, des lexiques bilingues et de nombreux dictionnaires bilingues français-créole et anglais-créole confectionnés au fil des ans.

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« Entropical » & « (Mauvais) État des lieux… » de Patrick Mathelié-Guinlet

“Entropical”

Sous nos entropiques, hélas, en butte au cancer,
rêve de paradis mué en cauchemar d’enfer,
mon île se délite et retourne poussière
au gré des attaques incessantes du temps…

Sous l’effet du réchauffement de l’atmosphère
son rivage est rongé peu à peu par la mer…
Sable abrasif issu d’un lointain continent
embrumant l’horizon, apporté par les vents…
Algues mortes échouées, empuantissant l’air…
Pesticides empoisonnant ses sols et rivières…

Sous ces coups de butoir d’une entropie funeste
futur n’est qu’un retour au chaos progressif
aussi inéluctable que l’éloignement
des galaxies depuis l’aube de l’univers !

Et quand l’homme lui-même, à l’ère anthropocène,
de cette ruine se fait le metteur en scène,
accélérant encore ainsi le mouvement,
que pouvons-nous y faire, en est-il même temps ?

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Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl karayib » de Jocelyne Trouillot

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Haïti comprend la plus vaste communauté de locuteurs du créole au monde (environ 11 millions d’habitants) et, selon différentes sources, entre 1,5 et 4 millions d’écoliers sont scolarisés dans le secteur public (+/- 20% de l’offre scolaire) et dans le secteur privé (+/- 80% de l’offre scolaire). Le secteur de l’éducation en Haïti mobilise d’énormes ressources comme en témoigne le Partenariat mondial pour l’éducation informant que 200 000 enseignants oeuvrent dans 20 000 écoles à travers le pays. Objet d’une évaluation diagnostique à tous les étages depuis de nombreuses années par des experts nationaux et internationaux, le système éducatif national connaît de graves problèmes de gouvernance, de sous-financement par l’État, de corruption (le scandale du PSUGO entre autres), d’échec scolaire et depuis plusieurs mois l’insécurité affecte le fonctionnement d’un grand nombre d’écoles. Bernard Hadjadj, spécialiste de l’éducation et ancien représentant-résident de l’UNESCO en Haïti, est l’auteur du rapport « Education for All in Haiti over the last 20 years : assessment and perspectives » (UNESCO Office, Kingston, décembre 2000). Dans ce rapport, il expose qu’« En 2000, 53% des enseignants du secteur public et 92% des enseignants du secteur privé étaient non qualifiés ». 

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“Cannibale lecteur” & « Fumées », de Patrick Mathelié-Guinlet

“Cannibale lecteur”

Les livres, petits comme gros,
se trouvant dans les biblios
sont troupeau silencieux d’agneaux
offert à ma faim insatiable
car un “Cannibale Lecteur”
n’en finit pas d’passer à table…

Si, à force de manger trop,
mon cerveau devenait trop gros,
je ne ferais aucun régime
mais vous vomirais quelques rimes
pour éviter l’indigestion
dont je pourrais être victime…

S’il vous arrivait par malheur
de devoir croiser mon chemin
au hasard d’un mauvais destin,
planquez vite tous vos bouquins
car je dévore avec fureur
tout ce qui tombe sous ma main !

Étant “Cannibale Lecteur”,
l’acteur de ce grand film d’horreur,
dans un subit accès de rage
j’ai du “scénar” mangé les pages
afin d’assouvir mes instincts…
Malsain délire anthropophage,
ma faim de lire a pas de fin !
Homme, alors passe ton chemin…

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L’aménagement du créole dans l’École haïtienne : de la nécessité de dépasser la récitation des slogans miraculeux

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Étudiante finissante en troisième année à l’École normale supérieure de l’Université d’État d’Haïti, Rachel X s’interroge, dans un récent courriel, sur l’épineuse question de l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti. Elle témoigne ne pas être véritablement au courant des différents aspects de cette problématique alors même qu’elle est à la veille de débuter dans l’enseignement. Au terme de trois années d’études universitaires elle pense à s’inscrire au nouveau programme de « Master de didactique du français en milieu créolophone » officiellement lancé en 2020 à l’École normale supérieure sans être certaine, en raison du Covid notamment, que ce programme est opérationnel. Elle se sent démunie face à ce qu’elle perçoit comme « un état d’urgence didactique » au pays : n’ayant pas reçu une formation spécifique en didactique, elle se demande si elle sera capable d’enseigner en créole et d’enseigner le créole, selon quel modèle didactique elle devra dispenser son enseignement et de quels ouvrages didactiques de référence en créole elle pourra disposer. Et elle s’interroge : existe-t-il aujourd’hui à l’échelle nationale un référentiel modélisé –en particulier dans les récents documents d’orientation du ministère de l’Éducation–, pour l’apprentissage scolaire en langue créole aux côtés du français ?

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Viv lé vakans !

— Par Daniel M. Berté —

Vakansièn,
Dékoché, détaché, dékonekté
Bliyé travay, tiyanmay, tansionnay
Pozé, pronmné, plajé
Viv lé vakansay !

Vakansien,
Débagé, débalé, débaché
Bliyé sawgasri, salopri, sovajri
Restoré, respiré, rigolé
Viv lé vakansiad !

Vakansièr
Débarasé, débouché, déchenné
Bliyé lékol, lopital, léleksion
Chanté, chwayé, chayé
Viv lé vakansman !

Vakansiè
Dékwensé, dékolé, dékouplé
Bliyé vakabonajri, vwayoutri, vandalri
Kaliné, karésé, kokiyé
Viv lé vakansri !

Vakansèz
Dédramatizé, dékrispé, dékontrakté
Bliyé kovidri, kotjinri, kouyonnri
Fété, festwayé, festivalé
Viv lé vakansaj !

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Le créole et le français dans l’École haïtienne : faut-il aménager une seule langue officielle en faisant l’impasse sur l’autre ?

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Aux yeux de plusieurs analystes et intervenants du système éducatif national, la question de l’aménagement des langues de transmission des connaissances dans l’École haïtienne n’a toujours pas reçu de réponse satisfaisante. Elle demeure à la fois complexe et explosive, elle donne lieu à des réactions passionnées, certaines fois virulentes, et elle ne cesse d’interpeller la « fibre patriotique » d’un nombre indéterminé de personnes. Alors même qu’Haïti (environ 11 millions d’habitants), seul État officiellement bilingue de la Caraïbe, comprend la plus forte population mondiale de locuteurs dont la langue maternelle est le créole, sa minorisation institutionnelle continue de se déployer sur l’ensemble du territoire et singulièrement dans les écoles du pays où prédomine encore l’apprentissage en français des matières scolaires. Quel est aujourd’hui l’état des lieux de l’aménagement des deux langues officielles d’Haïti, le créole et le français, dans l’École haïtienne ? Quelles sont les principales visions en présence : faut-il aménager simultanément les deux langues de notre patrimoine linguistique historique puisqu’elles ont le statut de langues co-officielles dans la Constitution de 1987 ? Est-il fondé de promouvoir l’aménagement d’une seule langue officielle dans l’École haïtienne, le créole, en faisant l’impasse sur l’autre, le français ?

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« Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu », Jean-Robert Léonidas, Paris, 2022

Une gageure : raconter l’identité

— Recension par Yves Chemla —

Un arbre dans le jardin de Dieu : voici une image qui nous enjoint de remonter à la source de pas mal d‘histoires, et aussi de pas mal d’imaginaires qui croisent et recroisent les fils du bien et du mal, du genre, des histoires de paradis et de perte de celui-ci, des histoires de genre, de serpent, de connaissance des autres, de soi, de l’origine et aussi d’identité. Ève et Adam ont dû longtemps se demander ce qu’ils faisaient là, et qui ils étaient. Certes, l’Eden aura été à la fois un lieu et un moment remémorés sans relâche, mais espace traversé de choses plus ou moins cachées : la connaissance, l’éternité, la séduction, le mal, la surveillance jalouse identifiable par des bruits de pas sur la terre.

Dans ce roman étrange, Comme un arbre planté dans le jardin du bon Dieu, Jean-Robert Léonidas, l’écrivain de Jérémie, entrelace ces figures qui structurent une bonne partie de nos imaginaires en provenance de la Bible, avec la réalité âpre et sévère de la vie quotidienne en Haïti, dans le premier quart de ce siècle fertile en malheurs de toutes sortes : séisme, ouragan, décrépitude, misère, dépérissement de l’État, gangstérisme.

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« Inséparables » (à Marie Gauthier)

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Inséparables…
mais, malgré tout, séparés
par un exil, éloignement imparable
avec de l’absence présente l’omniprésence passée.

Souvenir ectoplasme qui, peu à peu s’efface
et, disparaissant à moitié,
ne laisse qu’une trace
patinée par l’usure du temps qui passe
inexorablement,
(ce peintre impitoyable qui ponce, lisse et pâlit
les couleurs les plus vives du tableau de nos vies),
si ce n’est par celle du chagrin qui,
lui hélas, jamais complètement ne s’efface,
gravé bien trop profondément
dans l’inconscient et le cœur des amants…
Fantômes qui nous hantent
avec leur fragrance d’émotions passées
et de bonheur envolé…

De la même race
que ces inséparables oiseaux,
nous sommes, comme des jumeaux
avec ce lien mystérieux unissant
par-delà l’espace et le temps,
par-delà la mort et le tombeau
et qui jamais ne casse,
exilés de cette part de nous-mêmes qu’est devenu l’autre…
“Un seul être vous manque et tout est dépeuplé…”,
telle est la devise des inséparables par la vie séparés !

Patrick Mathelié-Guinlet

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« Fais danser la poussière » de Marie Dô

Le roman qui a inspiré le célèbre film du même nom !

– Synopsis : « – Marron, c’est pas la couleur des vraies princesses ! Dans mes livres, les princesses sont blanches avec de longs cheveux blonds. Camille, mon grand-oncle, lève les yeux au ciel : – Boudiou, et la reine de Saba, alors ? Elle était marron comme toi ! Reine, c’est autre chose que princesse, non ? « 
Maya, née à Paris, élevée dans les années soixante dix, est une petite fille différente. Sa mère est blanche et son père est noir. Un père qu’elle n’a jamais vu et qu’elle cherchera toute sa vie. Plus tard, sa mère se marie et Maya vit mal son métissage dans une famille où tout le monde est blanc. Sa passion pour la danse la sauve. Maya réalise son rêve, se faire engager par un chorégraphe, mondialement connu, un noir américain.
Fais danser la poussière est une histoire poignante sur les secrets de famille et la difficulté d’être « à part » .
Son adaptation télévisuelle pour France 2 a touché six millions de téléspectateurs lors de sa première diffusion.

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« La dot de Sara / Yon eritaj pou Sara » de Marie-Célie Agnant

Parution au Canada de la version bilingue du roman de Marie-Célie Agnant, « La dot de Sara / Yon eritaj pou Sara »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Entrevue exclusive avec la romancière Marie-Célie Agnant à l’occasion de la parution à Montréal, le 23 juin 2022, de l’édition bilingue du roman « La dot de Sara / Yon eritaj pou Sara ». Annonce spéciale aux lecteurs d’Haïti : en vertu d’une collaboration exceptionnelle, la version bilingue de « La dot de Sara / Yon eritaj pou Sara » sera sous peu disponible en Haïti en coédition entre Les Martiales et Legs Éditions.

Mise en contexte, par Robert Berrouët-Oriol / La parution à Montréal, le 23 juin 2022, de la version bilingue du roman « La dot de Sara / Yon eritaj pou Sara » de la romancière Marie-Célie Agnant est un événement littéraire de premier plan tant pour la littérature québécoise que pour la littérature haïtienne contemporaine. Il n’est pas fortuit que ce roman paraisse en édition bilingue à Montréal : cette ville, dont la population est majoritairement francophone et qui abrite des locuteurs issus de plus d’une cinquantaine de communautés ethnoculturelles différentes, a été au cours des années soixante celle de la rencontre fertile entre l’avant-garde poétique québécoise (Gaston Miron, Paul Chamberlan, Nicole Brossard, etc.)

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Sakrilej o Sentespri Vendrédi 17 Jwen 2022…

— Par Daniel M. Berté —

Grann stipéfaksion
Grann sidérasion
Grann enkonpréyansion
Grann lémosion
Dan Lapopilasion…

Yonndé vwayou
Yonndé voryen
Yonndé vakabon
Yonndé vandal
Konmet an sakrilej…

Yo dékalé
Yo détérioré
Yo dépotjolé
Yo démantibilé
Moniman-o-mò Sentespri…

Yo tjwé an déziem fwa 56 Spiriten
Ki tonbé pendan Ladjè 14
Yo sali mémwa yo

Men nou pa ka bliyé yo

Lonnè épi respé ba yo…

Yo tjwé an déziem fwa 5 Spiriten
Ki tonbé pendan Ladjè 39-45
Yo sali mémwa yo

Men nou pa ka bliyé yo

Lonnè épi respé ba yo…

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Papa pati… (Pawol an pé pou Papa)

— Par Daniel M. Berté —

Padavwa ou pété pwent pié’w anlè an pioch
Pou pa té prononsé piès pawol anlè lé parti-bas
Pou pa té palé de pwel ou de patat…
Ou préféré pati Papa…

Ou prétann ki ou té préféré pran pozision an papa
Ki pa lé pertirbé pansé a pitit-li
Epi pasé pou sa’y pa yé…
Ou préféré pati Papa…

Prézantman ou sé pé pòté pioch-la pli lwen
Pou pié an pov pasan pa pri adan’y osi
Epi permet-li pa pran pozision’w-la…
Ou préféré pati Papa…

Ek pétet ou sé pé prévwè an priyè o Pew tou pisan
Parey a sa Pier-Pol prononsé an palapot Presbitè
Pou té permet-li pa jouré pies…
Ou préféré pati Papa…

Parèyman pou pa té pòté an piti partisipasion
Pou pé péyé an pè pépa ba prèmié yich-ou
Kon tout papa responsab pou fè…
Ou préféré pati Papa…

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La didactique du créole haïtien sous la loupe d’un éditeur de manuels scolaires, les Éditions Henri Deschamps

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue,

Entrevue exclusive avec Peter Frisch,

Directeur général de la Maison Henri Deschamps

L’impératif de la didactique du créole est d’une brûlante actualité en Haïti. Elle concerne aussi bien les enseignants et leurs associations, les directeurs d’écoles, le ministère de l’Éducation nationale que les rédacteurs et éditeurs de manuels scolaires. Pour mieux en mesurer l’amplitude, il est essentiel d’être à l’écoute des différents intervenants de la chaîne de transmission des connaissances dans l’École haïtienne.

Robert Berrouët-Oriol (RBO) – M. Peter Frisch, vous dirigez depuis plusieurs années une grande institution éditrice de manuels scolaires et dont l’histoire séculaire se confond avec celle de l’instruction publique en Haïti. Voulez-vous dresser un portrait succinct des Éditions Henri Deschamps, de ses débuts à aujourd’hui ?

Peter Frisch (PF) – La Maison Henri Deschamps est une entreprise haïtienne de 125 ans et compte donc parmi les plus anciennes firmes du pays. Mais la Division des éditions a vu le jour en 1941, durant la Deuxième guerre mondiale. Jusque là, la quasi-totalité des manuels scolaires en usage dans les écoles venait de France.

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Le linguiste Renauld Govain, créoliste érudit et arpenteur avisé de la francophonie haïtienne

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

 

Entrevue exclusive avec Renauld Govain

Doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti

Mise en contexte, par Robert Berrouët-Oriol – Connu dans les milieux universitaires haïtiens et internationaux pour son affabilité, sa grande rigueur intellectuelle, ses travaux de recherche et son souci de dispenser un enseignement de qualité, Renauld Govain est docteur en sciences du langage de l’Université Paris VIII (2009). Il a procédé, le 1er premier juin 2022, à l’Université Paris VIII, à la soutenance en vue de l’« Habilitation à diriger des recherches » (HDR) en sciences du langage. Le titre de cette soutenance postdoctorale était « La question linguistique haïtienne : histoire, usages et description » et l’entrevue qu’il accorde aujourd’hui au National vise à présenter cette exceptionnelle étape de son parcours académique. Exceptionnelle, car il faut savoir que l’Habilitation à diriger des recherches (HDR) —que détient l’historienne Gusti-Klara Gaillard-Pourchet, enseignante à l’Université d’État d’Haïti–, est une qualification universitaire extrêmement rare parmi les diplômés du corps enseignant haïtien, et il en est de même pour l’agrégation (Jean Marie Théodat est agrégé de géographie et feu Mario Alvarez était agrégé de médecine).

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Refusons l’inhumain ! Les écrivains aux côtés des migrants

— Par le Groupe de recherche Achac —

Dans l’ouvrage collectif Refusons l’inhumain ! Les écrivains aux côtés des migrants (Philippe Rey, 2022), dirigé par le romancier Patrick Chamoiseau et la codirectrice du festival littéraire Étonnants Voyageurs Mélani Le Bris, vingt-trois écrivains — dont Mohamed Mbougar Sarr, Michel Agier, Achille Mbembe, Sébastien Thiéry, Pascal Blanchard, Éric Fottorino, Alexis Jenni, Christiane Taubira ou encore Souleymane Bachir Diagne — plaident pour la mise en place de la politique mondiale de l’hospitalité voulu par les regrettés Mireille Delmas-Marty, grande figure de l’humanisme juridique, et Michel Le Bris, écrivain et fondateur d’Étonnants Voyageurs. Les droits d’auteur de l’ouvrage seront reversés au Gisti, association d’aide aux migrants. Le festival Étonnants Voyageurs, la week end dernier leur a rendu hommage autour de ce livre-événement.

La guerre en Ukraine a révélé que les politiques migratoires des pays européens sont sélectives et discriminatoires. En effet, l’Europe a déployé des moyens considérables pour venir en aide aux exilés ukrainiens, trouvant en un temps record ressources et logements pour les accueillir, après plusieurs années de refus politique d’accueillir les réfugiés venant d’Afrique et du Moyen-Orient.

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« Le droit au bonheur » & « Bonheur », de Patrick Mathelié-Guinlet

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Le droit au bonheur

Certes, la vie n’est pas un long fleuve tranquille
quand, pris dans les remous qui agitent nos îles,
il y a des limites à ce qu’un homme endure
même si celui-ci est épris d’aventure…

Car les temps, aujourd’hui, sont devenus très durs
et il ne faudrait pas que trop longtemps ça dure
quand même, à naviguer sur des flots tumultueux,
l’expérience à la fin nous a rendus habiles…

Mais plus facilement on lâche ses cheveux
quand l’environnement a cessé d’être hostile !
Profiter du bonheur avant d’être trop vieux

est dans le fond ce que tout être normal veut :
vivre heureux et libre au milieu de la nature
et y être amoureux est ce qu’il y a de mieux !

Fumées

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Baudelaire jazz !

Avec Patrick Chamoiseau (texte et voix), Raphaël Imbert (saxophones, clarinettes, voix), Yasmina Ho-You-Fat (voix), Pierre-François Blanchard (piano), Celia Kameni (chant), Sonny Troupé (percussions, tambour ka), Nadir, (slam et danse), Solann (chant), Mbaé Tahamida Soly, (slam, poésie)

Patrick Chamoiseau et le saxophoniste Raphaël Imbert ont en commun le goût de la poésie et du jazz. C’est à l’occasion d’une résidence au musée d’Orsay à Paris, que l’auteur martiniquais, l’un des écrivains majeurs du monde contemporain, s’est plongé dans l’œuvre de Baudelaire dont il est certain que la liberté a nourri celle de Césaire, Glissant ou Fanon. La liaison entre la structure rythmique des mots du poète du XIXe siècle et celle du jazz a jailli comme une évidence pour ces deux grands artistes qui n’aiment rien tant qu’aller puiser aux racines d’une œuvre pour mieux
en faire surgir la modernité (on se souvient du merveilleux album Bach Coltrane de Raphaël Imbert).

Accompagnés par plusieurs artistes, évoluant dans des univers musicaux différents (jazz, rap…) , Patrick Chamoiseau et Raphaël Imbert convoquent, deux cents ans après sa naissance, un Baudelaire inattendu qui, à l’instar du blues, fait surgir la beauté du mal.

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Du 26 au 28 mai 2022, c’est mai poésie dans l’île d’Aimé Césaire !

Un festival d’un genre majeur en Martinique du côté de la commune de Saint-Esprit organisé par l’association Balisaille. Cet évènement articulé autour du thème « ‘’Parler poésie’’ a bénéficié du soutien de la DAC martinique, de la ville du Saint-Esprit qui a su faire de ce festival une activité phare de la commune à l’approche de sa fête patronale, et de la ville de Fort-de-France qui a mis à notre disposition la maison d’Aimé Césaire pour accueillir notre soirée du 27 mai 2022, en hommage à Jacques Stephen Alexis », a fait savoir le président de l’association, Daniel Boyer-Faustin tout en insistant que ce thème est tiré d’un texte inédit du grand poète Monchoachi.

Lire aussi : Widad Amra :  » Connaitre deux pays, deux histoires, c’est aller à l’universel »

Il a indiqué que cette grande fête de la poésie accueillera des auteurs de renommée internationale. Parmi eux, Joby Bernabé, Francis Combes, Raphaël Confiant, Patricia Latour, Lyonel Trouillot.

Qui sera l’invité d’honneur pour déployer les ailes de la poésie en ces instants ?

« La poétesse Widad Amra est notre invitée d’honneur, une manière pour nous de saluer le courage et l’audace de cette femme qui a tenu, parallèlement à son activité d’enseignante, à parler la poésie ».

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Fête de ma mère

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Si tu n’avais pendant neuf mois
partagé la Vie avec moi
dès le début de cette histoire…

Si tu n’avais pas pas à pas
avec amour guidé mes pas,
apprenant la vie à l’enfant
pour qu’il devienne fort et grand…

Si je n’avais pas de mémoire
et n’étais pas reconnaissant
pour toi qui n’as cessé de croire
en moi parce que simplement
j’ai chance d’être ton enfant,
sans réserve me soutenant
dans les revers et les déboires…

Mais ça n’est certes pas le cas !
Alors, à soixante-dix ans,
je veux que tu puisses de moi
être fière et voilà pourquoi
aujourd’hui encore une fois,
même si je vis loin de toi,
je n’en suis pas moins toujours là
pour te souhaiter : « Bonne fête, Maman ! »

Patrick Mathelié-Guinlet

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L’état des lieux de la didactique du créole dans l’École haïtienne, une synthèse (1979 – 2022)

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Dans une étude d’une grande amplitude analytique, « La didactique du créole en Haïti : difficultés et axes d’intervention », le linguiste haïtien Wilner Dorlus dresse un état des lieux similaire pour l’essentiel aux observations de terrain formulées quelques années plus tard par d’autres linguistes, notamment Renauld Govain (2013, 2014, 2021), Fortenel Thélusma (2018, 2021), Guerlande Bien-Aimé (2021), Bartholy Pierre Louis (2015), ainsi que Benjamin Hebblethwaite et Michael Weber (2012). L’étude de Wilner Dorlus a été élaborée en vue de sa participation aux Journées d’études sur la graphie et la didactique du créole organisées en 2008 par le CRILLASH (Centre de recherches interdisciplinaires en lettres, langues, arts et sciences humaines) de l’Université des Antilles en Martinique, et elle a été reproduite en 2020, avec l’aimable autorisation de l’auteur, sur le site www.berrouet-oriol.com. Professeur de communication créole au Lycée Anténor Firmin et enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, Wilner Dorlus examine avec pertinence (1) « le contexte dans lequel a émergé [le créole] comme discipline dans l’enseignement haïtien » ; (2) « la façon dont l’enseignement de la discipline en question est défini par le curriculum de l’École fondamentale » ; (3) « le discours didactique à travers lequel passe cet enseignement, sans négliger l’imbroglio terminologique que reflète (…) « le champ conceptuel de la grammaire du créole en Haïti », alimenté par tous ceux-là qui, pour une raison ou pour une autre, s’estiment bien placés pour marquer de leur empreinte le domaine de la réflexion sur le créole ».

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