Catégorie : Littératures

À propos de l’Ur-texte  » Et les chiens se taisaient » d’Aimé Césaire

Peut-on faire lecture publique d’un texte qu’un auteur a désavoué ?

— Par Roland Sabra —

Désavouer: Refuser de reconnaître quelque chose comme sien, le renier. Larousse .

Pendant longtemps, jusqu’en décembre 2008, n’étaient connues que quatre versions du texte d’Aimé Césaire «  Et les chiens se taisaient ». Les deux plus célèbres, publiées en français sont celle de 1946, chez Gallimard, insérée dans le recueil « Les armes miraculeuses », suivie en 1956 d’un « arrangement théâtral » de Présence Africaine. Cette année là deux autres versions, dues au travail de l’écrivain et traducteur Janheinz Jahn voient le jour, Und die Hunde schwiegen , en allemand dans le texte, la première radiophonique dont il existe une transcription et une autre suffisamment ré-élaborée, transformée pour qu’elle soit considérée, par certains, comme le résultat d’une co-écriture entre le poète et son traducteur. « Jahn supprime dans les trois actes environ un tiers du texte original de Césaire […]. Il complète ce qu’il a conservé par des scènes et des indications scéniques qu’il a lui-même rédigées et qui constitueront environ 20 % de la totalité du texte définitif de cette version.

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Le partenariat créole-français, l’unique voie constitutionnelle et rassembleuse en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« Cohabitation des langues et politique linguistique / La notion de « langue partenaire » est le titre de l’ouvrage publié au cours du mois de novembre 2015 par la Délégation à la langue française de Suisse. Cette publication de 198 pages regroupe les actes du séminaire « Le concept de ‘’langue partenaire’’ et ses conséquences pour une politique intégrée du français » organisé à Champéry (Suisse) les 6 et 7 novembre 2014 par le réseau OPALE. Depuis plusieurs années, le réseau OPALE regroupe les organismes francophones de politique et d’aménagement linguistiques suivants : (1) le Service de la langue française et le Conseil de la langue française et de politique linguistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; (2) la Délégation générale à la langue française et aux langues de France ; (3) le Conseil supérieur de la langue française, l’Office québécois de la langue française et le Secrétariat à la politique linguistique du Québec ; et (4) la Délégation à la langue française de Suisse romande. Les auteurs des contributions réunies dans ce volume proviennent de diverses régions de la Francophonie (Belgique, Côte d’Ivoire, France, Gabon, Québec, Suisse).

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Paul Rosine, Paulo… ou le parachèvement d’un artiste musicien.

Pianiste, chanteur, compositeur, auteur, arrangeur, chef d’orchestre.

— Par Manuel Césaire —

Mes quelques mots ne se réclament d’aucune exhaustivité.

D’autres avant moi ont discouru et disserté.

D’autres après moi, le feront car il faudra continuer à analyser, à comparer pour tenter de saisir, de comprendre l’arborescence de son œuvre et de son génie musical.

Un génie martiniquais et universel.

Ou encore un génie musical universel mis au service de sa « martiniquanité », de son identité profonde.

C’est sur cet aspect que je souhaite m’attarder, aujourd’hui.

Les influences dans l’œuvre de Paulo Rosine, on les entend, bien entendu.

De la musique classique au jazz, en passant par la musique de film et les musiques latino-américaines, ces influences stylistiques, ces procédés d’écriture sont identifiables dans l’orchestration générale, tant pour la section des cordes frottées (violons/alto/violoncelle) que pour la section de cuivres.

Paulo Rosine adaptera souvent la répartition des voix en fonction des pupitres disponibles. 

Le procédé d’harmonisation de la section de cordes s’apparente à la technique du quatuor à cordes. Néanmoins et faute d’avoir un 1er violon, un 2nd violon, un violon alto et un violoncelle, Paulo adaptera son harmonisation en fonction des instruments qu’il a « à sa disposition » ce, avec la contrainte des tessitures.

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« Le fil rouge », poésie de Marie Boniface

Concours de poésie Vieux-Habitants (Guadeloupe) en l’honneur du printemps des poètes 4 mars 2023 Thème: Frontières

« Les frontières, je les aime, je les déteste. »

Gilles LAPOUGE

Le fil rouge – Prix du Coup de Cœur.

Le fil rouge

Le souffle trouillard ricane.
La langue de ma nuit
Le rend coriace aux confins du désir.

Aussi torride que le froid racorni du snack,
Mon désir nocturne caresse tes cheveux
Dans l’antre abyssale de la cachoterie.

Samedi soir à ton phallus je m’attache.
Mes yeux brûlants léchant ton interdit,
Je pénètre l’invisible frontière.
Éclaboussé à l’oreille des plus affûtés,
Notre secret se met à héler.

Dans la cachette,
On s’écharpe, on s’aime
Et l’amour, on le fait.
Les frontières, je les aime, je les déteste
Comme cet entêté de fil rouge.
Notre amour rayonne dans sa clandestinité
Au milieu du froid minuit de la Pelée.

 

Marie Boniface

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Fè ladjè ?

— Par Daniel M. Berté —

Ou a bo vréyé vié pawol
Ou a bo fè kon an fanm fol
Ou a bo kanpé mové wol
Man pa djè pré a fè ladjè…
Ou a bo di ki man kapon
Ou a bo kriyé-mwen kouyon
Ou a bo trété-mwen di kon
Man pa djè pré a fè ladjè…
Ou a bo aplé-mwen lèlè
Ou a bo di man tjoupèpè
Ou a bo di man makoumè
Man pa djè pré a fè ladjè…
Ou a bo di malédision
Ou a bo fè profitasion
Ou a bo konmet agrésion
Man pa djè pré a fè ladjè…
Ou a bo fè tout mové senn
Ou a bo di man pa ni grenn
Ou a bo fè-mwen bon lapenn
Man pa djè pré a fè ladjè…
Ou a bo vréyé minision
Ou a bo pété esplozion
Ou a bo fè déflagrasion
Man pa djè pré a fè ladjè…
Ou a bo di man kakazwa
Ou an bo kriyé-mwen bwabwa
Ou a bo di man ababa
Man pa djè pré a fè ladjè…
Ou a bo kontinié wouklé
Ou a bo soté maté rélé
Ou a bo fè tousa ou lé
Man pa djè pré a fè ladjè… épi’w Doudou

Daniel M.

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« Carnaval dans la République », un livre de Nika Yiyite

Présentation de « Carnaval dans la République« , une satire drôle et pertinente du système politique et électoral dans nos territoires. Mais aussi le récit palpitant d’une course au pouvoir.

Nika Yiyite a occupé des postes à responsabilités dans divers ministères, dont celui des Outre-mer, puis dans l’administration territoriale ultramarine. Curieuse des autres et de leur culture, Nika Yiyite a voyagé en Asie du sud-est, en Europe orientale et dans diverses républiques de l’ex-Union soviétique. C’est sa longue immersion dans « la France du large » qui lui donne envie d’écrire Carnaval dans la République, son premier roman

Ce roman oppose deux hommes politiques ambitieux, Béranger et Délhi qui rêvent d’occuper le fauteuil de Négus, – le vieux maire de Port-la-Rivière, la capitale de l’île-Volcan, – qui a décidé de quitter son poste.

C’est un brillant intellectuel, qui a écrit des ouvrages reconnus mondialement. Il a suffi qu’il décide de prendre sa retraite pour attiser la rivalité et provoquer le choc des ambitions entre Béranger et Délhi, deux hommes du même parti que Négus, qui s’appréciaient jusque-là et qui deviennent ennemis mortels parce qu’ils veulent tous deux s’emparer du poste du patriarche.

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Goethe, le « Divan oriental-occidental » (1815)

À propos de la Weltliteratur ( littérature universelle) et de la religiosité goethéenne

— Par Michel Pennetier —

Je commencerai mon propos en vous lisant un poème du « divan » qui évoque l’ état d’âme de Goethe lorsqu’il commença à écrire cette œuvre.

Dans le présent, le passé

La rose et le lys nimbés
De rosée matinale
Fleurissent dans le jardin proche.
A l’arrière plan, buissonneux et familier
Le rocher se dresse vers les hauteurs.
Et entourée d’une haute forêt
Couronnée par un château-fort
S’étend la courbe des sommets
Jusqu’à ce qu’elle se réconcilie avec la vallée.

Et l’air est parfumé comme jadis
Quand nous souffrions d’amour
Et que les cordes de notre psautier
Se disputaient avec le rayon matinal.

Puisque les forêts croissent éternellement,
Prenez courage à leur présence,
Ce dont vous avez joui jadis,
Peut profiter à d’autres
Personne ne nous reprochera
D’être égoïstes.
En chaque génération
Il faut savoir jouir de la vie.

Et avec ce chant et ces propos
Nous voici de nouveau chez Hafez
Car il est de bon aloi
D’apprécier l’accomplissement du jour
Avec ceux qui savent en jouir.

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La longue route des terminologies scientifiques et techniques en créole haïtien

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’un des premiers professeurs de sociolinguistique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), friand amateur de poésie et mathématicien de formation avant d’être linguiste, disait souvent, en salle de cours, que dans la langue usuelle comme dans la fiction poétique et romanesque, les mots ont une saveur, une tonalité, une résonance, une histoire, un sens premier ou différencié selon le contexte d’énonciation, selon le registre de langue et selon l’époque. Les dictionnaires de la langue usuelle et les terminologies spécialisées témoignent à des degrés divers de la pertinence des remarques du sociolinguiste de l’UQAM, et l’histoire de la migration des mots en témoigne lorsqu’ils se déplacent d’une époque à l’autre, d’un domaine à l’autre, d’un registre de langue à un autre. Les linguistes et sémioticiens qui suivent depuis plusieurs années les travaux de la psychanalyste et linguiste Julia Kristeva sont familiers de cette problématique repérable notamment dans son roman « Les Samouraïs » (Éditions Fayard, 1990) où la « parole est liée à un plaisir essentiel », à la « saveur des mots » (Kristeva, 1990 : 35), « à la musique des lettres » (ibidem : 38).

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« Le Vent du nord dans les fougères glacées » de Patrick Chamoiseau 

— par Michel Herland —

Après plusieurs ouvrages relevant de près ou de loin du genre de l’essai, Patrick Chamoiseau renoue ici avec le roman qu’il semblait avoir abandonné depuis une dizaine d’années. Roman, certes, et roman créole comme les précédents mais tout autant récit fantastique, voire ésotérique en raison des nombreuses références à la physique la plus moderne et la moins accessible au commun des mortels. Le personnage central nommé Boulianno, au centre de tous les propos puis d’une quête à travers la nature martiniquaise mais qui n’apparaîtra jamais, est un maître conteur qui a disparu de la contrée où il exerçait ses talents et laissé désemparés ses nombreux admirateurs.

« Kisé ou pé koupé mé ke ou pé pa fann ? » (qu’est-ce que tu peux couper mais pas fendre ?), c’est avec de semblables devinettes que Boulianno apostrophait son auditoire. Tout cela, après avoir entendu de sa part et réfuté maintes réponses pour le surprendre davantage par une fausse bonne réponse, un chemin de traverse qui le conduira ailleurs : « La rosée du matin, fout !, qui fait vapeur avant le chauffé du soleil, ne peut ni se couper ni se fendre, mes zammi ! 

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Kouri vidé an lari Sentespri

(épi lé personaj ek chanté tradisionel)

—Par Daniel M. Berté —

An won Kalipso-a
Travesti… pou gran ek piti… pa rété-la ! sòti !
« Démaré, déméré, démaré vidé-a ! »

Lari Djédon
Bwabwa… an vidé-a sé li ki wa… ou pé di sa papa !
« Lapooo déchiré ! Lapo bonda vaval déchiré !»

Won lagrann Fontèn
Djab-rouj… ki sòti jis Mòn Rouj… abiyé toutan rouj !
« Ou ! ou ! vwasi le lou ! Ou ! ou ! vwasi le lou ! » 

Lari Chelchè
Karolin-zié-kokli… i ka pòté nonm-li… ki boulé o wiski !
« Banmba kola ! Ròzémé, Ròzémé manmay-la ! »

Bò lanméri
Mèdsen-lopital… ki sòti Bodkannal… pou kouri kannaval!
« Mi bissuiya ! Rosé ! Yanna pou lé zanfan ! Rosé ! »

Won man Bonè
Mawriaj-birles… yo ka fè an lanmes… pou an béni-konmes !
«Rena ou anmen poul ! Lanméri Fodfrans-la, sé pa an poulayé »  

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Lexicographie créole, traduction et terminologies spécialisées : l’amateurisme n’est pas une option…

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’examen attentif des outils lexicographiques et terminologiques élaborés de 1958 à 2022 et ayant pour cible le créole haïtien, est riche d’enseignements. Comme il est démontré dans l’article « Les défis contemporains de la lexicographie créole et française en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 2 août 2022), sur les 75 dictionnaires et lexiques répertoriés dans notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (Le National, 21 juillet 2022), seuls 9 d’entre eux ont été élaborés en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle.

Les plus lourdes lacunes identifiables dans la production lexicographique et terminologique haïtienne sont l’amateurisme, le rachitisme méthodologique et l’ignorance des principes de base de la méthodologie de la lexicographie professionnelle. Un concentré de chacune de ces lourdes lacunes est le très médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » (voir notre évaluation analytique consignée dans l’article « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative » (Le National, 15 février 2022).

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« Une âme d’ânée… », « Poétique Polémique vs Politique » & « Décolonialisme » par Patrick Mathelié-Guinlet

Une âme d’ânée…

Je suis une tête de mule,
résistant qui fait des émules
mais le grand nombre des années
pèse sur moi comme une ânée !

Si l’âne, ce pauvre animal,
non content d’être un exploité,
est injustement méprisé
alors qu’il ne fait aucun mal,

chargé de tous maux de la terre
et voué comme une âme damnée
depuis sa naissance à l’enfer,
on n’a jamais pu lui ôter

sa faculté à résister…
Aussi, n’ayant jamais cessé
de considérer comme un frère
cet autre damné de la terre,

je persiste à me rebeller
et à ne point me laisser faire
par les champions de l’oppression,
de la carotte et du bâton !

À la mémoire de Cadichon*
j’ai voulu écrire ces vers
pour qu’on cesse d’être sévère
avec cet âne doux et bon…

* l’âne intelligent, héros des “Mémoires d’un âne” de la comtesse de Ségur.

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Lexicographie créole : revisiter le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman

—  Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Les écoliers, les étudiants et les enseignants haïtiens disposent-ils en 2023 d’outils lexicographiques (dictionnaires et lexiques créoles ou créoles-français) utiles à l’apprentissage scolaire en langue maternelle créole ? Dans l’affirmative, par qui ces outils lexicographiques sont-ils produits et quelles sont leurs caractéristiques ? C’est pour contribuer à trouver des réponses à ces questions de fond que ces dernières années nous avons publié en Haïti et en outre-mer plusieurs articles sur la lexicographie haïtienne. Ces articles inventorient les deux versants de la lexicographie haïtienne, la lexicographie créole ou française unidirectionnelle (comprenant des ouvrages lexicographiques unilingues créoles ou unilingues français) et la lexicographie créole bidirectionnelle (comprenant des ouvrages lexicographiques bilingues créole-français, français-créole, créole-anglais, anglais-créole). Pour caractériser adéquatement la production lexicographique élaborée en Haïti et ailleurs, il a été nécessaire de définir la lexicographie haïtienne : en créolistique, la lexicographie haïtienne est le domaine scientifique de conceptualisation et de production de dictionnaires et de lexiques arrimés au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle. Précédée d’une ample recherche documentaire, notre exploration de la production lexicographique haïtienne se donne à voir dès la parution de l’article « Dictionnaires et lexiques créoles : faut-il les élaborer de manière dilettante ou selon des critères scientifiques ?

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« Mistik Jaden » un roman-Conté de Malik Duranty

Il s’agit d’un livre écrit par Malik Duranty. Il y poursuit sa démarche d’écriture qu’il nomme Roman-Conté.
Dans ce dernier, il nous emmène dans une histoire qui conte le parcours, la rencontre et les relations de plusieurs personnes en lien avec le Jaden (le Mistik
Jaden).
C’est un livre qui traite du processus de transmission/appropriation au sein de la culture martiniquaise. Cela en mettant en lumière la relation intergénérationnelle sous diverses formes. Histoire de réifier et revitaliser la pertinence de cet réalité anthropologique.
L’idée de ce Roman-Conté est de valoriser le Jaden comme matrice de la culture martiniquaise en son acception populaire. Cela en faisant la promotion de la
culture des Nèg Zabitan. Ces derniers qui sont pour l’auteur le résultat de la métamorphose du Nèg Mawon.
Au sein de ce corpus de personnages, il est un groupe de jeunes issus de quartier urbain de l’anvil qui iront découvrir la culture des mornes. Là où, les nèg mawon se sont métamorphosés en nèg zabitan.
Il est un ancien des mornes qui croit toujours au koudmen. Ce dernier qui éprouve le besoin de transmission envers ses petits enfants et sa fille, fera tout pour se le permettre.

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Doulè an dé…

— Par Daniel M. Berté —

Doulè ka défonsé-mwen, débousolé-mwen
Doulè ka démonté-mwen, dékonekté-mwen
Doulè ka dérayé-mwen, dékourajé-mwen
Doulè ka dékalé-mwen, défòrmé-mwen
Doulè ka démantibilé-mwen, dégrenné-mwen
Doulè ka dékalbiché-mwen, dégradé-mwen
Doulè ka dépotjolé-mwen, dévidé-mwen
Doulè ka dérasiné-mwen, démantlé-mwen
Doulè ka déchiktayé-mwen, démanbré-mwen
Doulè ka débiélé-mwen, dépouyé-mwen
Doulè ka déservélé-mwen, déplimé-mwen
Doulè ka dézékilibré-mwen, déréglé-mwen
Doulè ka dékatjé-mwen, dézakòwdé-mwen
Doulè ka dékalfoutjé-mwen, dézawsonné-mwen
Doulè ka dékalfouné-mwen, dézaksé-mwen
Doulè ka dézabiyé-mwen, défolmanté-mwen
Doulè ka dématé-mwen, dézespéré-mwen
Doulè ka dékoupé-mwen, dézoriyanté-mwen
Doulè ka défwisiyé-mwen, dévoré-mwen
Doulè ka déprélé-mwen, dévitalizé-mwen
Doulè ka dévasté-mwen, démoralizé-mwen,
Doulè ka déjwenté-mwen, déchiré-mwen
Doulè ka dékapité-mwen, démouné-mwen
Doulè ka déberté-mwen, dé-telman-mwen ki…
Doulè sé mwen, mwen sé Doulè

Daniel M. Berté 40122

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Un stage d’écriture avec Lyonel Trouillot

— Par Selim Lander —

L’association Balisaille a organisé à la médiathèque de Saint-Esprit un stage d’écriture poétique animé par Lionel Trouillot, écrivain haïtien internationalement connu dont l’œuvre multiforme – romans, poèmes, essais – a été couronnée de plusieurs prix.

Une vingtaine de participants se sont retrouvés tous les soirs de semaine ou presque, plus un samedi, du 18 au 28 janvier, bravant courageusement pour ceux qui se trouvaient éloignés de Saint-Esprit les difficultés de la circulation. Une écrasante majorité de femmes parmi les participants, les hommes étant sans doute moins nombreux de nos jours à posséder à la fois l’envie et la capacité de s’exprimer avec des mots et ceux qui néanmoins le sont étant davantage attirés par d’autres formes que la poésie au sens strict, terme quelque peu suranné à leurs yeux. La poésie qui pourtant, de nos jours, n’a plus vraiment de règle.

On pouvait le vérifier en assistant ce samedi 28 janvier, jour de clôture du stage, à la « restitution » orale des « travaux » des participants, travaux parmi lesquels l’on n’a repéré aucun texte conforme à ce que l’on entendait par « poésie » à l’époque où les vieilles personnes comme l’auteur de ce compte-rendu fréquentaient les bancs des écoles.

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« Juste un air de blues » & « Qui a peur de Virginia Woolf? » de Patrick Mathelié-Guinlet

Juste un air de blues

C’est juste un air de blues
qui t’arrache les tripes
pour sortir de la bouse
de ton trop mauvais trip…

Dire ton désespoir
et ton manque de pot
quand tu n’as plus de mots
tant l’avenir est noir !

Tu contes ton histoire
sans la moindre pudeur,
conjurant ton malheur
pour soigner ton cafard

avec cet air de blues
joué sur ta guitare
car tu sais bien que boire
n’ôte pas la mémoire…

Oui, juste un air de blues
qui te colle à la peau
comme un parfum de “loose”
quand t’en as plein le dos…

Qui a peur de Virginia Woolf?

Lorsque le sale air de la peur
n’est que l’affreuse puanteur
de ceux qui ont chié dans leur froc,
paralysés et sous le choc…

Peur de son ombre et peur de tout,
peur des autres : la peur des coups,
peur des monstres au fond du placard,
de l’inconnu, la peur du noir !

Peur de manquer, de la misère,
peur de l’avion, peur de l’enfer,
peur des sorciers, peur animale
de ce qui peut causer du mal…

Peur du vide, peur de la foule,
de perdre et même de gagner
mais aussi la peur de passer
pour la plus mouillée de ces poules…

Et puis ceux qui du loup ont peur,
de ne pas être à la hauteur,
peur de la mort, du lendemain…
Mais de tout ça, je me fous bien
car enfin je n’ai peur de rien !

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« Moi Cyrilia, gouvernante de Lafcadio Hearn 1888. Un échange de paroles à Saint-Pierre de la Martinique » , texte Ina Césaire, mise en lecture Yna Boulangé

Vendredi 27 janvier / 19h / Médiathèque du Saint-Esprit

“Sé bèf douvan ki bwè dlo klè !”

Monsieur Hearn avait déjà sorti son petit cahier noir. Cette fois-ci, j’osai lui demander la raison de ce que je considérais comme une indiscrétion.
“La curiosité est mon métier, Cyrilia. J’ai dans l’idée que la phrase que vous venez de prononcer est un proverbe de chez vous, domaine qui me passionne… Quel est son sens ?”
“ C’est le boeuf qui est arrivé le premier qui a droit à l’eau la plus claire” signifie que, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, les mieux placés sont toujours lesprivilégiés !”

[…]

– Quelle chaleur, ma fille ! On se croirait en plein carême et je meurs de soif !
– Voilà que je manque à tous mes devoirs ! Tu prendras bien un peu de café ou d’eau de coco ?
– N’aurais-tu pas plutôt une petite goutte de shrubb * ?
– Du shrubb, au beau milieu de la matinée ?
– Il est certes un peu tôt, mais tu sais bien que c’est mon péché mignon !

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« Par la racine », le dernier roman de Gérald Tenenbaum

— Par Michèle Bigot —

Par la racine, le dernier roman de Gérald Tenenbaum s’ouvre sur la tempête de décembre 1999 accompagnée de la mélodie des Neuf airs allemands de Haendel et se clôt sur l’Adagio pour cordes de Samuel Barber, la première scène annonçant la mort du père, Baruch, la dernière étant consacrée à l’inhumation de la boîte contenant le legs du père à ses enfants. La boucle est bouclée, comme le veut la machine romanesque dont la circularité est un mode essentiel de fonctionnement.

Revenons au début. C’est le fils cadet, Samuel qui est désigné par le père comme héritier de sa mémoire, en ce qu’il fait profession d’écrivain biographe. A ceci près que les biographies qu’il rédige sont imaginaires. A la mort de Baruch, le personnel de l’EHPAD remet à Samuel Une boîte en carton contenant les objets et documents épars, assortie d’une note manuscrite énonçant: « Pour Samuel, quand le temps sera venu. »

Au nombre des documents se trouve un papier mentionnant les coordonnées d’une certaine Luce, bibliothécaire de Troyes, responsable du centre Rachi, talmudiste médiéval.

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Les « langagiers » en quête d’outils d’aide à la rédaction en créole haïtien

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La consultation récente d’un dossier consacré aux « outils d’aide à la rédaction » en français a tout naturellement débouché sur la question suivante : en Haïti, les langagiers qui rédigent en créole disposent-ils du même type d’instruments rédactionnels ? Pour explorer adéquatement les différents aspects de cette question, il y a lieu de préciser d’entrée de jeu la signification de certains termes-clés. Le terme « langagier » est ainsi défini par Termium Plus, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada : « /Professionnel de la langue/ Nom masculin.  Personne qui exerce une profession dans le domaine linguistique, notamment en traduction, en interprétation, en terminologie, en rédaction ou en révision, ou qui est impliquée dans un programme de formation linguistique ». La fiche terminologique de Termium Plus consigne plusieurs équivalents anglais pour le terme « langagier » : « language professional », « professional language user », « language worker » et « language practitioner », ce qui renvoie aux sèmes définitoires concordants indiquant qu’il s’agit de « professionnels » et d’« usagers » de la langue oeuvrant entre autres en rédaction ou en révision de textes de nature diverse.

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« Sa peur… », « Une âme d’enfant » de Patrick Mathelié-Guinlet

“Sa peur… »

Je veux vous parler de la peur de l’homme :
peur de tout, de son ombre, peur d’un rien…
De sa peur, minant son esprit par le doute assiégé…
De sa peur, pompier éteignant le feu de son âme…
De sa peur, habillant de vanité son corps et son cœur…
Sa peur qui lui fait perdre ses moyens
et même sa moyenne aux examens !
Sa peur de ne pas être à la hauteur,
du coup le rendant presque nain…
Sa peur de manquer, peur du lendemain
qui rend l’homme si pingre et mesquin…
Sa peur de l’autre, l’inconnu, l’étranger,
peur de tout ce qui est différent
qui le rend agressif, égoïste et méchant…
De sa peur d’aimer, tout simplement !
Et pour résumer toutes ses peurs en un seul
mot comme en sang, le plus effroyablement glaçant :
la mort les recouvre en linceul…
Quand la seule chose en somme
dont on doit avoir peur vraiment,
c’est bien de la peur elle-même…!

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Bonnaniversè Diyanman !

(Pou lé 160 an lavil Diyanman)

— Par Daniel M. Berté —

Diyanman !
Sé kon lakay manman
La ni dé bon zanfan
Ki ni bon santiman
Bonnaniversè jan Diyanman
Tjenbé! Woulé douvan!

Diyanman « ter présièz »
Ka briyé vil koket
Diyanman pier présièz
Ki ni dé bel faset

I ni faset ékléran
Lans-Kafa, Omilàn,
Fon-Mannwel, Topiniè,
Sé Diyanman réyonan

I ni faset étenselan
Fon-Kamiy, Bitay,
Mar-Pwarié, Chalopen,
Sé Diyanman resplandisan

I ni faset réyonan
Jaka, La-Michel,
Tomaren, Ti-Léza,
Sé Diyanman éklatan

I ni faset chatwayan
Toray, La-Dizak,
Mòn-Blan, La-Longet,
Sé Diyanman flanbwayan

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Une vie de Césaire illustrée à l’usage des jeunes générations

— Par Michel Herland —

Césaire est mort à 95 ans en 2008. Pour les lycéens martiniquais âgés aujourd’hui de quinze ans Césaire fait partie du monde d’avant, celui d’avant leur naissance, lorsque le poète-député-maire commandait de près ou de loin l’actualité de l’île. Le livre qui vient de paraître n’a pas été écrit spécialement à leur intention, il vise sûrement un plus large public. Il n’empêche que sa place paraît toute trouvée dans les chaumières martiniquaises – comme celles de la diaspora – pour apprendre aux jeunes générations qui fut ce grand homme qui a tellement compté localement.

Césaire fut également très important pour nombre d’intellectuels africains qui l’ont découvert par le biais soit du Discours sur le colonialisme soit de la poésie ou du théâtre. On ne peut que souhaiter que cet ouvrage bénéficie du programme des publications subventionnées à destination de l’Afrique francophone et qu’il y soit largement diffusé.

On ne cherchera pas dans ce livre bref, à la typographie aérée, avec des illustrations en pleine page une analyse un tant soit peu complète de la vie de Césaire, a fortiori de son œuvre. 

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Terre plate, astrologie… La crédulité des jeunes atteint des sommets

Selon une enquête de l’Ifop auprès des 11-24 ans, un jeune Français sur six pense que la Terre est plate et un sur quatre doute de la théorie de l’évolution.

À l’heure où TikTok s’impose comme le réseau social préféré des jeunes français, que sait-on de l’impact de cette plateforme sur ses utilisateurs, qui sont de plus en plus nombreux à l’utiliser pour se divertir, mais aussi pour s’informer ? François Kraus livre son analyse d’une enquête qui fait le point sur le sujet ; elle est suivie des points de vue de Rudy Reichstadt et de Helen Lee Bouygues.

Rationalistes, vulgarisateurs scientifiques et enseignants de sciences et vie de la Terre, attention, cet article risque de vous déprimer. La Fondation Jean-Jaurès et la Fondation Reboot ont commandé à l’Ifop une enquête* auprès des jeunes « visant à mesurer leur porosité aux contre-vérités scientifiques au regard de leur usage des réseaux sociaux ».

Les résultats, consternants, montrent « la sécession d’une partie de la jeunesse avec le consensus scientifique », écrivent les auteurs. Dans cette tranche d’âge des 11-24 ans, plus d’un sondé sur quatre (27 % exactement) souscrit à l’idée que « les êtres humains ne sont pas le fruit d’une longue évolution d’autres espèces » mais qu’ils ont été « créés par une force spirituelle (ex : Dieu) », avec une pointe à 71 % chez ceux qui se disent musulmans.

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« Acteurice », « Auteurice » : les langagiers et les usagers sont-t-ils « prêt·e·s à utiliser l’écriture inclusive ? »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Dans le remarquable article de Chloé Savoie-Bernard publié à Montréal le 7 janvier 2023 par le journal Le Devoir, « Dépasser l’exceptionnalité », l’emploi du mot « acteurice », qui ne semble pas d’usage courant, mérite que l’on s’y arrête. En voici le contexte : « Dans Jasmine, on entraperçoit également Mireille Métellus qui, malgré sa longue et fructueuse carrière, n’aura jamais eu de grand premier rôle à la télévision. On se souvient de Xavier Dolan, en 2018, qui avait affirmé que ses films ne présentaient pas de personnes racisées, car il ne connaissait pas d’acteurices de talent pour les incarner. »

Au terme d’une première recherche documentaire, qu’il faudra élargir plus tard, une seule attestation du terme « acteurice » a été relevée. « Acteurice » figure dans l’article de Margaux Lacroux publié dans le journal Libération du 27 septembre 2017, « Prêt·e·s à utiliser l’écriture inclusive ? ». Le terme « acteurice » n’est pas encore attesté dans les dictionnaires usuels de la langue (le Robert, le Larousse, le Dictionnaire des francophones, USITO, etc.).

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