« Benoît blues », un roman moderne

— Par Michel Herland —

Les éditions Mémoire d’encrier basées à Montréal, spécialisées dans les auteurs de la diaspora (souvent haïtiens ou d’origine haïtienne comme le directeur de la maison d’édition) et issus des peuples premiers nous offrent cette fois le premier roman d’un comédien noir de nationalité française.

C’est d’abord l’histoire de deux copains d’école, à Paris, soit Geoffrey, le petit Blanc dit « Petit Bâtard » et Benoît, le petit Noir dit « Petite Merde ». Qui grandissent et l’histoire deviendra alors triangle mais le lecteur ne l’apprendra que tardivement. Geoffrey a rencontré Édith, l’a épousée, ils forment un couple modèle avec une petite fille, une joyeuse bande de copains rencontrés à l’école d’architecture pour la plupart. Benoît n’a pas connu la même réussite, orienté vers l’enseignement technique il a fait un peu tous les métiers, de maçon à éducateur en passant par fleuriste ou musicien. Il a aussi fait l’acteur, comme l’auteur du roman dans la vraie vie mais l’on n’en saura pas davantage à ce sujet.

Dès le début, nous apprenons le suicide de Benoît, puis l’histoire semble s’orienter vers le récit idyllique de la famille de Geoffrey racontée par lui-même, un sujet qui ne peut pas demeurer passionnant longtemps, et de fait, peu à peu, le récit revient vers Benoît par le biais du journal qu’il a légué à Geoffrey. Pourquoi Édith semble-t-elle aussi touchée par la disparition de Benoît ? Et qui est cette mystérieuse Crapouille avec laquelle Benoît semble avoir entretenu une relation très particulière ?

Il serait cruel d’en dire davantage. Précisons simplement que Benoît Blues ne présente pas la configuration d’un triangle classique. Par contre il convient d’insister sur la modernité de l’écriture : des phrases courtes ; des expressions d’aujourd’hui (H24), souvent argotiques (babtou, bolosser, garo, ken, kiffer, reusse, venère) ; davantage d’alcool que de sexe, avec beaucoup de rhum martiniquais (Trois-Rivière, Neisson) et une larme de scotch (Glenmorangie). Le roman est campé dans l’actualité à l’occasion d’une rapide évocation des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Benoît Blues qui commence en douceur et prend parfois des allures de romance, se durcit de plus en plus au fur et à mesure qu’il avance et s’achève en sonnant la fin des illusions.

Jean-Christophe Folly, Benoît Blues, Montréal, Mémoire d’encrier, 2025, 258 p., 22 €.