Catégorie : Théâtre

« Antigone in the Amazon », conception & m.e.s. Milo Rau

— Par Michèle Bigot —

Milo Rau et sa troupe du NT Gent een compagnie de l’atelier des activistes du MST revient en Avignon, aprè avoir présenté en 2018 La Reprise- Histoire(s) du théâtre (I). Si le festival d’Avignon n’a pas accueilli comme il l’aurait dû Augusto Boal, avec son Théâtre de l’Opprimé dont Milo Rau est le meilleur héritier, en revanche il a accueilli Christiane Jatahy par deux fois en 2019 et 2021. Or les points communs entre ces deux dramaturges sont légion. Outre le fait de travailler la vidéo de façon originale et de puiser aux sources grecques ( Notre Odyssée 1 &2 pour Jatahy, Antigone et Oreste à Mossoul pour Milo Rau) les deux se nourrissent de l’histoire et de l’actualité du Brésil, depuis la dictature (1964 à 1885) jusqu’à la lutte contre l’extrême droite de Bolsonaro et le soutien au MST (Mouvement des sans-terre). Dans Antigone in the Amazon, l’action se situe dans l’État de Parà, où la forêt amazonienne est en grand danger, victime du pillage organisé par l’agro-industrie. Le coeur du drame est constitué par le massacre de 1996.

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« Welfare », d’après Frederik Wiseman, m.e.s. Julie Deliquet, avec Astrid Bayiha, Salif Cisse…

Dimanche 23 juillet 21h10 sur France 4 ★ ★ ★ ★

La captation vidéo de Welfare en ouverture du Festival d’Avignon 2023 corrige certaines critiques qui portaient sur l’inadéquation du thème abordé avec le gigantisme de la Cour d’honneur du Palais des Papes (Cf nos articles). Les gros plans de la caméra contribuent grandemant à l’individualisation des personnages et des propos qu’ils tiennent. On aura plaisir a retrouver Astrid Bayiha, une habituée des plateaux martiniquais, remarquable, très investie dans le rôle de Mme Turner.

Frederick Wiseman, documentariste américain mondialement connu, a confié à Julie Deliquet, metteuse en scène passionnée de cinéma, le soin d’adapter l’un de ses chefs-d’oeuvre, Welfare, une fresque sociale foisonnante d’humanité. Tourné en 1973, Welfare est le portrait d’une institution, un centre d’aide sociale à New York, dont Frederick Wiseman filme tous les occupants et les rituels. S’y croisent travailleurs sociaux, sans-abris, mères célibataires, enfants et vieux. L’ahurissante diversité des problèmes sociaux, liés à l’absence de travail, d’argent ou à l’incapacité de certains à prendre soin d’eux mêmes, donne lieu à des rencontres et des dialogues puissants, tour à tour tristes, drôles ou étranges.

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« L’exercice du super héros », texte Sébastien Nivault & Martin Grandperret, m.e.s. Emmanuel Vérité

—Dominique Daeschler —

— Avignon 2023 —

Depuis quelques années s’est construit autour du théâtre de l’Oulle un ensemble appelé La Factory qui comprend deux autres salles la chapelle des Antonins et la salle Tomasi, permettant à l’année des résidences d’artistes et un lieu attentif aux compagnies régionales ( répétitions, aide logistique…)

La salle Tomasi accueille, parmi d’autres petite formes, L’exercice du super héros , un spectacle conçu et interprété par Sébastien Nivault( comédien) et Martin Grandperret (danseur). A partir de leur quotidien de travail d’ateliers de pratiques artistiques, ils repèrent, dans un groupe peu littéraire , le rétif, celui qui ne voit pas à quoi cela peut lui servir. Patrick le boxeur, c’est le pragmatique de service qui entrevoit une seule ouverture possible : que ces cours l’aident à draguer ! Appréhension par le geste, la parole, Sébastien et Martin se renvoient la balle, l’un danse quand l’autre parle et vice versa et surtout il joue tour à tour Patrick. Un joyeux punching ball entre les méthodes pédagogiques, leur nécessaire adaptation et leur réception se met en route. Bataille complice des approches psychologiques, analyses pleines d’humour, résistances et découvertes de part et d’autre.

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« Marguerite : le feu », texte et m.e.s. Emilie Monnet.

— Par Dominique Daeschler —

— Avignon 2023 —

Emilie Monnet, artiste multidisciplinaire autochtone travaille au Québec où elle a fondé une plate-forme nomade pour les arts vivants dédiée à la rencontre des artistes des peuples autochtones. Le chant, la danse, la performance sont au cœur de ses créations théâtrales, utilisant des processus collaboratifs et multilinguistiques.

Découvrant la vie de Marguerite Duplessis, née d’une mère autochtone libre et d’un père français et mise en esclavage, elle se penche sur un Canada raciste et colonialiste où les propriétaires pratiquaient la vente et l’achat d’êtres humains . Une mémoire toujours occultée, comme le montre en 2015, le refus du gouvernement conservateur d’ouvrir une enquête sur les femmes autochtones assassinées ou disparues.

Une Marguerite chorale ( 4 comédiennes d’origines différentes) va naître sous la plume d’Emilie, créant un dialogue entre le passé et le présent. Elle renvoie le combat de Marguerite Duplessis qui engage un procès pour faire reconnaître sa liberté et ne pas être déportée en Martinique, à toutes les oppressions faites aux femmes autochtones et afrodescendantes, à la violence des « starlight tours ».

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À Almada, « Ulysse de Taourirt » fait escale

Mon père, ce héros au sourire si doux (Victor Hugo, in Après la bataille)

–– Par Janine Bailly ––

« Conte-moi ô Muse l’homme aux mille tours qui erra longtemps sans répit […] Il endura mille souffrances sur la mer en luttant pour sa survie…» Ainsi l’aède grec, censé être Homère, ouvre-t-il son Odyssée par l’invocation à Calliope, la muse de la poésie. En écho, Abdelwaheb Sefsaf, le comédien chanteur musicien metteur en scène, responsable aussi du texte, ouvre de cette façon le spectacle : « Si tu hantes encore ce théâtre, Muse, conte-moi l’histoire de cet homme ordinaire au destin de héros ». Cet homme, ce héros à l’ombre duquel grandir, cet “Atlas soutenant le monde”, n’est autre que son père Arezki. Mais cet Ulysse, hélas ! sera sans Ithaque, qui construira en Kabylie la « maison de l’impossible retour ». Sa Pénélope, à lui dès l’enfance promise, il ira la chercher en 1960 – et ces moments où l’épouse apparaît ne seront vus que par le truchement de petits films projetés – puis repartira pour la France, après l’Indépendance, « le travail manquant en Algérie ».

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À Almada : A equipa, La enciclopedia del dolor

Un festival de parole et de mémoire

–– Par Janine Bailly ––

Auto-fiction, théâtre documentaire, théâtre documenté… il semblerait que ces formes, dont la première permet d’ailleurs la performance du “seul en scène”, fassent actuellement florès sur les scènes théâtrales. Est-ce un besoin de se dire, d’affirmer qui l’on est, le spectacle devenant alors une sorte de catharsis pour le comédien qui écrit, ou fait écrire un texte à partir de sa vie réelle, avant de l’interpréter, en personne ou non, sur scène ? J’ai déjà parlé de Hanane Hajj Ali se disant dans Beyrouth. Plusieurs autres spectacles ressortent, au Festival d’Almada, de ce genre.

La enciclopedia del dolor , Tomo 1, Esto no salga de aqui 

Interprété par l’acteur argentin Gonzalo Cunill, le texte est écrit et mis en scène par Pablo Fidalgo, originaire de Galice, ce qui apporte une distanciation bienvenue au spectacle, en raison du caractère éminemment intime et de la gravité des faits évoqués. Il s’agit en effet de relater des événements tragiques, ces agressions sexuelles dont furent victimes, dans les années soixante, nombre d’enfants, élèves d’un certain collège religieux de Vigo.

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Avignon 2022 & Almada 2023 : « Ulysse de Taourirt », texte & m.e.s. Abdelwaheb Sefsaf

— Par Michèle Bigot —

« O Muse, conte-moi l’homme aux mille tours qui erra longtemps sans répit… » Cet inventif des temps modernes, c’est Areski le père, autant qu’Abdelwaheb, le fils. Le premier est né à Taourirt en 1948, le second à Saint-Etienne. Le premier découvre la France, le second découvre le théâtre. Deux adolescences racontées en parallèle, sur le mode de l’épopée. Aventure, guerre, périls, souffrances et joies jalonnent les deux odyssées. Chacun incarne un héros contemporain, héros du travail et de la libération pour le père, héros du théâtre pour le fils. Et comme dans toute épopée, la poésie le dispute au drame, grandeur et misère s’y cotoient, l’humour et le pittoresque nourrissent le texte. Dense, riche, le texte est encore enrichi par la musique. Le récit est rythmé par la musique, le chant, la danse. Peu à peu le puzzle de ces deux vies parallèles se dessine, à la faveur d’un récit alternant les deux intrigues. Par une habile construction narrative, les scènes font alterner la vie au village de Kabylie et la vie à St-Etienne. Abdelwaheb raconte sa vie et celle des siens, la famille, les amis.

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« Je ne suis pas d’ici je suis ici », texte, m.e.s. & jeu Véronique Kanor

Festival d’Avignon off 2023

— Michèle Bigot —

Troisième édition de ce spectacle à la Chapelle du verbe incarné. En l’occurrence le lieu n’a jamais si bien porté son nom car Véronique Kanor en est à la fois l’autrice et l’interprète. Ce seule-en-scène est une performance poétique, rythmée de danse, de mélopée et ponctuée d’images vidéo qui soulignent le propos. Incarné au plus haut point, ce spectacle l’est en vertu de la présence physique de l’interprète, de sa voix, de son regard. Le lieu est intime, presque confidentiel et rien n’est perdu de l’émotion de la poétesse, de sa colère, de son espoir, de son amour du langage.

C’est son histoire qu’elle raconte, une histoire vécue dans sa chair, on ne peut s’y tromper. Mais c’est aussi un questionnement sur l’altérité, sur la couleur de la peau comme différence. « Je suis seule en scène…mais il y a mille regards, mille présences, mille paroles qui surgissent derrière moi sur l’écran qui m’accompagne » dit-elle. Ajoutons que l’écran lui-même possède une force d’émotion remarquable. C’est tout sauf une surface neutre, puisqu’il est fait des vêtements, lambeaux d’étoffe qu’on dirait récupérés sur des corps humains oubliés.

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« A Noiva e o Boa Noite Cinderela ». Texte, conception, m.e.s., dramaturgie Carolina Bianchi

— Par Dominique Daeschler—

— Festival d’Avignon — Carolina Bianchi, metteuse en scène, autrice et interprète travaille à Amsterdam avec le collectif artistique Cara de Cavalo. Elle aime mêler performance, danse, théâtre pour entrer dans un univers syncrétique qui crée volontairement ou non une confusion entre réel et imaginaire, entre passé et présent.

Elle entre seule en scène (première partie) et livre en conférencière de l’histoire de l’art, son interprétation de « la chasse infernale » de Botticelli où une femme est dépecée par des chiens et passe vite aux violences sexuelles. Sont évoqués le meurtre et le viol de l’artiste Pippa Bacca qui, dans une performance itinérante avec une partenaire, avait fait le pari de traverser en stop l’Europe habillées en robes de mariée, symbolisant l’union entre les peuples. Une double interrogation est menée sur la place difficile des femmes dans le milieu artistique et les agressions sexuelles qui vont jusqu’au féminicide. Double négation. Carolina Bianchi refuse d’entrée la compassion, la victimisation, la résilience, la sororité . Aller plus loin c’est se mettre en jeu physiquement en entrant à son tour dans une performance qui réveille la mémoire et appuie sur le traumatisme.

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« Maison close, ( Chez Léonie) », texte, m.e.s. & jeu Agnès Chamak et Odile Huleux

— Par Dominique Daeschler —

— Festival d’Avignon —

Une fois n’est pas coutume et la curiosité piquée par une présentation enjouée m’a conduite à aller voir ce que je ne vois jamais : du théâtre de boulevard. Tout y est : la jeune provinciale sans expérience, l’ultra-lucide, la maîtresse femme qui s’illusionne sur sa possibilité de mariage, la tenancière près de ses sous, le commissaire qui a ses habitudes, le rabatteur aux abois, l’inspecteur tatillon et intègre, le fils de préfet maladroit. Ça tourbillonne, un incessant ballet d’entrées et de sorties avec froufrous et retournements de situation va-il pouvoir pallier l’homicide involontaire du jeune homme de bonne famille ? De la dissimilation au fiasco il n’y a qu’un pas. Pas de scrupules et pas de psychologie : le temps d’entrapercevoir une solidarité féminine , le pragmatisme prend le dessus et la maison brûle effaçant toute preuve. Les répliques claquent, les accessoires jouent leurs partitions et les comédiens, excellents, dans une belle complicité de jeu, s’en donnent à cœur joie dans la caricature.

Théâtre des Brunes.16h40. Jusqu’au 29 juillet, relâche les 10,17 et 24

Auteurs

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« Vivarium », d’après Roamin Gary, m.e.s. & jeu Fred Cacheux

—Par Dominique Daeschler —

— Festival Avignon —Fred Cacheux s’empare de Gros Câlin, un des romans que Romain Gary publia sous le pseudonyme d’Emile Ajar et en fait un petit bijou : finesse de l’adaptation, bonheur du jeu . Le comédien passé par la Comédie Française, longtemps permanent du Théâtre National de Strasbourg, est sur scène ,seul, comme un poisson dans l’eau faisant de la durée du spectacle (1h30) un argument au service de la connaissance de son personnage Monsieur Cousin, sans redondance. Dans son costume étriqué d’employé de bureau effacé, ce dernier fait consciencieusement son travail et rentre en solitaire dans son petit appartement retrouver son …python surnommé Gros Câlin. Ceci intrigue ses collègues de bureau, suscite des problèmes avec les voisins quand Gros Câlin explorant les tuyauteries pointe sa tête dans les toilettes de l’appartement du dessous. Comment Monsieur Cousin amoureux mais ne souhaitant pas se séparer de son python va-t-il sans sortir ? Le texte de Gary reprend des thèmes qui lui sont chers : la solitude, le spleen, l’ambiguïté, la difficulté du regard de l’autre. Ce n’est pas mièvre mais enveloppé d’humour comme une politesse extrême.

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EXIT ABOVE, after the tempest, d’Anne Teresa De Keersmaeker, Jean-Marie Aerts, Meskerem Mees, Carlos Garbin.

— Par Dominique Daeschler —

Dans cette nouvelle création, la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker associe d’emblée à la construction du spectacle Jean Marie Aerts architecte sonore du groupe fondé par Arno, Meskerem Mees autrice-compositrice-interprète- qui est proche du songwriting et danse aussi sur scène en compagnie du danseur guitariste Carlos Garbin. Plus que jamais, le rapport à la musique qui s’est développé au fil du temps dans ses chorégraphies, est présent : rapport à la pop, à la chanson, au blues, références à la dance et aux beats, amplification des instruments…Les chemins musique et danse sont d’abord tracés de façon parallèle avant une mise en commun qui dessine le corps du spectacle et son âme

Le point de départ est un hommage au bluesman Robert Johnson mâtiné d’une référence à la Tempête de Shakespeare, cœur de cyclone qui déchire l’espace (une grande toile en fond de plateau) et interroge l’humanité dans son devenir. L’univers, qui colle à merveille au grand plateau de la Fabrica, est celui d’un gymnase ( souvent lieu de refuge en cas de catastrophe naturelle), au sol des diagonales, des lignes droites, des courbes de couleurs différentes qui sont dédiées aux parcours singuliers des douze danseurs.

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« Iphigénie à Splott », de Gary Owen, m.e.s. de Geroges Lini

— Par Michèle Bigot —

Iphigénie habite à Splott, un quartier déshérité de Cardiff. elle s’appelle Effie, Iphigénie, c’est le nom de son destin. Du père, il ne sera pas question. On ne parlera que de sa grand-mère. Famille même pas mono-parentale. Effie est livrée à elle-même et à son présent désespérant. Devant no future! La friche industrielle, la cité, les ordures, les pubs pleins à craquer, les parcs abandonnés, et la rue pour tout horizon, les merdes de chien sur le trottoir. alors l’alcool, la baise, et encore l’alcool. Rien d’autre n’existe, de toute façon. Effie, c’est la marginale, la paumée, celle qu’on évite dans la rue, celle qu’on ignore et que beaucoup insultent. Mais elle estvive, drôle, combative, pleine de vie. Elle a pour elle sa clairvoyance et son franc-parler. Elle ne recule devant rien , ne baisse les yeux devant personne. C’est une guerrière, pas comme son blaireau de petit copain qui la suit comme un toutou.

Et puis voilà qu’un jour elle rencontre l’amour, le vrai, celui qui change tout. Elle y croit ferme, pour la première fois elle ne se sent plus seule.

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« La joie ! », texte et m.e.s. Louise Wailly & « J’aime », texte Nane Beauregard m.e.s et jeu Laure Werckmann

— Par Dominique Daeschler—

FESTIVAL D’AVIGNON OFF.

Sur une échelle un personnage dans une carapace d’insecte (clin d’œil à Kafka ?) vite délaissée s’empare de la joie comme d’un problème à résoudre, convoquant tour à tour Spinoza et Montaigne, avec des plumes , en femme. Il y a comme un acharnement à jouer entre pression et dépression, à toute allure. Avec un sens certain du verbe, le comédien très jeune homme de bonne famille gentiment déluré essaie de nous faire adhérer au parti de la joie, en décidant comme lui d’y croire même s’il pencherait plutôt du côté des sceptiques tristounets. Quentin Barbosa se démène sur scène comme un beau diable, tourne en cage, envisage divers plans, invente la carte avec un seul œil pour voir la vie. Ce temps morose et violent de guerre et de pandémie ne pourrait-il pas être bouleversé par un changement radical et collectif qui appellerait le « care » à la rescousse. Le texte est intelligent même si ses nombreuses pirouettes ne facilite pas la tâche d’un comédien doué qu’on a plaisir à suivre sur le plateau.

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Au festival d’Almada, L’ Anniversaire, ou Pinter mis en scène par Peter Stein

Un des moments du festival les plus attendus : la soirée d’un duo gagnant, Pinter / Stein

– Par Janine Bailly –

Réunir au festival d’Almada deux “monstres sacrés”, deux “figures de proue” du théâtre actuel,  c’est l’un des petits miracles auxquels nous convie le directeur, Rodrigo Francisco.

Harold Pinter, dramaturge britannique disparu à Londres en 2008, nous reste proche par la grâce des pièces qu’il a écrites, et qui régulièrement sont portées à la scène : ainsi ai-je pu voir en juin le diptyque proposé à Paris, au Théâtre de l’Atelier, par Ludovic Lagarde, à savoir L’Amant et La Collection, œuvres complémentaires, qui autopsient de façon acidulée, tranchante et drôle, la vie du couple, l’amour, le désir, et le quotidien le plus banal où se glissent peu à peu l’ambiguïté, le mensonge, et les faux-semblants. Où l’on finit par accepter de vivre dans l’étrange et l’inconfort. 

Peter Stein, lui bien vivant, que par bonheur nous pouvons voir et entendre lors d’une “Conversa na esplanada”, une conversation en plein air en fin d’après-midi, est celui qui dans les années soixante-dix redonna vigueur à un théâtre allemand embourgeoisé et encalminé, dirigeant un temps Die Berliner Schaubühne, le célèbre théâtre de Berlin.

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« Les femmes de la maison ». Écriture, m.e.s. Pauline Sales.

— Par Dominique Daeschler —

FESTIVAL D’AVIGNON0FF

Pauline Sales empoigne le féminisme, son aura et « ses mauvaises fréquentations ». Un état des lieux en trois étapes : époques différentes, personnages différents dans un seul lieu, dans une même situation.

Un cinéaste documentariste ( spécialisé dans le tournage de « révolutions ») rachète à sa femme la maison dont il lui avait fait cadeau pour servir de lieu de résidence et de création à des artistes femmes. Il s’autorise régulièrement de petites incursions qui ne manquent pas de le remettre en question. Au fil des ans, la résidence d’artistes vire à une communauté de femmes qui passera d’un mode baba ( Ah! les coussins roses échancrés en leur milieu d’une grande fente rouge !) à un mode plus people avant d’entrer dans l’espace de la sororité, d’évoquer l’homosexualité, d’interroger le genre et les assignations et appellations contrôlées homme- femme, le racialisme…et l’écriture, les écritures. Pauline Sales a le verbe haut, malicieux, secoué de rires : celui qui se retourne comme un gant et fait théâtre avec un sens aigu de la dramaturgie et de la politique.

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« Welfare », m.e.s. Julie Deliquet.

— Par Dominique Daeschler –

Festival d’Avignon.IN.

Julie Deliquet, directrice du TGP, avec une expérience certaine d’adaptation de scénarios, s’attaque à l’adaptation théâtrale du film de Frederick Wiseman, Welfare, qui décrit la vie d’un centre social de New York dans les années 70, en dressant le portrait des usagers et des travailleurs sociaux. Dans une sorte de gymnase réaménagé en urgence vont être livrées aux exigences terre à terre de l’administration – le fameux « remplir les papiers « pour avoir droit à postuler à une aide, des demandes d’urgence qui implique un regard humain sur la situation et un soutien loin de toute rigidité administrative. Réunis par la douleur de vivre au quotidien, défileront, le blessé du Vietnam, la petite vieille un peu juste du caboulot, la femme délaissée avec ses gosses , la grande gueule, le cacou, celui qui n’a jamais travaillé, la femme mytho, l’apatride, le sans abri …. Autant d’abîmés par la vie qui connaissent l’usure, la faim et se heurtent à l’absurdité de règles auxquelles ils ne peuvent répondre, faute le plus souvent de critères concordants.

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« Iphigénie à Splott », de Gary Owen, m.e.s. Geroges Lini

— Par Michèle Bigot —

Iphigénie habite à Splott, un quartier déshérité de Cardiff. elle s’appelle Effie, Iphigénie, c’est le nom de son destin. Du père, il ne sera pas question. On ne parlera que de sa grand-mère. Famille même pas mono-parentale. Effie est livrée à elle-même et à son présent désespérant. Devant no future! La friche industrielle, la cité, les ordures, les pubs pleins à craquer, les parcs abandonnés, et la rue pour tout horizon, les merdes de chien sur le trottoir. alors l’alcool, la baise, et encore l’alcool. Rien d’autre n’existe, de toute façon. Effie, c’est la marginale, la paumée, celle qu’on évite dans la rue, celle qu’on ignore et que beaucoup insultent. Mais elle festive, drôle, combative, pleine de vie. Elle a pour elle sa clairvoyance et son franc-parler. Elle ne recule devant rien, ne baisse les yeux devant personne. C’est une guerrière, pas comme son blaireau de petit copain qui la suit comme un toutou.

Et puis voilà qu’un jour elle rencontre l’amour, le vrai, celui qui change tout. Elle y croit ferme, pour la première fois elle ne se sent plus seule.

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« An oak tree » texte, m.e.s. & interprétation Tim Crouch

— Par Michèle Bigot —

Cloître des Célestins, Festival d’Avignon 2023

La foire aux illusions, tel est ce spectacle de Tim Crouch créé en 2005 et tournant largement de par le monde aujourd’hui. Il répond parfaitement à l’ambition affichée par Tiago Rodrigues, faire de cette 77ème édition un focus sur le théâtre britannique. Britannique jusqu’au bout du plateau, cette pièce l’est bien. Digne fils de Vanity fair, émule du baroque shakespearien, Tim crouch fait de la scène théâtrale une foire au boniment, du metteur en scène un hypnotiseur et/ou un thérapeute, un « entertainer » de bas étage. Comment?

Deux personnages occupent le plateau: Tim Crouch et un acteur prélevé dans le public, hier AdamaDiop) qui ignore tout du scénario et à qui il va souffler ses répliques. Première entorse délibérée au fonctionnement ordinaire de l’illusion théâtrale. Le motif est pourtant tragique; il s’agit d’un père confronté au chauffard qui vient de tuer sa fille dans un accident de la circulation. L’idée est que le père va consulter un hypnotiseur pour conjurer son chagrin.

Mais qui est qui? Les deux interprètes vont assumer tous les rôles, celui du père, Andy, celui du chauffard, celui de la mère en deuil, dans un tourbillon des apparences qui exprime le vacillement de la réalité caractéristique d’un tel deuil.

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Du côté des créateurs d’outremer

—  Par Dominique Daeschler —

Chapelle du verbe incarné. TOMA.

Si Pina m’avait demandé de Marion Schrotzenberger

Il y a de la fraîcheur et du culot dans ce « prenez-moi comme je suis ». Une danseuse qui élève seule ses enfants, change d’appartement, manque d’argent et de contrats nous fait entrer dans sa vie : l’école, le coup de fil qui annule un contrat, les jeux des enfants qui déconcentrent, le fouillis de l’appartement. Pour sublimer tout cela, les répétitions à la maison, avec Pina Bausch comme ange tutélaire et modèle. Tonique. De Marion Schrotzenberger on retiendra plus le travail de comédienne que celui de la danseuse. La gestuelle épurée de Pina Bausch est étouffée par un va et vient incessant de changements de costumes qui paraît gratuit, une évocation de diverses formes de danse qui donne un côté catalogue même si on y décèle une énergie pleine d’humour. De même, la présence sporadique du personnage masculin paraît anecdotique. Il reste que Marion Schrotzenberger a choisi la difficulté en nous embarquant dans son univers, quitte à s’y perdre parfois.

12h10.Jusqu’au 12 juillet.

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« Neandertal », texte & m.e.s. David Geselson

— Par Michèle Bigot —

Cette création de David Geselson repose sur une synthèse des recherches sur Néandertal, auxquelles la lecture de l’ADN a donné un nouveau souffle.La question qui hante tous les esprits est de savoir s’il existe une filiation directe entre Néandertal et Homo sapiens. Les résultats de ces programmes montreront que l’on a affaire à deux espèces humaines différentes et qu’il y a eu du métissage entre les deux espèces sur quoi débouche l’homme moderne.

Pourtant ce qui intéresse David Geselson c’est la série d’interférences et de croisements qui se sont opérés entre l’histoire de la recherche et l’histoire politique d’une part , et de l’autre entre la vie des chercheurs et leur recherche. Ces interférences, il en trouve témoignage grace à la biographie du prix Nobel Svante Pääbo, et des vies de Rosalind Franklin, Gregor Mendel Craig Venter et Maja Paunovic. Voilà une démarche d’écriture que le metteur en scène avait déjà éprouvée avec Doreen , adapté à la scène d’après la « Lettre à D. » d’andré Gorz (2017).

Ces croisements sont un matériau parfaitement idoine pour la dramaturgie.

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« K. », texte, m.e.s. Alexis Armengol & « On n’est pas là pour disparaître », adaptation, m.e.s. Mathieu Touzé, d’après le texte d’Olivia Rosenthal

— Par Michèle Bigot —

K., Alexis Armengol

Alexis Armengol, acteur, scénographe et metteur en scène avec toute sa troupe, Théâtre à cru, créée en 1999, est désormais un habitué des plateaux. Son projet artistique se déploie autour de l’accessibilité des nouvelles formes théâtrales. Sa particularité est de croiser les disciplines, créant ainsi un véritable renouveau formel, une aventure théâtrale dans laquelle l’objet scénique est investi d’un rôle important. Sur le plateau se rencontrent les images vidéo, les dessins sur écran, les formes découpées dans des planches, l’image animée, le son, la musique et une prodigieuse gestuelle des personnages, autant comédiens que danseurs, jongleurs et acrobates. Une sorte de théâtral total où tous les sens sont sollicités pour stimuler l’imagination. Le texte fait partie intégrante de cette circulation de vie, il est pris dans la dynamique du drame, jamais isolé. Il y a là un langage scénique vraiment original et renouvelé autant que l’exige le sujet.

Le sujet est ici l’autisme, ou du moins ce qu’on appelle ainsi, faute d’en avoir une plus exacte compréhension. Le spectacle s’ingénie à déconstruire cette étiquette.

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Au Festival d’Almada 2023 : portraits de femme (2)

–– Par Janine Bailly ––

La soumission à laquelle les femmes furent, au long des siècles, contraintes. La soumission à laquelle les femmes peuvent encore être forcées, selon le pays où elles vivent, la fonction qu’elles occupent au sein de la société, l’environnement politique, culturel, religieux qui est le leur : le théâtre, quand il s’inspire intelligemment de la réalité, sait la dénoncer, et cela sans exclure humour, poésie ni qualité littéraire.

Jogging, ou le théâtre comme agora, de et par Hanane Hajj Al

« Je suis un morceau de ce puzzle qu’est Médée », affirme volontiers Hanane Hajj Ali lorsqu’on l’interroge sur l’omniprésence de cette figure mythologique dans son “seule en scène”, une performance qui allie ses deux passions avouées, le théâtre et le jogging. Artiste, chercheuse et pédagogue, figure incontournable de la scène libanaise, elle se déclare citoyenne engagée, qui œuvre pour briser les tabous, les « tirer de sous le tapis » – sexe, religion, politique, le « triangle des Bermudes libanais ». Activiste convaincue, elle défend la liberté d’expression, la démocratisation et la décentralisation de la culture, dans un pays oppressif où toujours règne la censure.

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Au Festival d’Almada 2023, portraits de femmes (1)

Et si l’on parlait des femmes ?

– Par Janine Bailly –

La femme dans tous ses états… telle qu’on l’a vue, telle qu’on la voit, telle qu’elle se voit, bref la femme telle qu’en elle-même… À Almada, trois spectacles pour affiner notre vision, au travers des âges, et sous des cieux différents.

Não andes nua pela casa, ou le vaudeville revisité

Il y eut Labiche, puis Georges Feydeau pour redonner, après une période d’éclipse, ses lettres de noblesse à ce qui se nomme vaudeville ou théâtre de boulevard. Une forme de comédie pour explorer les liens conjugaux, et la place de la femme au sein du couple traditionnel.

C’est la courte pièce de Feydeau, Mais ne te promène donc pas toute nue, traduite par Luis Vasca sous le titre Não andes nua pela casa, que le metteur en scène portugais João Mota – figure incontournable de la scène théâtrale, à qui le Festival rend cette année hommage – a choisi de nous présenter dans le plus beau lieu de la manifestation, le Palco Grande, théâtre éphémère  de plein air installé dans la cour de l’école D.

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« Les Femmes de la maison », écriture et m.e.s. de Pauline Sales

— Pazr Michèle Bigot —

Incontestablement Pauline Salles est la fabuliste d’aujourd’hui, du moins en France, elle n’en est pas à son coup d’essai. Régulièrement présente au off d’Avignon (Normalito en 2011, J’ai bien fait? en 2017 avec son complice Vincent Garanger de la Cie A L’envi ( dans le rôle de monsieur Joris, le seul représentant masculin de l’histoire). Cette fois elle s’empare du mouvement féministe pour en écrire une histoire parodique. L’histoire se déroule sur trois époques de 50 à nos jours, autour d’une seule et unique maison, lieu central de l’intrigue. C’est la Cerisaie d’aujourd’hui, réécrite sur le mode satirique. Au centre, un homme, monsieur Joris, sorte de mécène qui met sa maison à la disposition des femmes artistes, assurant insensiblement son emprise sur elles. Sa seule exigence est qu’on respecte quelques règles de bonne intelligence, laisser une œuvre en fin de séjour et accepter la présence d’une femme de ménage. Mais il reste le maître, le propriétaire et le mécène. Sa domination ne peut être fondamentalement entamée. Les femmes artistes vont s’y succéder, plasticiennes la plupart du temps, (l’histoire s’inspire de Womanhouse, exposition de femmes en Californie de 1972) sauf dans le dernier tableau où la maison devient une résidence d’écriture.

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