Catégorie : Littératures

Stigmatisation du créole, Code noir et populisme linguistique

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Stigmatisé par certains, méprisé ou dévalorisé par d’autres à tous les étages de la société haïtienne, le créole est depuis fort longtemps l’objet de préjugés tenaces, de clichés borgnes, de poncifs et de stéréotypes recyclés où le babillage sentencieux, côtoyant le « voye monte », sert souvent à masquer l’ignorance. Alors même que le créole est langue co-officielle depuis l’adoption à forte majorité de la Constitution haïtienne de 1987, et bien qu’il ait été introduit –avec de lourdes lacunes sur le plan didactique–, dans le système éducatif national par la réforme Bernard de 1979 au titre de langue d’enseignement et de langue enseignée, le créole a, en un paradoxe apparent, ses défenseurs et ses pourfendeurs tant parmi les locuteurs unilingues créolophones que parmi les bilingues créoles-français. L’observation de terrain révèle que depuis un certain temps, en Haïti comme en outre-mer, l’aménagement du créole est discrédité par les errements des « créolistes » fondamentalistes qui ont partie liée avec les pourfendeurs du créole au sens où dans leurs écrits comme dans leur approche de la « défense » du créole –approche bien des fois caricaturale et souvent sectaire et dogmatique–, ils alimentent le rejet stigmatisant du créole dans l’École haïtienne et dans le corps social.

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La « fétichisation » du créole sous la plume de Daly Valet, une voie réductrice et sans issue

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Journaliste et éditorialiste applaudi par certains pour l’élégance et la vigueur tonique de sa plume, décrié par d’autres pour ses homélies « nationalistes » passéistes, les prises de position de Daly Valet passent rarement inaperçues en Haïti. Le 11 septembre 2022, sur sa page Facebook, il nous a livré ses états d’âme sur les rapports du locuteur francocréolophone qu’il est, et qui écrit en français, face à « la langue française qui [le] fatigue ». C’est son droit, et sa parole mérite d’être écoutée même s’il n’est pas linguiste et ne prétend pas s’exprimer à l’aune d’un argumentaire documenté et crédible adossé aux sciences du langage. Daly Valet, homme de culture réputé ouvert au dialogue, est un journaliste aguerri qui a un certain temps chaussé les espadrilles de l’expert-consultant politique comme en fait foi l’article d’Yves Lafortune paru sur le site Aybopost le 23 février 2017, « Pour un acte fondateur au-delà des larmes de Daly Valet ! ». L’auteur de cet article, au paragraphe « Le brassage du vide », interpelle Daly Valet en mentionnant son appartenance politique, en 2017, dans les termes suivants : « Le gouvernement de facto en place et avec lequel tu collabores est arrivé au pouvoir avec un cahier de charges et un momentum politique très limité »…

Lu sur la page Facebook de Daly Valet :

« Français et créole !

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Man toupatou

— Par Daniel M. Berté —

Man dan zeb an savann ki van ka karésé
……dan woch an lariviè ki dlo ka rafréchi
……dan fey jòn ka tonbé pou sa fimié Latè

Man dan lapli ka fifinen anlè an kaz an tol
……dan gout dlo ka glisé anlè fey chou dachin
……dan grenn-sab ka krisé anba pié lé vivan

Man dan kalin ka fet pou tianmay kagou
……dan ziédou ka koulé dèyè madanm lanmou
……dan woz ki ka ran jwa ek chasé latristes

Man dan zwézo ka voltijé an siel lalibèté
……dan pwason ka glisé an lanmè lavanti
……dan pawol ka volé pou kontré lenjistis

Man dan ti papiyon ka dansé anlè flè
……dan la réfleksion ka fè-mwen pran konsians
……dan réyon soley ka dépliyé zel dimwazel

Man dan matjé matjè ka ba moun lémosion
……dan piébwa ka fè flè ek fwui pou nouri moun
……dan lajwa ka kléré fidji lé tianmay

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« Il n’y a pas de Ajar », de Delphine Horvilleur

Après « Vivre avec nos morts », la femme rabbin revient avec un livre contre les assignations communautaires. 

L’étau des obsessions identitaires, des tribalismes d’exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l’idée d’un « purement soi », et d’une affiliation « authentique » à la nation, l’ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d’après l’auteure, une clé d’émancipation : Emile Ajar.
Cet homme n’existe pas… Il est une entourloupe littéraire, le nom que Romain Gary utilisait pour démontrer qu’on n’est pas que ce que l’on dit qu’on est, qu’il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu’offre le texte de se glisser dans la peau d’un autre. J’ai imaginé à partir de lui un monologue contre l’identité, un seul-en-scène qui s’en prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment.

Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme…) affirme qu’il est Abraham Ajar, le fils d’Emile, rejeton d’une entourloupe littéraire.

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Philippa C. Jabouin : Le minimalisme littéraire à son apogée.

— Par Jean-Robert Léonidas —

Short shorts on family, c’est le premier livre écrit en anglais par cette auteure polyglotte, petite fille d’un grand poète haïtien. Je me suis laissé dire que c’était un recueil facile à lire et digérable en un rien de temps. Rien n’est moins vrai.

Le livre, un ensemble de 30 histoires succinctes, pourrait donner une fausse impression de facilité. Mais la couverture en impose par sa gravité, elle offre à notre regard une œuvre d’art suggérant un puzzle titré Sulphurous Exchange. Ce n’est donc point de l’eau de rose. Nous sommes en face de croquis, de réflexions qui, plongeant dans l’âme humaine, obligent à cogiter en profondeur sur les choses, les hommes, leur nature, leur travers. Point de longs discours dont l’auteure est certainement capable vu sa préparation académique et son expertise. De petites histoires de famille qu’il ne faut pas prendre comme une confession d’un enfant du siècle, mais plutôt comme une tactique d’écriture pour se révéler à soi-même et au monde. D’autres sujets semblent provenir du lieu de travail. L’auteure, par pudeur, garde une difficile distance par rapport à l’intimité et maintient une éthique professionnelle, même quand elle a décroché volontiers de ses occupations antérieures.

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Pour en finir avec l’Outre-mer

« Le système outre-mer a généré un syndrome du poulailler, où aucune poule ni aucun coq vaillant n’a le cœur à voler »

— Par Patrick Chamoiseau —

Le président de la République française devrait profiter de sa rencontre, mercredi 7 septembre, avec les présidents des collectivités, régions et départements non hexagonaux, pour embraser d’une flambée de lucioles cette ténèbre d’archaïsmes et d’aberrations qu’est le « système outre-mer ».

Depuis l’appel de Fort-de-France [le 17 mai, les présidents de plusieurs collectivités, régions et départements d’outre-mer avaient solennellement appelé l’Etat à un changement profond de politique ultramarine], ces élus de terrain, confrontés à des difficultés insurmontables, ont en substance réclamé au gouvernement plus de « responsabilité » domiciliée. Le phénomène est assez inhabituel pour que le plus haut responsable politique de la France se saisisse de l’appel. D’habitude, les interpellations unanimes à ce niveau politique relèvent plutôt du secours, de l’exonération fiscale, de la subvention ou du rattrapage d’un retard millénaire. C’est donc l’occasion pour la France d’assainir son rapport à ces terres lointaines, de refonder l’économie-conteneurs régnante, mais surtout, à mon sens, de réoxygéner les fondements de sa présence au monde en tant que grande nation.

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Frère Jacques, ô grand Jacques…

— Par Faubert Bolivar —

Frère Jacques, ô grand Jacques…

Vous auriez eu cent ans cette année, mais vous n’eûtes pas la joie de fêter votre quarantième anniversaire.

L’immonde François Duvalier vous a mangé.

Vous vous étiez dressé sur sa route, il était plus fort que vous, il vous a emporté.

Il souhaitait faire de la terre des ancêtres un tas de cendre, vous vouliez l’en empêcher.

Il rêvait d’être l’unique citoyen, vous existiez.

Il avait pour mission de détruire son peuple, vous poussiez la bravoure jusqu’à y faire barrage.

Il vous a broyé les os, il vous a gâté la chair.

Répondant à l’appel de votre terre, vous déposiez votre vie dans une corbeille que vous tendiez à votre patrie-matrie.

Frère Jacques, ô grand Jacques…

Vous étiez, ce me semble, d’une belle lucidité et d’une solide intelligence que point n’est besoin de vous décrire l’état d’Haïti l’année de votre centenaire.

Vous voyiez de loin venir la mort qui aujourd’hui étend sur nos son ombre royale.

Vous pressentiez l’effondrement de l’État.

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Rencontre avec Virginie Despentes : « J’aime les gens qui posent problème »

« Cher connard,
J’ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m’aurait chié sur l’épaule en passant. C’est salissant, et très désagréable. Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n’intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu’on me remarque. Gloire aux réseaux sociaux : tu l’as eu, ton quart d’heure de gloire. La preuve : je t’écris. »

Après le triomphe de sa trilogie Vernon Subutex, le grand retour de Virginie Despentes avec ces Liaisons dangereuses ultra-contemporaines.
Roman de rage et de consolation, de colère et d’acceptation, où l’amitié se révèle plus forte que les faiblesses humaines…

Lire un extrait=>

*****

Virginie Despentes écrit comme on monte sur un ring. Avec « Cher Connard », elle chausse le roman épistolaire, sur fond de confinement, pour jouer des points de vue et, finalement, faire l’éloge du dialogue et de la distance. Une confrontation 2.0 qui déborde de punchlines mais aussi de tendresse. Brillant et percutant. Entretien.

— Par Michaël Mélinard —

Virginie Despentes a longtemps été à la marge.

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« Les lumières de l’ombre », de Liliane Salcede

Synopsis:
Connaissez-vous, Josua, Siméon, Keita, Gwada, Tre, Eve, Chantel, Ada, Marcia, Freda… personnages du cinéma noir des années 1990 à nos jours que dévoile Liliane SALCEDE ?
Dans cet essai qui s’intitule « Les lumières de l’ombre » l’auteure revendique une visibilité et une considération plus grandes à l’égard des héros et héroïnes précités.
Campés par des acteurs et actrices africains ou afro-descendants (Caraïbe, USA et diasporas), ils ont été imaginés par des cinéastes de même origine. Pourtant, ces derniers, malgré leur panache sont loin d’inonder les marchés du cinéma mondial.
Leurs histoires, reléguant souvent cette « parole de nuit » héritée des griots de l’Afrique originelle, reflètent aussi à l’écran une modernité réinventée. Une étoile pointe à l’horizon en cette année 2022, avec une qualification caribéenne pour Freda (Haïti) à l’Académie des Oscars. L’occasion de sortir ces lumières afro-descendantes de l’ombre pour que la magie et la force de leurs images contribuent, elles aussi, au patrimoine mondial du Septième Art.

 

Auteur : Liliane SALCEDE
Née en Guadeloupe, Liliane SALCEDE consacre sa carrière de professeur certifié en lycée, à l’enseignement de la langue anglaise avec l’image fixe ou mobile comme support incontournable de son apprentissage.

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Le « Dictionnaire de l’écolier haïtien », un modèle de rigueur pour la lexicographie en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Dans le contexte de la rentrée scolaire 2022 en Haïti, la présentation analytique du « Dictionnaire de l’écolier haïtien », l’un des outils lexicographiques accessibles sur le marché du livre scolaire, vise à contribuer à remettre cet ouvrage sous le feu des projecteurs en raison de ses caractéristiques lexicographiques. Cette présentation s’adosse à un examen objectif de l’ouvrage afin qu’il soit davantage utile aux enseignants, aux directeurs d’école, aux rédacteurs de manuels scolaires ainsi qu’aux cadres du ministère de l’Éducation nationale qui travaillent à des mises à jour curriculaires. En quoi consiste ce dictionnaire ? Par qui a-t-il été élaboré ? À quel public s’adresse-t-il et quels sont ses objectifs spécifiques sur le plan de l’apprentissage scolaire ? Les enseignants doivent-t-ils de manière constante apprendre aux élèves à utiliser un tel dictionnaire généraliste unilingue au titre d’un outil de connaissance et également dans le but d’accompagner adéquatement l’apprentissage de la langue elle-même ?

La présentation descriptive du « Dictionnaire de l’écolier haïtien » se situe dans le prolongement de nos précédentes publications de nature lexicographique1 parues en Haïti dans Le National et également sur plusieurs sites outre-mer.

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La négritude, une construction qui ne repose sur rien ?

— Par Aimé Charles-Nicolas—

Une interview de Maryse Condé dans France Antilles a refait surface récemment sur les réseaux sociaux. Elle porte un titre provocateur au pays d’Aimé Césaire : « La négritude, une construction qui ne repose sur rien ».  Elle doit dater de 5 ou 6 ans, il me semble. Elle a donné lieu à de nombreuses réactions des internautes. Maryse Condé, la Guadeloupéenne, se plaint de l’accueil des Africains à l’égard des Antillais en Afrique et précisément des habitants de Guinée et du Ghana à son égard. A partir de son constat, Maryse Condé conclut : « Il n’y a aucune solidarité. Les africains ne nous ont jamais considérés comme des frères. (…) La négritude c’est un mythe, une construction de l‘esprit qui ne repose sur rien de vécu (…) et qui n’apporte rien à l’individu. »

Maryse Condé présente ainsi la négritude comme le sentiment d’appartenance à une grande famille, les Noirs, au sein de laquelle règnent bienveillance et solidarité.

Maryse Condé se trompe. Césaire n’a jamais dit cela. Il définit la négritude dans des vers célèbres du Cahier d’un retour au pays natal :

Ma négritude n’est pas une taie d’eau morte
sur l’œil mort de la terre
ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale
elle plonge dans la chair rouge du sol
elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l’accablement opaque de sa droite patience 

Les 3 premiers vers disent le refus de la passivité et le rejet d’une certaine image du Noir amorphe, incapable de construire une civilisation, le quatrième dit la force de sa proximité avec la nature, le cinquième dit la volonté d’émancipation, l’aspiration, la fierté.

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Bannann

— Par Daniel M. Berté —

Bannann bagay ki bon bel-bonnè bon-maten
Bannann bagay ka ba bel balan ek bon brez
Bannann ba bel bougres bien belman balansé
Bannann ba boug ki brav ka bouwé kon bouva

Ou ka sanm an piébwa men ou pa an piébwa
Ou parmi lé gran zeb ka pousé Matinik
Yo ka di’w ka jété men pa jété atè
Sé lè ou ka fè flè ek réjim épi pat

Ki yo kriyé’w Tinen Kavenndich Gro-Michel
Bannann-jòn Kankanbou Frésinet Makandja
Pandan an boul lanné ou nouri pep Matnik
Ek ou fè lariches sa ki té ka planté’w

Pou swagné maladi charanson té ka ba’w
YO ba’w médikaman YO kriyé klòrdékòn
Elas twa fwa élas sété pwazon pou moun
Pou tout laliwondaj tè lariviè lanmè

Sé pa wou responsab katastrof sanitè
Ka pété tjou an pep pou dé jénérasion
Sé bien lé zespwatan ki té lé fè lajan
YO pa té ignoran malè YO té ka fè

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« A l’ombre de la cité Rimbaud », un livre choc pour en finir avec le tabou de l’excision, en France comme en Afrique

— Par Sandrine Berthaud-Clair
Dans son roman, Halimata Fofana raconte l’histoire de Maya, dont l’innocence basculera « dans la violence » après son excision à l’âge de 5 ans lors d’un voyage familial à Bamako.
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C’est une fiction qui a tout de vrai. L’autrice, Halimata Fofana, ne s’en cache pas, mais elle préfère se fondre dans le décor et dans son personnage, Maya, qui représente « toutes les filles qu’on violente, qu’on excise, qu’on marie de force. Toutes les filles, leurs mères avant elles, et leurs frères aussi, à qui l’on cache tout », explique-t-elle.

A l’ombre de la cité Rimbaud (éd. du Rocher), qui paraît ce mercredi 24 août, est donc un roman. Entre témoignages recomposés et récit autobiographique, le livre raconte l’itinéraire d’une enfant née en France de parents maliens, dont l’innocence basculera « dans la violence » après son excision à l’âge de 5 ans lors d’un voyage familial à Bamako.

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 La négritude, une construction qui ne repose sur rien »

Maryse Condé, fonction : « Je suis créole de façon confuse et africaniste de façon intello »

Quel regard vous portez sur cette première adaptation [de La Vie Sans Fard] en Avignon après sa création au Théâtre National de la Criée à Marseille ?

Pour moi c’est un peu dur car au départ c’est fait comme une confidence à un lecteur et là ça devient un texte lu, dit, adapté.

Donc l’intimité dans laquelle je me protégeais n’existe plus. Le texte devient une chose que je reçois en pleine figure. Et c’est un peu douloureux, agréable quand on réfléchit, mais au départ un peu douloureux.

Quel impact vous pensez que la pièce a sur le spectateur ?

Je crois que le spectateur qui n’a pas lu un de mes livres peut être un peu dérouté, un peu troublé. Il ne connait pas l’écrivain, il n’a pas imaginé sa vie de femme, il la reçoit en pleine figure, il faut un peu de temps pour comprendre, je crois que pour le spectateur c’est un peu dur également.

Quels ont été votre plus grande souffrance et votre plus grand bonheur ?

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La lexicographie créole à l’épreuve du « kreyòl machòkèt » en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Tenu en présentiel et en ligne le 19 août 2022 et organisé par le Cidihca à Montréal, le « Séminaire » animé par Jean Marie Théodat1, agrégé de géographie de la Sorbonne, avait pour thème « Les enjeux de la reconstruction en Haïti ». Le géographe-conférencier, au cours de ce « Séminaire », a brièvement évoqué la dimension linguistique de tout processus de reconstruction en Haïti, et il a employé à plusieurs reprises une expression créole qui interpelle la réflexion : « kreyòl machòkèt ». Jean Marie Théodat intègre dans sa démarche scientifique d’enseignant-chercheur une essentielle réflexion sur la problématique linguistique haïtienne. En témoigne son article « Haïti, le français en héritage » / Perspectives haïtiennes de la francophonie (revue Hermès n° 40, CNRS, 2004/3, Paris), qui consigne un éclairage de premier plan sur l’historicité de la langue française en Haïti. Au chapitre de sa réflexion sur l’aménagement du créole en Haïti aux côtés du français, Jean Marie Théodat est l’auteur d’un remarquable article ayant pour titre « Jewografi  kreyòl » paru en octobre 2017 sur le site berrouet-oriol.com

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Rouler l’écho de mon grand rire sur les flots de mon abîme

Jeudi 25 août 2022 à  18h 30 à la Médiathèque Alfred Melon-Degras

BALISAILLE organise une résidence de recherche en vue de l’adaptation scénique du texte de Faubert BOLIVAR, « Lettre à tu et à toi » (Anibwe, Paris, 2014). A cet effet, l’association a le plaisir d’accueillir en Martinique le pianiste montréalais David BONTEMPS pour en composer la musique.

La restitution des travaux de cette résidence, prévue le jeudi 25 août 2022 à la Médiathèque Alfred MELON-DEGRAS (18h30), se fera également avec la complicité du percussionniste Daniel AJOUP ainsi que du koriste Nicolas PIERREL, avec la participation exceptionnelle de Vladimir DELVA qui apporte un regard extérieur à la mise en scène.

Lire aussi : La poétique du Mystère dans la composition dramatique et la prose poétique de Faubert Bolivar. Lecture de La Flambeau et de Sainte Dérivée des trottoirs par Jean-Durosier Desrivières

BALISAILLE en profite pour renouveler ses remerciements à la DAC Martinique et à la Ville du Saint-Esprit pour leur soutien à cette activité à laquelle vous êtes toustes convié.e.s.

Lire aussi : Faubert Bolivar, un nouveau surréaliste par Michel Herland

Texte, adaptation et interprétation : Faubert Bolivar
Musique original et piano : David Bontemps
Percussions Daniel Ajoup
Kora : Nicolas Pierrel

Fait au Lamentin, le 18 août 2022

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Éthique et publicité

Patrick Chamoiseau éveilleur de consciences !

— Par Marcel Luccin —

Spectacle audiovisuel; exploit sportif, incroyable succès populaire.
Ce qui gâche l’affaire : ces voiles réduites à des panneaux publicitaires :
 » William Saurin attaque Mac Donald… »
Les sponsors en guise d’éthique,
devrait mettre fin à cette indécence…
Aider sans dénaturer…

Patrick Chamoiseau

Nos intellectuels peuvent-ils penser à tout ou alors, y a-t-il des sujets plus pertinents que d’autres ? De manière impromptue Patrick Chamoiseau place les courses de yoles rondes au cœur d’une réflexion fondamentale. Il nous invite à faire le lien entre éthique et publicité, dans un contexte de délabrement des mœurs et d’exigences sociales.

A l’évidence, tout un pan de la culture et du patrimoine martiniquais est douloureusement mis à l’épreuve par des publicités omniprésentes. Ce phénomène, révèle à la fois une forme de violence sournoise et une vigilance collective qui se dégrade. Autant que le mécénat est présent partout, la pensée de Patrick Chamoiseau est limpide et pédagogique. Elle met en évidence la fragilité d’une pratique sportive « divertissement » partie de rien, devenue soluble dans de la publicité.

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La « pathologisation » du débat d’idées en Haïti selon le sociologue du PHTK Louis Naud Pierre : le dessous des cartes

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« Pathologisation » [n.] : Fait de rendre pathologique.

« Pathologique » [adj.] : 1. Relatif à la pathologie, considéré sous l’angle de la pathologie. 2. Relatif à la maladie, qui est dû à une maladie. 3. Qui concerne des troubles, des dérèglements d’ordre psychique, qui s’écarte de la normalité. 4. Qui concerne les troubles, les états maladifs ou morbides liés à des phénomènes de société » (Ortolang, Centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS/Université de Nancy, France.)

Quelles sont aujourd’hui, en Haïti, les caractéristiques de certaines instances discursives du débat d’idées ? Contribuent-elles à la réflexion sur l’édification d’un État de droit au pays ? Sont-elles documentées et rassembleuses, sont-elles parfois habitées par les « interdits de parole » hérités principalement de la dictature duvaliériste et singulièrement formatées de nos jours par quelques « experts consultants » au service du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste ? La présente « Tribune » examine, à partir de sa mise en contexte, quelques idées-force contenues dans un récent texte du sociologue Louis Naud Pierre, chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes de l’Université du Québec à Montréal et coordonnateur du Réseau d’études sur Haïti (RES-HA à TI), Laboratoire d’analyse des problèmes sociaux et de l’action collective, (LAPSAC), Université Bordeaux 2.

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Gran sonjé Sez Out… (Ba Yo)

— Par Daniel M. Berté —

Jou tala, lè nou tann sa…
Nou tout rété étoné… Dlo-zyé koulé
Nou tout rété estipersé… Dlo-zyé koulé
Nou tout rété estébékwé… Dlo-zyé koulé

Jou tala, lè nou tann sa…
Nou tout té débiélé… Kò krazé
Nou tout té dékalbéché… Kò krazé
Nou tout té djèl-bé… Kò krazé

Jou tala, lè nou tann sa…
Nou tout té térasé… Lespri félé
Nou tout té térorisé… Lespri félé
Nou tout té terbolizé… Lespri félé

Jou tala, lè nou tann sa…
Nou tout pé fret… Tjè déchiré
Nou tout pléré gro-dlo… Tjè déchiré
Nou tout pété-kriyé anmwé… Tjè déchiré

Jou tala, lè nou tann sa…
Nou tout priyé-mandé Bondié… Ba yo
Nou tout priyé-enploré Jéwova… Ba yo
Nou tout priyé-sipliyé Dja… Ba yo

Jou tala, lè nou tann sa…
Nou tout kolé tet… Pou nou…
Nou tout kolé zépol… Pou nou…
Nou tout kolé kò pou fè fos… Pou nou…

…Pou nou té siwmonté Gran Katastrof tala… Ba yo

Daniel M. Berté 80814

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Poignardé, Salman Rushdie est dans un état grave

L’écrivain, agressé au couteau lors d’une conférence à New York vendredi soir, a été placé sous respirateur artificiel.

Rushdie, les grandes lunes, au matin, font blason
de tout ce que la haine et la bêtise
ne sauraient ébranler.

Patrick Chamoiseau

— Par Caroline Constant —

Les nouvelles ne sont pas bonnes : l’écrivain Salman Rushdie est entre la vie et la mort, après avoir subi une agression au couteau vendredi 12 août, alors qu’il s’apprêtait à donner une lecture à la Chautauqua Institution, dans l’Ouest de New York. Touché au cou, au foie, et à un œil, qu’il pourrait perdre, il a été placé sous respirateur artificiel et se trouve dans un état grave, a indiqué son agent, Andrew Wilye. Les nerfs de son bras ont aussi été sectionnés.

Voir aussi : Salman Rushdie : « Pire est le monde, meilleurs sont les livres »

La scène, rapportée par un journaliste d’Associated Press présent dans la salle, s’est déroulée hier à 11 heures (17 heures en France). Un homme a bondi de sa chaise pour se jeter sur le romancier. La police indique que l’individu a donné « dix à 15 coups de couteau » à l’auteur, qui s’est écroulé.

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Man pa tou sel…

— Par Daniel M. Berté —

Man pa tou sel…

Man fè fos épi Fanon pou fraternizé épi félaga Laljéri
Man dòmi an mitan makolin épi Madéla a Roben Island
Man déviré bòkay épi Césaire pou tété lapowézi matjé an kayié
Man djoubaké épi Zobel lari kay neg épi djab-la an kann bétjé

Man rimonté laviè Léza épi Glisant pou ritouvé mémwa lesklavaj
Man pran kout fè ek étidié lisé Chelchè épi Delsham
Man maché mil maché épi Mac ek Fardin Sentespri
Man brè dlo-koko ek manjé tinen-lanmori épi Tipridan

Man aprann épi Hugo ki lenstriksion sé prèmié bizwen pep-la
Man viré Ségou an Lafrik épi Maryse Condé
Man rakonté lesklavaj ba fi-mwen épi Christiane Taubira
Man goumen épi Angéla Devis pou neg trapé dwa nonm

Man tjenbé lanmen bizayel-mwen épi Nicolas Guillen
Man jwé djaz épi Louis Armstrong an lari Nouvelle-Orléans
Man chanté bra brilé pié-ni épi Eugène Mona
Man dansé zouk Kasav épi Jocelyne Bérouard

Man étidié listwa péyi-a épi Arman Nicolas
Man fè kous kouri épi Herman Panzo
Man filé mo-mwen épi kanmarad anlè lanmel lakonsians
Man mété grif an tè épi lé travayè pou Matnik ay douvan

Man avansé épi sa ki konbat pou konstwi lidantité
Man apiyé épi lé kakolè anlè sa ka sèvi dekzanp
Man pòté respé épi lé gangan pou sa ki fet avan
Man lienné épi pòwtè limiè ki ka montré chimen

Man pa tou sel…

Daniel M.

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Les défis contemporains de la lexicographie créole et française en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La parution en Haïti, dans Le National du 21 juillet 2021, de notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » a retenu l’attention d’un lectorat divers découvrant pour la première fois que le créole haïtien avait fait l’objet d’un si grand nombre de dictionnaires et de quelques lexiques ces soixante dernières années. Issu d’un ample travail de recherche documentaire, l’« Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » est le premier inventaire général de la production lexicographique créole couvrant cette période. Ce travail de recherche, par la consultation de nombreuses sources documentaires en des lieux distincts, a permis d’identifier 64 dictionnaires et 11 lexiques, soit un total de 75 ouvrages. Pourtant, en dépit de leur nombre élevé, ces ouvrages sont majoritairement très peu connus voire inconnus en Haïti, notamment dans le système éducatif national où le dictionnaire, idéalement, est censé être un indispensable outil d’accompagnement de la transmission des savoirs et des connaissances. Dans le prolongement de l’« Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 », le présent article éclaire davantage la catégorisation des ouvrages recensés et il aborde les défis actuels de la lexicographie haïtienne tant au plan institutionnel et professionnel qu’à celui de la méthodologie de la lexicographie instituée comme domaine scientifique de production dictionnairique.

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« Le vent du nord dans les fougères glacées », de Patrick Chamoiseau

Parution le 08 octobre 2022

« Boulianno Nérélé Isiklaire était espécial. Il savait des choses sur le profond du conte, sur la Parole qui demande majuscule, sur la lutte contre la mortalité… Il avait développé une connaissance de tout cela dans le secret de son esprit. »

Le dernier maître de la Parole a gagné les hauteurs de Sainte-Marie, dans le nord de la Martinique. Depuis, il demeure inaccessible et silencieux. Malgré son grand âge, Boulianno n’a initié aucun successeur à son savoir exceptionnel, lequel risque de se perdre à jamais.

Avant que son retrait ne soit définitif, des gardiens de la tradition orale se lancent en convoi sur ses traces improbables dans les mornes pour qu’il désigne un héritier et lui offre en legs le secret de sa poésie.

Entre tradition et modernité, entre rire et mémoire, entre passé et futur, entre la vie et la mort, ils se retrouvent plongés sans le vouloir dans les complexités insondables du monde de la Parole que symbolise le vent du nord.

Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, grande voix de la littérature contemporaine, renoue ici avec sa veine narrative riche en personnages inoubliables.

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«Joël Des Rosiers. L’échappée lyrique des damnés de la mer»: éclairer Des Rosiers

— Par Hugues Corriveau, Collaborateur du journal Le Devoir —

Dans son essai Joël Des Rosiers. L’échappée lyrique des damnés de la mer, Jean-Jacques Thomas veut tout aborder, prendre à bras-le-corps les divers aspects de l’oeuvre poétique d’un auteur qu’il admire, et ce faisant, il se répète. C’est bien là le plus grand défaut de cet essai qui, par ailleurs, est pénétrant et éclaire de façon méticuleuse les voies à emprunter pour en décoder le désir.

Ce que l’essayiste souligne chez Des Rosiers, c’est « d’abord un refus radical et absolu d’une poésie tout entière dominée par le devoir de mémoire déploratrice. » Ce point de départ capital met en lumière le projet intrinsèque du poète, à savoir : « faire une oeuvre québécoise originelle et personnelle sans le poids du pathos déploratif incrusté dans le regret du “pays natal”. » Ainsi libérée du poids du fétichisme ancestral, la poésie de Des Rosiers va s’incarner dans les territoires nouveaux qu’elle découvre, va se mettre au présent de l’émotion.

Jean-Jacques Thomas va aussi du côté d’une forme étonnante de psychocritique, alors qu’il rappelle que le poète, premier bébé haïtien né d’une césarienne, a eu les mains blessées alors qu’il tenait la lame du bistouri qui le délivrait.

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Pawòl Yòl (Ba tout Yolè Matnik)

— Par Daniel M. Berté —

La Foyalaise Fòdfrans di : kouraj lé koursié, nou ni an sèl bousòl
Koraï 2 Wobè di : sé yon à lot mésié, pou nou pé pran lavòl
Rigueur II Omaren di : nou la pou nou gangné, pa pou fè potokòl
Dernier Jugement Ofranswa di : sa sé baga’y sérié, abò pa ni alkòl
La Révélation Wobè di : goumen pou èt prèmié, sé pa sisé sinobòl
A 380 GM Omaren di : paré à godiyé, abò pani moun mòl
Zizitata Voklen di : nou la pou manévré, pa pou fè lé djignòl
Chabin’an Ofranswa di : gran vwèl nou ka mété, pou nou défié Eole
La Rose Wobè di : manmay-la pa ladjé, annou kolé zépòl
Lanm Karavel Trinité di : pou nou kalmisiré, sé pa an kamizòl
Vini ouè sa Voklen di : o risk di chalviré, nou pa la pou fè wòl
Terminator Ofranswa di : nou anlè bwa drésé, pa pou fè lé mariòl
Bwa viré Wobè di : pou vwèl pa déchiré, nou pa ka’y woulé fòl
Express Senta’n di : nou la pou navidjé, pa pou la gloriyòl
Adhira/Adhira II Dikos di : adan zòn dévanté, lanmen-nou sé gazòl
L’Arme Fatale Ofranswa di : pani moli an jé, alé wè an bémòl
Sa pa zafèw Lanmanten di : manmay nou pou rivé, nou a la bòn ékòl
P 44 Martinique Wobè di : lézòm annou sanblé, pou an bèl touw-dé-yòl
Nou la osi Sentespri di : an tè sek nou ankayé… nou kon kabrit ka manjé tòl !

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