Cadavres exquis : dans les coulisses de la mort

thanatopracteurREPORTAGE – « Absorber l’horreur » de la mort pour rendre un corps serein et apaisé à la famille du défunt : c’est le quotidien de Léa, 38 ans, thanatopracteur en région parisienne. LeJDD.fr a passé une journée à ses côtés.

Dans la pièce carrelée de blanc, trois immenses frigos : sept places en chambre froide, dont deux pour les personnes corpulentes, et une case à température négative, qui contient des corps en « standby », soit parce qu’on n’en connait pas l’identité, soit parce qu’un contentieux – le plus souvent administratif – en bloque l’inhumation.

Elle débarque dans ce funérarium du Val d’Oise, pressée, nymphette au volant d’un énorme fourgon-corbillard noir qu’elle manoeuvre d’une main experte. Léa, 38 ans, est thanatopracteur. Cheveux très longs, très lisses, très noirs, les jambes fines plantées dans d’énormes bottes fourrées noires à petits noeuds. Les ongles manucurés, rose vif et doré, le sourcil dessiné, la bouche rose. On dirait une guerrière taille XS. Elle saute du véhicule, tirant deux énormes valises cuirassées qui contiennent tout son matériel – des kilomètres de coton, des bidons de fluides nettoyants, du maquillage pour toutes les couleurs de peau et une batterie de scalpels, pinces et ciseaux.

Certains thanatopracteurs jouent la carte de la discrétion, se déplacent en Kangoo, s’effacent. Pas Léa. « Je suis toujours comme je suis. Parfois, je sais qu’on me juge à la première rencontre, parce que … » dit-elle, englobant dans un geste son existence toute entière: femme, jeune, magnétique, maquillée. Mais après un soin, quand la famille comprend qu’elle leur a rendu leur défunt, elle sait que le regard change, que les proches remercient et oublient la manucure.

«On est là pour absorber l’horreur, comme des éponges»

En ce lundi d’octobre ensoleillé, c’est, à 11 heures, son deuxième soin de conservation de la journée. Un homme âgé, décédé chez lui d’une chute et transporté dans la nuit par son équipe à la chambre funéraire de la ville. Seule, elle le sort de la cellule réfrigérée où il a passé la nuit aux côtés d’autres dépouilles, et s’apprête à entamer son soin.

Léa déballe les outils dont elle aura besoin pour le soin de conservation. Crédit Jérôme Mars

Son rôle : conserver le corps et donner aux traits du défunt un air apaisé, presque endormi. Car certains visages ont vraiment « l’expression de la mort ». « Certains, tu vois qu’ils se sont sentis partir ». Comme cette femme « qui avait encore les mains agrippées à la couverture du lit ». Ou cette dame dont les joues portaient des traces de sel car elle avait pleuré. D’autres corps sont abîmés, décomposés, fragmentés. « On est comme des éponges : on est là pour absorber l’horreur et rendre un corps serein pour qu’ils puissent commencer leur deuil. »

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