—Par Roland Sabra —
« Dans ses yeux tout baignés de larmes, pourquoi donc ce muet ennui? »
Marlène Myrtil aura eu le mérite d’avoir tenté une hybridation entre théâtre et danse. A-t-elle réussi ? La réponse est claire. C’est non ! Le souvenir que laissera ce travail n’est pas dans le titre « Impérissable – Trajectoires marines ». Vouloir faire danser les mots du texte « Humus » de Fabienne Kanor quand ces mots dans leur agencement littéraire dansent par eux-mêmes relève de l’impossible.
Des extraits du texte sont mi-dits mi-joués par deux danseuses qui tentent d’illustrer, de prolonger, de sur-signifier par des pas de danse. La difficulté tient à ce que le texte autour de la blesse, de l’arrachement se suffit à lui-même et qu’il apparaît surchargé par le propos chorégraphique. Ce dernier loin d’être en adéquation, en symbiose avec l’écrit est parfois soit en décalage, soit carrément en contradiction et encore faut-il qu’il soit audible.
Inutile d’épiloguer. Le travail de Marlène Myrtil ne se limite pas à ce faux pas que l’on oubliera vite.
L’ennui a été éloigné par une fontaine « lagrimante », proposée par la Cie C. Emmanuel. La chorégraphe renoue avec un vocabulaire que l’on croyait oublié depuis « Mangeons… All inclusive » . Il y a cette sensualité, cette corporéité libidineuse, ce pulsionnel sans étayage pour dire ce que les larmes étouffent dans la gorge et qu’il faut expulser comme un cancer naissant. Ils sont trois sur scène. Ils pleurent, bien sûr, s’accrochent l’un à l’autre, s’éloignent un peu, se rejoignent à nouveau, se détachent et s’enlacent encore. Les larmes divines qui les inondent sont une source de renaissance infinie. Ils se vautrent et pataugent dans les flaques lacrymales comme des enfants. Et l’on retrouve là un propos très « emmanuelien » . Celui d’une nécessaire régression vers un passé vers un traumas, qu’il faudra dissoudre autant qu’il sera possible dans un discours, élément construit d’un langage qu’il soit vocal ou corporel. De belles images de ces trois là sur le plateau le suggèrent, le murmurent, le disent et finissent par le crier à l’encan. La maîtrise technique est inégale, le geste parfois flou, et si le trio fait parfois la paire, inutile de préciser qui manque à l’appel. Il y a dans ce qui a été présenté comme les prémisses d’un travail riche en devenir pour peu qu’il soit approfondi, enrichi et développé. Esquisse d’une esquisse…
Et comme toujours Dominique Guesdon aux lumières joue des contrastes et des oppositions. Un regret concerne la durée du spectacle qui nous a paru bien courte. Comme quoi d’une première partie à l’autre la notion du temps change…
Fort-de-France, le 19/05/2016
R.S.