— Par Philippe Pilotin —
Pour ton expansion aux Antilles,
Des êtres humains ont été arrachés à leur famille.
Transportés loin de l’Afrique leur terre natale,
On a assimilé leur vie à celui de l’animal.
Graminée à forte teneur en saccharose,
A ses braves gens, tu n’as offert qu’une vie morose.
Ils n’ont connu que le fouet sous les taudis,
C’est pour cela qu’ils t’ont appelée, le roseau maudit.
C’est en tant que déportés qu’ils ont perdu leur liberté.
Comme des bêtes de somme ils ont été maltraités.
Pour extraire ton sucre mais aussi distiller le rhum,
On leur a tout bonnement ôté leur dignité d’homme.
Ruisselant malgré eux dans l’eau de leur sueur
Pour assumer les juteux contrats de leurs sieurs,
Pendant plus d’un siècle de pénible labeur,
Ces solides gaillards n’ont connu que rigueur et douleur.
Tout au long de l’année et souvent tard le soir,
Courageusement ils camouflaient leur grand désespoir
Et leurs plaintes répétées, traduites en chants,
Montaient en gospel à travers les champs.
En plus de l’imposition de cette cruelle déchéance,
Les follicules des roseaux aggravaient leur sentence
En augmentant encore d’avantage leur souffrance
Par leurs piqures et démangeaisons souvent très intenses.
Un jour, pendant que les colons s’occupaient de la récolte,
Des insurgés bien décidés ont sonné la révolte,
Réunis autour de tambours en donnant de la voix,
Avant de s’enfuir rapidement dans les bois.
Depuis ce jour, ces fameux colons
Les ont baptisés crânement de nègres-marrons.
Tout en lâchant les chiens sur les traces,
Ils ont organisé instantanément leur chasse.
Aujourd’hui la traite est devenue de l’histoire ancienne
Et même pendant le carnaval, plus de canne, plus de chaines,
Bien qu’à l’occasion de ces réjouissances, les vrais héros,
Sont demeurés les nègres gros sirops.
Libérés du joug des colons, ces vaillants rescapés
Se sont gaillardement tous émancipés,
Portant ainsi un vil coup à la ploutocratie
En les forçant à appliquer les lois de la démocratie.
A la suite de la remise en cause de ces mesures,
Le ciel antillais a retrouvé son bleu azur
Même si la canne à sucre sous ses latitudes
Continue à sucrer nos inquiétudes.