Catégorie : Avignon

Olivier Py : « Être debout est notre force »

vivre_deboutOlivier Py, le directeur du festival d’Avignon, estime que son festival oeuvre comme un acte de résistance après l’attentat de Nice

« Applaudir ensemble les forces de la vie plutôt que se résigner à une minute de silence. » Vendredi midi, au commencement du premier spectacle joué après l’attentat de Nice, celui de la Piccola Familia au jardin Ceccano, Avignon a choisi son camp : « Celui de dire notre douleur et notre solidarité aux victimes sans interrompre la vie ». L’idée vient du directeur du festival, Olivier Py. « Être debout est notre force, le fait d’aller au spectacle est un geste de résistance », dit-il.
« Ce festival éminemment citoyen reste le plus beau du monde »

Dans la Cité des papes, où la présence de gendarmes et militaires va de soi, les consignes de sécurité n’ont jamais été aussi drastiques. « Il est vrai que ce n’est pas très agréable de se voir confisquer sa bouteille d’eau ou des objets supposés dangereux avant un spectacle, mais le public s’y prête avec beaucoup de bienveillance. Ce festival éminemment citoyen reste le plus beau du monde. 

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Mon Festival d’Avignon 2016

— Par Dominique Daeschler—

avignon-2016Festival d’Avignon 2016

De ce que nous avons vu on retiendra l’omniprésence de la vidéo (avec plus ou moins de bonheur), une volonté de jouer à cour et à jardin plutôt qu’au centre du plateau (réservé souvent à l’effet rassembleur et au message), l’alternance de dialogues et de récits, la présence de musiciens sur scène, l’importance de scénographies impliquant fortement les dramaturgies, un goût pour des textes allemands valorisant la nature, le pouvoir, l’excès avec une quasi omniprésence des questionnements actuels sur populisme et nationalisme.

A tout seigneur tout honneur : le IN

6 A.M. How to disappear completely

Au Théâtre-opéra, le Blitztheatregroup, collectif de création grec monte une adaptation d’une élégie du romantique allemand Hölderlin en neuf temps traduite en neuf tableaux. Jusqu’au tableau final, le spectacle se déroule dans la pénombre pour mieux occulter la logique de la réalité matérielle et fuir le déroulement d’une histoire. Volonté d’entrer dans un univers poétique sans chercher à comprendre, de faire du verbe une parole qui suscite l’émotion et réveille nos imaginaires : nous voilà dans une zone mal définie tantôt forêt tantôt usine où l’on entend une voix sans que les acteurs se parlent entre eux.

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Avignon 2016 (8) : « Inconcevable silhouette du nouveau futur qui tue »

— Par Selim Lander —

Rascar CapacElie Salleron est un jeune auteur, animateur de la compagnie « Rascar Capac » (les tintinophiles apprécieront). Il a écrit au pied levé, pour occuper un créneau qui venait de se libérer dans une petite salle du OFF, un spectacle pour deux comédiens et une comédienne qui ne manque ni d’impertinence ni de pertinence. Il est en effet sinon outrecuidant du moins réellement impertinent de brocarder tout du long l’éditorial d’Olivier Py, le directeur du IN comme chacun sait, plus précisément son introduction au programme du « festival » (le festival tout court, i. e. le IN).

Verbatim : « Quand la révolution est impossible il reste le théâtre. Les utopies y attendent des jours propices, les forces novatrices y inventent encore un demain, les vœux de paix et d’équité n’y sont pas prononcés en vain. Quand Hamlet voit l’impossibilité de la révolution, il convoque le théâtre pour y faire une révolution de théâtre qui dit que tout est encore possible, qu’il faut réanimer le désir de jours enivrés de devenirs.

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Un terrifiant paradoxe

— Par Jean-Pierre Han —
les_damnesLe spectacle d’ouverture du 70e Festival d’Avignon, tant attendu, laisse un goût amer, pour ne pas dire plus. Les Damnés, d’après le scénario de Luchino Visconti.
Mise en scène d’Ivo Van Hove. Cour d’Honneur du palais des Papes. Jusqu’au 16 juillet à 22 heures.

Je ne sais si, pour reprendre le titre du livre de Marie-José Mondzain, grande spécialiste de la question, l’image peut tuer ou non (L’image peut-elle tuer ?), ce qui est sûr c’est que dans le spectacle que vient de donner Ivo Van Hove dans la cour d’Honneur du palais des Papes, à partir du film de Visconti, les Damnés, elle mériterait d’être longuement analysée et réfléchie.
Ce qui n’est malheureusement pas le cas ; elle anéantit du coup tout plaisir – toute intelligence, a-t-on envie d’ajouter – théâtral, ou en tout cas elle le déplace de très étrange manière. Car enfin la saga imaginée et filmée de manière somptueuse et impitoyable par Luchino Visconti naguère (en 1969) qui narre la descente aux enfers d’une grande famille d’industriels allemande qui gère ses aciéries avec succès et suscite la convoitise des nazis, à partir de 1933, année de l’incendie du reichstag et de l’annonce par Himmler de la création du camp de Dachau tout juste après, cette saga nous est restituée par Ivo Van Hove dans un déploiement d’images qui ne nous autorise aucune respiration ni aucune réflexion.

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Du béton dans les plumes

— Par Michèle Bigot —

du_beton_ds_les_plumesFestival d’Avignon, off 2016, La Manufacture, 6-13/07/2016

Ecriture et mise en scène : Axel Cornil

Scénographie : Thomas Delord

Dramaturgie : Meryl Moens

 La terre façonne les hommes. Même quand celle-ci est cachée sous la pierre, le bitume ou l’asphalte, même quand elle est meurtrie. Surtout quand elle est meurtrie.

Ce préambule, extrait du texte d’Axel Cornil, donne le ton de ce spectacle, du moins en partie, car autant le texte peut être grave et poétique pour évoquer cette région de Mons, dévastée par l’industrialisation puis la désindustrialisation, ravagée par les guerres, où la jeunesse se désespère et ne rêve que d’ailleurs, autant il peut être drôle, féroce et dérangeant.

Quatre comédiens fougueux se partagent le rôle de Pétrone, jeune homme de 25 ans aux prises avec une impossible succession. Il hérite en bloc des guerres, des mutilations, des sacrifices, des désespoirs conjugués et d’une maison en ruine. Sa famille elle-même est en ruine. Fils d’un architecte déchu du nom d’Icare, et d’une mère noyée dans l’alcool, nommée Europe, aussi dévastée que le continent du même nom.

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We love Arabs

we_love_arabsSpectacle chorégraphique
Texte et chorégraphie Hillel Kogan
Interprètes : Adi Boutrous, Hillel Kogan
Festival d’Avignon off, La Manufacture 6-24/07/2016

Voici certainement la meilleure surprise du off 2016 ; elle ne nous vient pas du théâtre à proprement parler, mais de la danse. En tout cas, de ce genre de spectacles dans lesquels se marient heureusement texte, danse, lumière et musique. On peut parler ici de véritable texte, quoique celui-ci ne soit pas toujours parlé. Ainsi le préambule, où Hillel Kogan est encore seul en scène, nous fait part des difficultés que peut éprouver un auteur à exprimer. Exprimer quoi ? Exprimez comment ? C’est bien la question que l’auteur traduit dans un langage corporel, soutenu par l’énonciation de quelques paroles articulées à grand peine. Le jeu des mains, qui miment la difficulté d’exprimer, traduit dans l’espace ce que la parole peine à exprimer dans le temps. Rétrospectivement, on comprendra que la difficulté tient à toute création mais aussi au thème abordé : comment vivre avec les Arabes quand on est un Juif de Tel Aviv ? Et qui est cet Arabe tant redouté ?

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Avignon 2016 (7) : « Alors que j’attendais »

— Par Selim Lander —

Alors que j'attendaisSi le IN d’Avignon est avant tout la vitrine du théâtre « contemporain », au sens formel du terme, comme on parle d’« art contemporain » en matière d’arts plastiques, il peut faire preuve également d’ouverture vers des productions de pays sans grande tradition théâtrale. Alors que j’attendais porte justement témoignage sur les drames vécus quotidiennement par les Syriens depuis cinq ans. L’auteur, Mohammad Al Attar, a construit autour du cas d’un jeune homme, Taim, plongé dans le coma à la suite d’un accident, une histoire qui fait intervenir la mère, la sœur, la petite amie, un ami. Parallèlement, un autre jeune homme, rescapé des prisons du régime raconte les sévices et autres atrocités qui y sont commises.

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Le Festival d’Avignon ne perd pas le nord

Ivo van Hove magistral, Angélica Liddell diabolique, Julien Gosselin démesuré, Anne-Cécile Vandalem incisive et drôle : le 70e Festival d’Avignon démarre tambour battant. Revue critique.
Fort d’un taux de réservation exceptionnel, de 84% pour une jauge de 125.000 places sur trois semaines, Avignon In démarre sous de bons auspices cette année. De quoi faire râler les spectateurs qui n’arrivent plus à réserver en dernière minute, mais pas ­Olivier Py! Douché l’an dernier par le succès très mitigé de son Roi Lear, confronté en 2014 à la grève des intermittents, le ­directeur du festival respire un peu. Mieux, son Prométhée ­enchaîné, d’après ­Eschyle, sous forme itinérante dans les faubourgs extra-muros de la ville, bénéficie déjà de bons échos.

« Il est vain d’opposer théâtre de recherche et théâtre populaire, le ­public réclame aussi des artistes qu’il ne connaît pas, des découvertes, de l’émergence », a-t-il souligné lors de sa première conférence de presse mercredi. Autre bonne surprise : le triomphe des Damnés, magistrale mise en scène du Flamand Ivo van Hove d’après le scénario du film de Luchino Visconti dans la Cour d’honneur.

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Nadejda

— Par Michèle Bigot —

nadejdaNadejda
Une œuvre scénique de Jacques Kraemer
En collaboration avec Aline Karnauch
A partir des souvenirs de Nadejda Mandelstam (contre tout espoir)
Et des textes de Ossip Mandelstam (Poèmes et proses)
Avec Aline Karnauch et Jacques Kraemer
Après avoir publié une première pièce, mettant en scène Ossip Mandelstam, Trois nuits chez Meyerhold, J. Kraemer revient sur l’écriture poétique de Mandelstam, en tant qu’elle est liée au destin tragique qui fut le sien. Poète précurseur de la modernité russe, il participe dès 1912 avec Anna Akhmatova à la fondation du mouvement Acméiste. Il publie essais et recueils de poésie dès l’année suivante. Figure emblématique de l’opposition à Staline, en raison de la diffusion inopinée de son Epigramme contre Staline, « Le Montagnard du Kremlin », il connaîtra l’exil le bannissement. Brodsky dit de lui que c’était le plus grand poète russe du XXème siècle, il n’en finira pas moins ses jours en 1938, au camp de la Kolyma, d’épuisement et de faim.
Poursuivi, harcelé, arrêté à plusieurs reprises par le NKVD, il ne peut plus rien publier.

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Toute ma vie, j’ai fait des choses que je ne savais pas faire.

— Par Michèle Bigot —
toute_ma_vieDe Rémi De Vos,
Mise en scène Christophe Rauck
Avec Juliette Plumecocq-Mech
Festival d’Avignon, La Manufacture 6-24/ O7/2016

A la demande de Christophe Rauck, Rémi De Vos a écrit un monologue pour la comédienne Juliette Plumecocq-Mech. Ce trio n’en n’est pas à son coup d’essai. Pur produit du Théâtre du nord, qui n’en finit pas de nous conter les affres du pays noir, sans jamais donner dans la couleur locale. Les personnages de Rémi De Vos (on se souvient de Occident) sont souvent de simples quidam attablés dans un pauvre rade, à noyer leur mal-être dans une chope de bière. C’est le monde qui vient à eux, le plus souvent sous des formes violentes. Cette fois-ci, un client boit sa bière tranquillement dans son coin dans un bar plutôt désert ; le patron est parti faire un peu de rangement dans l’arrière-boutique, quand entre un malabar, qui vient agresser directement notre homme sans autre forme de procès. Juste parce qu’il lui trouve une gueule qui ne lui revient pas. Il bloque l’entrée en encadrant la porte et se livre à un déluge d’injures en bonne et due forme.

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Avignon 2016 (6) : « Les Damnés »

— Par Selim Lander —

Les Damnés1Cette adaptation théâtrale du scénario des Damnés de Visconti par le metteur en scène hollandais Ivo Van Hove (déjà en Avignon en 2014 avec The Foutainhead, d’après Ayn Rand) avec les comédiens de la Comédie Française est le clou de cette saison avignonnaise aussi bien selon les festivaliers que selon les critiques. Nous ne rabattrons rien de cet enthousiasme, bien au contraire.

On ne sait quoi louer en premier. Alors pourquoi pas la performance des acteurs ? Il faut dire que depuis Jean Vilar, la manière de faire du théâtre a beaucoup évolué. La nudité, par exemple, n’est pas seulement une manie d’Angélica Liddell ; elle est devenue banale, comme nous le soulignions dans nos chroniques de l’année dernière. Foin des préjugés, mais songeons ce que cela peut vouloir dire pour un acteur prestigieux et vieillissant comme Denis Podalydès de se balader complètement « à poil » sur l’immense plateau de la Cour d’honneur du Palais des papes, puis de se lancer dans une glissade à plat ventre dans une marre de bière, de se bagarrer amicalement avec un partenaire dans la même tenue (l’absence de tenue) que lui, et, pour finir, d’entrer, toujours dans le plus simple appareil mais couvert de sang, dans un cercueil.

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Avignon 2016 (5) : « Lenz », « Les Dits du bout de l’île », « La Petite Molière »

— Par Selim Lander —

LenzLenz d’après Jakob Michael Reinhold Lenz, Georg Büchner et Johann Friedrich Oberlin

Au début du spectacle d’Angélica Liddell, Qué Haré Yo, une remarque de Cioran s’inscrit sur un bandeau lumineux : les Français, selon lui, sont inaptes au romantisme, le vrai, celui des Allemands. Est-ce pour guérir cette tare que le IN d’Avignon programme si souvent des pièces inspirées par les romantiques allemands, à commencer par Hölderlin dont on a parlé ici à plusieurs reprises. Mais les pré et post-romantiques ont aussi la cote. Tel est le cas respectivement de Jakob Lenz (1751-1792) et de Georg Büchner (1813-1837). Lenz fut l’ami de Goethe, avant de se brouiller avec lui. Il eut une vie aventureuse, traversée par un inguérissable chagrin d’amour et des crises d’excitation nerveuse qu’il soignait par des bains d’eau glacée. Il fut recueilli pendant un temps par le pasteur Oberlin, lequel laissa un récit de ce séjour, récit dont Büchner tira une nouvelle (inachevée).

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Avignon 2016 (4) : « On a fort mal dormi » ; « Démons »

— Par Selim Lander —

On a fort mal dormiOn a fort mal dormi 

Pourquoi avoir changé le titre du livre de Patrick Declerck (Les Naufragés, collection « Terres humaines ») dans lequel il raconte la vie des clochards parisiens, sur la base des consultations de psychiatrie qu’il a données quinze années durant au centre d’accueil des sans abris à Nanterre ? Cet ouvrage remarquablement écrit et pourvu d’une postface valant tous les livres de philo devrait être lu par tous ceux qui s’interrogent sur notre société, sur la place qu’elle laisse aux pauvres hères qui échouent dans la rue.

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Avignon 2016 (3) : « Qué Haré Yo » d’Angélica Liddell

— Par Selim Lander —

Qué Haré Yo1Qué Haré Yo con esta Espada ?

Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Angélica Liddell ne laisse personne indifférent. Au début de Qué Haré Yo con esta Espada ? (Approximación a la ley y al problema de la belleza), histoire de nous mettre dans l’ambiance, un homme vêtu d’une toge traverse la scène, laisse tomber son vêtement et apparaît entièrement nu. Puis A. Liddell apparaît, vêtue d’un robe en lamé dorée. Elle se juche sur une sorte de comptoir de cuisine, relève sa robe et les jambes bien écartées comme une parturiente, exhibe devant le public son sexe complètement épilé. Par la suite, on la verra, rhabillée et le plus souvent seule sur la scène, déclamer ou plutôt crier son texte en espagnol (sur-titré) dans un micro sur un rythme accéléré.

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Avignon 2016 (2) : « Un Tramway nommé désir », « Ils tentèrent de fuir », « 6 a.m. »

— Par Selim Lander —

TramwayUn Tramway nommé désir 

En attendant d’assister au spectacle grec curieusement nommé 6 a.m. – How to disappear Completely et qui se tient en fait à 6 p.m. (18 h), nous nous sommes laissé tenter par le Tramway… de Tennesse Williams, attiré en particulier par la tête d’affiche, Francis Lalanne, dans le rôle de Kowalski, le mari de Stella, la sœur de Blanche. Stella est la figure centrale de la pièce, celle autour de qui se noue la rivalité entre les deux autres protagonistes. Mais Stella n’intéresse pas le spectateur : elle est trop sage, trop lisse, trop naïve. Il en va autrement des deux autres, les faux durs, Kowalski, dit « le Polak » par Blanche, un être frustre mais dont les colères sont dévastatrices, et Blanche, dite « dame Blanche » par Kowalski, élégante, hautaine avec l’humour qu’il faut et un physique à damner un saint. Ils ne sont pourtant que de faux durs comme la pièce le fait découvrir progressivement.

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Avignon 2016 (1) : Bonjour « Tristesses »

— Par Selim Lander —

TistessesPremier contact avec Avignon après l’introduction aixoise (notre précédent billet) et la demi-finale de la coupe d’Europe de football gagnée par la France avec une étonnante facilité malgré des débuts plutôt laborieux. Débuts laborieux, c’est ce que l’on a envie de dire également à propos de Tristesses, la pièce écrite et mise en scène par Anne-Cécile Vandalem, à la tête de la compagnie « das Fraulein » (laquelle, comme le nom ne l’indique pas, est belge). L’argument relève du théâtre politique : soit « Tristesses », une île danoise anciennement vouée à l’élevage, ruinée à la suite de la faillite de l’abattoir et presqu’entièrement vidée de ses habitants.

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Le TOMA en route vers les grands larges

— Par Dominique Daeschler —

grand_largeFestival d’Avignon 2016, le TOMA en route vers les grands larges.

Une programmation éclectique de neuf spectacles où l’on retrouver Martinique et Guadeloupe dans le créneau «Dansez» avec Agnès Dru et Yves Milôme, les créations théâtrales caribéennes ayant choisi de se montrer dans d’autres espaces. Une ouverture se fait cette année sur Mayotte et dans l’esprit du « tout monde » qui anime le lieu, vers la Corée du Sud, la Palestine et Israël. Avec la Corée du Sud, très présente dans les derniers festivals nous sommes conviés à une lecture d’un Macbeth revisité par la musique traditionnelle coréenne. Artistes palestiniens et israéliens, en présence d’Amos Gitaï (son film sur Yitzhak Rabin est projeté une seule fois dans la cour du palais des papes), lors d’une exceptionnelle carte blanche consacrée au réalisateur, accompagnent ce dernier dans une rencontre après projection et la création Shame : Talback théâtre. Sans doute une façon d’aborder le pas vers l’autre, le vivre ensemble que nous retrouvons aujourd’hui dans les nombreux conflits qui secouent le monde. Même combat Dans le quatrième mur qui, adaptant un roman de Sorj Chalendon, rassemble les frères ennemis de la guerre du Liban.

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Greg Germain : une Agence pour inventer des outils de rencontre et de valorisation des cultures ultramarines.

— Propos recuillis par Dominique Daeschler —:
greg_germainDe lui, ma grand’mère aurait dit « qu’il porte beau ».Greg Germain, acteur, metteur en scène, réalisateur, directeur de théâtre en énerve plus d’un. On le dit clivant, volontiers bourru, aimant le pouvoir. C’est avec insolence qu’il porte ses engagements. Fin politique, acharné au travail, il et aussi d’une exquise politesse. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il est incontournable quand on parle des Outremers. Né à Pointe à Pitre, il a fait pas mal d’aller-retours entre sa ville natale et Enghien où il a vécu une partie de sa jeunesse. Parisien aujourd’hui il n’a jamais cessé de réfléchir à la double culture des Français d’Outre-mer, à leur écartèlement, au signifiant profond de ces «  euroblack, domien, négzagonal, négropolitain ». En 2013, à la demande du Président de la République, il met en place la préfiguration de l’Agence pour la Promotion et la Diffusion des Cultures de l’Outre-mer.

D Daeschler : Cette Agence c’est un défi, une boulimie, un nouveau combat ?
G Germain : C’est une nécessité. Il ya une absence de visibilité culturelle qui pousse les Français de l’Hexagone à avoir de L’Outre-mer et des populations qui en sont issues une vision simpliste marquée par de nombreux clichés.

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De retour d’Avignon

— Par Dominique Daeschler —

avignon_2015_finCette cuvée 2015 du festival d’Avignon paraît décevante dans son ensemble. Beaucoup de témoignages (immigration et sans papiers, racisme, chômage, guerres et violences policières) qui ne passent pas la barre du théâtre et restent dans une dimension « reportage » ou « jeu au public » abordant la fable brechtienne dans son aspect le plus élémentaire sans apport spécifique de mise en scène et de dramaturgie. Enfin, l’altérité édictée en credo n’atteint pas toujours son but dans des spectacles redondants (Retour à Berratham), hétéroclites (Cuando vuelva a casa), brouillons(le bal du cercle).

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Dinamo (in)

Trois argentins (C Tolcachir, M Hermida, L Perotti) membres du théâtre école Timbre 4 cosignent texte et mise en scène d’un huis clos entre trois femmes dans une caravane : Ada chanteuse en mal d’inspiration et de contrats, Marisa sa nièce ex championne de tennis et Harima clandestine planquée dans ce petit espace. Toutes trois sont confrontées à la solitude, au manque d’avenir, aux réminiscences obsessionnelles du passé. C’est Harmina qui parle une langue inconnue (petit clin d’œil à l’espéranto) qui i rassemblera le trio dans la possibilité de vivre au présent.

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Avignon 2015 (20) : Épilogue ( et récapitulatif)

— Par Selim Lander —

affiche IN 15Le festival s’est achevé le 25 juillet. Après trois semaines très intenses, la ville va retrouver un calme relatif, la fréquentation estivale des touristes, quoique non négligeable – la Cité des Papes recèle tant de trésors ! – n’ayant rien à voir avec celle des festivaliers. Le 69ème festival IN a programmé 58 spectacles pour 280 représentations avec un taux de fréquentation supérieur à 93%. Avec les manifestations gratuites, 156000 entrées ont été comptabilisées. On ne dispose pas de ce dernier chiffre pour le OFF (qui fêtait cette année son 50ème anniversaire), chaque compagnie se chargeant de la vente des billets pour son ou ses spectacles, mais les chiffres disponibles sont encore plus impressionnants : 1071 compagnies (dont 128 étrangères) ont présenté 1336 spectacles. Plus de 50000 cartes du OFF (donnant droit à des réductions sur les spectacles) ont été vendues, soit 50000 spectateurs qui ont vu chacun au minimum quatre ou cinq pièces, sans compter les autres, non-encartés.

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Avignon 2015 (19) : Patrice Chéreau – Un musée imaginaire

Par Selim Lander

Chéreau afficheOuvert en 2000 dans l’Hôtel de Caumont, en Avignon, la Fondation Lambert d’art contemporain se prolonge depuis cette année dans l’Hôtel mitoyen de Montfaucon. Les deux bâtiments entièrement rénovés pour la circonstance (agence Berger&Berger) sont voués pour l’un au fonds permanent (qui a fait l’objet d’une dation à l’Etat), pour l’autre aux expositions temporaires. C’est donc là où se tient en ce moment, et jusqu’au 11 octobre 2015, une exposition qui présente à la fois des documents tirés des archives que Chéreau a léguées à l’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) et des œuvres de plasticiens ayant nourri son imaginaire ou qui, du moins, sont censées entretenir avec lui un certain rapport « sensible ».

Patrice Chéreau (1944-2013) est tombé très tôt dans le théâtre. C’est en effet au lycée Louis-Le-Grand, à Paris, qu’il tiendra ses premiers rôles et assurera ses premières mises en scène (en compagnie de Jean-Pierre Vincent). La troupe se fait remarquer et fera le voyage de Nancy, invitée par Jack Lang.

La suite ira tout aussi vite. Chéreau prend la direction, à 22 ans, du Théâtre de Sartrouville et c’est là qu’il s’associera Richard Peduzzi, son décorateur jusqu’à la fin.

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Avignon 2015 (18) : Qui sommes-nous ? – Mariano Pensotti

— Par Selim Lander —

Cuando vuelva a casa voy a ser otro – Quand je rentrerai à la maison je serai un autre

Cuando3Au cinéma, au théâtre aussi, on reconnaît les œuvres d’Amérique du Sud. Il est difficile de dire à quoi cela tient exactement, peut-être avant tout à une certaine manière de considérer l’humain qui combine l’empathie avec une certaine dérision, également à une certaine manière de traiter des sujets graves sans se prendre au sérieux. Mariano Pensotti est argentin (né en 1973). Sa renommée a largement dépassé les frontières et Cuando est une coproduction internationale à laquelle le festival d’Avignon s’est pertinemment associé. On aime en effet ce spectacle (en espagnol sous-titré) astucieusement construit et bien mis en scène et qui pose adroitement une question essentielle – c’est le cas de le dire – à savoir la grande question existentialiste : y a-t-il une « essence » de l’individu donnée une fois pour toutes, ou l’existence précède-t-elle l’essence ?

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Avignon 2015 (17) : La religion – Carole Martinez, Diderot

Par Selim Lander

DomaineMurmures_r« Le premier pas vers la philosophie, c’est l’incrédulité » (Denis Diderot). En nos temps troublés par des adeptes d’une certaine religion, cette vérité est bonne à entendre. Deux pièces qui n’abordent pas cette religion-là mais le christianisme nous amènent à réfléchir sur les conséquences de cette bizarrerie intellectuelle qu’est la foi en un dieu invisible et muet. La première saisit une femme au plus intime d’elle-même. La seconde emprunte la forme du débat socratique, version XVIIIe siècle.

Du domaine des murmures

Carole Martinez a obtenu le « Goncourt des lycéens » en 2011 pour ce roman qui se passe dans un Moyen-Âge de légende, de mystère et de foi.

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Baâda le malade imaginaire et Candide l’africain

— Par Roland Sabra —

candide_africainToinette mesure un mètre quatre-vingt-quinze, pèse bien ses quatre-vingt dix kilos et porte une belle barbe noire. Monsieur Purgon est un féticheur. Candide ne vit pas en Westphalie mais fréquente la cour de sa majesté Toukguili de Gongonbili Gongoni. Les scènes sont agrémentées de chants en dioula et en moré, de danses traditionnelles rythmées au son de balafon, djembé et kora. Et c’est de Molière et Voltaire dont il est question !
La compagnie Marbayassa, par deux fois lauréate du grand prix national du théâtre burkinabé transpose Candide ou l’Optimisme et Le Malade imaginaire au cœur de l’Afrique contemporaine et c’est un pur bonheur.
Molière qui, dans sa pièce testamentaire, dénonce le despotisme de la médecine et l’obscurantisme religieux et Voltaire, qui s’en prend à la noblesse rétrograde et à l’optimisme béat, sont magnifiés dans une démarche qui célèbre l’universalité de leurs propos. Au delà des modifications mentionnées, le travail présenté fait preuve d’une grande fidélité aux auteurs. Dans Candide, la trame du récit voltairien est respectée, un griot assure la transition entre les scènes, dans Baäda les vers sont ceux de Molière.

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Avignon 2015 (16) : Qu’est-ce que l’art ? Botho Strauss, Jacques Mougenot

— Par Selim Lander —

Trilogie du revoir

TrilogieLa Trilogie de la Villégiature de Goldoni (1761), Les Estivants de Gorki (1904), La Trilogie du revoir de Botho Strauss (Trilogie des Wiedersehens, 1977) : trois textes dans un intervalle de deux siècles pour décrire de riches personnes en vacances. Des trois, le Goldoni est sûrement le meilleur. Celui de Gorki, malgré des qualités, ne laisse pas un souvenir impérissable, en tout cas dans la version présentée cette année à la Comédie Française[i]. La Trilogie de Botho Strauss créée cet été en Avignon a partagé le public. On a vu quelques personnes déserter précocement le théâtre mais peut-être était-ce dû pour une part à l’acoustique défaillante de la salle dans une configuration telle que le décor, n’occupant pas toute la largeur de la scène, laissait les spectateurs des côtés en fort mauvaise posture pour entendre. Or les déserteurs étaient des vieilles personnes, lesquelles, comme l’on sait, ont souvent des difficultés d’audition.

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