Catégorie : Théâtre

Angelo, un tyran pas doux pour un moment de pur plaisir !

—Par Roland Sabra—

Un ravissement de Michelle Césaire

Le théâtre est aussi un divertissement, qui donne du plaisir et c’est tant mieux! Philippe Person en fait la démonstration avec un texte pas si facile qu’il y paraît. Le talent de Person, à nulle autre pareil, relève le défi avec Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo.

Angelo Malipieri, aime La Tisbe, comédienne, une -pas-grand-chose, qui aime un déclassé, le proscrit Rodolfo, lui-même amoureux de la Catarina dévote et femme de ce tyran pas doux pour deux sous. Chez Hugo, les choses sont assez simples : les méchants sont méchants et forcément riches, les gentils sont gentils et forcément pauvres et entre les deux, les pervers, forcément pervers puisque se situant entre les deux.

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« Africa solo » : mise-en-scène à vau-l’eau

— Par Roland Sabra

1999, Ernest Pépin, poète et romancier guadeloupéen effectue un « pèlerinage » selon ses propres termes sur la terre d’Afrique. Rencontre envoûtée par les passions africanistes militantes du père de l’auteur, par les rêves de retour au berceau des origines, par les décombres de la négritude assaillis de créolité, espoir giflé d’une unité qui se brise sur le réel d’une altérité irrémédiable et tout aussitôt déniée. Le retour aux Antilles donnera naissance à un recueil de poèmes Africa Solo que Michel Dural a tenté d’adapter pour une mise-en-scène de José Exélis. Sur scène donc il y a Filosof, Ernest Pépin peut-être, qui s’en est allé là-bas en Afrique et qui «… revenu du pays des ancêtres Les mains mouillées par la rosée des retrouvailles Le pas plus riche des récoltes accueillies » déplore gémit, crie à qui veut l’entendre «  Pey la ka foukan, Nou tou ka foukan… » Pour cet autre cahier d’un autre retour au pays génital , il lui fallait partir là-bas. Là-bas, il le fallait. Ne serait-ce que pour se découvrir étranger au pays matriciel : « Pas facile de se parler avec les Africains.

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« Face à la mère » : entretien Jean-René Lemoine

Entretien Jean-René Lemoine

Comédien, auteur, metteur en scène, Jean-René Lemoine est né en 1959 en Haïti. Il se forme au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris et à l’école Mudra de Maurice Béjart à Bruxelles, puis à l’Institut d’Etudes Théâtrales de Censier à Paris. Après un parcours d’acteur, entre autres avec la compagnie de Lindsay Kemp, il a travaillé comme assistant à l’Union des Théâtres de l’Europe, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, et collaboré régulièrement avec l’Académie Expérimentale des Théâtres. Il a également enseigné l’art dramatique au Cours Florent de 1998 à 2000.

Il commence à écrire en 1985 et met en scène sa première pièce, Les Folies bergères au Théâtre du Porta Romana, à Milan. Il choisit dès lors de se consacrer en priorité à l’écriture et à la mise en scène. C’est ainsi que naîtront un roman, Compte-rendu d’un vertige, et surtout de nombreux textes pour le théâtre

Face à la mère : sublime rendez-vous avec l’absente

Seul sur le plateau, Jean-René Lemoine parle à lui-même et à sa mère, disparue tragiquement en Haïti, le pays de l’enfance.

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« Miracle en Alabama », mais pas à Fort-de-France!

— Par Roland Sabra —

Au théâtre foyalais, une ouverture de saison en demi-teinte en attendant

« La Maison du peuple  » de Louis Guilloux



« Miracle en Alabama » mais pas à Fort-de-France! Michèle Césaire nous a habitués à plus d’audace que la reprise d’un succès qui a fait le tour du monde. Encore qu’il y ait quelque risque à re-mettre en scène « L’histoire d’Helen Keller » parue en 1902 et qui fit l’objet d’une adaptation cinématographique par William Gibson d’après sa pièce de théâtre, dans une mise en scène d’Arthur Penn de nombreuses fois « nominée » aux Oscars et doublement récompensée en 1963. Le titre du film The Miracle Worker est plus proche du thème que le titre français. Anne Sullivan, l’institutrice anciennement aveugle tout juste sortie de l’école de Boston est en effet la travailleuse miraculeuse ou plus exactement l’accoucheuse de miracle, qui luttant contre le double sentiment de culpabilité et de honte dans lequel l’entourage familial enferme la jeune fille va lui permettre d’advenir à elle-même. « Là où c’était le Sujet doit advenir ».

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« Agoulouland » : les limites du théâtre militant

— Par Roland Sabra —

Bérard Bourdon met en scène « Agoulouland »

« La frontière du talent ne recouvre pas  celle qui sépare comédien professionnel et comédien amateur ».

Il a fait ses premières armes en France, puis il est vite rentré au pays , comme assistant de Michel Philippe, chargé de mission du Ministère de la Culture dans le cadre de ce qui allait devenir le CMAC. Il retrouve alors, une bande de copains ayant la même volonté de s’adresser au public martiniquais. L’important étant moins le message que son destinataire, ils vont dans un esprit d’ouverture, monter des textes d’auteurs martiniquais comme Georges Mauvois, Jeff Florentiny, mais aussi européens.
Il présente aujourd’hui une pièce en créole «  Agoulouland » que lui a proposé Daniel Boukman. Le personnage est chaleureux, ouvert, il reçoit facilement, entre deux répétitions.


Roland Sabra : Pourquoi monter « Agoulouland » aujourd’hui en Martinique?
Bérard.Bourdon . : Pour quelles raisons? Et bien ce matin même, fait exceptionnel, j’avais allumé la T.V et on annonçait que l’obésité gagnait en Martinique! « Agoulouland » pose le problème de la surconsommation dans laquelle la majorité des martiniquais est tombée les yeux fermés avec son cortège de maladies somatiques, diabète, maladies cardio-vasculaires etc.

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« Jacques le fataliste » : la rentrée au théâtre foyalais

— Par Roland Sabra —

Rentrée au théâtre foyalais


au théâtre de Fort-de-France

Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.

Le Maître est innommable, on ne connaîtra jamais son nom, peu importe il s’agit ici d’une figure de maître. Seul le valet porte un nom il s’appelle Jacques. L’un est paresseux, peu curieux, ayant pour rares centres d’intérêt son tabac, sa lunette et sa montre. Le valet est virevoltant, bavard, têtu, ingénieux. Comment ne pas penser par anticipation à la dialectique du maître et de l’esclave? Comment ne pas lire une leçon de matérialisme, comme dénonciation  du spiritualisme et de l’idéalisme de l’époque, justifications métaphysiques et morales des hiérarchies sociales, quand maître et valet rencontrent une aubergiste qui s’adresse indifféremment et sur le même mode à l’un et à l’autre?

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« Tristissimes » : Yoshvani Medina convie le public martiniquais à une étrange cérémonie.

 — Par Alvina Ruprecht —

 

Dans dans un espace circulaire où les murs sont recouverts de tentures noires, les acteurs se livrent aux pulsions archaïques d’un monde d’avant l’histoire, espace/temps des récits fondateurs où convergent des héros mythologiques, des paraboles bibliques et des contes merveilleux.

Le point de départ de cette œuvre est un texte dramatique intitulé Quelques histoires d’amour très très tristes, de l’auteur cubain Uliseo Cala, traduit de l’espagnol par Pierre Pinalie et adapté à la scène par Medina. Il faut dire que ce spectacle, à la fois gênant et troublant, nous a éblouis et bouleversés (même après deux heures sans entracte).

Cette manifestation d’un metteur en scène dont l’esthétique théâtrale révèle une recherche scénique extrêmement raffinée, ramène le spectateur à une époque révolue d’expérimentation corporelle tout en le plongeant dans les courants les plus actuels de la scène contemporaine. Nous y reconnaissons le processus rituel des années 1970 : les expériences de Grotowski et de l’Américain Richard Schechner, ainsi que celles de la scène post-holocaust des artistes polonais qui faisaient émerger les acteurs des tas d’ordures en hurlant leur douleur – signe d’une vie renouvelée après la destruction de la 2e guerre mondiale..

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Théâtre et actualité politique.

  — Par Frantz Succab —

 theat_polIl y a, selon moi, deux approches de la notion d’actualité :

 Le présent : les événements d’ordre privé ou collectifs qui se déroulent au jour le jour, pendant que nous vivons 

 Le « présent » présenté au plus grand nombre. Le produit quotidien des medias, résultat du travail des journalistes ou des chroniqueurs de presse. La vie quotidienne de la société regardée et relatée à travers un prisme où le critère esthétique n’est pas de mise.

 Les faits et leurs problématiques étant hiérarchisés en fonction de critères idéologiques et marchands, qui concourent à déterminer « l’air du temps »

 Idéologiques parce que traduisant une représentation conservatrice de l’ordre de notre société et du monde (qui contrôle la presse ?) Les actualités obéissent à un format, diffusé au moyen d’une grammaire codée : une grève, sera d’abord une prise en otage de la population, le terrorisme ne sera que l’action des forces du mal contre celles du bien ( en général, les pays occidentaux) les déviances sociales ou les catastrophes liées à la pauvreté seront mises en exergue pour convoquer la charité ou le travail social, qui ne sont que dépolitisation l’engagement social et l’humanitarisme qui n’est que dépolitisation de la solidarité des peuples.

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« Tristissimes » : Le Formalisme considéré comme l’un des beaux-arts

 –Par Selim Lander —

A propos de Tristissimes mis en scène par Yoshvani Medina

Imagine. Non une banale salle de théâtre mais un « lieu scénique », une sorte d’entrepôt, de taille fort modeste, ceinturé de voiles noirs, un seul rang de 25 fauteuils de jardin en plastique blanc encerclant un espace couvert de copeaux. Deux femmes vêtues de noir attendent les spectateurs, assises par terre. En dehors des copeaux, il n’y a aucun accessoire sur cette scène qui n’en est d’ailleurs pas une puisqu’elle est de plein-pied. Lorsque l’œil et l’esprit se sont accoutumés à cet environnement, on devine que sous le tas de copeaux, au centre, se trouve dissimulé un autre personnage, trahi par sa respiration.

On t’a distribué une drôle de lampe électrique et l’on t’a prévenu : 1) il n’y aura pas d’autre éclairage que celui que prodigueront les spectateurs ; 2) l’intensité de la lumière faiblira avec le temps et il faudra redonner de l’énergie en utilisant la manivelle sur le côté de la lampe.

Et puis, lorsque toutes les chaises sont remplies, sans prévenir (il n’est évidemment pas question de faire retentir les trois coups traditionnels annonçant la levée d’un rideau de toute façon absent), l’une des deux femmes se lève.

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La ka espéré Godot : entre méprise et trahison. Une mise en scène de Lucette Salibur

 — Par Roland Sabra —

  «Rien à faire» Tout est dit dès les premiers mots de la pièce. A cette remarque de Gogo confronté à la difficulté, très matérielle, d’ôter sa chaussure Didi répond sur le plan philosophique «Je commence à le croire.». L’absurde n’est pas tant l’absence de sens que le trop plein de contre-sens. Ici règne le domaine du double et du dédoublement. Estragon et Vladimir, Pozzo et Lucky. Le garçon et son frère. Et même si l’inconscient d’un texte ne se love pas dans la biographie du scripteur, comment ne pas évoquer en Vladimir, Frank Beckett le frère aîné, persécuteur et en Estragon, le Sam Beckett, en voie de clochardisation, souffre douleur de la fratrie sous l’oeil accusateur du tyran maternel? Le double est signe de mort. Longtemps on a tué les jumeaux à la naissance : la nature se trompait à produire deux fois le même. Rémus est tué pour que Romulus fonde une ville qui défie la mort, une ville éternelle. A l’annonce d’un décès, les miroirs sont voilés pour éviter que le reflet du cadavre ne re-convoque la mort.

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« Tristissimes » : Chorégraphie tonique de corps et de mots

 —Par Marius Gottin —

Je vais au théâtre. Cela implique que j‘accepte de réintégrer provisoirement le tumulte et le tracas, fussent ils atténués en ce début de soirée, de la Ville. Mais là je ne suis pas vraiment en ville mais dans sa périphérie proche, à Bellevue. Une scène m’attend que je découvre au bout de tentures noires qu’éclaire la lampe bizarre que l’on m’a remise à l’entrée, avec conditions d’utilisation et tout…
De la sciure de bois, deux femmes immobiles vêtues de noir assise, agenouillée, une manière de tombolo au milieu de tout cela et « Quelques histoires d’amour très très tristes » du cubain Ulises Cala, la dernière création du Théâtre Si, s’anime…
Deux heures plus tard, on en sort baffé, pris à la gorge et aux yeux et au coeur par cette débauche de mots et de gestuelle où tournent devant nous, dans une sommation sans équivoque, Dieu omniprésent,(bizarrerie à mes yeux de ce Cuba de la fin du siècle dernier mais n’est ce pas une des étrangetés, et de l’auteur et du metteur en scène, deux rebelles ?)

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« Tristissimes » Quelques histoires d’Amour très très tristes

 — Par Jean-Philippe Bianchi —

Un lecteur, Jean-Philippe Branchi nous fait parvenir ce texte à propos deTristissimes. Médina aura au moins suscité un débat autour de son travail. Madinin’Art se félicite d’en avoir restituer quelques échos.

TRISTISSIMES… « Quelques histoires d’Amour très très tristes ».
Illustre le génie du geste théâtral de Yoshvani MEDINA dans un pays à la geste gênée…
Yoshvani MEDINA, sa troupe d’acteurs et ses amis sont des êtres innommables…
Leur travail et leur action sont intemporels…
Leur théâtre est sans prétention sinon que celle de la situation en laquelle il vous plonge jusqu’à l’exorcisme…
Le théâtre de Yoshvani MEDINA n’est pas un théâtre de la théâtralité surréaliste ou encore impressionniste…
Le Théâtre de Yoshvani MEDINA est un théâtre situationniste….
Pas de messages. Des situations…
Et c’est là, le centre du génie gênant de ce metteur en scène hors norme, qui recrée l’ouverture par la clôture, la lumière par la mise en abymes des ténèbres, l’espoir par le violent éveil au désespoir de la condition humaine…
La Vie naît de la boue excrétrice d’une bonne bourre…
La Vie vit dans la boue notionnelle et confusionnelle de la communication…
Et, la Vie meurt dans la boue féconde des chaires…
Et pourtant… Et pourtant… Face à l’absurde !!!

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« Tristissimes » de Ulises CALA : « Irritissimes »

—Par Roland Sabra —

Mise en scène de Yoshvani Médina

Ulises Cala est un dramaturge des mélanges. Dans sa dernière pièce, mise en scène par Yoshvani Medina, traduite par Pierre Pinalie sous l’intitulé « Quelques histoires d’amour très très tristes » ou « Tristissimes », c’est comme on veut, il fait montre d’un talent pour re-visiter de façon iconoclaste quelques uns des mythes fondateurs de l’Occident, qu’il s’agisse de l’épopée troyenne, des fables bibliques ou des contes de belles endormies au fond des bois, et il le fait en choisissant comme méthode d’exposition la structure du théâtre Nô dans laquelle les pièces sont classées en cinq groupes. Le premier , Waki Nô, est celui consacré aux dieux et aux rapports compliqués qu’ils entretiennent avec les hommes, ici une femme implore le retour à la vie de son amant. Le second, Shura Mono, évoque les fantômes de grands guerriers morts durant la bataille et qui sont en enfer. Presque toujours ils appartiennent au camp des vaincus. Andromaque peut-elle tomber en amour devant celui qu’elle a vu assassiner Hector? Le troisième, Katsura Mono, est le plus prisé il y est question de très belles femmes.

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« L’Amant » Mise en scène de Yoshvani Médina. Au jeu de la vérité, les dés sont pipés

— Par Roland Sabra —

 Harold Pinter: «Il n’y a pas de distinctions tranchées entre ce qui est réel et ce qui est irréel, entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Une chose n’est pas nécessairement vraie ou fausse ; elle peut être tout à la fois vraie et fausse.». C’est du théâtre dont il s’agit, seulement du théâtre et celui-ci peut s’ingénier à détourner les conventions théâtrales en l’occurrence dans « L’Amant »: un trio mari-femme-amant, une anglaise oisive et lascive qui s’encanaille avec l’amant de longs après-midi, puis prend le thé, tandis que le mari s’attarde au bureau. On part d’une situation vaudevillesque traditionnelle, et on aboutit par déstructuration au fin fond de l’enferment du couple dans les demi-vérités, les mensonges à mi-mots, les faux-semblants, la suspicion et les affres de l’implicite noyé dans les brumes de la dérision. Un couple et son infidélité en partage, comme ciment d’une fissure à creuser au détour des regards fuyants et de la vie qui s’en va ne n’avoir jamais été là. Elle a donc un amant et il le sait.

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« L’Amant », un schizo-drame de Harold Pinter, le maître du théâtre de la fragmentation

— Par Roland Sabra —

 

 

Pour Michel Louis.

« Le prix Nobel de littérature pour l’année 2005 est attribué à l’écrivain anglais Harold Pinter « qui dans ses drames découvre l’abîme sous les bavardages et se force un passage dans la pièce close de l’oppression ». C’est ainsi qu’a été annoncée très officiellement la chose. Deux caractéristiques donc dans l’oeuvre de l’écrivain, une exploration des abîmes de l’être humain et un combat permanent contre l’oppression. Qui est donc Harold Pinter? Qu’est-ce qu’un schizo-drame? Pourquoi la pièce « L’amant » que monte Médina relève-t-elle d’un théâtre de la fragmentation?

Le combattant de la liberté contre toutes les oppressions et les injustices.

Né en 1930, de parents juifs d’origine russe Pinter, est né dans l’East End de Londres, il y passe son enfance avant d’être éloigné en 1939 pour cause de bombardements. Il y reviendra en 1942 et gardera pour le reste de ses jours le souvenir de ces nuits pendant lesquelles les murs tremblaient sous les effets des bombes. A quinze ans il fait le coup de poings contre les sympathisants fascistes qui s’en prennent aux enfants juifs de l’Eastside.

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« Fin de partie » de Samuel Beckett . Mise en scène de Alain Timar.

Fin de partie*... l'auto-analyse continue

— Par Roland Sabra —

1934, Samuel Beckett entame à la Tavistok Clinic de Londres, une analyse avec Wilfed Ruprecht Bion qui deviendra célèbre un peu plus tard pour son travail sur les petits groupes. L’année suivante Beckett déserte le divan et décide de poursuivre son analyse à travers ses œuvres dont l’adresse sera dés lors la place vide du fauteuil, éludant par là-même le travail d’interprétation réducteur, forcément réducteur.  « Je n’ai rien à dire, mais je veux simplement dire jusqu’à quel point je n’ai rien à dire » déclare Beckett à Roger Blin. Telle est la thèse alléchante et brillamment soutenue par Didier Anzieu dans son « Beckett ». Et en effet, dans les textes de Beckett, «  ça » parle, le « ça » cause. Bien avant Lacan, Beckett avait posé que l’homme est « être de langage » et qu’il naît dans un monde ou préexiste « lalangue » (en un seul mot).

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« Petit boulot pour vieux clown » de Matéï Visniec : struggle for life and business show

 — Par Roland Sabra —

C’est une histoire d’homme, une histoire de haine et d’amitié, une histoire de rivalité et de complicité, une histoire de mots et de gestes, une histoire d’illusions perdues et de vieillesse, une histoire qui pose l’éternel problème de comment se débarrasser de l’autre avec lequel on a tant partagé? Comment faire la peau à celui qui nous a fait rire que l’on a admiré et qui soudain apparaît comme un obstacle sur le chemin finissant? Les clowns font rire parce qu’ils grossissent nos maladresses, nos travers. Ils sont donc trois, trois clowns en fin de course qui se retrouvent par hasard, dans la salle d’attente d’un music-hall avec l’hypothétique espoir de décrocher un dernier contrat, un ultime « cacheton ». Ils ont formé un trio dans des temps anciens, très anciens, avant de suivre des routes différentes mais toujours chaotiques nourris de précarité et de lendemains incertains. Il y a si longtemps qu’ils ont joué que les costumes qu’ils portent quand ils ne sont pas élimés semblent sortis du magasin de location.

Trois pour une seule place et vite tombent les masques, la haine du semblable, la haine du petit autre qui, parce que trop ressemblant menace l’identité vacillante, alors vient le temps du désir de meurtre du trop proche.

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« Pas de prison pour le vent » d’Alain Foix : hommage d’hommes de talents à des femmes admirables

 — Par Roland Sabra —


Alain Foix et la statue de Gerty Archimède à Basse-Terre

 La Martinique a de la chance mais elle ne le sait pas toujours. Elle accueillait Mardi 28 mars dans une trop grande discrétion une création mondiale d’Antoine Bourseiller : la mise en scène de Pas de prison pour le vent une pièce écrite par Alain Foix.

Antoine Bourseiller est aujourd’hui un vieux Monsieur qui a consacré toute sa vie au théâtre, à l’opéra et au cinéma. Qu’on en juge : en 1960 il reçoit le prix du Concours des Jeunes Compagnies, grâce auquel il prend la direction du Studio des Champs-Élysées. De 1960 à 1982, il est directeur de théâtre (Paris, Marseille, Orléans) et, de 1982 à 1996; il dirige l’Opéra de Nancy et de Lorraine, puis de 1994 à 2000 Les Soirées d’été de Gordes.  En 1967, invité par Jean Vilar, il avait ouvert un nouveau lieu au Festival d’Avignon, le Cloître des Carmes. Son oeuvre théâtrale est une aventure essentiellement marquée par des créations, ponctuée cependant de certaines exhumations d’œuvres classiques, telle La Marianne de Tristan Lhermitte, La mort d’Agrippine de Cyrano de Bergerac, Rodogune de Corneille, Axel de Villiers de L’Isle-Adam.

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Mon enfant, mon royaume : ballet-théâtre mis en scène par Frédéric Salard

— Par Christian Antourel —

danseuseChorégraphié et interprété par Laurence Couzinet et Thierry Sirou

Une production Compagnie Car-Av-An

Un Ballet-théâtre aux accents métissés de l’un à l’autre où s’opposent, se complètent dans leur forme, se haïssent et s’harmonisent les ressentiments contrariés de parents dont l’enfant est partie gagner de quoi les sauver de la misère… mais n’est jamais revenue.

Durant 15 ans, ils portent en eux ce désespoir. On peut imaginer quel bouleversement se produit dans le tumulte, dans les nuits de l’angoisse, des croyances, de l’imaginaire et de la solitude, quand l’espérance ou la détresse rivales, complémentaires à la fois, comme le sont la danse et le théâtre, font le spectacle uni où le sentiment humain perceptible aux nuances et aux extrêmes, verse sa fragilité nue dans l’opposabilité et l’alliance de ces deux brûlures que rythme le spectacle.

« L’humour, c’est la politesse du désespoir »

Tout le remue-ménage de la pièce, n’est rien d’autre que le remue-méninges exalté d’un conflit psychologique vécu par ces parents en proie à une tentation de fuite hors la réalité, dans l’expression d’un amour devenu fou agité.

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« Huis-Clos » : l’enfer d’en faire trop ou pas assez!

— Par Roland Sabra —

 


« Huis-Clos » mise en scène  de José Alpha, à l’Atrium :

L‘équilibre au théâtre est toujours très fragile, éphémère par nature. Il n’y a jamais deux représentations identiques, le public change, ce n’est jamais la même rivière qui coule sous le même pont.  Il suffit d’un rien, d’une indisponibilité un peu plus envahissante d’un comédien, les échanges ne passent plus et ce qui nous est montré est une autre histoire.  L’équilibre d’un texte est aussi chose fragile, les metteurs en scène  en font l’expérience qui s’aventurent souvent à leurs dépens, et à ceux des spectateurs, dans les sables mouvants de l’adaptation.
José Alpha en fait , malgré lui la démonstration dans « Huis-Clos ». Sa prestation laisse entrevoir un sérieux travail « à la table » précédant  la mise en bouche du texte par les comédiens. Sartre, auteur de théâtre, on est à la limite de l’oxymore, ne se laisse pas appréhender facilement. José Alpha a eu la sagesse de faire appel à Jacques Jupiter pour tracer un chemin aux comédiens dans les méandres de la pensée existentialiste.

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« Les enfants de la mer » de José Exélis : boat people à la dérive

 — Par Roland Sabra —

 

Adaptation et mise en scène de José Exélis d’une nouvelle d’Edwidge Danticat

Chorégraphie Suzy Manyri

Distribution : Keziah Apuzen, Yna Boulangé, Catherine Césaire, Amel Aïdoudi, Suzy Manyri, Françoise Prospa, Suzy Singa Création lumière : Dominique Guesdon, Valéry Pétris

Scénographie : Dominique Guesdon

Costumes : Alice Jasmin

Production : Compagnie les enfants de la mer Création 2003, avec le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la Martinique – Ministère de la Culture et de la Communication, du Conseil Régional de la Martinique, de l’Office de la culture du Lamentin.

Exélis et Guesdon ? Ces deux là font la paire pour « les enfants de la mer »! Ils nous emmènent aux limites du théâtre dans un univers de fragmentations, d’éclats de verre, de rires et de larmes multicolores, de condensés de vies broyées mais toujours prêtes à rejaillir, protéiformes, multiples et indomptables. Boat-people à la dérive vers Miami Elles sont sept sur scène, sur un bateau sur un radeau, sept comme les jours de la création, les portes de Thèbes, les plaies d’Egypte, les branches du chandelier, les péchés capitaux ou les merveilles du monde.

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« La petite négresse de l’île Saint-Pierre » : en chacun de nous une petite négresse sommeille

 — Par Roland Sabra —

Marcelle Basso, Raymonde Palcy et Robbas Biassi Biassi dans
« La petite négresse de l’île Saint-Pierre »

 

C’est l’histoire de Ti Prinses, celle de Sam Alpha, une Princesse en son île, entre Seine et cimetière, aux aurores brumeuses et que la vie soulève à l’infini des jours. C’est un temps qui n’est plus et qui pourtant toujours insiste à faire retour. C’est un récit qui foule aux pieds sa véracité pour atteindre au bout des mots sa vérité. Ti Prinses est d’ici et d’ailleurs, elle vit en chacun de nous, elle est cet enfant, père de l’adulte devenu.

Prinses, sans nom,elle ignore qui est son père, de toute façon les pères comptent pour si peu « ils boivent, ils râlent, ils tapent », alors en avoir ou pas c’est du pareil au même et à bien y réfléchir mieux vaut ne pas les voir. Elle est élevée par sa grand-mère maternelle inépuisable source d’amour, un bloc monolithe , imprévisible, agnostique tendance athée, qui bouffe du curé ce corbeau accueilli par des croassements bouffons afin qu’il prenne ses jambes à son cou au plus vite : « Bon vent, la plume au cul et le feu d’dans » La grand-mère, sur la scène présence d’une absence envahissante, est le personnage central du travail de Claude Défar et de Magali Berruet, « Petite négresse de l’ïle Saint-pierre » présenté pour la première fois au public lyonnais en novembre 2004 et que nous avons eu le bonheur de découvrir au Théâtre Municipal de Michèle Césaire en mars de cette année.

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Théâtre et politique : le CMAC donne Carte Blanche à José Exélis

 — Par Roland Sabra —

theatre_&_politiqueLe CMAC a donné carte blanche (ah! traitrise de la langue!) à José Exélis pendant 20 jours au mois de novembre. Cette heureuse initiative a permis de voir une version très aboutie de IAGO, déjà présentée au public la saison dernière, et qui lève les quelques réserves que l’on avait formulées à l’époque. (Cf. Le Naïf n° 125). La première partie sérieusement remaniée, recentrée, avec un jeu bien plus épuré de l’excellent Gilbert Laumord, passe la rampe avec aisance. Soulignons une fois encore la qualité de la scènographie de Dominique Guesdon et Valéry Pétris, qui contribue à faire de ce spectacle la meilleure production locale depuis longtemps. Un vrai travail de qualité, original et rigoureux, dont on souhaiterait qu’il bénéficie de la part des collectivités locales d’aides à « l’exportaion ». Après tout le théâtre martiniquais mérite autant de considération que la banane et a de toute évidence un avenir plus prometteur!

Les aides à la création étaient justement un des sujets d’une conférence « Théâtre et politique » organisée dans le cadre de cette opération «  Carte blanche ».

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Philippe ADRIEN : un metteur en scène mercenaire et … amnésique !

— Par Roland Sabra —

dehors  Philippe ADRIEN dirige le Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie à Paris. On connaît les conditions honteuses dans lesquelles il a signé la mise en scène de « Phèdre » à l’ATRIUM (voir Le Naïf n° 125), spectacle financé par le Conseil Régional à hauteur de 100 000 Euros. Nous avions dénoncé une opération coloniale méprisante pour les peuples de la Caraïbes. En effet Philippe ADRIEN avait délégué deux de ses adjoints pour mettre en scène son ancienne élève Aurélie DALMAT, celle-ci lui ayant passé commande de ce spectacle financé donc avec des fonds publics. Il s’était contenté d’arriver deux semaines avant la première pour les « derniers réglages ». « Un spectacle bon pour les antillais, pas pour les parisiens » avions nous titré, en affirmant que jamais ce metteur -en-scène de renom, n’accepterait d’endosser devant les siens, parisiens donc, la paternité d’un aussi mauvais travail. Nous serion-nous trompés? Hélas mille fois hélas!

Depuis le 13 septembre et jusqu’au 23 Octobre 2005 il met en scène un autre Racine,  » Andromaque  » présenté dans la presse parisienne ( Télérama, Les Echos) et sur son site du Théâtre de la Tempête dans la rubrique actualité( http://www.la-tempete.fr/

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« Roméo et Juliette » se donne à voir, moins à entendre? Une ouverture de saison théâtrale plutôt réussie

— Par Roland Sabra —

Avant toute chose il faut rendre grâce à Ludwin Lopez, homme de talent et scénographe attitré de Yoshvani Medina. Il a dessiné pour « Roméo et Juliette » un bel espace dans une succession de tableaux réussis. Nicole Vilo à la réalisation des costumes et des accessoires, Sylviane Alphonse la modéliste, Denise Atouillant la couturière participent à la mise en valeur du travail de Ludwin Lopez. Le spectacle, grâce à lui est un plaisir pour les yeux, encore que l’usage abusif de films de PVC n’ajoute pas forcément à la beauté…. justement plastique du plateau. Mais il est bien épaulé par les très belles lumières de José Cloquell. A la contrebasse Carlos Pinto, chargé de la direction musicale s’efforce avec succès d’être en harmonie, c’est le moins qu’on puisse attendre, avec les propos de la scène. Par contrecoup les chansonnettes poussées par Yoshvani Medina, passent plus difficilement la rampe. D’ailleurs la jauge de la salle, la profondeur de la scène supporteraient l’utilisation de micro VHF par les protagonistes. Mais si l’on ajoute que la transposition à Saint-Pierre loin de mutiler la pièce de Shakespeare est tout à fait crédible et en souligne avec bonheur l’intemporalité on peut se demander d’où vient ce sentiment mitigé à la sortie de la salle?

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