Bicentenaire de la Dette d’Haïti : Reconnaissance, Réparations et Mémoire

— Par Jean Samblé —

Le 17 avril 2025 marquera le bicentenaire de l’ordonnance royale de 1825, par laquelle le roi Charles X a imposé à Haïti une indemnité exorbitante pour reconnaître son indépendance. Cette décision historique, qui a marqué un tournant dans les relations entre la France et Haïti, a entraîné une domination financière de la France sur Haïti pendant près d’un siècle, instaurant un mécanisme néocolonial d’exploitation qui pèse encore aujourd’hui sur les mémoires.

À cette occasion, la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME), en partenariat avec les Archives Nationales, organise un événement exceptionnel le 17 avril 2025 aux Archives Nationales, situées au 59 rue Guyemer à Pierrefitte-sur-Seine, pour revenir sur cet événement inouï et injuste. Cet événement permettra de reconnaître officiellement l’injustice historique de cette dette imposée à Haïti, une question qui n’a jamais été véritablement reconnue par l’État français, et qui a influencé les relations entre les deux pays pendant plus d’un siècle.

Programme de la manifestation du bicentenaire

  1. Exposition documentaire : Des documents originaux relatifs à l’indemnité de 1825 seront exposés, permettant au public de se confronter à l’ampleur de cet emprisonnement économique et historique imposé à Haïti. L’exposition présente également la FME avec son programme « Histoire de l’Esclavage » sous le hashtag #CESTNOTREHISTOIRE, afin de mieux comprendre les implications de l’esclavage et de la colonisation.
  2. Table-ronde scientifique : Une table-ronde réunira des chercheurs, des spécialistes et des auteurs de la Note de la FME n°4 intitulée « La double dette d’Haïti : une question actuelle ». Ce sera l’occasion d’un échange approfondi sur l’histoire de cette dette, ses répercussions à long terme sur Haïti et les questions contemporaines qu’elle soulève.
  3. Forum des associations : Un forum des associations permettra aux acteurs de la société civile, tant en France qu’en Haïti, de débattre des réparations historiques et de l’engagement de la France dans un processus réparateur en faveur du peuple haïtien. Ce moment d’échanges permettra également de donner la parole à des associations œuvrant pour la reconnaissance et la réparation des injustices historiques liées à l’esclavage et à la colonisation.

La question des réparations

Cet événement intervient dans un contexte où la question des réparations pour les ex-colonies françaises, et en particulier pour Haïti, revient régulièrement sur la scène publique. La FME appelle la France à reconnaître l’injustice unique que cette histoire représente et à s’engager dans une démarche réparatrice originale. Cela comprend une reconnaissance officielle de l’ampleur de la dette imposée à Haïti, mais aussi un engagement politique plus large pour aider Haïti à surmonter les héritages de cette dette.

Les réparations ne se limitent pas à des compensations financières, mais doivent également inclure des actions symboliques, culturelles et éducatives pour réparer les préjudices subis par le peuple haïtien. La FME appelle ainsi à une réparation morale, psychologique, éducative et économique, afin de remettre en question le passé colonial et néocolonial, et de permettre aux sociétés de reconstruire un avenir commun.

L’importance du geste français

Le bicentenaire de cette ordonnance est l’occasion d’un appel à un geste clair de la part de l’État français, en particulier après les révélations récentes concernant l’ampleur des paiements effectués par Haïti. La Fondation espère qu’un geste symbolique, voire concret, pourra être fait lors de cet événement, soulignant la responsabilité historique de la France et la nécessité de rétablir la justice.

En 2022, des enquêtes ont révélé que Haïti a payé l’équivalent de 560 millions de dollars en 2022 (490 millions d’euros) pour cette dette, soit un fardeau économique colossal. Ces chiffres viennent alimenter un débat plus large sur la reconnaissance des injustices coloniales et la mise en place de mécanismes de réparation.

Un débat public nécessaire

Cet événement du 17 avril 2025, organisé par la FME et les Archives Nationales, offre ainsi une occasion unique de revenir sur une page tragique de l’histoire franco-haïtienne, tout en ouvrant la voie à un débat public nécessaire sur les réparations. Il invite à un travail collectif et intergénérationnel, tant en France qu’en Haïti, pour réparer les torts du passé et construire un avenir plus juste.