Catégorie : Théâtre

« Tête d’or » de Paul Claudel, à la Cartoucherie

—Par Michèle Bigot —

tete_d_orTÊTE D’OR
De Paul Claudel,
Mise en scène : Jean-Claude Fall,
Avril 2015, La Tempête, Cartoucherie

Pièce de jeunesse, écrite en 1889, Tête d’or nous revient rajeunie et comme régénérée d’un sang nouveau dans une version africaine mise en scène par Jean-Claude Fall.
Tête d’or, le héros éponyme, est une tête brulée. Ayant tout perdu, femme, parents et toute attache sociale, ce desperado se sent pourtant investi d’un destin hors normes : il sera le « sauveur suprême » d’un pays perdu. En vertu d’une audace indomptable et par la force des armes, il renverse la royauté et toute la légitimité héritée des institutions, retourne la situation politique en sa faveur et finit par exiger les pleins pouvoirs. Figure de despote, prônant les valeurs de l’ordre, de la discipline, de la force virile , de la fierté et de la volonté, il annonce l’homme providentiel du régime fasciste : son culte de la force virile et sa fascination pour la mort ne sont pas non plus sans rapport avec les terroristes d’hier et les djihadistes d’aujourd’hui.
C’est ainsi que Jean-Claude Fall explique trouver un écho de Tête d’or dans les sociétés claniques ou tribales d’aujourd’hui, que ce soit en Afrique ou en Europe de l’est.

→   Lire Plus

La révolte : le cri d’une femme

La pièce de Villiers de l’Isle-Adam fait entendre, avant l’heure, un vibrant plaidoyer féministe.

la_revolte—- Par Annie Chénieux —

Comme chaque soir, Elisabeth est assise à sa table de travail. Mariée à Félix, banquier, elle est aussi sa comptable –elle lui a fait réaliser d’excellentes affaires- et la mère de sa fille. Après avoir terminé son travail, elle lui annonce qu’elle le quitte. Ses affaires sont prêtes, les comptes en règle, une voiture l’attend. Son mari est abasourdi. Elle lui énonce les raisons de sa décision, le renoncement à ses rêves, le désir d’une autre vie, moins matérielle. Elle part. Mais quatre heures plus tard, la voici qui revient, plus meurtrie que jamais. Il est trop tard pour changer de vie, elle a perdu son âme.

Ecrit en 1870, le plaidoyer féministe retentit avec force. Quelques années avant Ibsen et Maison de Poupée, le poète Villiers de l’Isle-Adam, alors trentenaire, donne la parole à une femme et à travers elle, évoque son rapport à la poésie, et à la vie. C’est un texte fort, d’une écriture magnifique, acérée, qui porte haut le cri de la révolte.

→   Lire Plus

« Célimène et le Cardinal » : l’émancipation est toujours en devenir

— Par Roland Sabra —

celimene_&_le_cardinal-_afficheIl est des textes de théâtre dont il semblerait qu’ils aient été écrits autour d’un personnage. C’est le cas de cet objet nommé « Célimène et le Cardinal ». Gaëlle Billault-Danno est la septième comédienne à endosser le rôle de Célimène dans la pièce de Jacques Rampal écrite en 1992 et qui se veut une suite en alexandrins, au Misanthrope de Molière. L’idée n’est pas neuve. Georges Courteline en 1905 avait créé La Conversion d’Alceste, elle aussi en alexandrins et bien avant, en 1791 peu de temps avant d’être guillotiné, le révolutionnaire Fabre d’Eglantine avait écrit Le Philinte de Molière, ou la Suite du Misanthrope, une comédie en 5 actes et en vers. On n’oubliera pas, au cinéma cette fois, en 2013, Alceste à bicyclette, le film de Philippe Le Guay , où Lambert Wilson et Fabrice Luchini jouent alternativement le rôle transposé d’Alceste et celui de Philinte.

Célimène a pris vingt ans d’âge. La mondaine, la coquette, la séductrice sans attaches a épousé un riche marchand, dans le cadre très classique d’une alliance entre une aristocratie désargentée et une bourgeoisie en manque de reconnaissance.

→   Lire Plus

« Célimène et le Cardinal » : sur la corde raide

Par Selim Lander

celimene-et-le-cardinal-de-jacques-rampal-520091_w1000Jacques Rampal est un auteur de théâtre confirmé. Il le fallait pour s’attaquer simultanément au Misanthrope et au Tartuffe de Molière et écrire, aujourd’hui, en alexandrins, une pièce qui, au-delà de la comédie, s’avère un brûlot contre l’intégrisme religieux. Si la cible est la religion chrétienne, ou plutôt catholique et romaine, c’est bien en effet d’une dénonciation de l’arrogance des hommes d’Église(s), du pouvoir dont ils se croient investis et de l’absurdité des dogmes qu’il est question.

Célimène, chassée de la cour, s’est heureusement mariée à un riche bourgeois. Mais peut-être reste-t-il dans son cœur un sentiment pour Alceste. Ce dernier, pour échapper à ses démons, est entré dans les ordres. Son intransigeance faisant merveille, il revient de son exil romain avec le chapeau de cardinal (lequel chapeau aura sa part dans l’intrigue). Un beau jour, il décide de rendre visite à Célimène. La pièce raconte leur entrevue, plus que houleuse car Célimène, brillante et caustique, armée de surcroît d’un solide bon sens, ne peut que heurter les convictions d’Alceste, lesquelles n’ont pour elles que d’avoir été mille fois récitées.

→   Lire Plus

La Cathédrale de Saint Pierre a accueilli la douleur de Lazare

— Par Michel Thimon —

lazare_st_pierreC’est devant un parterre de plus d’une centaine de spectateurs installés samedi dernier, en fin d’après-midi, sur le parvis de la Cathédrale Notre dame de l’Assomption de Saint Pierre, que les six comédiens amateurs du Théâtre de l’Histoire de la ville, ont raconté avec une grande émotion partagée, la tragédie de Lazare réécrite par le poète libanais Khalil Gibran (1883-1931) et mise en scène par José Alpha .

« Le jeu des acteurs était émouvant diront plusieurs spectateurs, et ce texte si beau, et puis devant la cathédrale; quel bon moment de grâce ! »
C’est vrai que Marthe, la sœur de Lazare interprétée par Béatrice Sieurac, en chaise roulante, a bouleversé plus d’un, et puis Christelle Hamelberg dans le rôle de la douce Marie qui tente en vain de ramener son frère Lazare à la raison, quand celui-ci accuse Jésus de l’avoir ressuscité contre son gré. Surtout de l’avoir « ramené à cet enfer terrestre  par pitié pour la douleur de sa mère et de ses sœurs, parce qu’il fallait un miracle ! »
Le public ne s’attendait visiblement pas à une telle accusation à l’encontre de Jésus, mais le Père David Rondof qui avait pris lecture du texte avant de donner son accord pour la représentation, a rassuré l’auditoire en avant-propos, sur les tourments de « ce  Lazare » imaginé par le poète.

→   Lire Plus

Célimène et le Cardinal : de Molière à Rampal

Le 17 & 18 avril au T.A.C. à 19 h 30

celimene_&_le_cardinal-400— Par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret —

Voici une œuvre crée en 1992. C’est une comédie romantique d’où le temps n’a pas effacé certains des traits de caractère et ce qui en fait un petit bijou de littérature c’est son style, l’intelligence des digressions, cocasse, émouvante et érotique ; le style Rampal, c’est ici l’ambigüité si plaisante, et merveilleuse à l’oreille à la lecture, de la ponctuation, des styles directs et indirects, des conditionnels et des futurs… à la manière de Molière. Et toujours l’humour, véritable garantie de son authenticité. Le tout en alexandrins, dans une fraicheur de langage et de ton actuels, par un auteur contemporain. Une gageure, un exploit !

L’atrabilaire amoureux, Misanthrope s’est achevé par la rupture d’Alceste et de Célimène. Après le refus de la jeune femme de se retirer du monde et de le suivre, Alceste s’isole dans la religion et devient un homme de pouvoir, un puisant cardinal. De son côté Célimène rompt avec la Cour et épouse un bourgeois dont elle à quatre enfants et se dit heureuse.

→   Lire Plus

« Ivanov » ou le loser exténué

— Par Selim Lander —

Ivanov2 (2)La première « vraie » pièce de Tchekhov[i], créée à Moscou en 1887, Ivanov n’est pas la plus célèbre et l’on comprend pourquoi depuis qu’elle est montrée à l’Odéon. Contrairement aux pièces les plus connues de Tchekhov, où la déréliction se trouve agréablement compensée par la poésie et l’humour, Ivanov est littéralement plombée par le personnage éponyme, le type même du looser, désespéré de surcroît, incapable du moindre sursaut, tout au plus capable de se juger avec une lucidité telle qu’elle ne peut que renforcer sa désespérance. Sa première épouse est atteinte de la tuberculose (comme Tchekhov lui-même) et meurt pendant l’entre-acte, ce qui ne contribue pas à nous ragaillardir. Quant à la deuxième épouse (le mariage occupe la deuxième partie de la pièce), elle essaye bien de ranimer un peu le malheureux Ivanov mais sans succès. L’amour éperdu de ces deux femmes pour un individu réduit à l’état de loque humaine n’aide d’ailleurs pas à la vraisemblance de la pièce. Les comparses sont censés apporter un élément comique ; hélas, ils ne parviennent pas à dérider la salle, sinon sporadiquement.

→   Lire Plus

La Nuits des Molières : les Nommés 2015

les_molieresLa première cérémonie des Molières a eu lieu le 23 mai 1987 au Théâtre du Châtelet, retransmise en direct sur Antenne 2. Ces trophées récompensent chaque année les artistes et les spectacles les plus remarquables de la saison théâtrale.L’association a salué, au cours de ses vingt-six premières éditions les comédiens et artistes les plus talentueux et révélé de jeunes talents unanimement reconnus aujourd’hui Les Molières ne sont pas seuls au monde, ils ont deux proches cousins : les Tony Awards du théâtre américain, à Broadway, et les Laurence Olivier du théâtre anglais, dans le west-end londonien. Et comme parents éloignés, ils ont les « César » du cinéma français,
nés il y a 37 ans ; et encore plus lointains, les Oscars qui ont 84 années
d’existence.
Toutes ces cérémonies, qui célèbrent un art vieux de 100 ans pour le cinéma et de plusieurs siècles pour le théâtre, fonctionnent selon une procédure de vote à bulletin secret, sous contrôle d’huissier La force des Molières : à ce jour, il s’agit du seul organisme professionnel présentant chaque année le panorama de la création théâtrale en France, en réunissant en son sein théâtre public et théâtre privé.

→   Lire Plus

« Petra von Kant » de Fassbinder : un mauvais béguin chez les L(G)B(T)

— Par Selim Lander —

Petra von KantRainer Werner Fassbinder (1945-1982) a écrit aussi bien pour le théâtre que pour le cinéma, passant de l’un à l’autre comme ce fut le cas pour Les Larmes amères de Petra von Kant, une pièce créée en 1971 par sa troupe (baptisée Anti-Teater), avant de faire l’objet d’un film, l’année suivante, avec Hanna Schygulla dans le rôle-titre. Pas d’intrigue dans cette pièce mais la descente aux enfers d’une bourgeoise arrivée, créatrice de mode en vogue, Petra, qui s’est prise de passion pour une jeune et ravissante prolétaire, Karine. L’argent ne peut pas tout acheter : la morale de la pièce est donc politique, en ce sens, mais le sujet principal est bien celui des ravages de la passion.

Deux personnages qui s’affrontent, deux femmes bisexuelles : Petra sort d’une mauvaise expérience avec un homme ; Karine, mariée, est prête à courir vers son mari dès qu’il se manifestera. Cela ne l’empêche pas de faire le premier pas vers Petra, en venant lui donner un baiser. Et Petra s’embrase immédiatement.

→   Lire Plus

« Un obus dans le coeur » : mort et renaissance dans le silence de la mère

—Par Roland Sabra —
obus_ds_le_coeurC’est un moment d’émotions d’une rare intensité que nous a offert Hassane K. Kouyaté en programmant Un obus dans le coeur, le magnifique texte de Wadji Mouawad interprété par Julien Bleitrach qui signe la mise en scène avec Jean-Baptiste Epiard. C’était une nuit. Une nuit de rage. Une tempête sur la ville et dans la tête. Il neigeait et elle agonisait sur un lit d’hôpital.   Le téléphone avare de mots avait juste lancé : « Viens vite !  » Elle ? La mère ! Lui, Wahab le fils se dit : « Ma mère meurt, elle meurt, la salope, et elle ne me fera plus chier ! »» mais aussi : « Le clignement de mes yeux fait fondre le givre de mes cils et c’est l’hiver au complet qui pleure sur mon visage « . Même attendue, la mort est toujours une surprise. Elle survient au détour d’un chemin. « Nawal. J’étais dans l’autobus. Sawda, j’étais avec eux! Quand ils nous ont arrosés d’essence j’ai hurlé :  Je ne suis pas du camp, je suis comme vous!

→   Lire Plus

« Le clou du spectacle » : virtuose !

Par Selim Lander

le clou du spectacleDeux jeunes comédiens brûlent les planches au Guichet Montparnasse dans un spectacle délirant qui met surtout en évidence le talent des deux interprètes, l’aisance avec laquelle ils passent sans transition d’un personnage à l’un des quinze autres qui peuplent tour à tour la scène. Il s’agit en effet de jouer Roméo et Juliette, ce qui n’est pas une mince affaire, on le reconnaîtra aisément. La preuve : au commencement de la pièce, Julien et Denis sont face à saint Pierre qui les interroge sur les circonstances de leur mort, avant de décider de leur sort. La suite nous apprendra pourquoi et comment la représentation du chef d’œuvre de Shakespeare a très mal tourné. La pièce – co-écrite et co-créée par Mathieu Davidson et Alexandre Foulon et désormais interprétée par Mathieu Davidson et Yam Koen – est donc une satire du théâtre. Très drôle de bout en bout, même si la deuxième partie, celle où, après les répétitions et autres préparatifs, on passe à la représentation elle-même, vire un peu trop – à notre goût – à la grosse farce.

→   Lire Plus

« Célimène et le Cardinal», de Jacques Rampal au T.A.C.

Jeudi 16 avril 2015 à 19h 30

celimene_&cardinalCardinal ! C’est, vingt ans plus tard, Ie destin qui attendait Ie Misanthrope imaginé par Molière ! Voici Alceste dans la situation très confortable d’un homme coupé d’un monde qu’il réprime de sa main de fer : au XVIIème siècle, Ie pouvoir d’un prélat est considérable. Vingt ans après, il s’invite donc chez son ancienne amante pour trouver une jolie quadragénaire, qui, loin de la Cour qu’elle a « trahie » en épousant un bourgeois, semble parfaitement comblée avec ses quatre enfants. Mais qu’est donc venu faire I’égal de Mazarin chez cette mère de famille sans histoire ? Convaincu d’être l’ambassadeur de Dieu auprès des hommes, Alceste décide de confesser cette brebis égarée, trop heureuse pour être honnête. Cette « confession », tour à tour cocasse et émouvante… tournera vite à Ia joute oratoire entre un janséniste ancré dans son époque et une libertine avant l’heure, figure de proue, selon Alceste, d’un XVIIIème siècle qui arrive à grands pas. Mais de ce conflit seul I’Amour sortira vainqueur.
Avec : Gaëlle Billaut-Danno : Célimène /Pierre Azema : Alceste Le Cardinal

 Au Théâtre Aimé Césaire (T.A.C.)

→   Lire Plus

« Pour un théâtre de la vérité et de l’inexplicable »

Message International de la Journée Mondiale du Théâtre 2015

— Par Krzysztof Warlikowski —

krzysztof_warlikowskiLes vrais maîtres du théâtre se trouvent généralement loin de la scène. Et ils n’ont souvent que peu d’intérêt pour le théâtre en tant que machine à copier les conventions et à reproduire les clichés. Ils recherchent plutôt la source de l’impulsion, les courants de vie qui ont tendance à éviter les salles de spectacles et les foules promptes à copier un monde ou un autre. Nous copions au lieu de créer des mondes ciblés ou même dépendants de débats avec un public, et d’émotions sous-jacentes. Alors qu’en réalité, il n’y a rien qui révèle mieux les passions cachées que le théâtre.

Le plus souvent je me tourne vers la prose pour me guider dans la bonne voie. Chaque jour qui passe, je me rends compte que je pense à des écrivains qui ont décrit il y a plus de cent ans, de façon prophétique mais contenue, le déclin des dieux européens, le crépuscule qui a plongé notre civilisation dans une obscurité qui doit encore être illuminée.

→   Lire Plus

« Les yeux dorés de Rose », conte contemporain d’après « Toxic Island » d’Ernest Pépin

Samedi 18 avril 2015 à 19h30 au Centre culturel du Bourg du Lamentin.

les_yeux_dores_de_roseAdaptation  et écriture : Laurence Couzinet-Letchimy
Avec : Jean l’Océan
Public : A partir de 15 ans
Durée: 1h

On dit souvent que les soukougnans sont affaires de conteur.
Mais si elles existaient vraiment, ces femmes qui à la nuit tombée ôtent leurs peaux et se transforment en boule d’énergie incandescente? Si elles étaient là pour nous tenir la main et nous guider sur le fil qui tisse nos vies?

Lire aussi : « En marge du cahier »

Dans la Martinique d’aujourd’hui, Rose, fille d’un temps indéfinissable, fait la rencontre de Colo qui flambe sa vie comme une roche de crack. Artisan- taxi, il réceptionne les touristes. Ça, c’est pour la vitrine et calmer son vieux !
Pour le reste, il vit à-toute et, avec ses potes, il enchaine petites combines à droite et « foutépamal » à gauche. Tout est bon pour frimer, consommer et coquer la fourmilière des femmes.

→   Lire Plus

« Lignes de faille ». Du roman au théâtre

— Par Selim Lander —

Lignes de faille1Nancy Huston a obtenu le prix Femina pour Lignes de faille en 2006. Ce gros roman de presque 500 pages, polyphonique, a fait l’objet d’une adaptation par Catherine Marnas (actuelle directrice du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine – TnBA), adaptation actuellement présentée au Rond-Point, à Paris. Le livre est une sorte de saga familiale qui, partant de Sol (Solomon) remonte successivement au père Randall, à la grand-mère Sadie et enfin à l’arrière-grand-mère (« AGM ») Kristina. Passer du roman au théâtre s’avère particulièrement délicat, en l’occurrence, non seulement en raison de l’ampleur du premier mais encore parce qu’il est constitué de quatre monologues successifs qui sont situés dans la tête des personnages alors âgés de six ans !

La version littéraire du roman fonctionne à merveille. Au théâtre, c’est plus compliqué. D’abord, restituer ne serait-ce que l’essentiel d’une histoire aussi longue prend beaucoup de temps et le spectacle s’étire sur quatre heures (entracte non compris). Or, entendre quasiment tout au long de la pièce des comédiens adultes monologuer en s’efforçant de prendre une voix de fausset (par ailleurs amplifiée) peut devenir assez rapidement une épreuve pour le spectateur.

→   Lire Plus

« The Servant » ou le maître domestiqué

— Par Selim Lander —

The Servant 1  Brigitte EnguerandQu’est-ce qui fait une bonne pièce de théâtre, l’une de ces pièces d’où l’on sort parfaitement content, heureux comme le roi en France ? L’image n’est pas complètement hors de propos ; ces pièces rares communiquent en effet un sentiment de plénitude, proche sans doute de celui qui peut être ressenti par celui qui est en mesure d’obtenir ce qu’il désire simplement par un simple claquement des doigts. Du pouvoir il est beaucoup question, au demeurant, dans The Servant, le pouvoir – évident mais trompeur – du maître et celui – caché et bien plus pernicieux – du serviteur. Le roman de Robin Maugham (neveu de Somerset Maugham), publié en 1948, a connu une postérité éclatante grâce au film de Losey, avec Dirk Bogarde dans le rôle titre. L’auteur en avait lui-même tiré une pièce actuellement présentée au Théâtre de Poche Montparnasse – dont la programmation, en règle générale, ne déçoit pas. C’est encore le cas avec ce Servant qui procure, comme déjà signalé, un vrai « plaisir de théâtre ».

→   Lire Plus

Hanokh Levin prend la Bastille

—  Par Selim Lander —

schitz-de-hanokh-levinHanokh Levin (1943-1999) est un dramaturge israélien de gauche, communiste, auteur prolifique (52 pièces dont 32 montées de son vivant en Israël). Son théâtre engagé, anti-militariste, anti-matérialiste, a suscité autant de louanges que – on s’en doute – d’opposition virulente dans son pays. Wikipedia cite par exemple ce jugement d’un certain Uri Porat, qui sonne comme une condamnation à mort: « Ce théâtre dépotoir fait de nous des meurtriers abjects, citoyens âpres au gain d’un état militariste ». C’est néanmoins le cancer qui a emporté Levin prématurément, à croire que les saltimbanques ne font peur à personne.

Une troupe flamande joue en ce moment à Paris, en français, l’une de ses pièces, Schitz. C’est l’occasion pour ceux qui ne connaissent pas encore cet auteur hors norme (« hénaurme » serait-on tenté d’écrire) de le découvrir.

→   Lire Plus

« Le Papalagui » : Le théâtre encore, pour vivre et survivre

Marin (Auditorium) : mercredi 8 avril 19 heures
Prêcheur (Salle Félix-Grélet) : jeudi 9 avril à 19 heures

le_papalagui-3— Par Janine Bailly —
En cette fin de mois, le nouveau directeur de l’EPCC-Atrium nous offre avant l’heure de bien jolies fêtes pascales : samedi, nous avons grâce à lui vibré au spectacle de The Island (lire sur ce journal l’article de Roland Sabra). Ce lundi, c’est à un spectacle gratuit que Hassane Kassi Kouyaté nous a conviés à l’Université des Antilles, dans le cadre d’une opération lancée sous l’appellation de Territoires en cultures, opération de décentralisation des spectacles, présentement en partenariat avec la ville et l’université de Schœlcher.
En ce qui concerne The Island, j’aimerais juste partager ces deux moments d’émotion forte qui furent les miens.Tout d’abord, au récit de la traversée qui mena les prisonniers à l’île, comment ne pas songer au destin tragique que connurent les passagers des tristement célèbres bateaux négriers de la traite ? Ensuite, comment ne pas comprendre que, enfermés dans cette cellule, on ne peut continuer à vivre et s’échapper que par l’imaginaire : dans un rituel quotidien, l’un des détenus ramasse une timbale et passe un appel à sa famille ou à ses amis, son monologue s’interrompant brusquement, et l’on peut lire alors sur le visage de l’acteur, redevenu étrangement silencieux, toute la détresse d’un retour à une trop cruelle réalité.

→   Lire Plus

« Les Estivants » ou les frustrés en vacances

— Par Selim Lander —

les estivantsMaxime Gorki a écrit cette satire de la petite bourgeoisie russe dans les premières années du XXe siècle. La pièce, disons-le tout de suite, est loin d’être un chef d’œuvre et l’on est en droit de se demander pourquoi la Comédie Française a éprouvé le besoin de la monter à nouveau, après la version adaptée par Michel Vinaver en 1983. La version présentée aujourd’hui est celle, antérieure, de Peter Stein et de Botho Strauss, qui fut créée à la Schaubühne. Elle transforme quelque peu le texte initial en mettant les quinze protagonistes ensemble sur scène dès le départ, ce qui permet de créer un spectacle un peu plus dynamique, avec des scènes découpées en brèves séquences. Cela ne suffit pourtant pas à sauver les spectateurs de l’ennui, au moins pendant la première partie d’exposition qui se prolonge pendant une heure et vingt minutes, avant l’entracte. Les quelques-uns qui sont partis à ce moment-là n’ont pourtant pas fait le meilleur choix car la suite, pendant laquelle se nouent (et se dénouent) quelques intrigues amoureuses, est nettement plus enlevée et la fin entre (enfin) dans le vif du sujet : la « question sociale ».

→   Lire Plus

« Un obus dans le coeur » de Wajdi Mouawad

obus_ds_coeurb-400« Un jour, ma mère s’est mise à avoir un visage autre. C’est peut-être ça le début de mon histoire.« 

Wahab est réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère, malade d’un cancer, agonise. En s’acheminant vers l’hôpital, Wahab se prépare à dompter la mort, à nouveau, la dernière fois il avait 7 ans. Tout le mène à ce face à face avec la mort, avec sa peur d’enfant, qu’il doit terrasser pour enfin se libérer. Le chemin de Wahab est un chemin douloureux, où se côtoient l’innocence, la colère, l’incompréhension, la tendresse et aussi l’humour.

Ma mère meurt, elle meurt, la salope, et elle ne me fera plus chier !

*****

La salle est petite, nous sommes près, tout près du comédien. Mise en scène discrète et efficace, gros travail des lumières qui créent diverses atmosphères, la rue, la nuit et l’hopital, décor léger, deux chaises, nous sommes vraiment avec lui, Wahab, un jeune homme en colère. Wahab vient d’apprendre au téléphone qu’il doit se rendre au chevet de sa mère, mourante. Et durant le trajet, il exprime tout ce qui lui passe par la tête.

→   Lire Plus

« La machine à beauté » ou l’éloge de la différence

Machine à beauté2— Par Roland Sabra —

Catou Clin d’oeil, photographe, lors de l’inauguration de son studio rue de lent a Trapéziste, annonce qu’elle offrira gratuitement de prendre en photo quiconque se présentera à son magasin. Aussitôt dit, aussitôt fait voilà hommes et femmes devant leurs portraits sur lesquels ils ne relèvent que leurs défauts. Ils se voient plutôt laids. Arrive alors un scientifique, Arsène Clou, qui leur propose de passer dans une » « machine à »beauté » de son invention pour les embellir, ce qu’ils acceptent. Mais voilà la machine n’offre qu’un type de beauté par sexe, modèle unique qui transforme les villageois en clônes d’un modèle abstrait enfermé dans la machine. Domine alors le monde du même, de l’identique. On l’aura compris la machine à beauté est en réalité une machine à fabriquer de l’uniforme. Une machine diabolique et mortifère qui traque la singularité. Pauline le chef policier emprisonne son subordonné Jean Betterave dont elle pense qu’il s’agit d’un imposteur ayant enfilé les habits du véritable Jean Betterave. Joséphat Pavillon, le Maire, ne reconnait plus la chapelière Zézette qui est pourtant son épouse.

→   Lire Plus

Médée, poème enragé

—Par Michèle Bigot —

medee_poeme_enrage-400Médée, poème enragé
Texte et mise en scène : Jean-René Lemoine,
Festival du standard idéal, 10è édition
MC93, hors les murs, TGP, Saint-Denis,

Le poète et dramaturge Jean-René Lemoine et le musicien Romain Kronenberg, responsable de la création musicale et sonore, nous proposent ici un spectacle d’un genre inédit que l’auteur lui-même catégorise comme « opéra parlé ». Ce spectacle a été produit en 2013 par la MC93 et revient en 2015 avec un succès très mérité.
Certes, on peut parler à son propos d’une version moderne du mythe de Médée, forgé pour et par le théâtre (Euripide, Sénèque, Corneille). J.-R. Lemoine avoue d’ailleurs avoir été marqué par la version qu’en donna naguère Heiner Müller (« Médée-matériau »), dans la mise en scène d’Anatoli Vassiliev ; mais il s’agit ici d’une total refonte du mythe, dans une forme dramatique essentiellement musicale. La genèse de cette œuvre le dit assez : au départ, l’architecture globale se décide entre le musicien et l’auteur : l’écriture du texte se trouve modelée par cette trame musicale : les effets rythmiques, les variations de tempo, la musicalité du verbe, la facture même du poème dramatique s’en nourrissent.

→   Lire Plus

Ou comment interroger l’absence de diversité sur les plateaux de théâtre*

— Par Claire Diao —

acteursLundi 30 mars 2015, le Théâtre de la Colline de Paris, en partenariat avec la Fondation Edmond de Roschild et la Fondation SNCF, organisait une lecture de texte de la première promotion de sa formation théâtrale Ier Acte, précédée par une table-ronde autour de l’absence de diversité sur les plateaux de théâtre français. Compte-rendu d’un débat musclé.
Ils sont plusieurs centaines, en ce 30 mars 2015, les curieux et les passionnés, professionnels ou amateurs, acteurs, metteurs en scène, scénographes, techniciens ou simples spectateurs, à venir assister à une table-ronde sur l’absence de diversité sur les plateaux de théâtre français.

Dans la rue Malte-Brun du XXe arrondissement de Paris, les participants fument une cigarette, discutent, se saluent puis se pressent dans le hall et l’escalier pour faire la queue, retirer leur invitation, puis s’installer dans le Grand Théâtre de La Colline – théâtre national.

Sur la scène, Firoz Ladak, directeur général des Fondations Edmond de Rotschild; Zinedine Soualem, comédien de théâtre et cinéma; Frédéric Hocquard, directeur d’ARCADI Île de France (1); Monia Triki, chargée des mécénats à La Colline; Laure Adler, journaliste et modératrice de la table-ronde; Eric Fassin, sociologue, professeur à l’Université Paris 8 et chercheur au Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS); Jean-Baptiste Anoumon, comédien; Marianne Eshet, déléguée générale de la Fondation SNCF et Stanislas Nordey, metteur en scène, directeur du Théâtre National de Strasbourg et directeur artistique du programme Ier Acte sont installés face à la salle.

→   Lire Plus

« Le Papalagui » : le 31 mars à 18h 30 sur le campus de Shoelcher et le 1er avril à 19h sur l’esplanade de l’Atrium.

 Mise en scène d’ H.K. Kouyaté. Accès libre!

le_papalagui

Le Papalagui désigne le Blanc, l’étranger, littéralement : le pourfendeur du ciel. Le premier missionnaire blanc qui débarqua à Samoa arriva sur un voilier. Les indigènes prirent de loin les voiles blanches pour un trou dans le ciel, à travers lequel le Blanc venait à eux. Il traversait le ciel. Le texte est présenté comme un recueil d’observations et de réflexions où la civilisation occidentale est passée au crible du bon sens d’un dignitaire samoan du début du siècle.

C’est avec humour et malice que la civilisation occidentale du début du XXème siècle est passée au crible du bon sens de Touiavii, chef d’une communauté des îles Samoa, au cours d’une mémorable conférence illustrée.

→   Lire Plus

« The island », mise en scène de H.K. Kouyaté : un très bel objet théâtral

— Par Roland Sabra —

the_island

C’est la deuxième pièce de ce trio d’auteurs sud-africains qu’il nous a été possible de voir en Martinique en l’espace de cinq ans. En effet, en mai 2010 le public martiniquais qui avait répondu présent avait été été subjugué par « Sziwe Banzi est mort » , mis en scène par Peter Brook, excusez du peu! C’est donc avec un apriori tout à fait favorable que l’on a retrouvé ses trois auteurs et le comédien Habib Dembélé accompagné cette fois par Hassane Kassi Kouyaté, comédien, metteur en scène, musicien et directeur de l’Atrium, entre autres. C’était, ce soir là à Fort-de-France, la 384ème représentation de cette mise en scène déjà jouée dans 43 pays!

The Island est une pièce de théâtre sur le théâtre, une pièce de théâtre dans le théâtre mais qui ne parle du théâtre que de façon accessoire, comme un prétexte pour dire l’essentiel. Cet essentiel qui ne relève pas du débat d’idées, de l’affrontement philosophique, de divergences affichées et assumées sur une vision du monde, mais qui est  plus prosaïquement celui de la survie au quotidien dans la tristement célèbre prison de Robben Island, celle-là même où furent emprisonnés Mandela, Sisulu, Mbeki au temps de l’apartheid.

→   Lire Plus