— Par Lucien Pavilla* —
En 2015, la Martinique va faire face à une évolution institutionnelle majeure, la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) verra le jour. Cette collectivité cumulera les compétences du Conseil régional et du Conseil général, entre autres la lecture publique.
Si nous voulons atténuer la fracture numérique du « second degré » que subissent les populations et mettre en place un réseau de lecture publique dynamique, la question qui se pose et qui fait débat à laquelle les professionnels du livre et les pouvoirs publics devront répondre est de savoir comment les bibliothèques survivront dans cet environnement institutionnel.
La bibliothèque n’est plus uniquement un lieu de conservation du savoir, car l’inclusion numérique et le comportement des communautés agissantes bousculent les pratiques professionnelles. Elle a une mission fondamentale aujourd’hui qui est celle de l’apprentissage, de l’ouverture au monde et à la connaissance. Elle doit donc faciliter l’accès au savoir. Par conséquent, outil d’aide à la formation et à l’éducation, elle doit faire société et se placer comme levier du développement social de l’individu. Ainsi, après la famille et le travail, c’est le troisième lieu. Lieu qui s’entend comme un volet complémentaire dédié à la vie sociale de la communauté, et se rapporte à des espaces où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de façon informelle.
Les bibliothèques de Martinique, notamment celles du Département, sont au carrefour sans précédent de l’évolution des pratiques de lecture et elles subissent de plein fouet l’omniprésence voire l’omnipotence de l’information numérique. Elles doivent alors utiliser cette inclusion numérique pour réduire les inégalités, combattre la pauvreté, offrir des opportunités nouvelles à la population.
Deux intercommunalités se sont lancées dans un programme ambitieux de mise en réseau des bibliothèques de leur territoire respectif. Il est important de rappeler que la complémentarité entre équipements de proximité et équipements rayonnants renforce la place des établissements et crée une dynamique territoriale nouvelle.
Le Conseil général a lancé un programme de ré-informatisation de ses bibliothèques, c’est une étape clé dans la modernisation inéluctable des établissements. Mais il reste beaucoup à faire car un énorme retard a été pris, retard que devra immanquablement rattraper la CTM
.Lecture publique et inclusion numérique
Le besoin d’information reste vital et le Martiniquais doit pouvoir se retrouver dans la surabondance de l’information qui circule sur le Web. Nous vivons dans un monde où l’économie de l’attention et de la recommandation est primordiale, c’est dans cet esprit d’ailleurs qu’agissent les réseaux sociaux.
De plus, le cœur de métier du bibliothécaire aujourd’hui se situe au niveau de la recommandation, car les bibliothécaires ont les compétences informatiques informationnelles, donc les mieux placés pour recommander l’information la plus fiable.
Alors, face à cette réforme territoriale et à la nécessité de porter l’information au plus près de nos populations, la CTM devra, dans sa politique culturelle globale, intégrer la lecture publique en tenant compte de cette inclusion numérique qui bouleverse les pratiques. Dès lors, elle devra :
– affirmer le rôle de la Bibliothèque Schoelcher (BS) en tant que bibliothèque de référence en mettant en place un programme de restructuration, de modernisation et de réorganisation de l’établissement qui passera nécessairement par une réflexion sur les missions de la BS et de la Bibliothèque Départementale de Prêt (BDP)
– renforcer le rôle de la BDP non pas en augmentant les dessertes du bibliobus mais en créant un ensemble fusionné des missions (BS/BDP) pour consolider la mission de conservation de la mémoire collective, de lecture publique, et transformer ce nouvel établissement en agence de moyens et de services en matière d’action culturelle, de formation mais également d’expertise professionnelle.
Il est indéniable en effet, qu’au fur et à mesure que les réseaux de bibliothèques intercommunales vont se développer, entraînant une augmentation des établissements de proximité, l’apport du bibliobus départemental pour pallier le déficit de l’offre documentaire dans les communes sera de moins en moins nécessaire.
– inciter l’autre intercommunalité à développer un réseau de lecture sur son territoire en lui apportant le soutien financier nécessaire à la construction de nouveaux établissements et au fonctionnement de ces derniers,
– soutenir l’éducation au numérique comme grande cause territoriale en intégrant les bibliothèques dans le dispositif pour conduire le citoyen vers une autonomie et une responsabilisation de ses usages,
– accentuer la formation des personnels des bibliothèques du territoire en matière de médiation.
Ainsi, la CTM doit estimer que l’amélioration de l’accès à l’information et aux connaissances à tous les niveaux de la société, associée à la disponibilité des technologies de l’information et de la communication, contribuera à favoriser le développement durable et à améliorer la vie des gens. Elle doit s’engager dans les politiques publiques culturelles à faire en sorte que chaque individu ait accès aux informations nécessaires à ses besoins pour qu’il soit en mesure de comprendre, utiliser et partager l’information.
*Lucien Pavilla, conservateur des bibliothèques