Catégorie : Arts de la scène

« Réveillez-vous, réveillons-nous »

— Par Marijosé Alie —

Quelle est cette musique maléfique qui nous fait danser aujourd’hui au rythme des fake news et d’une révolte qui n’en est pas une puisqu’elle nous conduit lentement à un suicide collectif et à la disparition d’un peuple qui s’est tant battu pour exister ?

Je nous aime très fort et tels que nous sommes.

J’aime nos colères salvatrices et notre capacité à transformer le pire en meilleur mais là, j’avoue que je beugue.

Si je comprends, dans une solidarité intuitive, la méfiance que nous éprouvons envers l’autorité, qui souvent nous a baladés de silences en secrets, d’indifférences en oublis, de Charybde en Scylla, j’ai la conviction que nous avons su souvent contourner les pièges grâce à notre solide bon sens. Alors, je vous le demande : où est-il passé ce bon sens ?

Dans quelle eau trouble, polluée de peur et de révolte à deux balles est-il allé se noyer ? Pourquoi sommes nous coincés dans les mailles d’un filet chaque jour plus serré ?

Des centaines de jeunes et de moins jeunes frappent à la porte d’un hôpital qui bientôt ne pourra plus les recevoir et j’entends comme une ritournelle que c’est la faute à tout sauf à nous-mêmes :

la faute aux touristes,

la faute au préfet,

la faute aux élus ,

la faute à Macron.

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Kassav’ : « L’œuvre de Jacob Desvarieux est l’expression artistique d’une révolution identitaire »

Par Stéphanie Mulot

Professeure de sociologie et anthropologie, spécialiste des Antilles, université Toulouse-Jean-Jaurès, Centre d’étude et de recherche travail, organisation, pouvoir (Certop) et Laboratoire caribéen de sciences sociales

La création du zouk en Guadeloupe par Jacob Desvarieux avec le groupe Kassav’ a été le fruit d’un engagement politique profond, réhabilitant l’identité et la langue bafouées des héritiers de l’esclavage, rappelle, dans une tribune au « Monde », Stéphanie Mulot, sociologue et anthropologue spécialiste des Antilles.

Tribune. Jacob Desvarieux [mort le 30 juillet à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)] disait qu’il fallait rendre hommage aux gens de leur vivant… Et me voici à prendre la plume alors que son décès continue de retentir comme un séisme dans le monde musical… L’œuvre de ce géant est inscrite à jamais dans l’histoire mondiale de la musique, de la culture, des arts. Miles Davis [en 1988], Niles Rodgers, Marcus Miller, Peter Gabriel, Manu Katché, Youssou N’Dour, Wyclef Jean, Nelo Carvalho, Alpha Blondy, et tant d’artistes de renom en ont déjà témoigné.

Les colloques internationaux, les enseignements musicaux, la Maison du Zouk en Angola le consacrent.

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Á pli tà, Adieu, adiós, adeus, Auf Wiedersehen, arrivederci, Sayōnara, Zàijiàn, Sala kakuhle, Jacob Desvarieux

Par Emmanuel Argo* —

Le Zouk est un genre musical créé par Kassav que l’on trouve maintenant sur Wikipédia.

En 2019, le groupe Kassav a fêté ses 40 ans à guichet fermé dans l’une des plus grandes salles de spectacle européenne à Paris-La Défense Aréna, belle consécration d’un succès mondial mérité. A l’instar d’autres célébrités, le groupe s’est produit également au stade de France.

Son cocréateur, Jacob Desvarieux, vient de nous quitter et nous ne manquerons pas ici de lui rendre hommage, non seulement pour ses talents de musicien mais aussi pour avoir su fédérer les régions de la Caraïbe, celles des autres outremers français pour mettre en valeur notre identité culturelle à travers le monde : de Pointe à Pitre à Fort de France, de Cayenne à Saint Denis, Paris, Marseille, de Washington à Toronto en passant par Rio, de Lomé à Douala en passant par Dakar, Ouagadougou , de Johannesburg à Maputo, de Moscou à Tokyo ou Shangaï en passant par Bruxelles, Lisbonne, Montreux et Rome . Au cours de mes voyages et missions, dans des accents et langues aussi différents les uns que les autres, j’ai entendu que l’on parlait de Kassav, de Zouk et de Jacob Desvarieux et si les paroles étaient difficiles à prononcer dans certaines langues, en revanche les mélodies étaient parfaitement mémorisées, interprétées et appréciées.

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Covid-19: Jacob Desvarieux, cofondateur du groupe antillais Kassav’, est mort à l’âge de 65 ans

Le guitariste guadeloupéen Jacob Desvarieux, mort vendredi à 65 ans des suites du Covid-19, était l’un des fondateurs du groupe Kassav’, monument aux Antilles qui a connu un énorme succès dans les années 80 en mélangeant des musiques locales pour créer un style, le zouk. De santé fragile depuis une greffe rénale, le musicien avait été hospitalisé le 12 juillet à Pointe-à-Pitre après avoir été contaminé par le coronavirus. Parmi les nombreuses réactions à son décès, celle du judoka guadeloupéen Teddy Riner, qui a rendu hommage à « une immense voix des Antilles », tandis que l’ancienne ministre Christiane Taubira, originaire de Guyane, disait sa tristesse, se remémorant « sa voix, sa dégaine, son talent, sa joie, ce sourire, cette inclinaison de la tête et même sa salopette des débuts ». « Les Antilles, l’Afrique et la musique viennent de perdre l’un de ses plus grands Ambassadeurs. Jacob grâce à ton art, tu as rapproché les Antilles à l’Afrique. Dakar où tu as vécu te pleure. Adieu l’ami », a tweeté le chanteur sénégalais Youssou Ndour. – Interroger les origines – « Au départ, c’était un laboratoire: nous cherchions à trouver une bande-son qui fasse la synthèse de toutes les traditions et sons antérieurs, mais qui soit exportable partout », avait raconté le musicien au journal Libération en 2016.

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Passe sanitaire : le gouvernement au chevet du secteur culturel qui craint la désaffection du public

Roselyne Bachelot et Bruno Le Maire, ministres de la Culture et de l’Économie [recevaient] mercredi des représentants du secteur une semaine après l’extension des mesures anti-covid.

Cinéma, spectacles vivants, musées… Des représentants de plusieurs secteurs de la culture devaient rencontrer mercredi la ministre de la Culture Roselyne Bachelot et le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Bruno Le Maire a d’ores et déjà déclaré sur RTL que le gouvernement répondra «aussi présent à la fin de l’été pour ceux qui auront été impactés».

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« Pupo di zucchero, la festa dei morti » texte et m.e.s. d’Emma Dante

Magicienne, sorcière, prêtresse, comment faudra-t-il appeler une metteuse en scène qui nous convie à une cérémonie théâtrale, avec tout ce qu’elle implique de magie, de sacré, voire de funèbre et de joyeux? Car la festa dei morti, ce n’est pas la lugubre Toussaint. Sur scène, cette fête n’a rien d’une danse macabre, c’est une célébration remplie d’allégresse. Tout un rituel s’accomplit sur le plateau, à la faveur d’une performance qui convoque texte, danse, lumière, tableaux et sculpture. Une sorte de spectacle total, n’était la quasi absence de musique. Emma Dante aime faire évoluer ses acteurs sur un fond de silence et d’obscurité. Du noir jaillit la lumière et le jeu éblouissant des acteurs. Qui évoluent en groupe, selon une tradition que la metteuse a bien établie de spectacle en spectacle. La troupe, le groupe, la collectivité humaine sont des éléments fondamentaux de son théâtre, à l’image de la vie sociale en Italie, spécialement dans le Sud.

Alors qu’est ce que cette histoire? Un vieil homme, tout accablé de solitude et de douleur s’apprête à organiser sa fête des morts en confectionnant une pâtisserie : ce sera le « pupo di zucchero », la figurine sucrée, offrande aux défunts de la famille.

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Le réalisateur Fernando Pérez prône un « nouveau langage » à Cuba

La Havane – Cuba a besoin de construire un « nouveau langage » qui « respecte les différences d’opinion » pour surmonter la crise qui l’a mené au bord de l’explosion sociale le 11 juillet, estime dans un entretien à l’AFP le cinéaste cubain, Fernando Pérez.

Avec « la crise sociale que traverse le pays, il ne peut y avoir qu’une explosion. Je ne sais pas jusqu’où cela ira« , confie le cinéaste de 76 ans, en pleine préparation d’un nouveau film. 

Des milliers de personnes ont protesté dans plus de 40 villes cubaines les 11 et 12 juillet, aux cris de « Liberté !« , « On a faim ! » et « A bas la dictature !« . Ce soulèvement a fait un mort, plusieurs dizaines de blessés et conduit à plus d’une centaine d’arrestations. 

Face à cette mobilisation inédite, le réalisateur regrette la manière dont les Cubains qui soutiennent le gouvernement agissent contre ceux qu’ils considèrent comme contre-révolutionnaires.  

Il déplore l’utilisation de « la violence pour manifester » contre les voix critiques, « parce que ce sombre chapitre de notre histoire récente, que sont les actes de répudiation, est indélébile« .  

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« Misericordia », d’Emma Dante

D’accord!

Avec Emma Dante, nous voici dans les bas-fonds de Palerme; Misericordia appartient à la veine sociale de l’autrice, dont relève également son film Palerme, ainsi que la pièce qu’elle a présentée en 2014 à Avignon, Le Sorelle Macaluso. Le titre l’indique clairement : même si le nom italien  » misericordia » n’a pas exactement les mêmes connotations que le français « misericorde », il n’en est pas moins redevable de la même étymologie. Emma Dante elle-même insiste sur la valeur des deux parties du mot: « miser » et « cordia ». C’est de la misère des faubourgs de Palerme qu’il sera parlé, et c’est aussi de « coeur », c’est-à-dire d’amour. Une « machien d’amour », selon sa propre expression.

Le pitch: trois putains élèvent, nourrissent et chérissent un enfant autiste, celui qu’une quatrième femme leur a laissé, morte sous les coups de son compagnon. Manifestement le retard mental de l’enfant est dû aux coups reçus par sa mère pendant la grossesse. J’entends d’ici le public parisien crier au misérabilisme. Or l’autrice évite cet écueil et réusit à nous émouvoir sans jouer sur la corde de la pitié.

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Au festival d’Almada : Écoutez la voix des Femmes ! 

Seules sur scène, ou en duo, elles assurent le spectacle, assument leurs désirs et leur féminité, ne craignent pas de dire l’endroit et l’envers des choses, dans la douceur ou la force, l’ironie ou la violence, la gravité ou l’humour. Elles, les femmes, ne craignent pas de dénoncer ce qui dans la société les oppresse, les accable, trop longtemps les a contraintes à occuper une place dont elles ne veulent pas, dont elles ne veulent plus ! Elles, les femmes, font entendre leur voix, et on ne les fera pas taire…

Rebota rebota y en tu Cara explota

Comment, en effet, obliger à se taire la catalane Agnès Mateus, qui par sa performance, Rebota rebota y en tu Cara explota, prend fait et cause pour toutes ses semblables, dénonçant sans fausse pudeur, sans faire aucune concession au bien-penser ni à la bienséance, le machisme et l’hypocrisie de nos sociétés occidentales ? Récompensée déjà par de nombreux prix, elle voit son spectacle plébiscité en 2020 au Festival d’Almada, ce pourquoi on peut la retrouver cette année sur scène, où elle est saluée avec enthousiasme par un public tant masculin que féminin.

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« Fraternité, conte fantastique », de Caroline Guiela Nguyen.

—Par Dominique Daeschler —

Avignon

Caroline Guiela Ngueyn fait partie de cette relève, en grande partie féminine, que met en valeur le festival cette année : des femmes qui e fichent des codes, multipliant les formes, réinventant une autre façon d’écrire et une façon d’être au plateau, jouant le nous du groupe plus que le je, inscrivant leurs créations en plusieurs volets ( Anne(Cécile Vandalem). Fraternité conte fantastique est le second volet d’un cycle ( premier volet un court métrage » Les engloutis ») qui sera suivi de l’Enfance et la Nuit en 2022 à la Schaubühne de Berlin.
Après les blessures du colonialisme ( Saïgon), le travail avec les détenus de la maison d’arrêt d’Arles ( comment on retrouve une vie quand on sort), Caroline Guiela Nguyen s’attaque à la disparition en tant qu’absence faite de déni, d’espérance et de réinvention. Après un cataclysme, ne restent en piste que quelques humains acharnés à ne pas oublier leurs souvenirs et les absents. Ils retrouvent , tous âges confondus, dans un centre de consolation, où l’on invente et rêve des moyens d’entrer en contact, où l’on oscille entre la résilience, la résignation, attendant le miracle du retour, lors d’éclipses.

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« Kingdom », m.e.s. d’Anne-Cécile Vandalem

Avignon

Dernier volet d’un triptyque dont les deux premiers -Tristesses, Arctique – ont été joués au Festival, Kingdom termine les récits dans le grand Nord d’Anne-Cécile Vandalem. Si le premier volet était consacré à un étouffant huis clos politique, le second au désastre climatique, le dernier Kingdom, se demande quel monde pourront imaginer les enfants demain, à partir des désastres écologiques, des bouleversements politiques et des rêves avortés des parents ? Que peuvent-ils espérer ? comment vont-ils réinventer ?

Une famille s’installe dans la taïga sibérienne pour fuir la civilisation et vivre un rêve communautaire. Chacun doit entrer dans l’histoire racontée par le chef de clan, démontée peu à peu, au fil du mélange des propos de chacun ? un documentaire de clément Cogitore sur les utopies et l’a vie en autarcie d’une communauté sibérienne est la trame de l’adaptation d’Anne-Cécile Vandalem. Au départ, la faille semble vivre une vie paisible, où chacun vaque à ses occupations où les jolies têtes blondes se partagent entre jeux et chants.

Besoin de conflits ? Problème de territoire et reconnaissance de la différence de l’autre ?

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« La Cerisaie », m.e.s. de Tiago Rodrigues

Avignon

C’est un truc de gosse. J’aime bien commencer le Festival d’Avignon avec le spectacle en cour d’honneur du palais des papes. Parce que les murs sont grands comme ceux d’une prison et qu’il y a toujours des oiseaux qui volent : alors il y a de l’espoir , on peut faire théâtre et partager une histoire.

Tchekhov et sa dernière pièce La Cerisaie, un metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, directeur du théâtre national de Lisbonne, promu à la future direction du Festival, une comédienne vedette Isabelle Huppert , autant d’éléments qui savent dresser un argumentaire alléchant. Et c’est le choc d’un plateau empli de chaises vides grises et rouge, alignées en rangs sages, face au plein de la salle, quelques lustres accrochés à des lampadaires mobiles ajoutent à la curiosité. Comment les comédiens vont-ils jouer, dans ces corridors, ces rails, comment parler entre les lignes ? Ils surgissent, disparaissent comme des voyageurs en attente du départ, s’observant de quai à quai. Chacun semble isolé dans un territoire mental différent : il va falloir vendre la propriété de famille, cette cerisaie où chacun a des souvenirs différents.

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Festival de Cannes: Le palmarès 2021

Longs Métrages

Palme d’or

TITANE réalisé par Julia DUCOURNAU

Le prix a été remis par Sharon Stone et Spike Lee.

Julia DUCOURNAU a déclaré : « Il y a tant de beauté et d’émotion à trouver dans ce qu’on ne peut pas mettre dans une case. Merci au Jury d’appeler à plus de diversité dans nos expériences de cinéma et dans nos vies. Et merci au Jury de laisser rentrer les monstres. »

Grand Prix (ex-aequo)

GHAHREMAN (Un Héros) réalisé par Asghar FARHADI


HYTTI N°6 (Compartiment N°6) réalisé par Juho KUOSMANEN

Le prix a été remis par le réalisateur américain Oliver Stone.

Asghar FARHADI a déclaré : « Je me souviens, c’était il y a trente-six ans. J’avais 13 ans et, avec les moyens du bord, je réalisais mon premier court-métrage. Depuis tout ce temps, je ne fais qu’écrire et réaliser des films, malgré les difficultés, malgré les pressions. Je continue d’avoir l’espoir de questionner la société qui m’entoure et d’éveiller les consciences.»

Juho KUOSMANEN a déclaré : «Ces deux dernières semaines m’ont semblé tellement longues. Ce film est l’histoire d’une relation entre deux personnes, mais toutes les histoires impliquent des relations entre les gens.»

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Festival d’Almada : le Théâtre en prise avec l’Histoire

Dernières nouvelles de  la guerre : « Um gajo nunca mais é a mesma coisa » & « Corpo suspenso »

Au Festival d’Almada, qui n’est pas ennemi de la gravité, le théâtre sait aussi se faire chambre d’écho de l’Histoire, aussi douloureuse soit-elle pour les hommes, et pour leur pays. Comme on le sait, le Portugal qui fut à la tête d’un vaste empire, sur le continent africain notamment, mena au Mozambique, en Angola et en Guinée-Bissau des guerres coloniales longues et meurtrières, et ce furent elles qui conduisirent le 25 avril 1974 à la Révolution des Œillets, aux indépendances effectives des pays colonisés, et à la chute de la dictature salazariste. En effet, ce que l’on nomme en portugais Revolução dos Cravos, ou plus couramment 25 de Abril, a commencé par un coup d’État organisé par des militaires – ils seront les Capitaines d’Avril / Capitães de Abril du film éponyme de Maria de Meideros –, radicalisés par le rejet de ces guerres qui, s’éternisant, entraînaient des pertes énormes en hommes et affectaient gravement le moral des troupes.

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Loin du chaos, le film haïtien « Freda » brille au Festival de Cannes

— Par Benjamin Dodman —

L’assassinat du président Jovenel Moïse a donné une résonance particulière au superbe premier long-métrage de la réalisatrice haïtienne Gessica Généus, « Freda », projeté en avant-première au Festival de Cannes. Auprès de France 24, elle revient sur le message qu’elle a souhaité transmettre, sur la situation politique dans le pays mais aussi sur la joie de voir un film haïtien sur la Croisette.
Parfois, au Festival de Cannes, l’actualité fait écho aux films projetés dans les salles obscures. C’était le cas, en 2016, avec « Aquarius » de Kleber Mendonca Filhos. Ce film raconte l’histoire d’une sexagénaire luttant contre des promoteurs immobiliers qui essayent de la chasser de l’immeuble de caractère dont elle est la dernière habitante. Il avait été projeté peu après l’éviction du pouvoir de Dilma Rousseff. Le long-métrage était ainsi devenu un symbole de la résistance contre ce « coup d’État ». Sur le tapis rouge, l’équipe du film était apparue, tout en stras et paillettes, mais avec des pancartes à la main affichant leur soutien à l’ancienne présidente.

Cette année, alors que la situation en Haïti a refait la une des journaux après l’assassinat du président Jovenel Moïse, c’est le film haïtien « Freda », de la réalisatrice Gessica Généus, qui résonne particulièrement avec l’actualité.

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Festival d’Almada : et si le théâtre était un langage universel ?

En 2020, alors que partout en Europe s’éteignaient une à une les manifestations culturelles estivales, la ville d’Almada au Portugal maintenait contre vents et marées son Festival International de Théâtre, sur les deux rives douces du Tage, et sous la conduite de Rodrigo Francisco, son vaillant capitaine. Si en raison de la pandémie l’adjectif “international” s’avérait alors superflu, trois troupes étrangères seulement ayant pu faire le voyage, l’été 2021 voit la renaissance d’un événement qui, auprès de troupes portugaises issues de diverses villes – Almada, Lisbonne, Faro, Porto –, présente, dans un même élan enthousiaste, celles venues  de France, de Hollande, d’Espagne, de Belgique, de Slovénie, ou encore du Brésil. Certes les mesures nécessaires au bon déroulement de l’événement restent draconiennes, prise de température parfois, entrées et sorties sous contrôle, jauge réduite de moitié et ci gît un peu du bonheur d’être au théâtre, quand sur votre droite et votre gauche les sièges doivent rester désespérément vides, que donc ne joue plus vraiment l’interaction entre un texte, des comédiens et un public qui serait lié par le partage des émotions. Mais la magie demeure quand dans le silence venu, aux limites parfois du recueillement, les acteurs entrent en scène… de nouveau en scène, après ce qui fut, pour certains d’entre nous, une trop longue absence !

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« Premier amour », de Beckett avec Jean-Quentin Châtelain

Le texte n’a pas pris une ride, la performance non plus, seul le comédien a sans doute vu son visage se creuser un peu, mais il est toujours bel homme. Il reprend dans son lieu fétiche, la Chapelle du Théâtre des Halles, un spectacle créé en 1999 « Premier amour ». C’est un des tout premiers textes de Samuel Beckett écrit directement en français et qui n’était pas destiné au théâtre. Une nouvelle largement autobiographique qui relate la premier rencontre amoureuse d’un homme « déclassé », comme dans toute l’œuvre à suivre de Beckett, avec une péripatéticienne, une travailleuse du sexe, comme on dit aujourd’hui, mais il ne le sait pas encore. On est loin des les clichés du premier amour ou du coup de foudre amoureux. Il a rencontré Lulu, c’est comme ça qu’elle s’appelle, sur un banc public où il avait élu domicile après la mort de son père. Chassé de la maison paternelle il errait et passait beaucoup de temps dans les cimetières, préférant la présence des morts à celle des vivants. « Le tort qu’on a, c’est d’adresser la parole aux gens.

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« La Collection » par le collectif BPM (Büchi-Pohlhammer-Mifsud)

La Sélection Suisse en Avignon nous a habitués à assister aux meilleurs spectacles, champions du spectacle vivant. Cette année encore, ils reviennent pour nous proposer le meilleur!

C’est ainsi que le collectif BPM s’est promis de sauver de l’oubli « les objets du quotidien devenus obsolètes ». On s’attend donc à un théâtre d’objets. Il est question de vélomoteur et de téléphone en backélite. Pourtant c’est leur absence qui est mise en scène, à la fois par la parole des acteurs et par leurs mimiques. Il s’agit moins de l’objet lui-même que de sa trace mnésique qui se présentifie par les mots, le bruitage et la mimique. Ainsi que des souvenirs associés à ces objets. C’est toute l’adolescence qui revient dans le récit, avec ses plaisirs et ses angoisses. Exercice de nostalgie, direz-vous? pas vraiment, c’est trop drôle pour être inquiétant. Les personnages se moquent d’eux-mêmes, de l’enfant qu’ils étaient, avec tendresse mais sans complaisance. Avec ce grain de folie propre à l’imaginaire suisse et tout son humour! C’est souvent déjanté. Le trio formé par deux actrices et un acteurs est uni par une formidable complicité.

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Vive le sujet ! Série 1 et 2

« Vive le sujet » relève de « l’indiscipline », ainsi nommée parce qu’il s’agit de performances qui outrepasssent les cadres des différentes disciplines, théâtre, arts visuels, danse, chant etc. mais aussi parce que ces spectacles témoignent d’un esprit créatif et novateur, faisant volontiers un pied-de-nez aux conventions de genre.
C’est le cas pour les deux performances de la première série (série 1 et 2) qui se veulent libres et joyeuses, De L’une à l’hôte et Nos Coeurs en terre.
De L’une à l’hôte
Le titre du spectacle annonce son esprit: il s’agit d’une jonglerie réjouissante sur les mots, accompagnée de l’évolution acrobatique d’une danseuse. Une comédienne, Violaine Schwartz et une danseuse, Victoria Belén mènent de front cette performance, qui pour être modeste n’en est pas moins remarquablement réussie. C’est aussi drôle que pertinent. Le thème épouse étroitement la scénographie: qu’est-ce qu’un hôte, pourquoi ce nom de « hôte » est-il réversible? L’hôte est toujours un autre, accueillant ou accueilli. Mais non son féminin « hôtesse », qui ne se dit que pour la femme accueillante, « hôtesse de l’air » ou « hôtesse d’accueil ».

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« Liebestod El odor a sangre no se me quita de los ojos Juan Belmonte Histoire(s) du théâtre III » par Angélica Liddell

Histoire du théâtre, ou histoires de théâtre? Le sous-titre proposé par Angélica Liddell est ambigü, quant au titre lui-même (« la Mort d’amour », titre repris du final de l’opéra « Tristan und Isolde »), il est plus explicite et place le spectacle à mi-chemin de l’histoire du torero Juan Belmonte et de celle de l’autrice elle-même. « Juan Belmonte affirmait que l’on torée comme on est, on torée comme on aime », explique-t-elle. La corrida comme exercice spirituel, comme voie d’accès à la transcendance ! Car de l’aveu de l’autrice même, elle fait du théâtre comme Juan Belmonte toréait. Ce qu’elle met en scène, c’est l’angoisse de mort mais aussi la pulsion de mort. La recherche d’une spiritualité, le retour du tragique dont l’homme occidental moderne a perdu le sens. Pour ce faire, elle devient torero elle-même, par le biais du costume certes, mais aussi à travers ses vociférations, ses mouvements de danse et son corps en transe. Le spectacle tient de la cérémonie sacrée, appuyé par la musique tonitruante de l’orgue mais plus proche du vaudou que du rituel chrétien.

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Festival d’Avignon, du côté du Off

— Par Dominique Daeschler —

Lettre d’une inconnue.
C’est bizarre l’écriture.
Guérillères ordinaires.
Visions d’Eskandar.
Le cabaret des absents.
Sans effort.
Concerto pour deux clowns.
Les présidentes.
La collection.

L’absence, l’oubli, la disparition, le chaos, la quête identitaire sont au rendez-vous du Festival d’Avignon avec un goût pour le monologue, l’approche documentaire et le témoignage. Un règne provisoire d’un « ici-maintenant » qui peut être source de malentendus, de violence comme de fraternité.

Une place importante est donnée aux écritures contemporaines. On y reconnaîtra les chouchous des institutions culturelles : Magali Mougel, Pauline Sales, Samuel Gallet, Rémi de Vos, Pauline Peyrade, Sylvain Levey, Marion Aubert… avec parfois de jolies prises de risque.

Théâtre des 3 raisins. Lettre d’une inconnue. Cie fées et gestes.

Un lit à baldaquin, comme une île, un ultime refuge, comme unique décor et une comédienne qui profère, susurre lettre d’une inconnue de Zweig. Ce texte d’homme, écrit à sa gloire est pris à bras le corps par Esther Candaes. Elle en garde la précision des rencontres fugitives d’un amour fou et, chose rare, elle en développe ce qui irradie, ce qui est joie profonde.

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« Entre chien et loup », de Christiane Jatahy d’après Lars Von Trier

Christiane Jatahy poursuit son travail sur les frontières entre l’acteur et le personnage, l’acteur et le spectateur, le cinéma et le théâtre, la réalité et la fiction. On a déjà évoqué dans ces colonnes son admirable adaptation en 2017 de La règle du jeu de Renoir. On se souvient aussi qu’en 2019 elle présentait au Festival d’Avignon Notre Odyssée  dont la seconde partie . Le présent qui déborde , filmée en Palestine, au Liban, en Afrique du Sud, en Grèce et en Amazonie, dialoguait avec le théâtre en mélangeant la fiction grecque avec des histoires réelles d’artistes réfugiés. En cette année 2021 elle poursuit ces mèmes échanges en adaptant au théâtre  Dogville  ( voir le synopsis ci-dessous ) le film de Lars von Trier sorti en 2003. Pourquoi Dogville Pour un juste retour des choses, sans doute, parce que la mise en scène du film emprunte beaucoup au théâtre avec un narrateur qui présente les neuf chapitres du film, tournés dans un décor minimaliste plongé dans une semi obscurité : quelques murs et meubles sont placés sur scène, le reste étant simulé par des lignes blanches tracées par terre, ainsi qu’une légende pour certains objets.

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Hommage au Maestro Kadak

— Par Patrick Chamoiseau —

Maestro,

Nous savons maintenant que la danse, que le chant, que le rythme, et donc fondamentalement la musique, ont été le soleil de notre drame collectif. Dans l’horreur du bateau négrier ou dans l’enfer des plantations, c’est d’abord la musique qui a nourri notre résistance inaugurale et qui, plus largement, a amplifié les assises de notre conscience individuelle, puis de notre âme collective. Notre musique, faisant soleil, a fait lever une belle aurore sur notre apparition comme peuple et comme nation, et sur notre devenir.

Chanter, danser, faire rythmes et faire musique, sont des forces poétiques. Elles sont au principe de ce que nous étions, et de ce que nous sommes aujourd’hui. C’est l’élargissement des bases de la conscience par les forces poétiques qui permet d’accéder aux amplitudes de la lucidité, et donc à toute vraie résistance aux négativités. Si la lucidité s’éloigne de sa base poétique, elle devient amère et stérile ; si elle se perd dans sa base poétique, elle n’est plus qu’une de ces perceptions qui restent vaines, inaccomplies. Le chant, la danse, le rythme, la musique, peuvent donc s’élever dans la lucidité féconde où les peuples se construisent, mais ils peuvent aussi verser dans les insignifiances du seul divertissement où les peuples s’abiment.

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« Circulations capitales », un projet de Marine Bachelot-Nguyen

Tois comédien(ne)s, l’autrice et ses deux complices, tous trois métis, à cheval sur deux cultures, vietnamienne ou russe et française, partent à la recherche de leur mémoire familale. C’est un road movie entre Vietnam , Russie et France qui les occupent mais c’est aussi un voyage au coeur des cultures. Chacun raconte son parcours, l’histoire de sa famille, la difficulté d’intégrer les deux cultures auxquelles ils appartiennent pourtant de plein droit. Leur histoire personnelle va rencontrer la grande Histoire, ils traversent à leur corps défendant les systèmes politiques totalitaires et baignent dans leurs idéologies. Toute l’histoire du vingtième siècle défile à travers leur expérience, celle du colonialisme et du catholicisme, celle du communisme et celle du capitalisme triomphant. Les voilà écartelés entre ces systèmes de pensée, au coeur de familles déchirées par le conflit idéologique, marquées par des défaites, des trahisons et des remords. Comment la seconde génération échapperait-elle à ces imbroglios historiques, comment survivre dans ce maelström qui prive de sens tout avenir?

Par quels moyens rendre compte de ce voyage dans le temps et l’espace sur un plateau? D’abord par l’écriture scénique: c’est chose faite, puisque le récit se déroule à trois voix sur scène et en deux langues: polyphonie et plurilingusime sont donc conjointement convoqués.

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« J’ai trop d’amis », texte et mise en scène David Lescot

Trois comédiennes, incarnant respectivement les rôles d’un enfant entrant en sixième, ses copains ou copines, et même la petite sœur de trois ans. D’abord et avant tout, les comédiennes, qui réalisent une performance formidable, aptes à tous les rôles (rien de plus difficile que de faire jouer un adulte dans le rôle d’un enfant, comment rendre cela crédible?), grâce à leurs effets de voix, leurs mimiques, leur costumes, leurs déplacements, voire les objets qui les accompagnent, au nombre desquels le téléphone joue un rôle essentiel. Le second ingrédient de la réussite, c’est le dispositif scénique, une boîte-plateau, d’où surgiront, selon les besoins, une salle de classe, une chambre d’enfants etc. par un jeu de trappes. Troisième ingrédient, et non des moindres, le texte. Il faut réinventer le langage pour rendre crédible les échanges entre gamins. Et c’est très réussi, et très drôle. On devine donc une double thématique: comment se plier au conventions, ou au contraire comment échapper au conformisme social? Chose si importante et si difficile pour les élèves de collège? Et quel rôle accorder au langage? C’est une question pour les préadolescents, mais c’en est une également pour le dramaturge.

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