Catégorie : Théâtre

Les irrévérencieux

— Par Michèle Bigot —

les_irreverencieuxLes irrévérencieux
Compagnie du Théâtre des Asphodèles,
Festival d’Avignon off, Théâtre Golovine, juillet 2014

« Quand la commedia dell’arte rencontre le Human Beatbox et la danse Hip hop »

La troupe du Théâtre des Asphodèles nous donne ici un spectacle singulier et résolument contemporain, qui emprunte pourtant beaucoup à la Commedia dell’arte. elle avait déjà remporté un vif succès dans le off 2013, à la Chapelle du Verbe Incarné, mais cette année elle fait un tabac⋅ Au cours de l’année 2014, ces comédiens se sont produits au Festival Cap Excellence de Guadeloupe⋅ Emportée par la thématique de l’irrévérence, comme vecteur d’insolence, d’irrespect et de novation, la troupe renouvelle l’approche de l’écriture théâtrale en puisant aux sources du théâtre populaire, tout en lui insufflant une inspiration nouvelle, tirée de la culture Hip-hop.

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Mangez-le si vous voulez

— Par Michèle Bigot —

mangez-leMangez-le si vous voulez
D’après le texte de Jean Teulé,
Adaptation et mise en scène J.-C. Dollé et C. Morgiève
Festival d’Avignon off, Atelier Théâtre actuel

L’histoire racontée par Jean Teulé est exemplaire : l’action se situe en 1870, en pleine guerre contre les Prussiens, après le désastre de Reichshoffen ; le climat anti-prussine est à son comble, et le cadre des événements est le petit village de Hautefaye dans le Périgord⋅ Un homme du nom d’Alain Monéys va être lynché et partiellement dévoré par ses concitoyens et amis au motif qu’il aurait dit un mot de travers⋅ En fait ses propos sont délibérément interprétés à contresens par des paysans hostiles visant à se venger de la supériorité de classe d’Alain et cherchant un exutoire à leur haine du Prussien⋅
Ce fait divers fait partie des événements honteux de l’histoire française, dont il est peu parlé.
Le texte de Jean Teulé vient à point pour fournir un exemple de ce que peut faire la xénophobie et la haine de l’autre.
C’est un réquisitoire, mené sur le mode du récit historique.

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Money

— Par Michèle Bigot —

money-400Money
Création Zoo Théâtre, écriture collective
Mise en scène Françoise Bloch,
Festival d’Avignon off, juillet 2014

Le théâtre est-il en mesure de malmener la « chose économique » ? On a quelque raison de penser qu’il peut du moins l’interroger, en démonter les mécanismes, en dénoncer la phraséologie, et qu’il est même très bien placé pour le faire⋅ L’univers économique, en ces temps de financiarisation intense, repose avant tout sur une logomachie, un discours oiseux emprunt de verbalisme, qu’un public naïf prend pour argent comptant, si on peut se permettre ce mot⋅ Le triomphe des marchés financiers repose sur des mécanismes occultes, mais non moins sur la crédulité des gogos⋅ Malheureusement, nous sommes tous des gogos face à nos banquiers et le discours de la classe politique, comme celui des media ne fait que renforcer cette duperie.

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Avignon 2014 : Gianina Cărbunariu, Claude Cohen

— Par Selim Lander —

Solitaritate

Mise en scène de Gianina Cărbunariu

Festival d’Avignon in, juillet 2014, Gymnase du lycée Mistral

solitaritate_(c)_paul_bailaLa dernière œuvre de la metteuse en scène roumaine Gianina Cărbunariu, s’inscrit dans le programme « Villes en scène » et bénéficie à ce titre de subventions européennes. Outre Avignon et Sibiu (Roumanie), elle doit être montrée à Bruxelles, à Paris, à Göteborg, à Naples et à Madrid. Cela fait beaucoup d’honneur pour une pièce qui déçoit en dépit de ses bonnes intentions. Le point de départ, pourtant, ne manquait pas d’intérêt : présenter en quelques tableaux certains aspects de la société roumaine contemporaine. Défilent ainsi successivement la décision d’édifier dans la ville de Baia Mare un mur pour isoler le quartier des Roms (avec la complicité du chef de leur communauté !.)

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Avignon 2014 : « La Imaginación del Futuro »

Imaginacion del futuro1Par Selim Lander – Neuf comédiens : sept garçons et deux filles. Parmi les garçons, deux n’ouvriront pas la bouche : celui qui interprète l’adolescent (cf. infra) et celui qui, dissimulé sous un masque de gorille, fait le machiniste sur le plateau. Au centre, un bureau imposant et le fauteuil qui va avec. Sur les côtés, des tables, un divan, quelques chaises, une caméra, des micros. Au départ, le rideau de fond de scène représente la façade endommagée du palais de La Moneda, siège de la présidence chilienne, là où Salvador Allende s’est suicidé le 11 septembre 1973. L’action de la pièce, qui se passe ce jour-là, n’est nullement respectueuse des faits. Nous assisterons à plusieurs tentatives parodiques du président pour enregistrer son discours (authentique) d’adieu au peuple chilien, entouré par quelques-uns de ses ministres qui le houspillent et donnent de lui l’image d’un pantin sans consistance : une satire du monde de la télévision et de ses animateurs (ici les ministres) et de leur comportement  de diva⋅ Marco Layera, le directeur de la troupe chilienne La Re-Sentida, vise à un théâtre insolent et provocateur, et il y parvient incontestablement⋅ Il faut, en effet, un certain culot pour déboulonner l’idole de la gauche chilienne, ce qui explique que La Imaginación del Futuro ne soit pas toujours bien accueillie par les Latino-Américains.

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Oblomov

oblomov— Par Michèle Bigot —

Oblomov,
D’après Ivan Gontcharov,
Conception et mise en scène : Dorian Rossel,
Festival d’Avignon off, La Caserne des Pompiers, juillet 2014

La troupe qui est à l’origine de cette création résulte de la rencontre de deux compagnies suisses sur ce projet : « O’Brother Company » et « La Compagnie STT (super Trop top) ». Dorain Rossel qui assure la mise en scène insiste sur l’ouverture de cette écriture théâtrale qui prétend interroger des textes ou une problématique contemporaine. Le spectacle résulte du travail d’une équipe de créateurs, qui revendiquent une écriture scénique polysémique et plurielle. Dans un tel projet collaborent à la création collective dramaturgie, scénographie, créations musique et lumière⋅
La pièce repose sur une adaptation pour la scène du roman éponyme de I⋅ Gontcharov (1859)⋅ Le protagoniste Oblomov est un anti-héros avant la lettre, jeune aristocrate russe s’enlisant dans une paresse et une indifférence au monde qui confine à la dépression⋅ Mythe littéraire russe, il représenta aussi, d’un point de vue plus réaliste l’oisiveté et le désenchantement de l’aristocratie russe, dont sortira l’anarchisme et le mouvement révolutionnaire⋅
Mais le mal-être du héros excède de beaucoup le caractère fataliste et paresseux du petit propriétaire terrien russe pour accéder au rang de parangon de l’homme dépressif, en proie à la procrastination, au défaitisme, à l’indolence pour se complaire dans une vie végétative.

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La persécution et son délire

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— Par Michèle Bigot —

Largo Desolato
Cycle Václav Havel,
Mise en scène : Nikson Pitaqaj,
Festival d’Avignon off, Espace Alya, juillet 2014

La persécution et son délire

Partie du cycle Václav Havel, soutenue par le centre tchèque de Paris, la troupe « Libre d’Esprit », en résidence à l’épée de bois à la Cartoucherie de Vincennes, présente Largo Desolato , visites à Léopold, la pièce de Václav Havel écrite en 1984, à sa sortie de prison, dont l’accent autobiographique est persuasif. Son héros se nomme Léopold Kopriva. Ce double de l’auteur vit cloîtré dans son appartement, tenaillé entre un fantasme de persécution et une persécution réelle. Dans ce pays totalitaire, à l’instar de Galilée, il est harcelé par les autorités qui veulent lui faire désapprouver publiquement un texte qu’il a signé et qui fait des vagues.

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Le Prince de Hombourg

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— Par Michèle Bigot —

Le Prince de Hombourg
Heinrich von Kleist
Mise en scène : Giorgio Barberio Corsetti
Scénographie : Girogio Barberio Corsetti et Massimo Troncanetti
Festival d’Avignon in, juillet 2014, cour d’honneur du Palais des papes

Après la Tempesta mise en scène à Avignon à l’Opéra Théâtre en 1999, et tant de textes de Kafka et d’opéras italiens mis en scène par ses soins, Giorgio Barberio Corsetti nous revient avec La Prince de Hombourg.
Et dans la cour d’honneur, il a trouvé le lieu par excellence, celui qui est le plus adapté à son lyrisme intrinsèque. C’est l’espace idéal pour les mises en scène spectaculaires. Le mur de fond se prête merveilleusement au déploiement des images vidéo. On se souvient de Le maître et Marguerite mis en scène par Simon McBurney en 2012 qui voyait les murs du palais se lézarder et s’effondrer dans une vision ahurissante. Le dispositif savant de vidéo, laser, lumière et musique se donne libre champ dans un tel espace, conférant au spectacle la magie qui lui est essentielle⋅ Mais un tel décor naturel commande le choix du texte⋅ On se souvient aussi que l’an dernier Stanislas Nordey avait épousé le contre-pied de ce genre de scénographie en choisissant un décor minimaliste fait de baraques de chantier pour monter Par les villages de Peter Handke, laissant au acteurs le soin d’incarner la tension dramatique, ce qu’ils réussirent à merveille.

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Mahabharata-Nalacharitam

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— Par Michèle Bigot —

Mahabharata-Nalacharitam
Mise en scène Satochi Miyagi
Festival d’Avignon, in, Juillet 2014, carrière de Boulbon

Ceux qui ont eu la chance d’assister à la représentation du Bahabharata adapté et mis en scène par Peter Brook en 1985 (et ils étaient légion dans l’assistance) gardant un souvenir ébloui de cette première mise en scène, n’ont pas été déçus. Celle de Satochi Miyagi, d’inspiration très différente, puisque issue de la tradition du théâtre japonais, ne le cédait en rien à la précédente en terme de féerie. Lui-même avoue avoir été fasciné par la mise en scène de Peter Brook et il reprend pour son compte cette saga indienne dans des conditions très différentes : d’abord il choisit un seul épisode -le Nalacharitan- nous racontant l’histoire du roi Nala qui joue aux dés toutes ses possessions, y compris son royaume⋅ Dépouillé de ses biens, et même de son épouse bien aimée, il doit partir en exil avec ses frères, laissant la branche ennemie de la famille au pouvoir.

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Le plus grand metteur en scène japonais s’appelle Claude Régy

regy_japonais« Intéreur » une pièce de Maurice Maeterlinck
Mise en scène : Claude Régy

Festival d’Avignon, salle de Montfavet, en japonais surtitré en français,18 heures, jusqu’au 27 juillet (sauf les 18 et 23)

Avignon. Claude Régy et le Japon étaient faits pour se rencontrer. C’est fait. Et c’est un bonheur de tous les instants. Pour l’occasion, Régy retrouve « Intérieur » de Maurice Maeterlinck, une pièce et un auteur qui lui sont chers. Et c’est peu dire que les acteurs japonais sont entrés avec une sidérante compréhension dans la façon de travailler et de faire entendre et voir un texte, propre au metteur en scène.
Maeterlinck, Japon, Régy : un trio royal

Cette rencontre, on la doit à Satoshi Miyagi, le metteur en scène qui présente au festival d’Avignon un épisode du « Mahabharata » dans la carrière Boulbon. Il voue à Régy une légitime admiration, on le comprend. Alors, comme il l’avait déjà fait avec Daniel Jeanneteau qui fut naguère le décorateur de Régy (il a signé là-bas une mise en scène de « La Ménagerie de verre » de toute beauté), après avoir accueilli son spectacle « Brume de dieu », Miyagi a proposé à Claude Régy de venir travailler avec les acteurs du Spac (le Shizuoka Performing Arts Center) qu’il dirige.

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Avignon 2014 : « I Am » de Lemi Ponifasio

i_amPar Selim Lander – Lemi Ponifasio est l’un de ces metteurs en scène internationaux en vogue invités dans le monde entier. L’engouement des programmateurs des festivals les plus prestigieux pour certains hommes de théâtre sortis de nulle part et qui deviennent des vedettes que l’on s’arrache, est semblable à celui qui favorise certains plasticiens contemporains, chouchous de toutes les biennales, sans que leur supériorité apparaisse toujours évidente par rapport à leurs concurrents sur le marché de l’art. En l’occurrence, Lemi Ponifasio nous vient de Samoa, dans le Pacifique, accompagné d’une troupe de Maoris. Son travail, qui se situe « à la lisière du poétique et du mystique » selon le tract distribué aux spectateurs, est censé créer « les conditions d’un abandon, d’un état d’éveil ». Dans un entretien reproduit dans le dossier de presse, Ponifasio déclare que « le théâtre est l’endroit où écouter [notre] âme ». Participer à son spectacle, ce serait, selon lui, « une prière, un cri, une cérémonie pour célébrer une nouvelle vie… C’est être le silence, avec la vérité ». « La vérité » : rien de moins !

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« Les travailleurs de la mer » de V. Hugo, adaptation de Paul Fructus

travailleurs_de_la_merLundi 21 juillet 2014 19H30 au T.A.C. (Théâtre Aimé Césaire)

Argument : Au début des années 1820, à Guernesey (île anglo-normande), Mess Lethierry, patron d’une petite entreprise de cabotage, révolutionne l’île en la reliant à Saint-Malo, grâce au premier bateau à vapeur. Mais un jour, ce bateau (baptisé la Durande) s’échoue entre les écueils de Douvres. Déruchette, orpheline adoptée par son oncle Mess Lethierry, s’engage à épouser celui qui ramènera ce qui pourrait sauver son oncle de la ruine : la machine à vapeur emprisonnée dans le ventre de l’épave.
Gilliatt, travailleur de la mer et force de la nature, tenu à l’écart par les habitants car soupçonné d’avoir quelques accointances avec les esprits (il est surnommé Gilliatt le malin), amoureux de Déruchette depuis plusieurs années, se porte volontaire. Il va alors affronter les éléments déchaînés et ramener la machine à vapeur. Mais lorsqu’il découvre que Déruchette est amoureuse du jeune révérend Ebenezer, il se sacrifie : après avoir organisé secrètement leur mariage, il se laisse engloutir par la mer.

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— Critique parue dans la Terrasse par Catherine Robert —

Paul Fructus réussit une remarquable adaptation des Travailleurs de la mer, de Victor Hugo, qu’il interprète avec un sens du rythme, un art de la démesure épique et une émotion éblouissants.

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Marronnage et poétique contemporaines – Avignon 2014

marronnageMarronnage et poétique contemporaines
Sorbonne Nouvelle – Paris 3
L’université d’été des théâtres d’outremer en Avignon

20-22 juillet 2014

organisée par le laboratoire SeFeA avec le soutien de la Région Guadeloupe en partenariat avec Le Festival Off, La Chapelle du Verbe Incarné, et le Théâtre des Halles
les 20 et 22 juillet 2014
Responsabilité scientifique : Sylvie Chalaye, directrice du laboratoire SeFeA
Coordination : Pénélope Dechaufour et Axel Artheron
1er volet, le 20 juillet à la Chapelle du Verbe Incarné
Afrique, terre de retour ?
Conçue autour de Maryse Condé, la fabuleuse romancière qui a écrit Ségou et que la programmation du TOMA 2014 met à l’honneur, entre La vie sans fard et La faute à La vie, cette rencontre interrogera les liens complexes, paradoxaux, voire inconscients que les identités diasporiques entretiennent avec l’Afrique. Terre de retour ? Terre de fantasmes ? Territoire d’amputation mémorielle… Nous évoquerons les enjeux des multiples détours amenant les corps afrodescendants à tendre inéluctablement vers une Afrique appréhendée comme la terre promise du recouvrement de soi. De l’intime au collectif, nous verrons comment les créateurs d’aujourd’hui bousculent le motif du « retour » vers la terre des origines ancestrales.

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Avignon 2014 : « Mai, juin, juillet » de Denis Guénoun

Mai juin juilletPar Selim Lander – Le festival d’Avignon a été bien plus perturbé en 1968 par les « révolutionnaires » de mai qu’il ne l’est aujourd’hui par les intermittents. Aussi cela donnait-il un curieux sentiment d’irréalité que d’entendre, en préambule à Mai, juin, juillet, la voix enregistrée qui délivre désormais un message de solidarité avec le mouvement des intermittents, avant chaque représentation, dans la plupart des théâtres, IN ou OFF. De quelle solidarité s’agit-il en effet ? Celle des comédiens, intermittents pour certains, dont la participation à la pièce affaiblit incontestablement le mouvement ? Celle des spectateurs qui applaudissent complaisamment le message mais ne voudraient surtout pas être privés de leur spectacle⌉

Quoi qu’il en soit, la pièce écrite par Denis Guénoun et mise en scène par Christian Schiaretti, le directeur du TNP (Villeurbanne), est une réussite (1). Il n’était pourtant pas si aisé de faire d’un tel sujet un spectacle, même si « les événements de 68 » sont vus ici principalement à travers leurs répercussions dans le domaine théâtral.

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Confessions

confessions— Par Michèle Bigot —

Confessions
Texte de Kwanglim Kim
Mise en scène : Junho Choe
Festival d’Avignon off, Théâtre des Halles, juillet 2014

C’est une surprise et un éblouissement du festival off 2014. Une troupe qui nous vient de Corée, son metteur en scène, ses comédiens, comme l’auteur du texte de base. Difficile de parler d’une troupe et d’une pièce, au sens occidental du terme. C’est une proposition théâtrale très originale dans laquelle les comédiens (un homme, une femme), les musiciens, le scénographe ont toute latitude pour intervenir sur le texte à leur guise : retrancher, ajouter, changer. Chaque mise en scène est une véritable réécriture du texte, en fonction des variations interprétatives des uns et des autres. Tout se rejoue différemment en fonction du lieu de la représentation. Aujourd’hui en co-production avec le Théâtre des Halles, le spectacle fut joué naguère en Corée dans une école. Dans cette dernière représentation, le mur du fond prenait la place de ce qui est écran au théâtre des Halles. La scénographie s’adapte au lieu et à leur tour, les comédiens et le texte s’adaptent à la scénographie.

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Obliques

obliques— Par Michele Bigot —

Obliques
Texte et mise en scène : Christophe Moyer
Cie Sens Ascensionnels,
Festival d’Avignon off juillet 2014, l’Entrepôt

Sur le devant de la scène, une série d’objets non utilitaires et difficilement identifiables, montés en circuit destiné à faire circuler un flux. En fond de plateau, un présentoir qui sera le centre du spectacle, tout à la fois support de théâtre de marionnettes, plateau de jeu, espace à bascule propre à représenter le monde des obliques. Les obliques sont un peuple menacé d’effondrement par glissement général de leur sol ; ils habitent un monde en perte d’équilibre, qui penche. Sur le socle du présentoir, un tableau noir couvert de dessins d’enfants : des yeux, des poissons. Ce support figurera alternativement la terre inclinée des obliques, et « la merveille », le lac menacé d’assèchement et ses habitants , poissons et autres créatures aquatiques en voie de disparition. Sur la droite de la scène un tableau de classe qui servira de support à la narration. Les acteurs dessineront l’univers qu’ils évoquent au fur et à mesure du récit, dessinant ainsi les étapes de la dégradation du monde des obliques.

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Avignon 2014 : Ivo Van Hove (d’après Ayn Rand)

FountainheadThe Fountainhead (La Source vive)

Par Selim Lander – La romancière Ayn Rand est davantage connue pour son roman Atlas Shrugged (La Grève, 1957) qui est devenue un ouvrage de référence pour les ultra-libéraux, que pour The Fountainhead (1943). Celui-ci fut pourtant porté au cinéma par King Vidor, avec Gary Cooper (sous le titre Le Rebelle). Il traite principalement de l’opposition entre deux architectes, Peter Keating et Howard Roark, qui défendent deux conception opposées de leur métier. Le premier, parce qu’il vise la réussite à tout prix, est décidé à aller dans le sens de l’opinion – en l’occurrence du goût – majoritaire (être ce que les autres souhaitent qu’il soit). Le second, parce qu’il fait passer la réussite après sa conception de ce que doit être une architecture moderne, refuse de transiger sur ses principes.

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Le Sorelle Macaluso

le_sorelle— Par Michèle Bigot —

Le Sorelle Macaluso
Texte et mise en scène : Emma Dante
Festival d’Avignon, in, Gymnase du Lycée Mistral, juillet 2014-07-15

Spectacle créé à Naples en janvier 2014, Le Sorelle Macaluso arrive à Avignon dans le festival in où il rencontre un succès sans pareil. Née en 1967, figure primordiale de la scène internationale, Emma Dante à fondé à Palerme, en 1999, sa compagnie Sud Costa Occidentale. Emma Dante, auteure et metteure en scène sicilienne n’a pas tourné le dos à son Palerme natal. Récompensée par les plus grands prix internationaux lors des festivals de théâtre européens, elle a aussi dirigé récemment Carmen de Bizet à la Scala de Milan.
En France elle est une habituée du théâtre du Rond Point où elle a donné en 2008-2009 mPalermu (« à Palerme », en dialecte palermitain) et La Trilogia degli occhiali lors de la saison 2011-2012. Cette dernière proposition, déclinait en trois volets des visions fantasmagoriques sur l’humain dépossédé, la solitude d’un homme démuni de ses biens et abandonné des siens, la détresse d’un enfant attardé, relégué dans un état catatonique, le désespoir amoureux d’un couple de vieillards.

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Avignon : Emma Dante et Olivier Py

— Par Selim Lander —

sorel-b-400Le Sorelle Macaluso

Emma Dante est installée avec sa compagnie à Palerme. Le spectacle qu’elle présente dans le IN d’Avignon, Le Sorelle Macaluso (Les Sœurs Macaluso) montre une Sicile populaire, pauvre mais rayonnante d’un humour et d’un appétit de vivre qui demeurent à travers l’adversité. Dix comédiennes et comédiens incarnent les sept sœurs, le père, la mère et le jeune fils de l’une des sœurs⋅ Les mouvements sont réglés au millimètre (ou s’ils laissent place à une certaine improvisation, celle-ci ne paraît pas)⋅Les séquences s’enchaînent et construisent peu à peu l’histoire de la famille, ses moments de joie ou de chagrin : une excursion à la mer (préparation et voyage en car compris) qui se terminera tragiquement par la noyade de l’une des sœurs ; le papa qui s’escrime pour élever seul ses sept filles ; le fils de l’une des sœurs, footballeur surdoué mais malade du cœur ; la maman qui revient d’outre-tombe pour donner un ultime conseil à ses filles (et retrouver son mari pour une dernière danse).

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Avignon : Maryse Condé, Athol Fugard, Gérard Lefort

La vie sans fards— Par Selim Lander —

La Vie sans fards

Adaptation de l’autobiographie de Maryse Condé, par Eva Doumbia, du 9 au 16 juillet, au Festival d’Avignon, à la Chapelle du Verbe incarné,

Maryse Condé a récemment publié un livre autobiographique qui raconte ses amours (et ses maternités) successives, le début de sa carrière de coopérante en Afrique et la naissance de sa vocation d’écrivaine (1). La pièce montée par Eva Doumbia sous le même titre (La Vie sans fards) demeure très fidèle au livre, en restant centrée sur une interprète (Astrid Bahia, remarquable) qui est chargée de l’essentiel de la narration et des adresses à la première personne. Elle est secondée par deux comédiennes, une chanteuse et trois musiciens. Ils ajoutent à la pièce la couleur et le rythme  qui en font un spectacle à part entière.

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Sic(k)

sick— Par Michèle Bigot —

Sic(k)
Théâtre à cru, Alexis Armengol,
Festival d’Avignon, off, 2014

Comme le suggère le titre, amalgamant les mots latins « sic » et anglais « sick », signalant pour le premier une citation et désignant pour le second la maladie, ce spectacle d’Alexis Armengol résulte d’un montage de citations et de témoignages, interrogeant ce qu’on peut parfois appeler une maladie, indissociablement celle du corps et de l’âme, la dépendance. Citations de Deleuze, de Duras, témoignages d’anonymes – selon le terme convenu pour les alcooliques- disant tout à la fois le plaisir et la douleur liés à ces substances qui nous servent à atteindre l’inatteignable ; ce que Deleuze appelle « quelque chose de trop fort dans la vie » .

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Mé ki sa nou lé

sarah_co5— Par Annick JUSTIN JOSEPH —

43° Festival de Fort de France

Mezzo vocce… et en musique… A voix basse… à voix égale… La comédienne – chanteuse, Sara Corinne EMMANUEL, place d’entrée de jeu en chacune, chacun d’entre nous, la saveur aigre-douce-amère du conte de nos réalités.
Sur le plateau du Théâtre Aimé CESAIRE, un fauteuil tournant d’un blanc immaculé, les tonalités changeantes d’un rideau de fils faisant subtilement office de limite sensuelle ou de passage. La diseuse – corps – pays, parole – et – musique tout en nuance, campe dans ce décor d’une grande sobriété, conçu par Marie – Paule PINEL – FERREOL, des trajectoires de femmes, des rencontres manquées qui disent notre histoire, sur des airs plus ou moins familiers de chansons qui ne sont pas toutes créoles :

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Binari- Souvenirs de la mère

binari— Par Michèle Bigot —

Binari- Souvenirs de la mère
MAC théâtre company
Festival d’Avignon, off 2014, Présence Pasteur
Mise en scène Jungnam Lee

La Corée est très présente cette année au festival d’Avignon, nous livrant des spectacles originaux et variés, allant de la tradition au plus contemporain⋅ Binari appartient à la première catégorie, en tant que relecture du théâtre traditionnel coréen⋅ Les costumes, les masques, la musique, l’évolution des chœurs actualisent la cérémonie traditionnelle telle qu’elle a pu vivre en Corée lors des rites funéraires⋅⋅
Structurée comme un conte, dont le fil narratif est la recherche de la paix pour une âme qui vient de passer de vie à trépas, la pièce présente une succession de tableaux et saynètes.

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7… Lost in la mancha

lost_in_la_mancha— Par Michèle Bigot —

7… Lost in la mancha
De et par Pepito Mateo
Festival d’Avignon, off 2014
La Manufacture

Le spectacle de Pepito Mateo, créé en 2013 sous le titre de Monologues revient aujourd’hui en version épurée sous le titre de 7… Lost in la mancha, clin d’œil à Cervantès. Il appartient au genre du one man show I : il en partage les attendus, sobriété de la scénographie, du décor et de l’éclairage, appropriation de l’espace, besoin de variété, prépondérance du jeu de l’acteur, importance de la gestuelle, voire des mimiques⋅Toutefois, il n’en a pas les défauts qu’on trouve volontiers associés aux spectacles d’humoristes, tels que pitreries gratuites, humour lourd voire complaisance.

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« Mé ki sa nou lé » avec Sarah-Corine Emmanuel

sarah_co4— Par Roland Sabra —

On aura tout vu ! Un spectacle féministe mis en scène par Hervé Deluge ! 🙄 Certes il était en service commandé, mais il a fait le boulot pour lequel il était requis. Et plutôt bien ! Il faut dire que le thème est porteur.
Entre chant et théâtre, entre humour et colère, entre plaisir et tristesse, entre désir et douleur, entre partage et solitude, entre mère et femme,  Sarah-Corine Emmanuel nous a pris par la main pendant un long moment dans un assemblage de textes, de musiques et de chansons autour de la condition féminine, ici et ailleurs, pour une promenade réfléchie et enjouée. Des récits émouvants et drôles, des tranches de vies jubilatoires et parfois pathétiques ont été présentés avec cette gouaille, cette assurance de celle, Sarah-Corine Emmanuel, qui sait de quoi elle cause⋅ Dans ce genre elle est sur scène chez elle, nul ne peut en douter⋅ La scène ? Un triptyque de rideaux de fils blancs derrière lequel on entrevoit un orchestre et un chœur qui soutiennent la « diseuse »⋅ Au milieu un fauteuil de bar, blanc lui aussi, pivotant qu’elle occupe le plus souvent dans ses narrations.

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