Catégorie : Aimé Césaire

Comment raison garder?

  A PROPOS DES HOMMAGES A AIME CÉSAIRE :

 — par Georges MAUVOIS (junior) —

 aime_cesaire-9_300De nombreux hommages sont rendus à Aimé Césaire depuis l’annonce de son décès, le 16 avril 2008. Ces hommages nous paraissent légitimes. dans la mesure où ils manifestent toute la gratitude qu’éprouve notre peuple à l’égard d’un de ses fils les plus dévoués et les plus brillants. Car il s’agit de saluer le départ d’un fils. S’il est vrai qu’il fut un père aux yeux de nombreux compatriotes, il fut d’abord un fils, héritier d’une longue résistance dont les prémisses doivent être recherchés bien en amont de sa propre existence, à commencer par les cales puantes où se constituèrent les premiers éléments de notre devenir collectif.

 

. A Fort-de-France notamment, des propositions multiples sont en train d’apparaître. Elles vont de l’érection de monuments multiples aux plus invraisemblables projets (sur ce dernier point, on relira les dernières parutions de France-Antilles, où sont parfois mentionnés des projets pharaoniques contre lesquels Césaire eût été le premier à s’insurger) Toutes ces propositions prétendent honorer et célébrer la mémoire du défunt.

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Aimé Césaire, Adieu au Nègre Majuscule

 

— Par Joël Des Rosiers, Poète et psychiatre —

 

aime_cesaire-9_300Je pleure Aimé Césaire aujourd’hui. C’est l’heure où j’ai autant envie de garder le silence car tout ne peut être dit de ce qui n’est pas chanté dans le chant. Je pleure Aimé Césaire aujourd’hui… J’entends les démons vibrant de mort qui versent la mort sur l’homme. J’entends le vent d’îles, « la brise de mer est sur les cayes ». La Martinique, caye qu’il a tant aimée et parcourue au gré des chemins-chiens. Mais la naissance, la vie, la mort et la résurrection du poète agrandissent son île à la démesure de l’univers.

 

 

Ce qui me rend son île encore plus proche, c’est la lutte que mène son peuple pour la survie en un étrange combat, subtil et raisonné selon moi, en « pays dominé », au moyen des « armes miraculeuses » qu’a fondues le poète. Et j’ai nécessité de dire combien nous chérissons la valeureuse Martinique dont beaucoup d’Haïtiens sont originaires y compris le plus sanglant de nos dictateurs. Et j’ai besoin de chanter qu’elle a fait don à notre histoire de tant de héros venus combattre à Saint-Domingue, à Savannah, au Vénézuéla pour la liberté.

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Nous avons tous un Césaire à raconter

 — par Patrice Louis —

 

  aime_cesaire-7Il est extrêmement frappant de voir qu’en Martinique chacune et chacun a un Césaire à raconter. Son Césaire. Le grand homme, il est vrai, a de quoi nourrir diversement les uns et les autres : noir, poète, élu, humaniste. Il a, peu ou prou, accompagné tous ses compatriotes de son île natale.

 

La première image qui vient remonte à l’après-guerre. Pour la première fois, les femmes vont voter. Aimé Césaire, jeune professeur au lycée Schoelcher, se présente. Une « marchande », archétype du petit peuple, annonce fièrement : « Je vais voter pour la grammaire. » Les liens se tissent solidement entre les Martiniquais et l’intellectuel, écrivain naissant issu de Normale sup, pétri de latin et de grec tout autant que convaincu de la richesse des civilisations africaines d’où viennent ses ancêtres asservis. Pendant un demi-siècle (maire de Fort-de-France cinquante-cinq ans, député quarante-huit ans), le héraut de la négritude a représenté son île. Il n’est guère d’autres terres au monde incarnées par un poète, sauf, précisément, le Sénégal, avec Léopold Sédar Senghor, cofondateur du concept avec l’Antillais.

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Aimé Césaire

Compagnon de Léopold Sédar Senghor, célébré par Jean-Paul Sartre, Michel Leiris, André Breton, le grand poète de la « négritude » fut également, pendant plus d’un demi-siècle, la principale figure politique martiniquaise

 

aime_cesaire-9_300Fou de sa langue, de Rimbaud,de Breton, enfant caraïbe de Shakespeare et Brecht, né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique), député de la Martinique de 1945 à 1993, proche de De Gaulle et de Mitterrand, maire de Fort-de- France de 1945 à 2001, conseiller général à deux reprises (1945-1949 ; 1955-1970), Aimé Césaire, hospitalisé mercredi 8 avril 2008, est mort le 17 avril à Fort-de-France. Il était âgé de 94 ans.

 

Le 23 mars 1964, face à De Gaulle en visite en Martinique : « On ne pourra pas éluder davantage un problème qui obsède notre jeunesse, le problème de la refonte de nos institutions pour qu’elles soient plus respectueuses de notre particularisme, plus souples et plus démocratiques. » Il aura ainsi admonesté tous les présidents de la République d’une voix nette, timbrée, en porte parole de son peuple et de son devenir. C’est cette parole, politique et poétique, qui impressionne le plus dans un corps sûr et si timide.

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De Césaire à Glissant, état de l’insurrection poétique

  –— Par Hubert Artus —

 Il y a un an, à l’occasion des Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, un manifeste faisait du bruit: « Pour une littérature-monde » [1] contrait le concept un peu colonialiste de « francophonie ». La disparition d’Aimé Césaire nous oblige à un état des lieux de l’insurrection poétique. A commencer par l’indispensable « Mondialité » d’Edouard Glissant.

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Aimé Césaire

 

— Par Pierre Pinalie —

aime_cesaire-9_300Blanc des Antilles, père de deux fils métis, je ne pouvais pas ne pas être très sensible à la mort d’Aimé Césaire. Totalement dépourvu de religion, j’ai été profondément touché par la dimension laïque de la cérémonie d’inhumation au stade Aliker, même si l’agréable et intelligent personnage Michel Méranville était présent en habit ecclésiastique. La dimension sublime de cette vaste réunion d’hommage au disparu m’a ému dans des frémissements dus à la peine et à l’admiration.

Communiste dans l’esprit et dans la culture, je ne peux évidemment pas oublier que le grand poète l’était également et avait quitté le Parti après les très regrettables événements de Budapest, comme je l’ai fait moi-même après la condamnable entrée des forces de l’Est dans Prague.

Et je ne peux jamais cesser de repenser que j’ai été pendant 10 ans professeur au Lycée Louis-le-Grand où l’élève d’hypokhâgne Césaire avait connu Léopold Sédar Senghor. Et ces pensées m’ont souvent poussé à imaginer cette rencontre dans des salles où j’enseignais.

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Césaire ? Ma liberté

 — par Patrick Chamoiseau—


Prix Goncourt 1992 pour son roman «Texaco», c’est un autre grand écrivain martiniquais qui dit ici sa dette à l’égard de l’immense poète disparu le 17 avril

 aime_cesaire-9_300«Et puis ces détonations de bambous annonçant sans répit une nouvelle dont on ne saisit rien sur le coup sinon le coup au coeur que je ne connais que trop.»
Lorsque celui qui s’en va est une magnificence, ce n’est pas un abîme qui se creuse mais un sommet qui se dévoile. Confrontée à certaines existences, la mort n’est qu’un révélateur, et c’est sa seule victoire. Le silence de Césaire s’est soudain rempli du verbe de Césaire, de ses armes miraculeuses, de ses combats, de ses lucidités et de ses clairvoyances. De son amertume aussi. «Regarde basilic, le briseur de regard aujourd’hui te regarde.»
La mort n’est ici qu’une paupière brutale, écarquillée sur une splendeur qui ne frémit même pas. Soudain total, un monde se dégage des cécités du petit ordinaire de la vie. La mort n’est pas la seule à se voir désemparée en face d’une telle présence que l’absence renforce.

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Césaire ou les Antilles

Par Lyonel Trouillot —
lyoneltrouillot@lematinhaiti.com

 

aime_cesaire-9_300Demander qu’un pays renonce à lutter pour son indépendance, c’est lui demander de consentir au suicide (Le rebelle, Et les chiens se taisaient !)
Aimé Césaire

Il est des hommes dont le rôle d’éveilleurs de consciences s’évalue à la lueur d’une large perspective historique. Aimé Césaire est de ceux-là. Et nous n’avons pas encore pris toute la mesure de la signification de son œuvre dans l’élancement de tant d’hommes de notre continent contre les forteresses qui étouffaient naguère les clameurs de nos peuples.
Mario de Andrade Poète brésilien

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«Nègre je suis, nègre je resterai»

 —  Par NATALIE LEVISALLES —

aime_cesaire-9_300Quelques jours avant d’être hospitalisé, Aimé Césaire faisait comme il avait fait chaque jour toutes ces dernières années. Après avoir passé la matinée à la mairie de Fort-de-France où il recevait tous ceux qui voulaient le rencontrer, des mères qui venaient lui présenter leurs enfants aux lycéens qui lui demandaient de l’aide pour un exposé, il mangeait un peu de riz, montait dans la voiture conduite par son chauffeur et partait se promener dans l’île.

L’écrivain Daniel Maximin, qui le connaît depuis près de quarante ans, a fait cette balade avec lui en décembre. Ils se sont arrêtés à l’endroit préféré d’Aimé Césaire, le sommet d’une colline d’où on voit, à droite, la mer des Caraïbes, à gauche, l’océan Atlantique. Ils se sont aussi arrêtés sous l’arbre préféré du poète, un énorme fromager dont les branches et le feuillage traversent la route. Dans un entretien avec Maximin, paru en 1982 dans la revue Présence africaine (1), Césaire raconte qu’il a toujours été fasciné par les arbres. «Le motif végétal est un motif qui est central chez moi, l’arbre est là.

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Aimé Césaire. La passion du poète

 

— par Édouard Glissant —

aime_cesaire-9_300La route de Balata monte à travers la forêt primitive de Martinique jusqu’au Morne-Rouge et au delà vers les plateaux d’Ajoupa-Bouillon, du Lorrain et de Basse-Pointe, où le poète est né, et où l’on découvre et l’on éprouve « la grand’lèche hystérique de la mer. » Pas un ne sait ni ne peut dire à quel moment, sur cette route, vous quittez le sud du pays, ses clartés sèches, ses plages apprivoisées, ses légèretés soucieuses, pour entrer dans la demeure de ce nord de lourdes pluies, parfois de brumes, où les fruits, châtaignes et abricots ou mangues térébinthes, sont pesants et présents, et où l’on peut entendre d’au loin les conteurs et les batteurs de tambour. Chacun s’y plante sans doute dans ses enfances sans bouger, comme dans la boue rouge qui piète à l’assaut des mornes Pérou et Reculée.

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Aimé Césaire ne meurt jamais

par Olivier Larizza

 

aime_cesaire-9_300Il est la référence cardinale. Le poteau mitan universel. Déifié de son vivant, mythifié même. Césaire apparaissait — pardon : il apparaît — comme immortel. Il tient du surhumain, de la surnature. Une figure tutélaire qui veille sur son peuple ad vitam aeternam. Rien ne devait lui arriver. Il était aussi vieux qu’un dieu. Solide et inamovible comme un monument. Césaire ne disparaîtra jamais de la surface de son île, de cette terre. Les Martiniquais mettront longtemps à réaliser qu’il est réellement décédé tant il échappe à la condition matérielle par toute la force symbolique et rayonnante qu’il recèle.

 Césaire, en effet, est le grand et le seul Papa de ce peuple. Il a su, politiquement et littérairement, faire valoir son discours et son chant dans la relation complexe avec la mère-patrie France. Césaire a pris la parole et cet acte en lui-même suffit. Il est performatif. Il consacre la force de la rhétorique, si prégnante dans les Antilles. En prenant voix au chapitre de l’Histoire et de l’Histoire coloniale en particulier, Césaire a signifié que lui, et le peuple qui se reconnaissait en lui, existaient pour eux-mêmes.

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« Mon » vieil homme et « ma » mer…

 IMPROMPTU avec Aimé Césaire

— Par Marie-Andrée Ciprut —

 

 Il commença par s’excuser et se plaindre de sa santé chancelante car il souffrait déjà du poids des ans. Nous avons craint le pire en pensant tout bas : « ça y est, nous voila pris au piège de ce radoteur qui va nous parler de ses petits bobos : pourvu que cela soit bref ! » Car lorsque l’on passait la porte du bureau de ce vieux sage, on ne savait jamais au préalable combien de temps allait durer l’entretien qui pouvait varier d’un quart d’heure à une heure ou deux, rarement plus, selon l’intérêt qu’Aimé Césaire portait à son hôte. Pour nous, ce fut une heure trente de pur bonheur, moments d’exception voire d’extase en mars 2005, durant lesquels il nous a entraînés dans le tourbillon de sa vie prolifique, son œuvre pluridimensionnelle, sa pensée si lucide, à travers certains souvenirs qu’il a reliés aux miens…

 Un homme politique engagé

 Il fut une figure incontournable du XXème siècle pendant ses 56 années à la tête de la mairie de Fort-de-France, ses 48 ans de députation, et plus tard au cours de sa longue retraite.

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Le Surmoi poétique d’Aimé Césaire

— Par Guillaume SURENA —

 

 

Aimé CÉSAIRE est l’homme public le plus important de l’histoire du 20e siècle martiniquais : il réalise à la fois l’aspiration profonde du peuple à l’assimilation et installe en son sein le ferment contraire, l’anti-assimilationnisme, le sentiment national martiniquais. Son influence dépasse la Martinique; sa démarche a aussi contribué’ à la prise de conscience nationale en Guadeloupe et en Guyane.

 

La cohabitation dans l’esprit public de ces deux tendances correspond a une potentialité de la vie psychique : le clivage.

 

C’est Sigmund FREUD, l’un des plus grand novateur scientifique de tous les temps, avec GALLILEE et DARWIN, qui, à la fin de sa vie, en 1938, a théorise’ ce fait clinique passionnant déjà repéré depuis les débuts de l’aventure psychanalytique : le Moi, au lieu de refouler purement et simplement comme sa faiblesse le poussait à le faire jusqu ‘alors va se cliver pour à la fois reconnaître la réalité désagréable et la nier. Un tel Moi capable de cette double opération simultanément est un Moi fort, qu’il faut bien appeler Surmoi, Uber-Ich… en allemand.

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Dépasser la négritude

— Par Lilyan Kesteloot

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Une nouvelle génération de romanciers africains

 17/03/06

Littérature de l’anomie et de la déviance, de la subversion, de la destruction et la décomposition… expression des complexes, des traumatismes, des refoulements… image d’une contre-société, de contre-culture… lieux et non-lieux des turbulences dont le passage à l’univers littéraire s’effectue par des ruptures, des dissociations, des collisions, des explosions… l’écriture est une décharge électrique  » : il y a cinq ans, le professeur congolais Georges Ngal, s’interrogeant sur les  » nouvelles conditions d’émergence d’une pensée africaine « , décrivait ainsi le nouveau discours littéraire africain (L’Errance, L’Harmattan, 1999).

L’essentiel de l’esprit du temps ainsi caractérisé, et singulièrement celui de la nouvelle génération des intellectuels et écrivains de l’Afrique noire, que pouvons-nous ajouter pour cerner plus spécifiquement les romanciers actuels ? Constatons d’abord que cette nouvelle génération est en rupture affirmée avec celles qui l’ont précédée, et qui avaient vécu, en gros, sur les principes énoncés par le mouvement de la négritude.

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Aimé Césaire : « Ma poésie est née de mon action »

 

Entretien
Aimé Césaire : « 

Né à Basse-Pointe (Martinique) le 21 juin 1913, Aimé Césaire n’est plus député et maire de Fort-de-France. Tous les jours, il reçoit dans son ancien bureau. Peintres caribéens, portraits, paysages, avec en prime un cadre pour le maillot n° 21, celui du footballeur Lilian Thuram. Normalien, agrégé, Césaire publie Cahier d’un retour au pays natal en 1939. En 1941, il fonde avec sa femme Suzanne et des camarades (René Ménil, Aristide Maugé) la revue Tropiques ; plus tard, Présence africaine. André Breton préface Les Armes miraculeuses en 1944. Après un séjour en Haïti, 1945 le voit entrer en politique. 1950 : Discours sur le colonialisme. En 1958, il fonde le Parti progressiste martiniquais pour consacrer sa rupture avec le Parti communiste. Parallèlement, il publie ses poèmes (Soleil cou coupé), son théâtre (La Tragédie du roi Christophe), ses discours. Une seule règle : « Pousser d’une telle raideur le grand cri nègre, que les assises du monde en seront ébranlées. »

Vous aimez votre pays. Vous le visitez toutes les semaines ?

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Aimé Césaire : une voix singulière

— Par Thierry Leclère —


aime_cesaire-9_300« Laissez entrer les peuples noirs sur la grande scène de l’histoire ! » A la tribune de l’amphithéâtre Descartes, à la Sorbonne, Aimé Césaire conclut sous les applaudissements un fougueux discours brossant le portrait d’une culture noire mutilée par le colonialisme. Nous sommes en juin 1956, en pleine effervescence tiers-mondiste, un an après la réunion de Bandung, qui a lancé le mouvement des non-alignés autour de chefs d’Etat comme Nasser, Nehru et Zhou Enlai. Aimé Césaire est l’un des acteurs clés de ce premier Congrès des écrivains et artistes noirs, une réunion historique qui rassemble à Paris, pendant deux jours, la fine fleur de l’intelligentsia noire. Senghor, Fanon, Ba, Alexis… ils sont tous là, y compris les Noirs américains comme l’écrivain Richard Wright qui apprécieront modérément que leurs collègues les considèrent, eux aussi, comme des colonisés en leur pays !

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C’est quoi le drame d’Haïti ?

Jean-Durosier Desrivières vous ouvre ses archives
N°3 : Entretien avec Aimé Césaire


Nous avons rencontré le poète patriarche martiniquais le 20 Janvier 2004 à son bureau de maire honoraire, abrité à l’ancienne mairie de Fort-de-France. Le sage nonagénaire nous a reçu cordialement, ravi de rencontrer une fois de plus un homme du pays « où la négritude se mit debout pour la première fois ». Sa mémoire et son esprit encore vifs l’emportent sur l’ouie qui lui joue parfois des tours. Il suffit d’évoquer Haïti pour voir briller à travers ses yeux et son sourire exquis une passion sublime, à nulle autre pareille.

Jean-Durosier Desrivières : Comment percevez-vous l’indépendance d’Haïti ?
Aimé Césaire : Je suis le premier parmi les Martiniquais à avoir signalé et salué l’indépendance d’Haïti. C’est un événement d’une très grande portée : pas seulement haïtienne, elle est aussi antillaise. On peut même dire : qu’est-ce qu’elle est mondiale ! Parce que les Haïtiens n’ont pas seulement conquis la liberté pour eux ; c’est tout un système qui a été ébranlé par cette révolte haïtienne et, en particulier, il est clair que l’Europe ne pouvait plus continuer à maintenir le système colonial tel qu’il existait à l’époque – l’esclavage pour les autres pays des Antilles et aussi presque l’Amérique du sud, pour les Espagnols ou les Anglais – c’était l’abolition de l’esclavage.

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« Les Césaire », La mémoire d’un peuple

— par Marianne Payot —

«Vous ferez un jour de la politique?» «Ah non, ça, jamais! Papa Aimé a assez donné.» La réponse claque, sans hésitation aucune, de la part d’Ina et de Michèle. Il est vrai qu’avec cinquante-six ans de mandat à la mairie de Fort-de-France et quarante-sept (de 1946 à 1993) à l’Assemblée nationale, Aimé Césaire a largement acquitté la quote-part républicaine de la famille. En revanche, le tribut césairien aux lettres et aux arts ne s’est pas interrompu avec le patriarche. Au contraire. Les six enfants d’Aimé et de Suzanne, dite «maman Suzy», ont tous choisi d’œuvrer dans le monde de l’esprit.

Le véritable gène familial est bien là, dans la création et non dans la politique. Et on accréditera volontiers la version selon laquelle Aimé est entré au Parti communiste par hasard, et est devenu, par surprise, maire de Fort-de-France en 1945. En fait, le credo absolu, chez les Césaire, est avant tout l’instruction. C’est maman Nini, la grand-mère d’Aimé, maîtresse femme du Lorrain, qui apprend à lire au futur poète. C’est papa Fernand, l’un des 12 enfants de Nini, arpenteur puis simple petit fonctionnaire, qui, avec sa femme Eléonore, couturière de son état, se serre la ceinture pour envoyer sa progéniture à l’école.

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