— par Janine Bailly —
Paterson, c’est bien le titre du film, nom à la graphie à demi passée apparu très vite sur le plan d’un pan de mur urbain dégradé. Mais Paterson, c’est tout à la fois, c’est d’abord le nom de cette petite ville ouvrière quelque peu appauvrie du New Jersey, comme démodée et figée dans un passé industriel révolu, celui aussi des grands poètes dont elle est le berceau, mais ville vibrante d’une vie simple et quotidienne pour qui sait la regarder, l’entendre, écouter battre son coeur tranquille. Paterson, c’est le patronyme du personnage masculin conducteur d’autobus, bus-driver joué par Adam Driver, et dont la caméra suit en longs travellings verticaux les tribulations, chauffeur au volant ou promeneur à pied du chien Marvin. Paterson, grâce auquel on ne cessera de la parcourir, cette ville qui se donne, superbement reflétée en images lumineuses dans les vitres du véhicule. Paterson, c’est encore le titre d’un long poème de William Carlos Williams, ode à la ville elle-même, et Jim Jarmusch dit avoir nommé ainsi son personnage après en avoir lu le début, qui compare la cité à un homme couché sur le flanc, car l’homme dans sa complexité est la ville autant que la ville est l’homme.