Catégorie : Littératures

Petites histoires fantaisistes, de Jean-Bernard Bayard (4)

« Marche Nocturne »
La lune cette nuit brillait sur une cime couverte d’une toute nouvelle couche de neige. Les étoiles brillaient d’une intensité remarquable et semblaient scintiller comme de beaux diamants dansl’immense firmament. L’air était hivernal, et faisait mal au nez si on respirait trop fort. Je marchais dans la clairière comme chaque soir après dîner, je n’avais même pas besoin de la torche de poche car il faisait presque clair ce soir-là. Les hibous semblaient déjà en train de chasser des rongeurs, je les entendais hululer, siffler, et même aboyer. Je pouvais voir les yeux lumineux d’animaux nocturnes et j’espérais ne pas rencontrer un putois sur mon passage. En admirant le ciel, je vis un astre tracer l’espace avec une traînée de feu comme queue. J’observais ce phénomène naturel, quand l’astre commença à changer de couleurs et à apparaître comme un engin plutôt qu’un astre. Le lendemain, j’allai au commissariat de police afin de rapporter ce que j’avais vu et pour demander s’il y avait une explication à ce qui était arrivé la veille au soir. Non seulement qu’ils ont tout nié, mais toutes les personnes avec qui j’ai parlé ne voulaient aucunement s’y impliquer.

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À propos de « Suzanne Césaire. Archéologie littéraire et artistique d’une mémoire empêchée »

— Par Rodolf Etienne —

Le vendredi 10 janvier dernier, la médiathèque de Sainte-Luce accueillait une rencontre littéraire autour de l’œuvre de Suzanne Césaire proposée par le Club Soroptimist Diamant les Rivières et accueillant l’universitaire Anny-Dominique Curtius, auteure de l’ouvrage « Suzanne Césaire. Archéologie littéraire et artistique d’une mémoire empêchée ». Un moment riche d’enseignements et de partage autour d’une œuvre et d’un patrimoine qui subjugue et passionne de plus en plus et qui tend, au fil des études et des recherches, à retrouver sa place dans le panthéon littéraire martiniquais.

Pour ceux et celles qui s’intéressent à la littérature antillaise et singulièrement à la littérature martiniquaise, la figure de Suzanne Césaire pose de nombreuses interrogations. Son œuvre, brève, fulgurante, empêchée, a posé tout de même les bases du renouveau de la littérature antillaise et martiniquaise. Trop longtemps méconnue, masquée par l’aura quasi démiurgique de son mari, Aimé Césaire,  son legs suscite aujourd’hui, plus d’une cinquantaine d’années après sa mort, un regain d’intérêt de la part de nombreux universitaires, artistes ou critiques littéraires. Pour le plus grand bonheur des autres passionnés, heureux de s’enrichir de cette quête inaboutie vers la mémoire retrouvée, quête encore à mûrir, encore à satisfaire, encore à explorer.

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« L’homme qui voulait peindre des fresques » de Michel Herland

— Jean-Noël Chrisment (revue Esprit n° 517-518, janvier-février 2025) —

Il y a une élégante humilité dans ce titre, L’Homme qui voulait peindre des fresques, faisant d’emblée douter qu’il y soit parvenu. Au dernier tiers du recueil, un poème au ton très détendu, reprenant, à peine modifié, ce titre dans le sien, en émettra de nouveau le doute, plus explicitement encore, resserrant sa dérision d’un humoristique « peut-être ». C’est une position d’écriture à laquelle peut d’emblée répondre, ici, celle d’une lecture qui sera celle, en toute simplicité, d’un partage attentif d’intérêt avec Michel Herland pour ce qui insiste en l’homme, persiste en lui de ce « haut-langage » du poème, dont le rapport au merveilleux terrifiant du monde s’est sans doute instauré bien avant que la Grèce ne lui prête cette hauteur. Au fond, sans doute, dès que l’homme a su s’interroger sur ce qui le dépassait de ce monde incompréhensible où il se trouvait jeté, au mutisme « déraisonnable » en tout cas devant ses questionnements. Sur ce qu’il redoutait comme plus durable, plus éternel ou d’une menace plus opiniâtre, derrière les rugosités passagères de l’instant ou les atermoiements fragiles d’une époque.

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En Haïti le Fonds national de l’éducation, haut-lieu de la corruption, tente de s’acheter une impunité « à vie » à Radio Magik9

Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Funambulisme – « Mot dérivé de funambule, avec le suffixe -isme. Art du cirque, danseurs et acrobates marchant sur une corde tendue et pouvant s’aider d’un balancier ».

Funambule – « Acrobate qui évolue sur une corde tendue à une certaine hauteur » (OrtoLang, Centre national de ressources textuelles et lexicales, CNRS, France).

Le Fonds national de l’éducation (FNE), haut-lieu de la corruption et du népotisme dans le système éducatif haïtien, mène depuis peu une nouvelle campagne sur les ondes de plusieurs stations radio de Port-au-Prince et d’ailleurs. De l’avis de certains observateurs, cette nouvelle campagne se distingue par son amplitude nationale et par l’insistante mention de l’étendue des soi-disant domaines d’intervention du FNE dans le secteur de l’éducation en Haïti où sont scolarisés plus de 3 millions d’enfants. L’on observe que cette nouvelle campagne du FNE se déploie à l’aune d’une explicite et intrépide affabulation dont l’objectif est : (1) de tenter une fois de plus d’obtenir la confiance du public quant à l’action du FNE en général et suite à la perquisition effectuée dans ses locaux le 4 juin 2024 par l’Unité de lutte contre la corruption ; (2) de tenter encore une fois de justifier la légitimité de l’action du Fonds national de l’éducation : cette justification est d’autant plus nécessaire que la direction du Conseil d’administration du FNE est assurée, selon la loi, par le ministre en titre de l’Éducation nationale ; et (3) de faire le plaidoyer du rôle du FNE comme principale sinon exclusive institution haïtienne de financement du système éducatif national.

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« Solstice d’hiver » & « Menu du jour : Carpe ! »

Solstice d’hiver
Après le solstice d’hiver,
peu à peu, rallongent les jours
et de plus en plus de lumière
ramène l’espoir et l’amour
quand tout autour redevient vert…

C’est un moment très important
pour la Nature : renaissance !
Son cycle repart pour un an,
donnant une nouvelle chance
à tout ce qui vit sur la Terre…

Nos anciens en étaient conscients
qui le fêtaient avec éclat.
De nos jours, dommage vraiment
que soient perdus ces rites-là !
Car le cœur des hommes ne bat

plus au rythme, depuis longtemps,
de la Nature et l’Univers…
Gardons-nous, si l’on ne veut pas
que tout puisse aller de travers,
de se mouvoir à contretemps !

Menu du jour : Carpe !

Parfois, de tout, on en a marre,
l’impression d’aller nulle part…
L’important n’est pas d’où l’on part
ni non plus, d’ailleurs, où l’on va

mais du voyage la jouissance
qui va de naissance à trépas !
C’est le vrai sens de l’existence
que profiter de chaque instant,

vivre pleinement le présent
sans se soucier du lendemain…
Nul ne sait quand viendra sa fin :
procrastiner ne sert à rien !

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« Benoît blues », un roman moderne

— Par Michel Herland —

Les éditions Mémoire d’encrier basées à Montréal, spécialisées dans les auteurs de la diaspora (souvent haïtiens ou d’origine haïtienne comme le directeur de la maison d’édition) et issus des peuples premiers nous offrent cette fois le premier roman d’un comédien noir de nationalité française.

C’est d’abord l’histoire de deux copains d’école, à Paris, soit Geoffrey, le petit Blanc dit « Petit Bâtard » et Benoît, le petit Noir dit « Petite Merde ». Qui grandissent et l’histoire deviendra alors triangle mais le lecteur ne l’apprendra que tardivement. Geoffrey a rencontré Édith, l’a épousée, ils forment un couple modèle avec une petite fille, une joyeuse bande de copains rencontrés à l’école d’architecture pour la plupart. Benoît n’a pas connu la même réussite, orienté vers l’enseignement technique il a fait un peu tous les métiers, de maçon à éducateur en passant par fleuriste ou musicien. Il a aussi fait l’acteur, comme l’auteur du roman dans la vraie vie mais l’on n’en saura pas davantage à ce sujet.

Dès le début, nous apprenons le suicide de Benoît, puis l’histoire semble s’orienter vers le récit idyllique de la famille de Geoffrey racontée par lui-même, un sujet qui ne peut pas demeurer passionnant longtemps, et de fait, peu à peu, le récit revient vers Benoît par le biais du journal qu’il a légué à Geoffrey.

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Lé zéritié Matinik

— Par Daniel M. Berté —

Nou sé lé zéritié
di an tè volkannik

di an tè siklonik
di an tè tranmanntèik
di an tè radmaréik

Nou sé lé zéritié
dé kangan Lanmérik
dé kangan Lafrik
dé kangan Léwòpik
dé kangan Laziyatik

Nou sé lé zéritié
di ladjoukan kotonnik
di ladjoukan kakawoyik
di ladjoukan tabakik
di ladjoukan kannik

Nou sé lé zéritié
dé kakolè véyatik
dé kakolè gawouléik
dé kakolè mawonnik
dé kakolè fraternik

Nou sé lé zéritié
dé djoubakè énewjik
dé djoubakè rèvandikatik
dé djoubakè konbatik
dé djoubakè patriyotik

Nou sé lé zéritié
dé anmizè lanmizik
dé anmizè kawnavalik
dé anmizè danséik
dé anmizè piblik

Nou sé lé zéritié
dé matjè djidik
dé matjè flanboyik
dé matjè larèlik
dé matjè konsiantik

Nou sé dé zéritié
dé aktè sosialik
dé aktè sendikalik
dé aktè kiltirèlik
dé aktè politik

Nou sé lé zéritié
di lavi paséik
di lavi lafanmiyik
di lavi mondialik
di lavi Matinik

Daniel M. Berté 291124

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« Oliwon d’imaginaire créole », de Rudy Rabathly

— Par Jean-Marc Terrine —

Rudy Rabathaly ancien rédacteur en chef du quotidien France-Antilles, ne lâche pas la plume. Il continu à regarder le pays en laissant tomber l’information et la langue qui communique : le discontinu.

Avec ce pas de côté, depuis qu’il a quitté la presse, il est libre pour parler avec le langage du quotidien : aller à la rencontre des quatre-croisées des langues (français et créole), mais aussi des gestes-corps et des silences qui parlent.

Le continu.

Son livre c’est ça.

Avec ses fragments de deux mots quatre paroles il nous fait driver dans les oliwon du pays. Les alentours de la vie en Martinique, Avec une pensée du bricolage, cette pensée sauvage développée par Claude Levis Strauss.

Il nous fait entendre la beauté de la voix sauvage, primitive du peuple qui dit la vie dans une langue-langage, qui mofwaz. Paroles et gestes populaires qui parlent, chuchotent et gesticulent la vie, l’ordinaire, Les kriyé lavwa de tous les jours pour dire ses affaires de la vie : travai, amour, joie, souffrance, départ, non-dits.

Oliwon une écriture vagabonde, qui erre et qui puise dans notre imaginaire et non dans notre imagination.

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« Pour le nouvel an 2025″ & Pas si joyeux Noël »

Pas si joyeux Noël !
I
Le Père Noël, j’y crois pas :
un VRP Coca-Cola !
Depuis que je l’ai découvert,
tout ça me met fort en colère…
Sur commande vient pas la joie.

Du coup, Noël me fout les boules
comme à ces sapins qu’on abat…
Commerciale et publicitaire
et par trop inégalitaire,
la fête n’est pas vraiment cool…

Aux gosses riches, beaux cadeaux
mais aux enfants de la misère,
les privations de la vie chère…
Comment de ça se satisfaire,
conscient de ce qu’il y a derrière !?

II

Ce Noël, la chose m’atterre
en ce monde inégalitaire :
pendant que, partout sur la Terre
aux pays où coule le fric,

on boit du champagne à gogo,
Mayotte, ruinée par Chido,
et d’autres pays d’Afrique,
où sévissent grande misère

et réchauffement climatique,
souffrent d’un constant manque d’eau…
Père Noël n’y peut rien faire,
lui qui est plutôt gras et gros…

Poussant de joyeux “Ho, ho, ho !”,
bien qu’ayant du pouvoir les “rennes”,
las, pour distribuer ses cadeaux
en ces lieux, il reste à la traîne…

Tout ça nous fait beaucoup de peine !

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Notre Soup joumou est-elle francaise ? (Une autre lecture)

— Par Max Manigat —

Article paru dans Haïti en marche, vol. XXXI no 513, janvier 2018, page 11.

La réédition de ce remarquable article est un hommage à Max Manigat

décédé à New York le 23 décembre 2024.

Propos introductif du linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol, Montréal, le 25 décembre 2024.

La nouvelle a fait l’effet d’une ample déflagration parmi les enseignants, les intellectuels et les opérateurs culturels de New York et d’ailleurs : Max Manigat est décédé en maison de retraite le 23 décembre 2024. Figure de proue de l’intelligentsia haïtienne newyorkaise durant plusieurs décennies, Max Manigat fut un éducateur de carrière. Il a enseigné en Haïti, en République démocratique du Congo et durant vingt-trois ans il fut professeur à CUNY (City University of New York) où il a enseigné l’histoire, la culture haïtienne et le créole. Historien rigoureux, passionné de recherches et bibliophile reconnu, il nous a légué un patrimoine de premier plan à la fois novateur et riche de ses découvertes. Natif du Cap Haïtien, homme de grande culture et de savoirs encyclopédiques, il cultivait avec une élégance toute naturelle la discrétion qui sied à l’honnête homme.

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« Faire courir le monde »

— Par Michel Lercoulois —

Quel beau titre pour un recueil mêlant images et poèmes, issu de la toute jeune maison d’édition, Ad Verba, bel objet de surcroît avec son élégante couverture à rabats, le papier et la typographie soignés. Ce petit mais beau livre est né du pari des deux fondateurs de la maison, deux plasticiens – l’une qui tisse, Christine Lumineau, l’autre, Xavier Ribot, qui crée des installations, en général de taille réduite – de proposer les photographies d’une centaine et plus de leurs œuvres à la libre inspiration des poètes. Seule contrainte : se maintenir entre dix et vingt lignes. On sait quelle soif d’écrire anime tant de nos contemporains. Alors que le lancement de ce concours fut discret, ils furent deux-cent-vingt poètes à répondre, proposant exactement trois-cent-quatre-vingt-neuf textes comme nous l’apprend la quatrième de couverture. On est en droit de parler de concours car ne furent finalement retenus que trente-huit poèmes (soit à peu près un sur dix) à raison d’un seul par auteur, soit trente-huit auteurs, poètes ou apprentis poètes plus ou moins aguerris mais, avec une sélection aussi drastique, le résultat ne pouvait qu’être bon, même si, évidemment, la sensibilité du lecteur s’accordera plus facilement avec celle de certains des auteurs plutôt que d’autres.

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« Lannwèl tala tjè noutout lajol ! » & « En nous cette colère »

 Par Yves Untel Pastel —

Lannwèl tala tjè noutout lajol !

Annou prédyé, manmay
Pou nou pé sa goumen
Goumen sé prédyé
Prédyé sé goumen

Mi an inosan ka domi lajòl !
Sé fwè nou, sé yich nou,
Sé san nou, sé defansè nou !
Ki mal i fè douvan létèwnèl ?
Lanmou sèlman épi sakrifis
Soufrans pèp nou i pran
Anlè zépol-li !
I obliyé lavi ki ta’i
Davwa sé ba pèp-la
Épi pèp, kon pèp-la
I chwézi lité !
Ki mal i fè douvan lajistis ? Ayen !

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Les enfants et les dérives

(aux enfants d’Haïti, de Palestine et à la mémoire d’Aylan le naufragé)

— Par Lenous Guillaume-Suprice —

Fais attention à l’amertume d’Océane
à ce barouf de feu
à ces vagues de détestation
dans son regard
contre toi dirigés.

Ta furie de tout projeter
même des enfants
contre des ruines devant elle
sur les plages du jour
la rend bien folle d’écumes.

Ça lui donne envie
à la vélocité d’un chant de cils
d’engloutir tous tes renégats
tes personnages de discordes et de ressacs
d’un même souffle de dissuasion.

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Lemistè 4 – Mise en confrontation de la parole poétique et de la parole prophétique du monothéisme hébraïque

— Par Eric Eliès —

Depuis 2012, le poète antillais Monchoachi élabore, avec le cycle Lemistè, une œuvre poétique polyphonique qui fait résonner dans la langue française, qu’il s’approprie, malaxe, détourne et subvertit, les singularités de la langue créole et d’une identité caraïbéenne complexe aux racines à la fois américaines, africaines et européennes… « Streitti » constitue le 4ème recueil du cycle Lemistè, initié en 2012 avec « Liber América » et poursuivi en 2015 avec « Partition noire et bleue » (recueil par lequel j’ai découvert Monchoachi et que j’ai présenté sur CL) et en 2021 avec « Fugue vs fug ». D’une très grande richesse sémantique, car puisant à toutes les langues de l’espace caraïbéen, la poésie de Monchoachi est exigeante et ardue, et chacun des recueils, tous remarquables par la complexité et la minutie de leur composition, où tout est soigneusement pensé et pesé sans pour autant freiner la spontanéité de parole, exige plusieurs relectures. Néanmoins, par rapport aux précédents recueils, « Streitti » semble étonnamment accessible pour un lecteur européen. La langue est fluide et coule presque de source, comme une eau au flot bien moins tumultueux que les remous de « Partition » et de « Fugue », qui pouvaient effrayer un lecteur non averti.

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Le « Document de cadrage sur la question constitutionnelle »…

… nouvelle tentative frauduleuse du PHTK néo-duvaliériste de démantibuler la Constitution haïtienne de 1987

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

En Haïti, le rituel apparemment erratique et déstructuré des tentatives de « réforme » constitutionnelle est devenu un sport à géométrie variable, une sorte de gaguère de haute fréquence où les paris sont lucratifs si l’on est du bon côté de l’Histoire… Ce festif rituel est financièrement rentable pour les politiciens de tout acabit comme pour les preux chevaliers, « experts » constitutionnalistes autoproclamés qui se bousculent d’une saison constitutionnelle à l’autre. Sous le ciel hâbleur d’Haïti, ce rituel est chronique, il a son clergé, ses réseaux, son catéchisme, ses projets pilotes et, surtout ses mentors empressés : quelques rares bailleurs de fonds de l’International dispensateurs discrets de « conseils avisés » et de généreuses enveloppes financières qui habituellement s’évaporent sans laisser de traces… Tous, ils entonnent en chœur le refrain élimé de la « réforme » constitutionnelle couplé à celui d’« élections »/seleksyon qui doivent être « libres et transparentes » car elles constituent, semble-t-il, la seule voie de la résolution des maux centenaires de la République d’Haïti…

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« À tous les enfants qui souffrent », Klang & « La cogida y la muerte », Lorca 

—Par Gary Klang —

Il y a la main tendue
Qui ne sait pas comment gagner le cœur
Il y a les yeux hagards
De l’enfant qui n’a jamais souri
Il y a tous ceux
Pour qui la terre est un grand astre mort

Il y a la haine et la misère
la geôle et la maison de boue
Il y a tous ceux qui ont
Et tous ceux qui n’ont pas

Il y a enfin
Dans la mer Caraïbe
Une île sans arbre
Qui se perd dans la mer

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 » La complainte du sapin de Noël » &  » La rumeur »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

La complainte du sapin de Noël

Dans la verdeur de ma jeunesse
on m’a coupé le pied sous l’herbe,
on m’a coupé de mes racines,
de ma vie j’ai perdu le fil
et puis de fil en aiguilles…
Je me suis fait enguirlander,
ce n’est pas vraiment cool
même si c’est en foule
qu’on vient pour m’admirer.
Maintenant ils m’ont mis les boules…
lorsque je songe à ma famille,
à la forêt où je suis né
et que jamais, au grand jamais,
je sais que je n’les reverrai !…
À cause de leur stupide coutume
à laquelle ils m’ont sacrifié
sans respect, remords ni regret,
je suis rempli d’amertume
et je ne peux me “résinier”.
Pour ne pas se casser le tronc
ils n’ont su que couper le mien
pour m’offrir un costume à la fin,
un très beau costume en sapin !…

La rumeur

Méfie-toi donc de la rumeur
car elle est comme une tumeur
qui s’enfle alors et qui prend corps…
Bientôt elle a réglé ton sort

et si tu ne la fais pas taire
tel un cancer que l’on opère
au plus vite, ça te dessert :
socialement, te voilà mort !

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Élégie tropicale

Nota bene : Le poète n’analyse pas, n’explique rien. Ses poèmes sont des contes que chacun peut déchiffrer à sa guise. À l’instar du photographe ou du peintre, le poète prend des instantanés et s’efforce de décrire ce qu’il a observé avec son propre vocabulaire. Bien que le poète raconte ce qu’il voit, qu’il ne juge pas, son regard est sélectif et il ne cache pas ses états d’âme. S’il est « voyant », comme dit Rimbaud, il ne faut pas l’entendre au sens où il verrait plus clair que les autres, mais simplement qu’il faut le laisser libre de voir, parfois, autrement. Michel Herland.

Tes grands arbres à l’assaut des mornes jusqu’au ciel
Les lianes qui s’accrochent aux fromagers
Les fleurs sauvages de tes savanes
Tes gamins sourire-soleil
Les mamzels longues jambes
Les vieillards en ont vu d’autres
endimanchés de blanc
ils accompagnent l’un des leurs
à sa demeure dernière

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Mayot

— Par Daniel M. Berté —

Chido rivé
I violanté, I voltijé, I valdendjé Mayot
I krazé, I koulé, I kasé Mayot
I palantjé, I pijé, I piétiné Mayot
I ravajé, I ratibwazé, I razé Mayot

Chido danmé
I dékalbiché, I défonsé, I démonté Mayot
I dérayé, i dékalé, i débiélé Mayot
I dévasté, I dépotjolé, I démantibilé Mayot
I déchiktayé, I dékatjé, I déservélé Mayot

Mayot pa ni
I pa ni dlo, i pa ni kay, i pa ni manjé Mayot
I pa ni rimed, i pa ni limyè, i pa ni moské Mayot
I pa ni lajan, i pa ni enternet, i pa ni sékirité Mayot
I pa ni lékol, i pa ni téléfòn, i pa ni anmizé Mayot

Maorè o konba
Yo za ka débléyé Mayot
Yo za ka réparé Mayot
Yo za ka rimonté Mayot
Yo za ka rilévé Mayot

Matinitjé anmwé
An ti-lanmen jénérosité pou Mayot
An gran jes solidarité pou Mayot
An tjenbé-fò lanmourtjé pou Mayot
An mouvman-tjè fraternité pou Mayot

Daniel M. Berté 171224

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Parutions ; nouveautés du 18 décembre 2024

Samuel Beckett et Gérard Astor
La Nuit et le Jour au Théâtre
Roger-Daniel Bensky, Préface par Rachida Triki, Postface par Jacques Poulain
« Utopie contre Dystopie ; éclatement baroque contre rétrécissement classique ; différentialité narrative contre minimalisme situationnel ; tente abrahamique (ou ibrahimique) pour accueillir les multitudes, contre retraite vertigineuse vers le donjon de l’Égo ». Ainsi Roger-Daniel Bensky définit-il les différences entre Beckett et Astor. Mais ne nous y trompons pas, au-delà d’une réflexion sur ces[…] EAN : 9782336501109
19/11/2024
135 x 215 mm
Collection : Carnets d’Archipel méditerranées
188 pages
23.00 €

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Faites sortir les elfes !

Réception du Prix de l’excellence à vie au Center For Fiction de New York. 10 décembre 2024.

— Allocution de Patrick Chamoiseau —

L’écrivain islandais Thor Vilhjálmsson, me raconta un jour cette très belle histoire. Il admirait beaucoup l’écrivain français Michel Butor, grand partisan du Nouveau Roman. Ce mouvement littéraire avait réussi à élargir les limites de la fiction romanesque, à une époque où celle-ci paraissait ne plus rien comprendre à la complexité du monde.

Thor Vilhjálmsson appela Butor pour l’inviter à donner une conférence dans son petit pays de rochers, de glaciers, de geysers et de volcans. Quand Vilhjálmsson eut Butor au bout du fil, il lui formula l’invitation la plus chaleureuse qui soit. Michel Butor l’écouta poliment mais, peu enclin à voyager vers cette île de mousse grise, il lui bredouilla les excuses que les écrivains utilisent pour échapper à une invitation… Qu’il avait du travail… Qu’il était fatigué… Que les voyages en avion ne lui convenaient pas… et-cætera, et-cætera.

Mais, Thor n’était pas homme à se décourager. Comme il était lui-même un grand romancier, un fils béni de l’art de conter, il eut soudain l’idée qui allait tout changer.

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Patrick Chamoiseau nommé lauréat du « Lifetime of Excellence in Fiction Award « 2024 par The Center for Fiction

The Center for Fiction est la seule organisation littéraire à but non lucratif aux États-Unis entièrement dédiée à célébrer la fiction. Situé à Downtown Brooklyn, à New York, ce centre est un véritable point de rencontre pour les passionnés de littérature, qu’ils soient lecteurs ou écrivains. Depuis son ouverture en 2019, The Center for Fiction a créé un espace unique pour la communauté littéraire de New York, tout en s’étendant à un public mondial grâce à son site web.

Le Centre organise des événements littéraires exceptionnels, tels que des conférences, des discussions et des performances, qui ont attiré des auteurs de renom comme Salman Rushdie, Jacqueline Woodson, et Maaza Mengiste. Il soutient également les écrivains émergents à travers des bourses d’écriture et des ateliers, tout en offrant des programmes dédiés aux jeunes lecteurs, comme KidsRead / KidsWrite. Sa librairie indépendante, son café, son bar, ainsi que sa bibliothèque historique fondée en 1821, font du Centre un lieu où la littérature est vécue au quotidien.

Nomination de Patrick Chamoiseau pour 2024

The Center for Fiction est ravi d’annoncer que le romancier, poète et essayiste Patrick Chamoiseau sera le récipiendaire du Lifetime of Excellence in Fiction Award pour l’année 2024.

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« Le monde tel qu’il est », de Salvat Etchart, Prix Renaudot 1967

Les éditions Caraïbéditions viennent de republier Le monde tel qu’il est de Salvat Etchart au sein de sa collection Îles en poche

Le monde tel qu’il est de Salvat Etchart, Prix Renaudot 1967, est un roman profondément ancré dans l’histoire et la société de la Martinique, offrant un portrait complexe de cette île façonnée par des siècles de domination coloniale, de révolte et de souffrances. L’œuvre se compose de plusieurs récits parallèles qui s’étendent sur plusieurs siècles, entrecroisant les destins de personnages issus de différentes époques de l’histoire martiniquaise.

Le roman s’ouvre sur l’histoire de Le Basque, un esclave au 16e siècle qui rachète sa liberté et fonde ce qui deviendra plus tard la ville de Case-Navire, aujourd’hui Schoelcher. Ce premier récit pose les bases d’une dynamique de lutte et de résistance qui traverse l’histoire de l’île. Ensuite, le roman bascule en 1934 avec l’assassinat d’un mulâtre militant du groupe Spartacus, et l’année suivante, un autre personnage, son demi-frère, part en quête de vengeance. Ces personnages évoluent dans un environnement où la violence, la répression coloniale, et les tensions sociales sont omniprésentes, mais où la quête d’identité et de liberté reste une lutte constante.

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La fable de la « soup joumou », soi-disant « soupe de l’Indépendance »…

… dans le brouillard de la patrimonialisation et de l’arnaque identitaire

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« On distingue généralement trois types de fraude scientifique : la fabrication de données, la falsification de données et le plagiat. Fabriquer des données, consiste à forger de toutes pièces les résultats d’une recherche. Falsifier des données consiste à altérer intentionnellement des données de façon à les rendre plus conformes à l’hypothèse du chercheur. Le plagiat visé ici consiste dans l’appropriation totale ou partielle d’un texte qu’on n’a pas écrit soi-même. Nonobstant leur gravité, nous passerons sous silence les conduites « zone grise » (par ex.: l’autoplagiat, les publications « salami », la cosignature honorifique, les soumissions multiples, etc.) analysées ailleurs (Larivée et Baruffaldi, 1993) » — (« La fraude scientifique et ses conséquences », par Serge Larivée, Faculté des arts et des sciences, École de psycho-éducation, Université de Montréal.)

La parution des articles dans lesquels nous avons soumis à l’analyse critique l’incrédibilité de l’historicité de la « soup joumou » frauduleusement et idéologiquement qualifiée de « soupe de l’Indépendance » a suscité l’intérêt de nombreux lecteurs dans divers milieux, tant à Port-au-Prince que dans certaines villes de province.

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Man pa té mandé… Rèzdibonnè

–  Par Daniel M. Berté

Man pa té mandé né
An péyi raz-maré
Tranmanntè ka krazé
Siklòn ka dékalé
Volkan ka déblozé


Man pa té mandé wè
Moun ek moun ka goumen
Anba kou ka griyen
Anviolaj féminen
Tiyanmay sasinen


Man pa té mandé santi
Chalè kout fret an do
Lòdè sawgas pouri
La kokangni lé profitè
Ladoulè dé espwaté

 

Rèzdibonnè man né
Dan an péyi révé
Lariviè ka chanté
Savann ver lanmè blé
An vlopans lalizé


Rezdibonnè man wè
Ant zanmi lanmitjé
An grann fraternité
Tjè ek tjè lanmouré
Kò lémans karésé


Rèzdibonnè man santi
Bon lodè blaf-pwason
Lénerji kréyatris
Dousin an bra anman
Kalinans an kares

 

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