— Par Gilliane Corbin —
Il s’agira d’analyser le mouvement de résistance de la population martiniquaise qui s’est développé face à la décision des autorités, de décrire la division de la classe politique face à la tenue du Carnaval 2021 et de conclure sur la capacité de l’intelligence collective de réinventer une tradition qu’on ne peut arracher au peuple martiniquais.
Le lundi 28 décembre 2020, le maire de Fort-de-France Didier Laguerre, les responsables de la parade du Sud, les représentants des groupes à pied et le préfet de Martinique Stanislas Cazelles ont décidé que les festivités carnavalesques n’auront pas lieu en 2021 en raison de la Covid-19. Cependant, des solutions sont à l’étude afin de maintenir le Carnaval tout en poursuivant les efforts contre la Covid-19. A la fin du mois de janvier, on assiste à l’éclosion d’un mouvement de résistance, de défiance vis-à-vis des autorités sous la forme d’organisation de vidés sauvages dont la publicité s’est faite sur les réseaux sociaux. Ces vidés constituent un espace-temps de totale liberté d’expression. Le dimanche 31 janvier, plusieurs centaines de personnes ont en effet couru le vidé et se sont arrêtées devant la préfecture et le tribunal. Les carnavaliers ont souhaité que le préfet de Martinique change d’avis et autorise la tenue du carnaval. On peut dire que c’est une expérience de désobéissance civile réussie puisque le Carnaval 2021 aura finalement lieu. Cependant, ce mouvement de résistance a été condamné puisque les participants de ces vidés non autorisés ne portaient même pas de masque. Lors d’une interview à la télévision, le préfet a rappelé l’importance du principe de responsabilité personnelle. En effet, ces rassemblements peuvent engendrer une propagation à grande échelle du virus.
Concernant la tenue du Carnaval 2021, on observe une division de la classe politique. En effet, Didier Laguerre a opté pour recentrer le Carnaval dans un seul lieu, le stade de Dillon, pendant les quatre jours gras. Alfred Monthieux au Robert et Luc Clémenté à Schoelcher ont signé des arrêtés interdisant toute manifestation publique durant cette période sur le territoire de leur commune. Ces deux élus avancent l’argument du civisme. Il s’agit d’un principe essentiel en démocratie qui est parfois difficile à appliquer car il exige de la part de chaque citoyen un esprit de responsabilité.
Décider par nous-mêmes
Avec cet état d’urgence, par définition exceptionnel mais qui se prolonge indéfiniment, il devient difficile de définir le seuil d’acceptabilité sociale des contraintes librement consenties. Le maire de RivièrePilote, Jean-François Bonol, se positionne à contrecourant puisqu’il a pris l’initiative d’organiser le Carnaval dans sa commune. Ce dernier estime que la décision des autorités d’annuler le Carnaval n’était pas judicieuse. Ce maire est un visionnaire et nous éclaire sur le fait que nous pouvons décider par nous-mêmes de ce qu’il faut faire pour notre pays au lieu de laisser les autorités le faire à notre place. On peut établir un parallèle avec la problématique du chlordécone ou encore celle des sargasses. Les maîtres mots du maire de Rivière-Pilote pour cette édition 2021 dans sa commune seront avant tout la rigueur et l’organisation. Le chef de file de la résistance est le maire de RivièrePilote qui a toujours affirmé : « le Carnaval ne s’interdit pas. Il s’organise pour éviter les débordements ».
Le Carnaval, c’est aussi le renversement des valeurs, commenter les faits d’actualité et les phénomènes de société, tourner en dérision nos élites. Il faut réinventer le Carnaval en trouvant un compromis entre tradition et respect des consignes sanitaires. Faire peuple, c’est aussi savoir mobiliser notre intelligence collective. Il reste aussi à résoudre une épineuse question : à quoi ressemblera Vaval ? Le concours d’idées est ouvert. On murmure que le visage de Vaval 2021 va sûrement revêtir l’apparence d’un certain virus devenu tristement célèbre depuis la fin de l’année 2019.
Gilliane Corbin