Catégorie : Etudes Créoles

La pratique écrite du créole haïtien, entre fiction et diction. * Tèks envante, tèks lide ak tèks tradwi !

Par Jean-Durosier DESRIVIERES

En dehors d’autres outils sans doute de grandes valeurs, les haïtiens disposent, de façon légitime et légale, de deux langues – le créole et le français – pour investir pleinement leur imaginaire. A l’instar des vrais bilingues se permettant de passer d’un territoire linguistique à l’autre sans failles, notamment sur le plan oral, je m’autorise un exercice similaire dans ce texte (ainsi commandé), dépourvu pourtant de tout esprit démagogique et de toute sensibilité au quota. En ce sens, je ne saurais ignorer mon adhésion aux concepts et notions largement mis en valeur par Robert Berrouët-Oriol dans ce lumineux ouvrage collectif (autres collaborateurs : Darline Cothière, Robert Fournier et Hugues St-Fort), d’une extrême rigueur méthodologique, qu’il a coordonné : L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions [1] , lequel fait l’éloge de la francocréolophonie haïtienne et propose une convergence linguistique dans l’enseignement et la pratique des langues au pays. J’y reviendrai.

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Hanétha Vété-Congolo. Avoir et Etre : Ce que j’Ai, ce que je Suis

Présentation à la Bibliothèque Municipale du François, Martinique

Le vendredi 28 mai 2010  par Roger PARSEMAIN

http://www.lechasseurabstrait.com/revue/

Devrais-je feindre la modestie ? Ou exprimer le plaisir lié d’un brin de vanité d’ancien enseignant heureux de présenter l’élève aujourd’hui écrivain et menant une remarquable carrière universitaire ?

Hanétha Vété-Congolo me ramène en ces années 80 au collège La Jetée au François de la Martinique.

A l’époque c’était l’adolescente, ointe d’une rêverie intérieure. Cela maintenait droite la tête au regard fixe vers le plus lointain horizon. Quels rêves éveillés animaient le sourire à peine amorcé dans ce visage haute proue en sa tranquille traversée de la cour et la remontée vers sa classe, dans l’escalier et tout au long des galeries ?

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Pour une littérature en langues françaises

Où en est-on deux ans après le manifeste  » Pour une littérature-monde « , qui mettait en question la notion de francophonie ?

Où classer Dany Laferriere, Canadien originaire d’Haiti, ou YasminaTraboulsi, Libanaise du Bresil ?

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Dies irae dies illa

— Par Michel Herland —

Pour Haïti, coordonné par Suzanne Dracius, Desnel, 2010, 378 p., 21,80 €.

 

 

 

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Décidément, le XXIème siècle a bien mal commencé : d’abord le 11 septembre 2001 et maintenant le 12 janvier 2010. Stupeur en 2001, car qui aurait cru que les forces du mal pourraient ainsi frapper au cœur la puissante Amérique. Commotion en 2010, parce que ce n’était vraiment pas admissible qu’un tel désastre allât toucher, entre tous les pays de la planète, celui qui avait déjà souffert tant de maux et qui était peut-être le plus vulnérable.

 

 

Depuis toujours, la Martinique entretient des liens particulièrement étroits avec la partie occidentale d’une île qui s’est d’abord nommée Hispaniola, mais qui est bientôt devenue française, avant de prendre son indépendance, avec le fracas que l’on sait, dès 1804. Les contacts entre les Martiniquais et les universités, les écrivains, les artistes haïtiens sont permanents et il faut compter aussi avec les innombrables relations personnelles dues à la présence, en Martinique-même, de nombreux Haïtiens. Il n’était donc pas vraiment fortuit qu’un éditeur martiniquais, Desnel – dont les productions commencent à être connues bien au-delà de sa petite île – soit à l’origine d’une entreprise qui conjugue l’amour de la littérature et l’indispensable solidarité avec les frères haïtiens plongés dans le malheur.

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Le francophone est-il une langue étrangère ?

par Hubert Haddad

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Etre un francophone qui a réussi, c’est avoir sa résidence intellectuelle secondaire à Saint-Germain-des-Prés

   Même si la pesanteur et les réflexes néocoloniaux demeurent inhérents à toute position dominante, on ne peut guère affirmer que les médias, l’édition, le public, bref la France dite métropolitaine, ait une représentation post-coloniale de ce qui se passe dans le vaste ailleurs de la langue française. C’est davantage d’une perception et d’un positionnement élitistes qu’il s’agit, celui d’un certain jacobinisme intellectuel, du parisianisme pour tout dire, mode sélectif d’exaltation des différences cher au protectionnisme, à l’occasion caudataire de la bourgeoisie éclairée.

Le désaveu implicite pour les expressions littéraires extra-territoriales rappelle celui qui avait cours naguère, en direction des provinces françaises : un écrivain isolé dans le Cantal ou l’Ardenne avait peu de chances d’exister un jour s’il ne montait pas à Paris, dans la foulée d’un Lucien de Rubempré. Rimbaud était considéré comme un rustre par Banville et sa coterie. Les poètes maudits sont presque tous des horsains, des provinciaux présomptueux.

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Georges Castera. Un langage à double canon pour dire l’indifférence

— par Jean Durosier DESRIVIERES —

Ces rencontres organisées en ce mois de novembre, ayant pour thème ou problématique : « Marcher sur nos morts », coïncident harmonieusement au mois des Guédés, en Haïti. Pour ceux qui l’ignorent, je dirai succinctement que les guédés sont des loas, des génies ou des esprits du Vaudou : ce sont des loas de la mort, mais aussi de la vie, car de la putréfaction renaît la vie immortelle. Ce sont les loas les plus étranges du panthéon vaudou, dit-on : leur rituel dévoile le tragique le plus macabre et l’érotisme le plus débridé. Barron Samedi, aussi dénommé Barron Cimetière ou Barron Lacroix, serait la figure la plus représentative des guédés. En effet la croix de Barron, symbole des guédés, indique la croisée des chemins qui guette tout un chacun. Et on y parvient tous, chacun à son heure. La croix de Barron, c’est ce pieu vertical qui renvoie au phallus (éros, la vie) et cette bande horizontale qui renvoie au tombeau (thanatos, la mort).

Notons que le Vaudou, qui est plus une vision cosmique qu’une religion, conçoit le monde comme un éternel cycle, contrairement à la conception judéo-chrétienne qui porte foi à l’alpha et l’oméga, au commencement et à la fin.

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Le français est une langue créole

— Par Alain Rey —

Alain Rey

FRANCE – 22 octobre 2007
PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MATAILLET ET RENAUD DE ROCHEBRUNE

Père du dictionnaire Le Robert, le célèbre lexicologue part en lutte contre les puristes. Et se félicite des métissages de la langue de Molière. Interview.

La langue française est-elle en danger ? La question, posée à nouveau avec insistance par divers auteurs ces dernières années, revient régulièrement au premier plan. Et elle conduit toujours deux camps à s’opposer.

Le plus fourni, celui des pessimistes, dénonce le déclin du français sur la scène mondiale. Mais aussi la menace que feraient peser sur son usage ceux qui le parlent mal, que ce soit par la faute de l’école, l’apparition de nouvelles façons de communiquer – par exemple les SMS – ou d’autres évolutions, comme, pour certains, l’influence grandissante des créoles ou des pidgins. Ces tenants de la pureté de la langue sont surtout épouvantés par l’essor de l’anglais et plus encore par l’anglicisation du français.

En face, d’autres ont toujours fait valoir que ces inquiétudes étaient souvent sans fondement et toujours largement exagérées.

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« Avé l’assent » (suite) : Ecrire est un art de rencontres

  par Marius Gottin

 

 

 

par Marius Gottin

 

 

Ecrire est un art de rencontres, tout à fait le genre d’évidences que rappelait le philosophe Alain (si ma mémoire restitue fidèlement ce que j’ai retenu de mes lectures d’avant mai 68, un petit livre de moins de 200 pages et qui devait s’appeler « Propos sur le bonheur ») et qui me permet d’écrire que passer des feux de la scène à l’abat jour d’une table d’écriture n’est point chose aisée. Même si l’on se dit que les comédiens sont les plus à même de bien écrire sur le théâtre voire même des pièces de théâtre, que les…cuisiniers par exemple. Rien n’est plus faux. Ecrire relève de la magie, de l’esbroufe, de la technique aussi et pour revenir aux cuisiniers, les meilleurs sont souvent des artistes et l’Art…

 

« La trilogie des cœurs plastiques » est un beau texte, une vraie pièce de théâtre, la première écrite par Frédéric Schulz Richard, comédien qui connaît la chanson du théâtre pour l’avoir interprétée avec talent et qu’il nous restitue en la circonstance avec une écriture en abîme où le vrai le dispute au faux à tous moments, avec questions dramatiques, résolutions de conflits et autre climax final, pour nous conter une énième histoire d’amour impossible, amour difficile qu’ils sont quatre à jouer sur la scène du Moulin de Goult, sous la direction savoureuse et tout en finesse de Petra.

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L’aventure ambiguë d’une certaine Créolité

— par  Rafael Lucas —

« La boulimie de reconnaissance littéraire a transformé les majors créoles en apprentis sorciers, ou en apprentis quimboiseurs. Et c’est dommage. On peut regretter que les réels talents littéraires des écrivains créolistes aient été pervertis par les liaisons dangereuses avec l’idéologie. »


Le mouvement de la Créolité, popularisé en France métropolitaine par un manifeste de trois auteurs martiniquais publié en 1989 (Éloge de la Créolité) (1) et par un large succès éditorial, prétend redéfinir l’identité créole et codifier une nouvelle démarche littéraire. Or, qu’il s’agisse du contenu du manifeste ou de la stratégie pratiquée, il est facile d’observer chez les défenseurs de ce courant un ensemble confus de contradictions et de simplifications, qui est dû à au moins trois facteurs : l’obsession de la reconnaissance littéraire de la métropole française dont ils dénoncent la politique d’assimilation coloniale, l’attitude totalitaire parfaitement visible derrière le discours culturel, et une manipulation hâtive du concept de métissage, phénomène dont les Antilles représenteraient le modèle idéal… Notre propos ici n’est pas de mettre en question l’énorme travail de création et de novation de ce mouvement, mais de montrer comment la créativité des écrivains et l’élaboration de leurs œuvres ont été perverties par les diktats idéologiques et par un certain galimatias, ou « manger-cochon », théorique.

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Un supplément d’âme

 

par Pierre PINALIE — 


Installé à la Réunion, le Professeur Lambert-Félix Prudent a communiqué ses commentaires sur la langue créole dans une interview réalisée par un journal de l’île Maurice, pays où le créole est parlé parallèlement à l’anglais et au français. Dans son introduction, il pose clairement le problème de la Martinique où le créole, langue populaire, se trouve face au français qui jouit du prestige de l’école et de la littérature, et demeure la langue de l’administration et des affaires. Et dans la mesure où l’école est le lieu de la promotion sociale, la présence du créole dans l’enseignement est toujours vue comme une forme militante, ce qui motive la méfiance des parents partisans de la langue officielle, outil nécessaire pour l’avenir de leurs enfants.


Nouvelle identité

Lambert-Félix Prudent brosse un tableau clair de la situation, et rappelle alors qu’à partir de 1991 le créole est entré dans la formation des instituteurs, et qu’en 2001 a même été créé un concours de recrutement de professeurs de créole pour les collèges et les lycées. Il n’oublie évidemment pas de souligner que le créole n’est plus la langue première, et qu’il n’est plus présent dans la bouche des mamans penchées sur le berceau.

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Six chansons d’amour traduites en créole par Pierre Pinalie

 


1/Nougaro                                                       Il faut tourner la page
Il faut tourner la page Changer de paysage,

Le pied sur une berge

Vierge.

Il faut tourner la page

Toucher l’autre rivage,

Littoral inconnu

Nu.

Et là, enlacer l’arbre

La colonne de marbre

Qui fuse dans le ciel

Tel

Que tu quittes la terre

Vers un point solitaire

Constellé de pluriel.

Il faut tourner la page…

Redevenir tout simple

Comme ces âmes saintes

Qui disent dans leurs yeux

Mieux

Que toutes les facondes

Des redresseurs de monde

Des faussaires de Dieu.

Il faut tourner la page

Jeter le vieux cahier

Le vieux cahier des charges

Oh, yeah.

Il faut faire silence

Traversé d’une lance

Qui fait saigner un sang

Blanc.

Il faut tourner la page

Aborder le rivage

Où rien ne fait semblant,

Saluer le mystère

Sourire

Et puis se taire.

 

Nou pou tounen paj-la Chanjé péyizaj-la,

Pié-a asou an plaj

Viej.

Nou pou tounen paj-la

É rivé lot bò-a,

An plaj yo pa konnet

Pies.

Fok nou bo piébwa-a

Potomitan an mab

Ki ka tijé an siel

Jik

Ou pé kité latè

Pou an pwen ki tou sel

Épi anlo zétwel.

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L’avalasse créolité et brouillard diglottique : les déchoucailles des éloges

par Robert Fournier—

 

Robert Fournier est “Associate Professor of French Linguistics” à Carleton University, Ottawa.

 

 

« Parmi les stéréotypes les plus courants au sujet de l’époque coloniale persiste celui qui veut qu’on trouvait dans les îles deux catégories bien distinctes d’individus : des maîtres et des esclaves. »

Paru dans « Robert Fournier & Henri Wittmann (dirs), Le français des Amériques, Presses universitaires de Trois-Rivières (Québec), 1995, pp. 199-230 »

 

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Dans une brochure touristique vantant comme il se doit les beautés de « ce coin de France Tropicale« , distribuée par l’Office Départemental du Tourisme de la Martinique aux congressistes venus échanger sur les études francophones dans le monde (CIEF 1990), on pouvait lire à la page 3 « Informations générales » sous la rubrique Langue,

Le français est parlé et compris par toute la population mais on y entend beaucoup ce rapide patois créole qui comporte autant de mimiques que de mots empruntés au français, à l’anglais, à l’espagnol et parfois influencé par les langues africaines. Bien entendu l’anglais est généralement compris [c’est moi qui souligne].

Le contenu de ce passage, très commode pour démarrer un séminaire de Langue et Société au cours duquel on souhaite déchouquer quelques vieux mythes et préjugés tenaces entretenus sur la dynamique des langues notamment créoles, et des gens qui les causent, est parfaitement dérisoire au plan sociolinguistique.

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Rimèt Sézè pa ta’y

 

(Serge RESTOG)

La Tribune des Antilles N° 23, juin 2000.

Jòdijou, adan lanné dé mil la, nou pé di, i ni anchay bagay ki chanjé atè isi Matinik. Nou ka chonjé toujou, lè moun té ka di, Sézè ka matjé tout lo pawòl li a, men jan isi pa ka konprann an patat adan tousa i ka di a. Sa nou pé di jòdi-a, sé ki sé pawòl-tala pa vré ankò. Nou wè épi dé koko zié-nou, adan kartié. Nou tann épi zorèy-nou adan konmin, anchay koté nou alé Matinik, moun ki ka li, moun ki ka résité, moun ki ka bokanté pawòl, moun ki ka jwé, moun ka ki chanté, moun ki ka dansé anlè pawòl Sézè. Tousa ka fè nou di épi tout fòs gòj-nou, épi tout fòs bouch-nou, Sézè sé an matjè ki adan gou pèp-la.

Sézè sé an matjè ki andidan pèp-la, i ka palé di pèp-la, i ka palé ba pèp-la. Gran moun, jenn moun vini ka résité pawòl Sézè, ka résité sa anlè bout dwèt-yo, san yo ni piès papiyé matjé. Sé moun-tala ka di, nou kontan pawòl-poézi Sézè a.

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Notre rapport à la langue

 — Par Fernand Tiburce FORTUNÉ —

 

Selon ULLMAN, « tout système linguistique renferme une analyse du monde extérieur qui lui est propre et qui diffère de celles d’autres langues ou d’autres étapes de la même langue. Dépositaire de l’expérience accumulée de générations passées, il fournit à la génération future une façon de voir, une interprétation de l’univers ». (1)

C’est pourquoi, selon nous, la relation à notre langue est une relation à la terre, donc à la poésie, donc à la création. Elle est par conséquent une relation à la mère, un cordon ombilical essentiel qui nous singularise, et en même temps nous préserve de la solitude.

La langue s’exprime alors comme patrimoine, c’est-à-dire comme un lieu non clos où s’engrangent drus, les temps forts de notre vécu. Dans ce contexte, le parler d’un peuple signifie volonté d’amour et acte de fidélité.

La langue, c’est nous-mêmes , mais c’est encore le contact, la présence, l’existence même de l’Autre. En effet, toute langue est à un certain degré ce mouvement multiforme vers une fraternité partageable, une communauté à essentialiser.

Comment ne pas aimer sa langue ?

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« Assaut à la nuit » de Roussan Camille

— Par Jean-Durosier DESRIVIERES

camille_roussanTopographie inventée, dans l’attente du jour

Une lecture d’Assaut à la nuit1 de Roussan Camille2

Il est des poèmes et des poètes qui vous obligent à vous attarder dans leur univers, à y prendre pied, en dépit de tout. Indigénisme, négritude, négrisme, « noirisme »… tout cela peut vous irriter. Rien que des théories, des concepts, des idées à générer crainte et méfiance perpétuelles chez certains lecteurs. Mais le chant poétique – hors tout champ catégorique, carcéral, hormis son propre champ, ouvert, en marge des œillères – stipule toujours un possible émerveillement. Serait-il ainsi de celui de Camille ?

J’ai passé des nuits quasi inassouvies avec Camille. Entre nous, un poème, un complice, une jeune femme : « Nedje ». Je l’ai traînée avec moi, en maints lieux clairs-obscurs : café, cabaret, piano-bar, hôtel, et que sais-je encore. Elle épouse toutes les inflexions de ma voix, tous les caprices de mes lèvres, mon souffle, au gré du rythme, de la mélodie, du poids de ses propres mots et de l’élan du cœur brûlant les planches.

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A propos d’un propos pseudo-philosophique

 —Par Raphaël Confiant, Ecrivain et créoliste —

 creolesDepuis que la controverse autour du projet « Humanités créoles » mis en œuvre par Bernard Alaric et quelques-uns de ses collègues inspecteurs de l’Education Nationale, projet contesté par le Ministère et qualifié de « communautariste », a pris de l’ampleur (débats télévisés, articles de presse etc…), on voit fleurir ici et là des contributions pour le moins curieuses. La plus hilarante est celle d’un collègue de B. Alaric qui se fend d’un long texte ressemblant à la dissertation d’un élève besogneux, bourrée de citations ou de références à des auteurs/des ouvrages prestigieux. Ce texte est pompeusement intitulé « A propos des humanités créoles et d’un problème plus général » et l’auteur, d’entrée de jeu, se pose « en tant que philosophe ». Il signe d’ailleurs son propos : « docteur en philosophie ». S’agit-il d’une naïveté ou d’un désir d’en imposer au vulgum peccus ? Les deux sans doute car chacun sait qu’il y a un monde entre un « philosophe » et un « professeur ou docteur en philosophie ». De même qu’il y a un monde entre un docteur en littérature et un écrivain, entre un professeur de mathématiques et un mathématicien.

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A propos des humanités créoles et d’un problème plus général

Par Pierre Zabulon

Docteur en philosophie 

creolesLes idées générales ne sont ni vraies ni fausses,

ni justes, ni injustes,

mais creuses. 

Paul Veyne

   L’examen du texte intitulé « Les humanités créoles – Séminaire des corps d’inspection de la Martinique », publié dans un numéro récent de l’hebdomadaire Antilla, appelle de ma part, en tant que philosophe, les observations ci-après qui, je l’espère, permettront d’en appréhender avec davantage d’exactitude la portée, surestimée, me semble-t-il, par ses concepteurs, qui n’ont pas hésité, pour en signifier la grandeur, à employer l’attribut « historique » ; ce qui, soit dit en passant, ne me semble pas refléter une très grande modestie.

 

Ce texte repose en effet sur plusieurs postulats ou affirmations indémontrables dont la légitimité apparaît fortement contestable – ce qui, de mon point de vue, en vicie irrémédiablement le fond .

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Contre le créolocentrisme : Frankétienne ou Edouard Glissant ?*

 

— Par Jean Durosier Desrivières,—

 

 

Le jury du 13e prix Carbet de la Caraïbe, présidé par Edouard Glissant, s’est retrouvé au soir du vendredi 20 décembre à l’Atrium de Fort-de-France, salle Frantz Fanon, pour honorer, face à un public dirait-on sélectif, la dernière parution de Frankétienne : H’éros-Chimères. Ce titre résumerait « de manière profonde et provocatrice les horreurs qui bornent nos horizons ; les tourments et les fantasmes qui peuplent l’imaginaire des humanités contemporaines ». L’auteur reçoit ce prix comme un hommage rendu à la créativité féconde du peuple haïtien qui compte tant de « guerriers de l’imaginaire ». Tout se serait joué entre mise en scène de l’artiste, proximité visible avec le jury et son « jeu/je » parfois morbide et lassant.

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