L’ancien président du Burkina Faso Thomas Sankara a été « criblé de balles » lors de son assassinat en 1987 selon le rapport d’autopsie présenté mardi à Ouagadougou, alors que les premières inculpations ont été annoncées 28 ans après sa mort.
Icône du panafricanisme, le capitaine Thoma Sankara a été tué, après 4 années au pouvoir, le 15 octobre 1987 lors d’un putsch qui a porté son compagnon d’armes Blaise Compaoré au pouvoir. L’enquête sur sa mort a été ouverte fin mars 2015, cinq mois après le renversement de Compaoré, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir. Les ossements de Thomas Sankara ont été exhumés fin mai et sont en cours d’authentification par une expertise ADN.
Cette enquête, dont les résultats étaient très attendus, vise à lever le voile sur le mystère entourant les circonstances de la mort de Thomas Sankara. Le sujet était entièrement tabou pendant l’ère Compaoré, qui a été soupçonné d’avoir commandité son assassinat. Officiellement, Sankara était décédé « de mort naturelle », à 37 ans.
En réalité, selon plusieurs témoignages publiés, un commando a abattu le « père de la révolution » le jeudi 15 octobre au Conseil de l’Entente, siège du gouvernement en plein centre de Ouagadougou.
L’un des avocats de la famille Sankara, Me Bénéwendé Stanislas Sankara (sans lien de parenté) a indiqué mardi que les premières inculpations avaient été prononcées par la justice. « Il y a huit ou neuf inculpés », dont certains « sont déjà déférés », a-t-il déclaré, précisant que parmi les inculpés figurent « des militaires de l’ex-RSP (Régiment de sécurité présidentielle) », l’unité qui a perpétré le coup d’Etat avorté du 17 septembre et qui a été dissoute.
Le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré, est largement soupçonné d’avoir été à la tête du commando qui a abattu Sankara en 1987. Il était alors l’homme de l’ombre et le bras droit de Blaise Compaoré. Il est actuellement écroué à Ouagadougou, inculpé « d’attentat à la sûreté de l’Etat » et de « haute trahison » pour le putsch avorté. Le médecin colonel-major Fidèle Guébré, qui avait établi le certificat de décès de « mort naturelle » en 1987, en tant que directeur de la santé militaire à l’époque, a été inculpé pour « faux en écriture publique ».
L’autopsie a révélé que Sankara a été « criblé de balles ».
« Au niveau des impacts, ce qu’on a pu relever en ce qui concerne le corps de Thomas Sankara, c’est vraiment ahurissant. On peut dire qu’il a été purement et simplement criblé de balles », a déclaré Me Ambroise Farama, un des avocats de la famille.
« En ce qui concerne les autres personnes assassinées en même temps que Sankara, on a pu retrouver par-ci, par-là un ou deux impacts de balles. Mais pour Thomas Sankara, il y en avait plus d’une dizaine à tous les niveaux, et même en bas des aisselles. Ce qui montre qu’il avait certainement levé les bras, si en tout cas c’est bien lui. Il y en avait partout, dans la poitrine, les jambes… Me Farama a souligné qu’il fallait attendre le résultat de tests ADN, en cours en France, pour formellement identifier l’ancien chef d’Etat.
Il avait été enterré en catimini au cimetière de Dagnoën, en banlieue est de Ouagadougou avec d’autres victimes.
« A ce stade on ne peut pas être totalement affirmatif (…). Par contre, il y a des éléments qui ont été retrouvés dans les tombes qui portent à croire qu’effectivement ces tombes-là sont celles des personnes qui ont été assassinées le 15 octobre 1987 », a-t-il précisé.
Dirigeant progressiste, réputé pour son honnêteté, Thomas Sankara est devenu après sa mort un mythe au Burkina Faso (littéralement le « pays des hommes intègres » ainsi qu’il l’avait rebaptisé en 1984) et au-delà dans toute l’Afrique, . Les jeunes burkinabè se réclamaient volontiers de lui lors de la « révolution » d’octobre 2014, qualifiant Blaise Compaoré de « Judas ».