— Par Natacha Polony —
D’après un sondage pour le Parisien, 58 % des jeunes de 18 à 24 ans se trouvent beaux. Natacha Polony regrette que dans la société contemporaine de l’apparence et de l’immédiateté, le narcissisme prime sur l’effort et l’humilité.
La croissance se fait encore attendre, la France se désindustrialise à une vitesse dramatique, des professions artisanales sont en voie de disparition faute de relève, mais une nouvelle est venue le 1er avril (sans la moindre ironie) illuminer ce sombre horizon.
«l’estime de soi progresse» alors que «l’humilité primait» dans l’éducation des générations précédentes.
Ce jour-là, Le Parisien publiait les résultats d’un sondage qui balaie soudain les analyses sociologiques les plus pessimistes: 58 % des jeunes de 18 à 24 ans se trouvent beaux. Oublions les mauvais coucheurs qui feront remarquer l’absurdité abyssale d’un sondage sur ce thème; les révélations sont là: 58 %, donc, contre 39 % pour les plus de 65 ans. Analyse d’un sociologue: «l’estime de soi progresse» alors que «l’humilité primait» dans l’éducation des générations précédentes.
Une telle information a de quoi surprendre. On nous explique depuis des années à grands renforts de livres, de tribunes d’universitaires et de préconisations ministérielles que l’éducation à la française, en particulier à travers son école, humilie les enfants et ne se soucie nullement de développer l’estime qu’ils peuvent avoir d’eux-mêmes. À travers les notes, les appréciations, la «conception verticale du savoir» qui le ferait descendre du professeur pour écraser les malheureux jeunes gens sous le poids de leur ignorance, l’école serait cette machine à humilier qui fabrique des adultes dépressifs et soumis, et non «winners» optimistes et créatifs. Et tout à coup, l’on découvre une jeunesse satisfaite d’elle-même et de cette apparence qui prend dans une société de l’image une place démesurée. Un tel constat est à mettre en rapport avec le développement d’un mot dans le vocabulaire adolescent, celui de «populaire». L’alpha et l’oméga d’une jeunesse réussie passent désormais par cette condition, être «populaire», notion dans laquelle l’apparence physique, justement, n’est pas un critère accessoire.
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Natacha Polony est chroniqueuse au Figaro. Son dernier livre, «Ce Pays qu’on Abat», est paru en 2014 aux éditions Plon.