Le 18 mars, 19h au CDST à Saint-Pierre
Même le festival martiniquais des « Petites Formes » a son OFF !
Le CDST, à Saint-Pierre, accueille la pièce BIG SHOOT pour une unique représentation.
L’auteur, Koffi Kwahulé, originaire de Côte-d’Ivoire, est mondialement connu. Deux de ses pièces, Petite Souillure et Jaz, ont déjà été jouées en Martinique.
Les spectateurs sont donc priés de bien s’accrocher ! S.L.
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Au commencement était l’acteur
Jeux du cirque médiatique où le bourreau se fait artiste et offre à la curiosité malsaine de la société le spectacle de son crime. Interrogatoire poussé, sévices psychologiques de détraqué, folie et sexualité… Tour à tour inquisiteur et tortionnaire, Monsieur invente Stan, sa victime, et fabrique l' »alibi » nécessaire à ses pulsions.
L’espace du théâtre c’est la langue, et la plupart de mes pièces sont écrites pour être jouées sans décor. Seul importe l’univers qu’impose la respiration de la langue. Et l’effigie de l’acteur. Car mon théâtre est avant tout un désir d’acteur ; ce sont eux qui, généralement, font découvrir mes pièces aux metteurs en scène. Et au commencement de Big Shoot est Denis. Le premier lecteur. Le passeur. On se dit, si Denis Lavant trouve quelque intérêt à ça, c’est que. Par conséquent on prend le temps de s’y arrêter, de lire, de trouver son propre désir. On prend le temps. Très vite la chose se barre ailleurs, est créée ici et là. Puisqu’on vous dit que Denis Lavant lui-même soutient que… Donc Big Shoot.
Big Shoot nous met au coeur d’une humanité malade d’anonymat, d’autant plus malade que jamais nous n’avons disposé d’autant de moyens d’être connu ; plus nous multiplions les moyens de communication, plus l’anonymat et l’isolement sont confusément vécus comme une injustice cruelle. Nos moyens de communication ne parviennent pas à relier, à faire religion, au sens étymologique. Désormais, sur l’agora de là-d’où-l’on-est-vu-de-partout, l’on vient donner sa mort en hostie. Au moins, selon le mot de Warhol, guérira-t-on de l’anonymat, ne serait-ce que pendant une poignée de minutes.
Big Shoot dit la fiction de l’homme happé par la quête fascisante d’une émotion fulgurante et absolue, la mort comme expérience consumériste, la tentation exterminationniste d’une humanité à bout de désir et qui élève la construction du crime parfait au statut d’oeuvre d’art absolu…
A la fin de Big Shoot est Denis. Le passeur attendant au bout du périple la chose qu’il a mise au creux du désir des autres afin qu’ils l’éprouvent. Un parcours initiatique. Big Shoot est revenu à Denis Lavant, à sa source. La relation que Denis semble entretenir avec cette pièce est de l’ordre du A Love Supreme de Coltrane (premier titre de la pièce). Il est par conséquent heureux que les choses se soient passées ainsi. Que finalement l’acteur reprenne les choses en main. Mon théâtre est d’abord une affaire d’acteur. Il est heureux qu’à la fin se tienne face à Big Shoot la puissante humilité de Denis Lavant.
Koffi Kwahulé