Catégorie : Théâtre

La souffrance à visage humain et le risque de la purification éthique

—Par Jack Dion—

marie-sohna_condeAu théâtre de l’Aquarium, Pascale Henry propose À demain, plongée dans l’univers de la souffrance à visage humain.
La scène baigne dans l’obscurité. Un homme (Julien Anselmino) emmitouflé dans un anorak est assis sur une chaise. En face, à côté d’un bureau, une femme (Marie-Sohna Condé). Ambiance à la kafka.
Commence entre les deux personnages (lui interrogé, elle interrogatrice) un dialogue parfois aussi obscur que le plateau. Il y est question de blessure à la main, de souffrance, de non-dit, de nécessité de parler (elle), d’impossibilité de franchir le pas (lui). Le ton monte. Il la menace, elle a peur, puis elle sort, lui intimant le conseil de bien réfléchir.
D’où vient la blessure de l’homme? Est-on au lendemain d’une guerre civile ? Ou après une occupation d’usine ayant mal tournée ? S’agit-il d’une manif ayant dégénéré ? On ne le saura jamais. Certains le regretteront arguant que la clarté du propos en subit les conséquences. D’autres y verront la force du spectacle À demain, écrit et mis en scène par Pascale Henry.

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Que vive l’humour vache !

La chronique théâtrale de Jean-Pierre Léonardini

chiens_de_navarre(c) P. Lebruman

Les Chiens de Navarre ne respectent rien, sinon la scène, conçue comme le lieu d’élection du saccage des souverains poncifs qui gèrent le fameux « vivre ensemble ». Leur troupe, née en 2005, pratique la création collective, la mise en scène incombant à Jean-Christophe Meurisse. Ils s’offrent un petit festival au Rond-Point, avec Une raclette, Regarde le lustre et articule et Nous avons les machines (1). Une raclette, ça commence pleins feux. Ils sont cinq autour d’une table. Plus ou moins emperruqués, ils picolent en picorant des cacahuètes et se foutent de la gueule du monde, soit du cher public. C’est déjà drôle, même si un léger frisson vous parcourt. Et s’ils allaient me prendre comme tête de turc ? C’est avec eux le risque. Ils ne s’épargnent pas, vous allez voir. Pourquoi nous ménageraient-ils ? Deux sont arrivés en retard. De vannes en calembours, on attaque une pendaison de crémaillère, lors d’une soirée entre voisins. On débite des platitudes, on parle du syndic, de la nourriture bio, des méfaits du tabac, etc.

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« Nous étions assis sur le rivage du monde »

Rendez-vous sous haute tension 19 février au centre culturel de Sonis en Guadeloupe 21 février au Musée de la Pagerie au Trois-Ilets 22 février au Centre culturel de rencontre de Fond Saint-Jacques à Sainte-Marie

—Par Chrisian Antourel & Ysa de Saint-Auret —

vagueUn dimanche, le soleil au zénith. Une femme qui se réjouit à l’idée de retrouver sa  plage de prédilection. Le rivage du monde, connu dans son enfance et lieu de rendez-vous avec des amis qu’elle doit rejoindre. Ses amis sont en retard. Là, un homme prétextant que la plage est à présent privée, lui en interdit l’accès. La femme ne capitule pas. S’ensuit un dialogue de sourds, cadre d’une joute physique et mentale, où l’intensité dramatique ira crescendo jusqu’au dénouement.

Comme  pour comprendre la vie en jouant avec les limites de l’extrême,  pour mieux dire l’étrangeté et l’absurde du refus. Le théâtre selon Pliya est une sorte de mécanique où il pousse ses personnages dans leurs retranchements.

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Les mots justes pour dire le conte social

—Vu par José Alpha—
j-c_duvergerLa Carte blanche donnée à Jean-Claude Duverger, vendredi soir dernier, par la direction de l’Atrium, a permis de révéler aux nombreux spectateurs de la salle Frantz Fanon, un beau récital « Des mots pour le dire ». Des mots justes, sans emphase, sans détour, ciselés à la pointure des histoires et des contes considérés comme sociaux, et initiatiques, que le comédien, poète conteur et acteur Jean Claude Duverger, transporte avec lui comme des porte-bonheurs depuis les premiers sourires de sa mère, dit-il.
Un pinceau lumineux blafard qui rappelle ces ambiances insolites des histoires en demi-teintes, révèle un personnage attablé, dos au public. Il a en fait la tête posée sur les avant bras, et on comprend qu’il s’est assoupi sur un paquet de feuilles certainement dactylographiées d’où émergera le récit d’une adolescence espiègle façonnée pour partie, par une dame Paulette appréciée pour « ses gros tétés et ses formes généreuses à énerver les messieurs. »

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La Nuit juste avant les forêts interprétée par Jacques-Olivier Ensfelder : Incandescent !

b-m_k« Chacune de tes paroles s’encombre d’un débris de mes rêves. » Aimé Césaire (1)

Par Selim Lander – Rien de plus tentant pour un comédien de théâtre que le monologue : seul en scène, donc assuré d’avoir le premier rôle, il ne craint pas de se faire voler la vedette par un camarade. Surtout – pour peu que son personnage soit suffisamment riche – il est en position de donner toute sa mesure, en visitant tous les registres, du sérieux au comique, de l’enfant au vieillard, du masculin au féminin, du sage au fou. Or le texte de Bernard-Marie Koltès possède tout ce qu’il faut pour faire briller les mille facettes d’un acteur doué.

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Mwen domi déwo (j’ai dormi sous les ponts) ou « La nuit juste avant les forêts » de Bernard Marie Koltès

Vu par José Alpha
la_nuit_juste_avant-alphaPlacés sur la berge d’en face du pont qui enjambe la rivière, vraisemblablement à l’une des sorties de la ville, les spectateurs voyeurs assistent en grimaçant aux délires lucides d’un exclu.  Celui qu’a choisi de nous montrer le comédien Jacques Olivier Ensfelder  (JOE), extrait du Théâtre de Bernard Marie Koltès  « qui exprime la tragédie de l’être solitaire et de la mort ».
Un jeune type échoué à l’une des passerelles d’une existence perdue, qui s’agrippe encore aux pieds d’une sin city (ville du péché) dont les eaux usées charrient hors des murs des tragédies qui nous remuent encore.
C’est dans ce contexte pathétique que José Exélis, le metteur en scène,  raconte sous le lustre d’une bourgeoisie désuète qui pendouille au dessus de l’aire de jeu, l’errance ensorcelée (la drive) identifiée par l’anthropologue Gerry L’Etang, de trajectoires « empêchées, disloquées, révélatrices d’un malaise général dont elles sont les symptômes les plus poignants ».

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Une performance de Jacques-Olivier Ensfelder, entourée d’artifices inutiles

"La nuit juste avant les forêts" à Fort-de-France

 Modifié le 02-02-2014

j-o_ensfelderJacques-Olivier Ensfelder ( photo) fait montre d’un grand talent dans «La nuit juste avant les forêts ». Il portait en lui ce texte comme on garde un mystère. Depuis de longues années. Au fond du cœur. Étranger à lui-même et si proche, comme un enfant qui vous déchire de trop vous ressembler. Il porte le texte qui souvent l’emporte. C’est une bataille douce et douloureuse qu’il livre sur scène, dans une chorégraphie amoureuse avec les mots, les sonorités, les registres de langage, la musicalité de la phrase. Les scansions, les découpes qu’il opère dans le texte, se construisent comme témoignages de fidélité et de reconnaissance, comme preuves d’amour à l’auteur trop tôt disparu. Seul en scène il convoque la multitude des rencontres éphémères, des amoures sans lendemains, des déceptions d’une demande infinie dont l’objet toujours se dérobe à ne pouvoir être nommé. Sec et nerveux, violent et précis le phrasé épouse et enlace le propos, lui accorde des plages de repos, de calme précaire sur fond d’inquiétude sans cesse renaissante.

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« La nuit juste avant les forêts » : un texte difficile !

Entretien avec Roland Sabra. Propos recueillis par Yvonne Guilon, journaliste à Radio Caraïbes International (R.C.I.)

la_nuit_juste_avantYvonne Guilon : Comment se présente le texte « La nuit juste avant les forêts » ?
Roland Sabra : « Le texte est difficile ». C’est Bernard-Marie Koltès qui l’écrit dans une lettre à sa mère le 14 juin 1977 peu avant la création de la pièce au festival Off d’Avignon.
Yvonne Guilon : Alors pourquoi le texte est-il difficile ?
R.S. :Pour plusieurs raisons.
Premièrement, parce qu’il est composé d’une seule phrase d’une soixantaine de pages, écrite à la première personne, sans point de ponctuation. C’est dans la découpe qu’il opère dans le texte que le comédien prend ses respirations.
Deuxièmement, la construction du texte relève d’un genre tout à fait particulier. Ce n’est ni un monologue, dans lequel le discours s’adresse à un absent qui pourtant existe, ni un soliloque, c’est-à-dire une adresse du personnage à lui-même sans considération aucune pour un tiers. Le texte est en réalité un quasi-monologue c’est-à-dire un discours adressé à un tiers, présent hors-scène mais dont le spectateur doit très vite avoir la certitude qu’il ne répondra pas.

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Danse avec le loup : « Monsieur, Blanchette et le Loup » de José Pliya

— Par S.L. & R.S. —

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Inspirée de La chèvre de Monsieur Seguin d’Alphone Daudet, du roman Les soleils des indépendances de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, et des éleveurs peuhls d’Afrique, la pièce, Monsieur, Blanchette et le Loup forme un diptyque avec une œuvre précédente de José Pliya « Mon petit poucet » créée en 2011. Monsieur, propriétaire terrien a pour seule ambition de vivre seul, en paix avec une compagnie de chèvres qu’il chérit par dessus tout. Descendant d’une famille de nobles dont le rang s’élevait à la hauteur du nombre de vaches possédées, lui n’élève que des chèvres, la vache du pauvre ainsi qu’on la désigne en Asie. Est-ce par goût dénaturé ou par nécessité financière d’une noblesse sur le déclin ?

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Le retour du Théâtre populaire en Martinique

 — Par J. José Alpha —
sainte_jeanne-4Sainte Jeanne des abattoirs ? … pétillant !  ai-je répondu à un camarade soucieux de ce que je pensais à la sortie du spectacle théâtral qui ouvrait la rentrée 2014 du Théâtre Aimé Césaire de la Ville de Fort de France.
Pétillant,… pour qui apprécie les « bulles » qui font  doucement tourner la tête, et qui vous excitent comme les images en noir et blanc d’une bande dessinée des années 30 sur fond de crise économique et sociale aux Etats unis, plus précisément à Chicago.
Etourdissant,…  pour qui accepte de se laisser emporter par le rythme enlevé et parfois frénétique du conte social de Bertold Brecht mis en scène par Irène Favier ; une mise en scène épurée et joyeuse transmise avec intelligence aux comédiens de la Compagnie Les Ehontées.
Emouvant, … par une Jeanne Dark pathétique qui croit en la bonté, à la morale politique, en la pitié du capitalisme. Avec son groupe des Chapeau noirs, elle portera « la bonne parole » aux ouvriers pour tenter de désamorcer leur colère d’exploités,  pour se rendre compte qu’en fait elle joue le jeu du « patron».

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Jeanne Dark contre Pierpont Mauler, du théâtre politique d’avant-hier

—Par Selim Lander—

 Ste Jeanne des AbattoirsPour les lecteurs de Madinin’art qui n’auraient pas vu la pièce de Brecht présentée la semaine dernière au Théâtre municipal, c’est bien de Sainte Jeanne des Abattoirs qu’il sera question ici. Les ravages du capitalisme sauvage, plus particulièrement dans sa version mafieuse du Chicago des années vingt sont bien connus. Ils l’étaient certes moins quand Brecht écrivit sa pièce, en 1931 ; celle-ci possédait donc incontestablement à l’origine une force politique hélas disparue. Qui pourrait en effet se montrer encore naïf à l’heure de la mondialisation, des délocalisations et des paradis fiscaux, à l’égard d’un capitalisme qui affiche désormais son cynisme sans la moindre vergogne ? Cela étant, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs onguents, paraît-il, ce qui signifie en l’occurrence que les sujets ne sont jamais démodés au théâtre. Il n’en va pas de même de la manière de les traiter, et bien que le signataire de ces lignes n’ignore pas que nombreux sont ceux qui voient dans Brecht un auteur génial et au génie indémodable, il considère pour sa modeste part que si Brecht fut un auteur incontestablement important, qui a marqué l’histoire du théâtre, la plupart de ses pièces sont au contraire démodées.

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« Sainte Jeanne des Abattoirs » : en noir et blanc

Au Théâtre de Foyal 16, 17 et 18 janvier

—Par M’A —

 sainte_jeanneCe n’est pas la pièce la plus légère du répertoire brechtien, c’est même, sans doute, une des moins aériennes sur le plan de la dialectique.. Écrite en 1932, elle n’a jamais été représentée du vivant de l’auteur ne donnant lieu qu’à une lecture radiophonique partielle. Ce n’est que trois ans après sa mort que la création est faite à Hambourg en 1959.

Le thème de la pièce est directement inspiré de la grande crise de 1929. Pierpont Mauler, roi de la viande et magnat de la conserve, veut se débarrasser de ses concurrents en lesconduisant à la faillite, ce qui a pour conséquence « annexe » d’accroître le chômage et le désespoir des travailleurs. Jeanne Dark (!) militante exaltée des « Chapeaux Noirs » s’épanouit dans le registre de la commisération débordante, de la compassion dégoulinante, du pacifisme béât, de la religiosité désarmante. Elle désire le bien des ouvriers, eux qui n’en n’ont déjà pas beaucoup.

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Le capital brûle les planches

— Par Marina Da Silva —

angle_alphaÀ partir de Capitalisme, désir et servitude, lecture de Marx et Spinoza par Frédéric Lordon, Judith Bernard démonte le projet néolibéral de se rendre maître de nos passions.

Judith Bernard n’a pas froid aux yeux. S’emparer de Capitalisme, désir et servitude (paru en 2010 aux Éditions la Fabrique), où Frédéric Lordon démontre, à partir de la notion de servitude conceptualisée par Marx et, plus inattendu, du désir selon Spinoza, que le projet du capitalisme néolibéral est de se rendre maître de nos passions, relevait vraiment du défi. Même revu pour la scène, le texte reste complexe et exigeant, mais elle parvient, avec cinq autres comédiens dont une danseuse, à en faire un objet théâtral intelligible et intelligent, poétique et drôle, Bienvenue dans l’angle alpha.

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Mary Prince : le témoignage d’une esclave

—Par Selim Lander —

Affiche Mary Prince Light B (1)Mary Prince, née « vers 1788 » dans l’archipel des Bermudes, a été esclave jusqu’en 1833, date de l’abolition de l’esclavage par la Grande-Bretagne. Elle a laissé sur la condition servile un témoignage dont il n’existe pas l’équivalent en français. Les hasards de son existence l’avaient conduite à Londres où, après maintes tribulations, elle fut recueillie par Thomas Pringle, le secrétaire de la société anti-esclavagiste. C’est dans la maison de ce dernier qu’elle a dicté son récit, publié en 1831 sous le titre The History of Mary Prince, a West Indian Slave, ouvrage qui a connu deux rééditions la première année et n’a pas peu contribué à populariser la cause abolitionniste. Mary Prince raconte dans une langue sans fioriture mais avec peut-être d’autant plus d’éloquence les horreurs de l’esclavage. Elle le fait avec la naïveté d’un être simple, qui ne demande qu’à aimer et être aimé, qui a adhéré avec enthousiasme au christianisme, mais dont le destin a voulu que, après une enfance heureusement épargnée, elle tombe sur une série de maîtres vindicatifs et cruels. Les châtiments réservés aux esclaves étaient réputés plus durs dans les colonies anglaises que dans les colonies françaises (voir par exemple là-dessus le Père Labat).

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Brecht prend un coup de jeune

—Patrice Trapier —
la_bonne_ame_de_setchouanAvec l’adaptation de « La bonne âme de Se-Tchouan » de Bertolt Brecht par Jean Bellorini, on a tout pour être heureux.
Une troupe de comédiens qui jouent, chantent et se dépensent sans compter; trois excellents musiciens qui, à la manière de Kurt Weill, ponctuent, accompagnent et s’intègrent à la pièce; un texte aux innombrables échos contemporains; un dispositif scénique beau, puissant, multiple. Shen Té est prostituée dans la capitale du Se-Tchouan, c’est en partie la Chine, en partie l’occident, en partie hier (la pièce a été écrite entre 1938 et 1940), en partie aujourd’hui. Les textes de Bertolt Brecht ont valeur de fable.

Trois Dieux chez Brecht, un seul chez Bellorini incarné par Mel Hondo, la voix française d’Eddy Murphy et Morgan Freeman, cherche(nt) désespérément une bonne âme. Sera-ce Shen Té, malgré son métier de prostituée, malgré les embûches que vont lui tendre les pauvre qui l’entourent (il n’y a jamais d’angélisme chez Brecht, les lois qu’il dénonce s’appliquent à tous), ses ruses, son dédoublement avec le cousin Shui Ta. Karyll Elgrichi incarne ce double rôle avec force, tendresse, fragilité.

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« La voix humaine »: d’une distanciation l’autre

 

— Par Roland Sabra —

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« C’est l’extrême sensibilité qui fait les médiocres acteurs; c’est la sensibilité médiocre qui fait la multitude des mauvais acteurs; et c’est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes. » (Diderot, Paradoxe sur le comédien (1773-1780))

A qui se demanderait quelle mouche a donc piqué Michèle Césaire pour nous présenter au Théâtre Aimé Césaire de Fort-de-France, les 14, 15 et 16 novembre 2013, au beau milieu d’une programmation essentiellement consacrée cette année à Bertholt Brecht une pièce de Jean Cocteau, on aurait beau jeu de répondre que si 2013 est l’année ou l’on commémore le centenaire de la naissance d’Aimé Césaire et d’Albert Camus, elle est aussi l’année du tricentenaire de la naissance de Denis Diderot. Si vous n’êtes pas plus avancé dans l’interrogation, si vous vous étonnez du rapprochement entre l’encyclopédiste du dix-huitième siècle, emprisonné pour avoir affronter les pouvoirs institués de son époque et le poète un tantinet mondain soupçonné de collaboration avec les troupes allemandes durant la Seconde guerre Mondiale c’est que vous n’avez pas vu la performance de Nicole Dogué dans « La voix humaine » mise en scène par Marja-Leena Junker.

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Baryshnikov, clown blanc pour Bob Wilson

— Par Barbara Théate —

the_old_womanAux côtés de Willem Dafoe, l’ex-star de la danse joue l’absurde dans une farce surréaliste du metteur en scène américain.

On les croirait sortis d’un film de Buster Keaton ou échappés d’un cirque. Le visage blanc, serrés dans des costumes noirs aux pantalons trop courts, une mèche de cheveux dressée sur le côté de la tête, deux Zébulon sautillants se livrent à un drôle de numéro entre danse, théâtre et mime, né de l’imagination débridée du metteur en scène Bob Wilson. Tels des jumeaux infernaux, Willem Dafoe et Mikhaïl Baryshnikov s’affrontent à coups d’onomatopées hilarantes en équilibre sur un trapèze, se baladant au milieu d’une forêt d’arbres en carton, valsant parmi des installations lumineuses.

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« La voix humaine» de Jean Cocteau, mise en scène par Marja-Leena Junker

Jeudi 14, Vendredi 15, samedi 16 Novembre à  19h30 au Théâtre A. Césaire de Foyal

dogue_nicole-2Nicole Dogué, comédienne née à la Martinique impressionne par la diversité de ses registres, à la hauteur du texte (tension, rage, écoute, dignité, amour empêché). Son jeu de scène s’impose dans les sept premières minutes du spectacle où la femme (la voix humaine) attend le coup de téléphone. Avant le premier « Allo », elle se morfond, fait les cent pas, se saisit d’un énorme oreiller consolateur, fume nerveusement

— Dossier de presse —

Avec La Voix humaine, Jean Cocteau signe en 1927 une forme théâtrale singulière à partir de la seule situation d’une rupture amoureuse d’un lyrisme inattendu. L’exploit stylistique lance un véritable défi à son interprète, seule en scène tout au long d’un acte entier de conversation téléphonique entrecoupée de silences. Seule, une femme téléphone à son amant. Victime de coupures de ligne, troublée par la musique qui s’échappe du lieu inconnu dans lequel il se trouve, la femme dévastée par la cruauté d’un amour qu’elle sait déjà perdu semble encore fuir l’évidence. Ou au contraire, face à l’évidence, les mensonges lui permettent de taire ses souffrances à celui qu’elle aime encore.

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« Une saison au Congo » au Grand Carbet : du grand et bel ouvrage!

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— Par Roland Sabra —

Christian Schiaretti et l’ensemble de sa troupe ont offert à la Martinique, par l’entremise du Conseil Régional et du SERMAC deux heures trente de bonheur les 2 et 3 novembre au Grand Carbet du Parc Aimé Césaire de Fort-de-France. Il n’est pas si fréquent, excepté lors du Festival de la ville capitale, de voir un plateau de théâtre occupé par trois douzaines de comédiens, musiciens et chanteurs majoritairement d’origine africaine, burkinabé, ou antillaise agrémenté de quelques caucasiens. Ce métissage réussi est un des éléments du succès populaire du travail présenté. Il en est d’autres. La pièce en elle- même et la mise en scène participent bien sûr à cette réussite.

 1958 : le Congo actuel, cette invention d’une zone tampon entre les féroces appétits des puissances coloniales britannique, française et allemande est en ébullition. La Belgique qui en a hérité est sur le point de passer la main. L’indépendance est en marche. Un jeune leader, il a 33 ans, à la tête du MNC, le Mouvement Nationaliste Congolais, mène la vie dure aux colonialistes qui l’emprisonnent plusieurs fois et notamment en décembre 1959 alors que se réunit à Bruxelles la table ronde qui doit mener à l’indépendance.

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Césaire ressuscité

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« Une saison au Congo » les 02 & 03 novembre à 19 h 30 au Grand Carbet de Foyal

—Par Odile Quirot —

Son épopée de Patrice Lumumba est mise en scène par Christian Schiaretti. Enfin un spectacle à la hauteur du poète dramaturge !

La gloire est parfois mauvaise compagne. Ainsi pour Aimé Césaire, le dramaturge, curieusement si rare sur nos grandes scènes à sa juste hauteur. Quand «le Roi Christophe» entre au répertoire de la Comédie-Française, en 1991, la mise en scène est un naufrage. Depuis, le désert. La renaissance d’«Une saison au Congo», sa troisième pièce (il en écrivit quatre), fera date. Elle est due à Christian Schiaretti, le patron du TNP de Villeurbanne. Des générations entières vont enfin entendre dans sa splendeur et son mordant cette épopée de l’indépendance du Congo dont le leader, le martyr, est Patrice Lumumba.

Césaire en fait un voyant, un héros messianique de la négritude, un homme seul face à son destin, aux prises avec l’immaturité des indépendances et le cynisme des grandes puissances: Lumumba sera assassiné en 1961.

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Symposium Théâtre Caraïbe – Le Répertoire : le 09/11/2013 au Musée du Petit-Palais

theatre_scenePour la première fois depuis plus de vingt ans, auteurs et spécialistes du théâtre de la Caraïbe, seront réunis à Paris pour échanger autour de du théâtre caribéen et pour  le présenter au monde.
Ceux que l’Histoire a jadis séparés seront capables de se rassembler pour offrir au monde leur imaginaire, leur créativité et la force de leurs pensées.

Alvina Ruprecht, Marie-Noëlle Eusèbe, Jean-Michel Martial et toute l’équipe de la compagnie l’Autre Souffle sont en charge de ce colloque.

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Pourquoi Patrice Chéreau était « inimitable »

— Par  Daniel Barenboïm (Directeur de la Scala de Milan)—

patrice_chereau-2En 1976, à l’occasion du centenaire du Festival de Bayreuth, Patrice Chéreau mit en scène le Ring des Nibelungen, dirigé par Pierre Boulez. Aujourd’hui, ce Ring du centenaire est entré dans la légende. Toutefois, l’année de sa création, cette production provoqua un scandale retentissant, chose que l’on a facilement tendance à oublier.

Ce que Patrice Chéreau donna alors à voir sur la scène du Festspielhaus était totalement nouveau, sans précédent d’aucune sorte. Il situa l’action à l’époque de la première de l’opéra, à la fin du XIXe siècle et s’inscrivit, dans sa direction d’acteurs, en rupture avec toutes les précédentes mises en scène. Subitement, des humains se trouvaient au coeur de l’opéra wagnérien !

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« La dernière scène », texte et mise-en-scène d’Alain Foix

 A l’Atrium les 17 & 18 octobre 2013

— Par M’A—

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Écrivain, philosophe et dramaturge, Alain Foix, né en Guadeloupe, est un homme dérangeant. Et c’est tant mieux. Son théâtre « existentiel et humaniste » s’impose un impératif catégoriel, celui de ne jamais verser dans la facilité mais toujours s’imposer de penser avec une exigence éthique. Dans le combat entre existentialisme et essentialisme il est clairement du côté du premier terme. Il a d’ailleurs écrit dans Libération en 2001 un papier qui a fait date, notamment par les réactions d’incompréhension qu’il a suscité. Le titre était « Adieu négritude ». Fin lecteur de Sartre il déclare « la négritude [est] un concept opératoire qui a pour fin sa propre fin. La négritude ne peut pas exister au-delà du dépassement de cette condition-là, sinon, c’est l’essentialisme dans lequel tout est possible et d’abord le racisme. »

On trouvera l’illustration la plus récente de ce positionnent éthique dans l’écriture de la pièce qu’il nous est donnée à voir à Fort-de-France, « La dernière scène ». Dés les premières lignes il précise « « L’auteur prend, dans tout cet ouvrage, le parti, à l’encontre de la convention, d’écrire blanc ou noir, lorsqu’il s’agit de personnes, avec des minuscules.

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Les Chiens de Navarre : du théâtre foutraque

—Par Selim Lande—

 Les Chiens de Navarre (Vieillir ensemble)Huit comédiens emmenés par un directeur, Jean-Christophe Meurisse, adeptes de l’improvisation collective et déconnante : de quoi faire circuler un peu d’air frais dans le monde souvent compassé du théâtre. Même s’il y eut des précédents, l’un des plus évidents étant le Grand Magic Circus de Jérôme Savary dans les années 1970. Comme ce dernier, les Chiens de Navarre parviennent à attirer un public plus jeune que celui fréquentant habituellement les théâtres, ce qui est à mettre à leur crédit. Musique de foire, provocations en tous genres dont celle qui consiste à déshabiller les comédiens pour un oui ou pour un non : tout est fait pour bousculer et divertir les spectateurs. Sans trop se soucier de la cohérence du propos, comme le montre ce titre d’un des spectacles antérieurs de la compagnie : L’Autruche peut mourir d’une crise cardiaque en entendant le bruit d’une tondeuse à gazon qui se met en marche (sic).

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« La vie de Galilée » à Foyal : du rire à la réflexion

— Par Roland Sabra —

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Dans sa dernière mouture cette pièce de Bertolt Brecht dure 4 heures et mobilise quatre dizaines de comédiens. Elle a donc été peu jouée. La Compagnie du Grand Soir, un nom bretchtien en soi, fait le pari de la présenter dans une version raccourcie à 1 heure et vingt minutes, avec en tout et pour tout cinq comédiens qui endossent quatre à cinq rôles différents, à l’exception du rôle titre tenu avec force par Régis Viachos. Le fil conducteur est donc la vie de Gallilée que l’on suit depuis ses premières découvertes à Padoue jusqu’à Florence où sa puissance de conviction se heurte à un mur, celui des intérêts de l’Église qui ne veut en rien céder sur le géocentrisme, qui place la terre et par conséquence la papauté au centre de l’Univers. Galilée devra abjurer devant le tribunal de l’Inquisition. Brecht inscrit Galilée dans la lignée de savants, tel Giordano Bruno ou Copernic qui se sont heurtés au caractère borné de la Curie, de ses philosophes et autres penseurs officiels. Les compagnons de route du florentin apparaissent comme des naïfs ayant à son égard le même comportement que les dévots à l’égard des papistes.

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