— — Par Yves-Léopold Monthieux —
Plusieurs curiosités ont pu apparaître lors de la mise en place des nouveaux dirigeants de la collectivité territoriale de Martinique. Elles ont été camouflées par la résolution de tous de ramener la sérénité dans une collectivité qui en avait grand besoin. S’il est normal qu’une collectivité comportant une assemblée avec une commission permanente faisant toujours partie de celle-ci autorise la confusion entre l’exécutif et l’instance délibérante, comme naguère le conseil général et la région, une collectivité qui fait la distinction entre un exécutif et une assemblée (CTM) suppose le respect d’un principe fondamental en démocratie : le principe de la séparation des pouvoirs.
En voulant mettre en place un système qui satisfasse les élus porteurs de l’autonomie de l’article 74 de la Constitution française sans mécontenter la population qui n’en a pas voulu, on est parvenu au système hybride d’un département qui a les couleurs et les rites d’un gouvernement. Les incohérences de ce système devraient déconcerter plus d’un juriste de droit public. Est-ce utile de rappeler l’absurdité qui conduit, en cas d’indisponibilité du président du Conseil exécutif, à la démission d’office des 8 autres conseillers exécutifs ? Ces derniers qui ont démissionné de leur mandat de conseiller de collectivité ne peuvent plus rejoindre l’assemblée et n’ont plus qu’à rentrer à la maison. Cette aberration ne fait bouger aucune oreille de juriste ou d’élu. Et pourtant ?
On est en droit de s’étonner que ce qui a été malencontreusement prévu pour l’élu qui devient conseiller exécutif n’ait pas été prévu pour le maire qui est candidat à la présidence de l’Assemblée. Celui-ci aurait dû avoir, seulement après son élection à ce nouveau mandat (ce qui n’est pas garanti), un délai pour démissionner de l’ancien comme s’il était sénateur ou député. Disons que c’est un inconvénient mineur par rapport à d’autres, mais qu’un empêchement inattendu qui se produirait après sa démission obligerait au responsable de la liste de trouver au débotté un candidat qui n’est pas maire.
Pour en revenir au respect du principe de la séparation des pouvoirs, disons que la responsabilité des élus n’est que pour peu dans ce brouillamini. Ils sont invités à taire les incohérences et à assumer tous les désagréments d’un statut qui semble avoir été bricolé sur un coin de table. Lorsque Daniel Marie-Sainte se plaint d’une convocation mal libellée que lui a adressée le président du conseil exécutif, l’erreur retient l’attention mais elle ne traduit tout au plus qu’une légèreté administrative. Celle-ci est due en partie à la complexité du partage des compétences entre les deux institutions. Mais il s’agit surtout du doigt qui montre la lune. La lune c’est l’absurdité démocratique qui consiste pour le membre d’une institution, un conseiller de l’assemblée, d’être convoqué par le chef d’une autre institution, le Président de l’exécutif. Voilà, par ailleurs, un autre élément parmi tant d’autres qui confère au président du conseil exécutif le statut de véritable chef de la CTM.
Ces considérations qui ne sont pas exhaustives peuvent apparaître comme du juridisme. Cependant, sans qu’il soit possible d’incriminer valablement les équipes au pouvoir, leur accumulation permet des interprétations diverses qui peuvent varier selon les majorités. Hormis les deux dernières mandatures où les rapports humains furent heurtés, le conseil général puis le conseil régional n’avaient jamais perdu leur sérénité depuis que ces assemblées existent en Martinique. Passées les élections, les équipes avaient toujours pu travailler même en cas d’imprévus, comme le départ de deux élus du parti communiste de la majorité du pacte global d’unité à la Région, en 1985. Le retour des rapports cordiaux la sérénité
Fort-de-France, le 13 juillet 2021
Yves-Léopold Monthieux